NACO: Quelles conséquences dans nos prises en charge ?
Lionel Leroux
CHU de Bordeaux
Introduction :
Dans le domaine de lʼanticoagulation, les maladies ne changent pas, les patients sont
les mêmes et les questions sans réponse persistent. Cependant, lʼarrivée des nouveaux
anticoagulants oraux (NACO) implique lʼacquisition de nouvelles connaissances,
notamment pharmacocinétiques, de façon à continuer à prendre en charge nos patients
de façon optimale. Les conséquences de lʼarrivée des NACO dans nos prises en
charges sont différentes selon que lʼon sʼadresse à un patient traité ou bien à un
patient que lʼon se doit dʼanticoaguler mais jusque-là non traité.
Les connaissances minimales sont les noms de ces médicaments, leur mode dʼaction,
leurs indications, contre-indications, posologies, vitesse dʼapparition de lʼefficacité, demi-
vie plasmatique, modes dʼélimination et caractère dialysable ou non.
Chez le patient déjà traité par NACO et avant toute chose, en effet, il faut connaitre les
noms de ces médicaments pour pouvoir les repérer sur lʼordonnance. Actuellement sont
commercialisés le Pradaxa (FA), le Xarelto (FA et EP) et, depuis peu lʼEliquis (FA). En
effet, même si les patients bénéficient dʼune éducation thérapeutique, rares sont ceux,
qui en urgence, déclareront spontanément être sous anticoagulants. Cela constitue une
évolution par rapport aux AVK avec lesquels les patients sont obligés de se
rendre régulièrement au laboratoire, de surveiller leur alimentation et dʼajuster la
posologie avec leur médecin traitant. Lʼordonnance devient le seul repère permettant
dʼidentifier les patients déjà anticoagulés. Il faudra ensuite questionner le patient sur son
observance, lʼheure de la dernière prise de la molécule et ses derniers résultats
dʼanalyse biologique (niveau de lʼHémoglobine et de la créatininémie). On pourra ainsi
en déduire grossièrement le niveau de lʼanticoagulation au moment de la prise en
charge et agir en conséquence (contre-indication à une fibrinolyse ? à une chirurgie en
urgence ? etc…). Il faut savoir aussi si le médicament est disponible dans la structure
dʼaccueil, car dans le cas contraire, en préhospitalier il est bon dʼemporter avec le
patient, la boîte de NACO, de façon à éviter les modifications thérapeutiques
inopportunes. Enfin, il faut rechercher dans lʼordonnance les médicaments qui
nécessitent une précaution dʼemploi en association avec les NACO (Amiodarone,
vérapamil, antiépileptiques, antiviraux, mais aussi antiagrégants plaquettaires, AINS…)
En hospitalisation, pour un patient déjà traité par NACO, il est important de savoir tirer
des informations des bilans biologiques disponibles. Le seul test biologique validé
permettant de connaitre le niveau de lʼanticoagulation sous NACO est lʼhémoclot. Il doit
être demandé spécifiquement. Sʼil nʼest pas disponible dans la structure dʼaccueil, alors
il faut savoir que lʼINR ne doit jamais être interprété. Par contre le ratio TCA et le TP
peuvent avoir un intérêt, notamment en situation hémorragique. Ils peuvent également
donner un aperçu de lʼobservance thérapeutique,mais en aucun cas, ils ne doivent
conduire à une adaptation thérapeutique. Bien sûr, le bilan sʼaccompagne toujours
dʼune évaluation rénale, hépatique et dʼune NFS. Toute perturbation inexpliquée du bilan
de coagulation chez un patient ne prenant pas dʼAVK, doit nous faire revenir à la
recherche de NACO dans le traitement au long cours.
En situation non-hémorragique, la demi-vie courte de ces médicaments par rapport aux
AVK va obliger lʼurgentiste à prendre rapidement une décision de soit continuer le
NACO, en réévaluant quelques fois la posologie, soit choisir un relais par une héparine.
Il est donc crucial de connaître les règles simples du changement dʼun médicament pour
un autre : débuter le relai héparinique au moment de la prochaine prise orale du NACO
prévue. Si le NACO est continuer mais, que du fait dʼune situation particulière, une prise
a été sautée, il faut connaitre la règle des 6h pour les NACO pris deux fois par jour : si
retard de prise de moins de 6h : on rattrape la prise. Si plus de 6h de retard, alors, on
attend la prochaine prise. Cette règle passe à 12h pour les NACO pris une fois par jour.
