A noter que Maurice Ravel, malgré son patriotisme, ne tombe pas dans un nationalisme
outrancier. Dans une lettre du 7 juin 1916, il justifie son refus d’adhérer à la Ligue nationale
de la défense de la musique française : « Je ne crois pas que « pour la sauvegarde de notre
patrimoine artistique national » il faille « interdire d’exécuter publiquement en France des
œuvres allemandes et autrichiennes contemporaines non tombées dans le domaine public. »
[…] Il m’importe peu que M. Schönberg, par exemple, soit de nationalité autrichienne. Il n’en
est pas moins un musicien de haute valeur, dont les recherches pleine d’intérêt ont eu une
influence heureuse sur certains compositeurs alliés, et jusque chez nous. »
II) Les péripéties du « pilote » Ravel
Affecté dans les services automobiles, Ravel reste loin du
front, en région parisienne, pour se former à l’art de la
conduite. Après ce temps d’apprentissage et le passage
par divers parcs automobiles, il gagne l’est de la France,
le 10 mars 1916. Le 12 mars, il rejoint sa première
affectation : la section T.M. 171 cantonnée à Bar-le-Duc.
Il se met au volant d’un camion de 2 tonnes 500 qu’il
baptise Ariès. Rapidement ce premier véhicule est hors
service, et dès le 24 mars 1916 il s’assied au siège
conducteur d’une camionnette Panhard avec laquelle il
rayonne à 25 kilomètres autour de Bar-le-Duc. Il fait
connaissance avec le quotidien parfois pénible de «
routier » : crevaison, conduite dans un état d’épuisement
avancé, froid, accident…
Le 13 avril 1916, Maurice Ravel est versé dans une unité
plus proche du front, l’ambulance 13. L’homme est animé
du désir de connaître la vraie guerre, celle des tranchées. Cette mutation le réjouit, même si
elle ne dépasse pas une dizaine de jours. A cette occasion, hébergé dans un château, il se
remet à la musique avec le piano de la demeure.
Entre le 5 et le 13 mai 1916, rattaché au parc de
réparation du 75, Maurice Ravel vit l’une de ses
aventures les plus marquantes de la guerre. Tombé en
panne avec sa camionnette Adélaïde, apparemment
dans la forêt de Marre, Maurice Ravel attend de
longues journées la venue d’une équipe de dépannage.
Bien que ne manquant de rien du fait de la présence à
proximité des cuisines d’un campement de camions, il
mène l’existence de ce qu’il nomme lui-même dans ses
lettres : « un Robinson plus moderne ».
Pendant trois mois, Maurice Ravel séjourne à
Chamouilley (Haute-Marne), dans l’attente de la
réparation de sa camionnette. Une permission à Paris
en août lui permet de rompre avec la pesante inactivité.
En septembre 1916, après une véritable bataille