n° 1 fiche médecine du sport Sous la responsabilité de ses auteurs P. Le Goux* Pathologie du long biceps et séquelles des traumatismes de l’épaule Plusieurs tableaux cliniques sont possibles : épaule douloureuse simple chronique, épaule pseudo-paralytique (bien connue) et limitation de l’élévation antérieure passive. • La douleur du tendon du long biceps est de topographie antérieure avec une irradiation dans le corps musculaire. Le signe de la “boule”, ou signe de Popeye, est évocateur d’une rupture du tendon. Certains tests cliniques doivent être classiquement recherchés, mais ils manquent de spécificité : ce sont le palm-up test, le test de O’Brien et le test de Yergason. Sur les plans physiopathologique et anatomique, on relève : – des lésions du long biceps généralement constatées dans le cadre d’une pathologie de la coiffe des rotateurs qui, macroscopiquement, se traduisent le plus souvent par une tendinite ; – un taux de lésions du long biceps proportionnel à l’étendue des lésions de la coiffe, notamment du sus-épineux, qui peut se chiffrer de la manière suivante : 70 % pour les lésions de stade 1, 80 % pour celles des stades 2 et 3, et 90 % pour celles de stade 4 ; – un tendon hypertrophique, dans certains cas, voire un état de prérupture ou de rupture, de subluxation ou de luxation. • Les tendinites dites hypertrophiques résultent d’atteintes traumatiques ou microtraumatiques à répétition. L’hypertrophie siège principalement à la partie intra-articulaire du tendon (lésion en sablier) et empêche le glissement normal dans la gouttière lors des mouvements du bras. Elle ne doit pas être confondue avec une raideur d’épaule de type capsulite. Il s’agit d’un véritable blocage mécanique dont le traitement est essentiellement chirurgical. • Les subluxations se définissent comme une perte de contact partielle et transitoire entre le tendon et sa gouttière. Les instabilités tendineuses sont souvent médiales et liées à une lésion de la poulie. À un degré 1. Bourrelet glénoïdal 2. Échancrure glénoïdale 3. Tendon du chef long du biceps 4. Capsule 5. Ligament coraco-huméral 6. Ligament gléno-huméral supérieur 7. Ligament gléno-huméral moyen 8. Ligament gléno-huméral inférieur 9. Processus coracoïde 10. Épine scapulaire 11. Tubercule infraglénoïdal (tubérosité sous-glénoïdienne) ; insertion du tendon du triceps Figure 1. Vues anatomiques du tendon du long biceps. * Rhumatologue médecin du sport, praticien attaché à l’hôpital Ambroise-Paré ; médecin de la Fédération française de tennis, consultant à l’Institut national du sport et de l’éducation physique. F I C H E À D É C O U P E R Le tendon du long biceps (figure 1) est souvent impliqué dans les suites d’un traumatisme de l’épaule, son atteinte faisant partie intégrante de la pathologie de la coiffe des rotateurs dans la majorité des cas. Des symptômes résiduels tels que la douleur, voire la limitation fonctionnelle, peuvent être dus en partie à une lésion de ce tendon. La mise en œuvre d’un examen clinique précis et d’explorations complémentaires adaptées permet de mieux comprendre et traiter la pathologie du long biceps. La Lettre du Rhumatologue • n° 343 - juin 2008 | I E R (lésion en sablier, instabilité, rupture) répondent, quant à elles, à un traitement qui est plus d’ordre chirurgical : sachant que le rôle fonctionnel du long biceps reste controversé, elles font, à l’heure actuelle, l’objet d’une résection de la portion intra-articulaire du tendon associée à une ténodèse ou à une ténotomie effectuée sous arthroscopie. En ce qui concerne les lésions SLAP, la réinsertion du labrum donne des résultats aléatoires. Cependant, le niveau d’activité sportive du patient est à prendre en compte dans la décision thérapeutique. N O C É D À E des traumatismes de l’épaule. In : Rodineau J, Rolland E, eds. Séquelles des traumatismes articulaires chez les sportifs. 