Dans tous les cas, on ne prescrira jamais de double dose. Il est également important de
savoir à quelle distance de lʼarrêt des NACO, il devient possible de réaliser une
intervention non urgente selon son risque hémorragique : 24h si faible risque
hémorragique et fonction rénale normale (cathétérisme cardiaque, fibroscopie gastrique
ou bronchique) et 72h si risque hémorragique élevé ou patient insuffisant rénal.
Dans le cas du syndrome coronaire aigu (SCA), une anticoagulation préalable efficace
par NACO contre-indique la fibrinolyse comme sous AVK. Lʼhéparine doit être discutée
au cas par cas selon la dernière prise du médicament. On peut proposer de la réaliser si
la dernière prise remonte à 6h pour un NACO pris deux fois par jour et 12h pour un
NACO pris une fois par jour. Il nʼy pas de modification de lʼattitude thérapeutique pour ce
qui est des antiagrégants plaquettaires oraux. Par contre, il faudra savoir éviter dans la
mesure du possible les antiGP2b3a. La question nʼest pas résolue pour ce qui est de la
bivalirudine (Angiox). Dans tous les cas, il conviendra dʼinterrompre la prescription de
NACO et de la signaler lors du transfert en service de cardiologie. Après le SCA, si une
antiagrégation doit être associée, cʼest le Pradaxa 110mg deux fois par jour qui sera
recommandé. Une protection gastrique par IPP est probablement importante dans ce
cas.
Dans le cadre dʼune FA mal tolérée chez un patient traité par NACO, un choc électrique
externe (CEE) est possible si le patient assure prendre son traitement depuis au moins
3 semaines. Il est conseillé de rajouter cette notion et les conséquences possibles dʼun
CEE en cas de défaut dʼobservance, dans le consentement que lʼon fait signer au
patient avant le choc électrique.
Chez le patient non anticoagulé, deux situations peuvent nous amener à prescrire un
NACO : La Fibrillation Auriculaire et lʼEmbolie Pulmonaire.
Dans le cas du patient pris en charge en urgence pour une FA de novo bien tolérée,
lʼanticoagulation par NACO peut être débutée immédiatement après réception du bilan
biologiqu (fonction rénale, hépatique, NFS, TSH, BNP, etc ...). On sʼassurera de
lʼabsence de souffle cardiaque ou dʼantécédent de chirurgie valvulaire. Le choix de la
molécule et sa posologie sont de la responsabilité du prescripteur qui doit donc bien
connaitre ces dicaments. En particulier il est important de connaitre les autres
traitements au long cours (Aspirine, Cordarone, AINS…). Une éducation
thérapeutique simple et claire doit être réalisée, un courrier doit prévenir le médecin
traitant et une prévention des saignements digestifs par IPP doit systématiquement être
discutée. Mais surtout, si un bilan cardiologique nʼest pas réalisable immédiatement, et
comme avec les AVK, le patient doit être référé à un cardiologue pour un bilan
spécialisé avec au moins une échocardiographie dans des délais raisonnables. Ce sera
alors son rôle de passer le patient sous AVK sʼil estime que finalement, il sʼagit dʼune FA
valvulaire. Enfin, le patient doit sortir avec une ordonnance lui permettant de vérifier NFS
et Créat à un mois. Il incombera par la suite au médecin traitant de réaliser une
surveillance biologique, au moins une fois par an mais en général tous les 3 mois. Dans
ce cas, une hospitalisation nʼest pas nécessaire. Dans le cadre dʼune FA mal tolérée,
une hospitalisation est indiquée avec héparinisation classique.
Enfin, pour ce qui est de lʼembolie pulmonaire, seul le Xarelto a actuellement lʼAMM. Il
peut être débuté rapidement et devrait donc sensiblement diminuer la durée de
lʼhospitalisation. Il faut cependant être familiarisé avec le protocole spécifique dans ce
cas (15 mg deux fois par jour pendant 3 semaines puis 20 mg par jour une fois par jour).
Conclusion : Les NACO sont déjà incontournables dans notre pratique quotidienne et
vont se généraliser dans les années qui arrivent. La clef de la qualité de notre prise en
charge repose sur la connaissance de ces médicaments et donc sur la « formation
continue ».
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