JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
N°7 – JANVIER-FÉVRIER-MARS 2007
JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
N°7 – JANVIER-FÉVRIER-MARS 2007
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ÉDITORIAUX
La classe des échinocandines comprend trois molécules développées en clinique: caspofungine (MSD), mica-
fungine (Astellas) et anidulafungine (Pfizer). Leur spectre d’activité antifongique est étroit avec une action fongicide
sur le Candida fungistatique, sur l’Aspergillus et pas d’activité sur le Cryptocoque, les Zygomycetes et le Fusarium.
Les échinocandines sont actives in-vitro sur tous les types de Candida y compris C. Glabrata et C. Krusei. Seul
C. Parapsilosis apparaît moins sensible in vitro avec des concentrations minimales inhibitrices (CMI) de l’ordre de
2 µg/ml. La résistance est croisée entre les trois molécules. Les échinocandines ne sont pas résorbées par le tube
digestif et sont disponibles uniquement par voie intraveineuse. Elles se caractérisent par une longue demi-vie et
sont données en une dose journalière. Le taux de liaison aux protéines est très élevé pour micafungine (96%) et
caspofungine (90%) et plus faible pour anidulafungine (84%). Les trois molécules ont un volume de distribution
faible augurant d’une pénétration tissulaire limitée de certains sites notamment au niveau du système nerveux.
Aucune des 3 molécules n’est un substrat ou un inhibiteur du cytochrome P450. Elles sont métabolisées dans le
foie et ne sont pas éliminées dans les urines (< 1%).
L’administration concomitante de caspofungine et de cyclosporine résulte en une augmentation de l’aire sous la
courbe de la caspofungine et a donné lieu à une augmentation des transaminases hépatiques chez des volontaires
sains. La micafungine augmente l’aire sous la courbe de la nifedipine et du sirolimus tandis qu’il n’y a pas d’in-
teraction médicamenteuse décrite pour l’anidulafungine.
Qu’en est-il de l’expérience clinique de ces trois échinocandines?
Dans une revue récente du rôle des échinocandines dans le traitement des candidémies, John E. Bennet souligne
tout d’abord la 4eplace qu’occupe le Candida parmi les germes responsables d’infections hématogènes nosoco-
miales, l’émergence de C. glabrata sous prophylaxis par fluconazole, l’excès de mortalité attribuée aux candidémies
de 14.5%. Il analyse ensuite le rôle des échinocandines dans le traitements des candidémies et des candidoses
invasives, à travers 3 études randomisées, en double aveugle, comparant chacune des échinocandines avec
un antifongique contrôle, différent dans chaque étude: amphotéricine B conventionnelle pour la caspofungine,
amphotéricine B liposomale pour micafungine et fluconazole pour anidulafungine.
Il s’agit en majorité de patients non neutropéniques, avec un score Apache peu sévère en moyenne. Les taux
de réponse étaient comparables, seule l’anidulafungine s’est montrée supérieure au fluconazole en taux de
succès mais la mortalité est identique. De tout ceci, on peut conclure, même s’il n’y a pas eu de comparaison
directe entre les trois échinocandines, qu’elles sont équivalentes, qu’elles donnent un taux de succès supérieur
à 70% dans les candidémies, qu’elles sont toutes bien tolérées et peu toxiques. Dès lors, faut-il les substituer
aux autres antifongiques comme l’amphotéricine B conventionnelle ou le fluconazole dans le traitement de la
candidémie? Compte-tenu du prix plus élevé des échinocandines par rapport aux deux autres antifongiques, il
est plus judicieux de les réserver à certaines indications particulières.
Pour un patient non neutropénique, hémodynamiquement stable, qui n’a pas reçu récemment un dérivé azolé
et qui n’est pas connu pour être colonisé par C. krusei ou glabrata, le fluconazole constitue le traitement de pre-
mière ligne. Par contre, toujours pour un patient non neutropénique mais hypotendu, le choix d’une échinocan-
dine est plus adéquat, basé sur la fongicidie et l’absence de néphrotoxicité.
Pour les patients neutropéniques, il y a peu d’expérience avec les échinocandines à l’exception de la micafungine
(34 patients avec 75% de succès); par contre, il existe une large expérience avec l’amphotéricine B conventionnelle.
En cas d’insuffisance rénale, on a le choix entre une formulation lipidique d’amphotéricine B ou micafungine.
Existe-t’il des sites sanctuaires où l’efficacité des échinocandines pourrait être compromise?
L’endophtalmite, l’endocardite à C. parapsilosis, la méningite et la candidurie, pourraient être problématiques.
Il est indéniable que les échinocandines constituent un progrès majeur dans le traitement des candidémies et
candidoses invasives, avec beaucoup d’atouts et quelques limitations qu’on doit apprendre à connaître.
■
Michel Aoun,
Département des Maladies Infectieuses, Institut Jules Bordet
ACCIDENTS D’EXPOSITION AU SANG
Résultats 2003-2005 de l’enquête de surveillance
dans les hôpitaux belges
Les piqûres par aiguilles, les blessures par instruments et les
éclaboussures de sang, sont fréquentes dans les hôpitaux et
les maisons de soins. Elles impliquent des risques aux consé-
quences psychiques, physiques, juridiques et financières non
négligeables. Devant le manque de données spécifiques à
notre pays, l’ISP (Institut Scientifique de Santé Publique) a
entrepris en juin 2003 un programme de surveillance des
accidents d’exposition au sang (AES) – les accidents de piqûre,
coupure, éclaboussure – au sein du personnel hospitalier dans
le cadre du réseau national de la surveillance des infections
dans les hôpitaux (NSIH); 47 hôpitaux aigus (sites) y ont par-
ticipé de manière volontaire durant un an et ont enregistré les
accidents selon la version belge du logiciel EPINet (Exposure
Prevention Information Network)2.
