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Dans l’édition de Perspective du mois dernier,
nous avons hasardé l’opinion selon laquelle le
dollar américain avait atteint un sommet et pour-
rait être entré dans une phase de repli important
vis-à-vis d’un bon nombre de devises, y compris
le dollar canadien. Continuons donc sur la
même ligne de pensée et soyons précis : De com-
bien le dollar américain pourrait-il se replier par
rapport au dollar canadien ?
Comme indiqué par le commentaire d’Alan
Greenspan ci-dessus, c’est une question qui doit
être abordée avec beaucoup de prudence. Mais
pour ceux qui comme nous pensent que le dollar
canadien est fondamentalement sous-évalué, il
existe quelques points de références qui peuvent
aider à mesurer le potentiel de hausse par rapport
à son homologue américain.
Nous avons abordé ce sujet le mois dernier en
décrivant l’analyse du magazine « The
Economist » sur la standardisation économique.
Une fois par an, les journalistes de ce magazine
essayent de mesurer le pouvoir d’achat relatif de
plusieurs devises en fonction d’une enquête
visant à définir le coût d’un produit standardisé,
en l’occurrence le hambourgeois Mc Donald, à
travers le monde.
Selon cette mesure, le dollar canadien était sous-
évalué d’environ 15 % au moment de l’enquête
du magazine « The Economist ». En d’autres
termes, alors que le dollar canadien se négociait
à 63,7 cents par dollar US, il s’établissait à un
niveau de 15 % inférieur à celui du taux de
75 cents déterminé comme étant la parité de
pouvoir d’achat du hambourgeois. Au taux de
75 cents, le hambourgeois canadien se situerait
exactement au même niveau que son homo-
logue américain.
LE MONDE SELON BILL STERLING
WILLIAM STERLING STRATÈGE MONDIAL
Source: Datastream
MARGE DE REMONTÉE ?
ANNÉE
100
95
90
85
80
75
70
65
60
Cents US par dollar canadien
1985 1990 1995 2000
Tableau 1. Même après une légère remontée par rapport au dollar améri-
cain, le dollar canadien a perdu environ 27 % de sa valeur depuis 1991.
Jusqu'où ira le dollar canadien ?
« M’étant efforcé de prévoir les taux de change pendant plus d’un
demi-siècle, j’ai, de façon compréhensible, développé une grande
humilité s’agissant de mes capacités en la matière. » Alan Greenspan
30 novembre 2001
PERSPECTIVE DE JUIN AU 31 MAI 2002 PAGE 5
Si l’indice Mc Donald est une indication quel-
conque, l’amorce de remontée du dollar canadien
pourrait avoir encore pas mal de chemin à
parcourir. Le tableau 1 montre que, malgré sa
remontée récente, le dollar canadien est toujours
27 % en dessous de son niveau de négociation
par rapport au dollar américain de 1991, et bien
en dessous du niveau moyen de 76 cents qui
prévalait depuis 1980.
Au-delà de la standardisation économique
Il est certain que l’enquête du magazine « The
Economist » est simplement une tentative
goguenarde d’évaluation du principe économique
classique de « la loi du prix unique ». Ce
principe veut que les prix dans un pays ne puis-
sent pas s’éloigner de trop des prix d’un même
article dans un autre pays. En pratique, des diver-
gences de prix existent bien évidemment, et
quelquefois perdurent sur plusieurs années. Ceci
est particulièrement vrai pour des produits
locaux, comme le hambourgeois, qui ne font pas
l’objet d’un commerce inter-frontalier intense.
Il est tout de même intéressant de noter que cette
enquête simpliste du magazine « The Economist »
a souvent correspondu de près à d’autres
enquêtes plus sérieuses sur la parité du pouvoir
d’achat ayant essayé de comparer le pouvoir
d’achat de différentes devises en fonction d’un
panier important de marchandises et de services.
Pour obtenir une image plus fidèle des niveaux
de prix relatifs d’un pays à un autre, nous utilisons
une méthode développée par le Fonds moné-
taire international. Selon cette méthode, nous
obtenons une évaluation de la parité de pouvoir
d’achat à un taux de change de 80 cents pour un
dollar américain.
Chose intéressante, ce niveau est près de celui de
l’estimation faite par « The Economist », et laisse
à penser que le dollar canadien est toujours
sous-évalué de 18 %. Cette évaluation se fonde
sur la comparaison des indices des prix à la
consommation des deux pays sur leurs moyennes
à long terme. Elle se fonde également sur
l’hypothèse que sur de longues périodes, disons
20 ans, les marchés arrivent à un taux de change
à peu près correct en termes de nivellement des
prix inter-frontaliers.