25e Journée de traumatologie du sport de la Pitié-Salpêtrière. Paris : Elsevier-Masson, 2007:9-16. H + Pelegri C, Boileau P. Le long biceps : une séquelle fréquente C Pour en savoir plus… I Si la radiographie standard semble peu contributive, elle peut montrer des calcifications ou des ostéophytes dans la gouttière. L’échographie dynamique met parfois en évidence des lésions d’instabilité du tendon. Seuls l’IRM et surtout l’arthro-IRM ou l’arthroscanner sont capables d’analyser précisément les lésions du long biceps. In fine, la corrélation entre les examens de contraste et l’arthroscopie paraît satisfaisante pour l’étude de la position du tendon du muscle long biceps par rapport à sa gouttière, mais les lésions morphologiques du tendon (délaminations ou préruptures) sont parfois sous-estimées par l’imagerie. Le traitement des lésions du tendon du long biceps est essentiellement médical en cas de formes avec tendinopathie pure (AINS, physiothérapie antalgique, infiltrations, etc.). Les pathologies avec blocage mécanique U P Quelles sont, en fonction du contexte clinique, les explorations à effectuer en imagerie ou en arthroscopie ? Quelle prise en charge adopter face à des séquelles douloureuses du long biceps ? Figure 2. Geste armé au tennis. Mise en tension du long biceps. F fiche médecine du sport n°1 supplémentaire, les luxations sont également médiales et se produisent le plus souvent en avant du muscle sous-scapulaire. Cliniquement, elles se traduisent par la mise en tension du tendon (faux signe de Popeye), pouvant faire évoquer à tort une rupture du tendon. À l’examen, on note une vacuité de la gouttière à la palpation et une mobilisation douloureuse du tendon existe. • Les ruptures sont quasi systématiquement associées à une lésion de la coiffe, même si cette dernière est non symptomatique initialement. On peut aussi avoir affaire à une rupture dite “salvatrice” mettant fin à un tableau douloureux chronique. • Les lésions isolées du tendon du long biceps, plus rares, sont l’apanage des patients sportifs (figure 2), qui sollicitent beaucoup leur épaule par microtraumatismes répétés (sports de lancer) et dont la prise en charge est essentiellement médicale. Les luxations du tendon sont, dans ce cadre, presque toujours associées à une lésion du tendon sous-scapulaire et les ruptures se manifestent de manière réellement isolée dans 10 % des cas. La prise en charge peut être chirurgicale chez un patient jeune ou symptomatique. • À un degré plus important, les lésions du tendon du long biceps peuvent interférer dans la pathologie du labrum ou du bourrelet glénoïdien : – il faut rappeler que le bourrelet glénoïdien est en rapport étroit avec l’insertion haute du long biceps au niveau du tubercule sus-glénoïdien, la lésion la plus fréquente étant la lésion SLAP (lésion isolée du complexe labrobicipital) de type 2 ; – les microtraumatismes en position d’armé (abduction et rotation externe maximale) chez les sportifs de lancer sont pourvoyeurs de ce type de lésions et peuvent être associés à une pathologie d’instabilité du bourrelet dans le cadre d’une épaule douloureuse avec tests d’examen évocateurs d’une lésion SLAP : test de O Brien, biceps “load” de Kim, anterior slide test de Kibler, etc., sans aucune certitude formelle ; – deux mécanismes traumatiques particuliers peuvent intervenir, à savoir un traumatisme brutal en compression ou un traumatisme en traction sur la longue portion du biceps. • Enfin, dans les suites de fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus, la portion intra-articulaire du long biceps peut être anatomiquement impliquée. Des séquelles douloureuses sont parfois possibles par incongruence mécanique (cal vicieux après immobilisation orthopédique) avec apparition d’une ténosynovite. II | La Lettre du Rhumatologue • n° 343 - juin 2008