Méthode
Nous avons réalisé une enquête qualitative du 1/07/2012 au
30/10/2012, auprès de patients de plus de 18 ans consultant
leur MG pour renouveler un traitement uni ou plurimédica-
menteux, prescrit de façon continue depuis au moins un an.
Ces patients étaient indemnes de troubles cognitifs connus
et parlaient couramment le français. Ils ont été sélectionnés
par l’investigatrice, médecin généraliste remplaçante, dans
5 cabinets de médecine générale situés en milieu rural, semi-
rural et urbain, de la Loire et Haute-Loire (France), lors d’une
consultation au cabinet ou à domicile.
Un échantillonnage raisonné a été effectué en recherche de
variation maximale, selon les variables suivantes : âge, genre,
milieu de vie (rural, semi-rural, urbain), niveau socio-écono-
mique, prescription pour une ou plusieurs affections ou fac-
teurs de risques, ALD ou non, mono- ou plurimédication, an-
cienneté du traitement. Les entretiens ont été conduits au
domicile des patients, enregistrés par l’investigatrice sur dic-
taphone numérique avec leur autorisation et sous couvert
d’anonymat, puis intégralement retranscrits sous Word™.
Une analyse manuelle de contenu a été réalisée par l’inves-
tigatrice et le dernier auteur.
Le guide d’entretien, élaboré à partir des données bibliogra-
phiques, comprenait une présentation de l’investigatrice, un
recueil des données sociales du patient et la vérification par
ce dernier de son traitement chronique ; puis les attentes du
patient concernant la consultation de « renouvellement de
l’ordonnance », le suivi des pathologies chroniques, sa per-
ception du rôle du médicament, son vécu des modifications
éventuelles de l’ordonnance, ses souhaits concernant des
traitements autres que médicamenteux. Le guide a été
ajusté après les trois premiers entretiens pour faciliter sa
compréhension.
Une déclaration à la CNIL a été effectuée le 15/06/2012.
Résultats
Quinze patients ont été interviewés : 7 femmes, 8 hommes
(tableau 1). La saturation théorique des données a été obte-
nue au treizième entretien, deux entretiens supplémentaires
ont été réalisés pour le confirmer. Chaque retranscription
d’entretien a été soumise au patient concerné pour recueillir
son avis. En moyenne, ces patients prenaient un traitement
chronique depuis 11 ans (2 à 30 ans). Ils étaient suivis par
leur MG traitant depuis 10 ans en moyenne (2 à 35 ans).
Une consultation ritualisée
Pour la plupart des patients, la consultation visant à renou-
veler leur traitement chronique est apparue très stéréotypée,
« traditionnelle » (entretien, examen clinique, prescription) et
ils s’y soumettaient sans appréhension. Ils pensaient que
l’entretien avec leur MG permettait de « faire le point et le
bilan » des événements survenus depuis la dernière
consultation. Ce moment, que certains jugeaient « bref »,
était aussi opportun pour discuter des résultats des examens
biologiques précédemment prescrits. La majorité jugeait sa-
tisfaisant le rythme de cette consultation, le plus souvent
trimestriel ou quadrimestriel (certains auraient souhaité un
intervalle plus long).
L’examen médical, jugé incontournable par la plupart, devait
être « complet » selon eux : auscultation cardiaque, pulmo-
naire, palpation abdominale, pesée, mesure de la pression
artérielle « primordiale », considérée parfois comme « seul
but » de la consultation, notamment pour les patients hyper-
tendus.
Dans la majorité des cas, l’obligation de prendre un véhicule
pour se rendre en consultation ne semblait pas poser pro-
blème, personnes âgées incluses ; mais la distance maxi-
male parcourue n’était que de 15 km pour ces patients.
Évoquer des problèmes de santé
au-delà du renouvellement d'ordonnance
La plupart des patients pensaient que cette consultation allait
au-delà de leur maladie chronique : problèmes rhumatologi-
ques, infectieux aigus, prévention, sur proposition du MG ou
du patient (vaccinations, frottis, conseils d’hygiène de vie :
alimentation, sommeil), parfois des solutions pour éviter des
traitements psychotropes... Il arrivait que le renouvellement
d’ordonnance soit anticipé par le MG alors que les patients
étaient venus pour une affection intercurrente le plus sou-
vent bénigne, généralement quand la date de consultation
dédiée au suivi chronique était proche. Les patients évo-
quaient aussi l’importance du dossier médical informatisé,
permettant de mieux assurer « leur suivi ».
Que ce soit pour la prescription, le suivi préventif, le recours
au spécialiste d’organe, la majorité des patients estimaient
former « une équipe » avec leur MG. Ils appréciaient de pou-
voir discuter, d’être rassurés par leur MG, de discuter du
compte rendu de la consultation effectuée par un médecin
correspondant auquel ils avaient été adressés.
Toutefois, une gêne a été signalée lorsqu’il s’agissait d’évo-
quer des problèmes gynécologiques ou proctologiques à un
MG de genre opposé. Certaines patientes ont déclaré se sen-
tir plus à l’aise et mieux comprises par un médecin femme,
pour évoquer les désagréments de la ménopause.
Vision et gestion du traitement
médicamenteux
Tous connaissaient bien les indications de leurs traitements
et les maladies pour lesquelles ils étaient traités, même si
l’ordonnance comprenait plusieurs médicaments.
La prise quotidienne du traitement était ressentie de façon
variable. Certains ont parlé « d’automatisme », d’« habi-
tude », de « rythme » à prendre, alors que d’autres y voyaient
un aspect « astreignant » et estimaient ne pas avoir le choix.
Les défauts d’observance ont été évoqués, favorisés par cer-
taines circonstances : repas hors du domicile, vacances.
Les médicaments prescrits pour les maladies chroniques
étaient qualifiés de « remèdes », « aides », « bouffées d’oxy-
gène », ou encore « béquilles ». Les patients ont jugé qu’ils
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