Selon cette analyse, comme le montre le tableau 2,
la valeur intrinsèque du dollar canadien (du
moins en termes de pouvoir d’achat relatif) a
progressé depuis 1991. Ceci en raison du fait que
l’inflation au Canada a été inférieure à celle des
États-Unis depuis cette date. Ce qui fait suite à
une période (les années 80) au cours de laquelle
la valeur intrinsèque du dollar canadien s’est
écroulée, parce que l’inflation était beaucoup
plus élevée au Canada qu’aux États-Unis.
De toute évidence, les marchés des changes
internationaux ont accordé peu de crédit au
Canada pour l’amélioration de ses données
fondamentales au cours de la dernière décennie,
car le taux de change réel à continué à baisser.
(L’écart du taux de change réel par rapport au
niveau suggéré par la parité de pouvoir d’achat
est indiqué sur le tableau 3.) Ayez pitié des
Jusqu'où ira le dollar canadien ? (suite)
LE MONDE SELON BILL STERLING
Source: Datastream, CI Global Advisors
ÉVALUATION DE LA PARATIÉ DE POUVOIR D’ACHAT DU $ CA
ANNÉE
84
82
80
78
76
74
72
Cents US par dollar canadien
1985 1990 1995 2000
Tableau 2. En fonction de la parité de pouvoir d’achat (PPA), le dollar canadien
devrait de négocier aux environs de 80 cents américains. La valeur de PPA du
dollar canadien a progressé depuis 1991 en raison d’une inflation plus faible
au Canada.
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hommes politiques que les médias ont diffamé
pour avoir laissé le dollar canadien chuter en
dépit d’une inflation beaucoup plus faible, de
surplus budgétaires et de l’émergence d’un
important surplus commercial.
La principale raison du repli du dollar canadien
était simple. Malgré des données fondamentales
en amélioration, les capitaux sortaient en masse
du Canada pour tirer parti des tendances
économiques qui semblaient être beaucoup plus
prometteuses au sud de la frontière, compte tenu
de l’explosion économique américaine. Durant
cette forte expansion économique, les États-Unis
ont été une sorte d’aimant des capitaux, ayant
pour résultat de faire monter de façon spectacu-
laire le dollar américain par rapport à pratique-
ment toutes les devises, et pas seulement le
dollar canadien.
Vigueur canadienne ou faiblesse américaine ?
Dans un sens, ce n’était pas la faiblesse du dollar
canadien à proprement parler, mais plutôt la
vigueur du dollar américain qui fut la principale
force derrière une telle sous-évaluation du dollar
canadien. L’inversement de tendance qui parait
maintenant se dessiner a exactement l’effet con-
traire, il s’agit d’une faiblesse générale du dollar
en réaction à un nombre d’évènements dont
nous avons parlé le mois dernier.
La liste de facteurs sapant maintenant le dollar
américain est longue et s’allonge encore. Elle
comprend les importants déficits commerciaux
et des comptes courants, la résurgence de déficits
budgétaires au niveau fédéral et des états, les ren-
dements décevants des capitaux sur les marchés
financiers américains dus à la faiblesse des taux
d’intérêt et au faible rendement des actions, ainsi
que les problèmes de confiance affectant les
épargnants. Les problèmes de confiance ne sont
pas uniquement liés aux scandales relatifs aux
pratiques comptables ou des chefs d’entreprise,
ils sont également liés à une pléthore de déci-
sions controversées de l’administration Bush à
propos de problèmes de commerce international
comme celui du bois d’œuvre, de l’acier ou des
subventions agricoles. Les craintes de conflits
font aussi partie du décor, car les États-Unis
doivent financer la guerre au terrorisme à l’aide
de leurs propres ressources alors que cela n’avait
pas été le cas pour la guerre du Golfe.
Dans un tel environnement, comme nous
l’indiquions le mois dernier, ils existent des ana-
lystes qui croient que le dollar américain devra
chuter de pratiquement 40 % par rapport aux
devises de ses principaux partenaires commerci-
aux, au rang desquels le Canada est le premier.