En extrapolant le chiffre de 1624 accidents de piqûres et cou-
pures et 102 éclaboussures rapportés, soit une moyenne à
10,1 AES par 100 lits par an, les auteurs estiment qu’il y a, dans
notre pays 5700 AES par an, un chiffre qui sous-estime proba-
blement le problème. Beaucoup d’AES ne sont en effet pas
rapportés si l’on en croit une étude des CDC avec 57% d’AES
non déclarés. «On atteindrait alors un chiffre de 13000 AES par
an, rapporte Eva Leens, très semblable aux chiffres rappor-
tés par d’autres réseaux de surveillance EPINet en Europe.»
Qui? Où? Comment?
L’incidence moyenne varie significativement selon le statut de
l’hôpital: 11,3 AES par 100 lits par an dans les hôpitaux univer-
sitaires pour 9,5 AES dans les hôpitaux non-universitaires, le
nombre d’AES variant également selon le nombre de lits. Les
hôpitaux avec plus de 500 lits ont significativement plus d’AES
par rapport aux hôpitaux plus petits. La majorité des AES sont
déclarés par les infirmiers(ères), plus d’un tiers de ces AES
ayant lieu lors de l’utilisation de matériel permettant d’admi-
nistrer un liquide, un geste de routine. Les médecins n’enregis-
trent de leur côté que 8% des AES… Enfin, il est étonnant de
constater que 9% des AES surviennent parmi le personnel des
services logistiques, le plus souvent suite à un contact avec des
aiguilles perdues. La chambre du patient est l’endroit princi-
pal où ont lieu les AES (38%). La salle d’opération (17%) et le
service d’urgence sont également des services à risque.
Trois accidents de piqûres sur quatre (78%) sont causés par
des aiguilles creuses (aiguilles IV, IM, SC et ID pour 27%,
cathéters intra-vasculaires: 11%, aiguilles de prise de sang:
11%). Parmi les instruments tranchants/piquants, les aiguil-
les de suture (non creuses) (7%), les bistouris (6%) et les lan-
cettes (6%) sont également à risque. Enfin, un peu plus d’un
tiers des accidents de piqûres se produit pendant le retrait
du matériel, 27% pendant l’utilisation et 27% pendant le ran-
gement, ces pratiques de rangement méritant d’ailleurs plus
d’attention, en particulier par l’utilisation d’un collecteur d’ai-
guilles. «Signalons également, poursuit-elle, que, malgré des
messages répétés déconseillant le recapuchonnage et atti-
rant l’attention sur le danger de cette pratique, 6,7% des
accidents de piqûres rapportés sont encore causés par ce
recapuchonnage».
Le personnel soignant se protège trop peu
L’application des mesures de prévention universelles s’est avé-
rée être efficace surtout pour les accidents d’éclaboussures.
«Cependant, dans plus de la moitié (53%) des éclaboussures,
le personnel ne portait aucun moyen de protection (gants, mas-
que, lunettes ou tablier), 17% ne portant même pas de gants
pendant une prise de sang, une activité à haut risque. Ces
mesures sont pourtant importantes, non seulement en protec-
tion contre les AES, mais également pour la protection des
patients contre les infections nosocomiales, la sécurité du
personnel allant ici de pair avec celle du patient.»
Par ailleurs, si le patient source était connu dans 77% des AES,
le statut de contamination n’était pas connu pour la moitié
d’entre eux, alors que dans un peu plus que 1 cas sur 10 AES
rapportés (11,4%) il s’agissait d’une aiguille qui avait été en
contact avec un patient contaminé. «Ce patient source était
contaminé par le VIH (n=28), HBV (n=30), HCV (n=80), ou un
autre micro-organisme (n=35), la prévalence des 3 virus étant
par ailleurs plus élevée dans la surveillance que dans la popu-
lation, ce qui pourrait indiquer que ce sont principalement les
contacts à haut risque qui sont rapportés.» Enfin, ce pro-
gramme de surveillance a permis d’estimer le risque de séro-
conversion au sein du personnel hospitalier à 0,6 à 6 cas par
an pour l’hépatite C et à un cas en 5 ans pour le VIH.
De quoi multiplier les moyens de prévention…
1. http://www.iph.fgov.be/nsih/download/PRIK_cumul_rapport2003_
2005FR6.pdf /
http://www.iph.fgov.be/nsih/download/PRIK_cumulrapport_prik_2003_
2005_nl4.pdf
2. http://www.healthsystem.virginia.edu/internet/EPINet/
70% des accidents d’exposition au sang (AES) rapportés
dans les hôpitaux belges sont évitables1. Et, si la prévention
passe d’abord par une adaptation des procédures et l’utili-
sation du matériel de sécurité, elle nécessite également une
formation, des campagnes de prise de conscience du pro-
blème, un personnel adapté et un intérêt pour la sécurité du
personnel de la part des cadres.
ACCIDENTS D’EXPOSITION AU SANG
Résultats 2003-2005 de l’enquête de surveillance
dans les hôpitaux belges
Dr Dominique-Jean Bouilliez – Directeur médical CMPMedica
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