Nous avons exprimé l’opinion selon laquelle un
fort soutien de la part de la Chine et du Japon
pourrait aider à un atterrissage en douceur du
dollar avec un repli global d’environ 10 % au
cours de l’année à venir. Ceci dit, l’hypothèse
d’une faiblesse plus prononcée du dollar améri-
cain ne peut pas, en tout état de cause, être
écartée.
Jusqu'où ira le dollar canadien ? (suite)
LE MONDE SELON BILL STERLING
Source: Datastream, CI Global Advisors
ÉCART DU $ CA PAR RAPPORT À LA PARATÉ DE POUVOIR D’ACHAT
ANNÉE
30
20
10
0
-10
-20
-30
(vs $ US, en pourcentage)
$ CA, surévalué
$ CA, sous-évalué
1985 1990 1995 2000
Tableau 3. Même après la remontée du début d’année, le dollar canadien continue
à se négocier 18 % en dessous de la valeur de parité de pouvoir d’achat estimée à
80 cents US.
PERSPECTIVE DE JUIN AU 31 MAI 2002 PAGE 7
Jusqu'où ira le dollar canadien ? (suite)
LE MONDE SELON BILL STERLING
Avertissement – Ceci pourra prendre plusieurs
années.
Il est extrêmement important de noter que de
grands écarts par rapport à la parité de pouvoir
d’achat peuvent prendre des années à se former
et des années avant d’être corrigés. Le fait que le
dollar canadien soit sous-évalué de 18 % selon la
parité de pouvoir d’achat (PPA) ne signifie pas
qu‘il va remonter de 18 % le mois prochain ou
même l’année prochaine. Le consensus parmi
les chercheurs académiques est que la vitesse de
convergence des taux de PPA est relativement
lente, avec une réduction d’environ 15 % de l’é-
cart pour une année normale. Dit différemment,
il faut environ 4 ans pour réduire de moitié les
écarts de taux de PPA des nations industrialisées.
Les décideurs n’aiment pas voir la devise de leur
pays monter ou descendre trop rapidement. Une
variété de forces compensatoires, qui peuvent
ralentir l’ajustement des taux de change, ont
donc tendance à agir.
Toutefois, il vaut aussi la peine de noter que les
taux de change peuvent dépasser, et souvent le
font, leur valeur de PPA dans un sens ou dans un
autre. Une fois donc qu’une tendance se dessi-
nera pour corriger la sous-évaluation du dollar
canadien, il ne serait pas surprenant que celui-ci
soit surévalué pour un temps, comme cela a été
le cas à la fin des années 80.
Un dernier avertissement est que même si le
dollar canadien est sous-évalué par rapport au
dollar américain, cela ne signifie pas qu’il soit
sous-évalué par rapport à toutes les devises
principales. Comme l’indique le tableau 4, selon
les estimations de la Deutsche Bank, le dollar
canadien est actuellement légèrement surévalué
par rapport à l’euro (4 %) et au dollar australien
(5 %), tout en étant sous-évalué par rapport au
yen (13 %) et à la livre sterling (13 %).
En conclusion, nous continuons à nous tenir à
l’écart du dollar américain et du yen japonais
dans nos fonds et privilégions l’euro et certaines
devises sélectionnées des marchés émergents.
En nous fondant sur notre opinion au sujet
des devises, nous continuons à croire que les
fonds communs largement diversifiés à l’interna-
tional enregistreront probablement de meilleurs
résultats que les fonds américains au cours de
l’année à venir, alors que les fonds d’obligations
internationales obtiendront des résultats relative-
ment bons par rapport aux fonds d’obligations
nationaux.
Pour finir, si vous avez des projets de vacances à
l’étranger, il est peut-être temps de songer à
l’Europe continentale ou à la Scandinavie.
Attendez plutôt l’année prochaine pour vos
vacances aux États-Unis.
William Sterling, Stratège mondial,
CI Global Advisors LLP
LE DOLLAR CANADIEN N’EST PAS SOUS-ÉVALUÉ
PAR RAPPORT À TOUTES LES DEVISES
Devise (vs $ CA) cours au Estimation % de sur/
31 mai 02 de PPA sous-évaluation
Dollar US 0,65 0,80 -18,2 %
Euro 0,70 0,67 4,2 %
Yen japonais 81,31 93,36 -12,9 %
Livre sterling 0,45 0,52 -12,9 %
Dollar australien 1,15 1,10 5,3 %
Tableau 4. Le dollar canadien n’est pas uniformément sous-évalué par rapport
aux principales devises et semble même légèrement surévalué par rapport à
l’euro et au dollar australien.
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