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échocardiographie experte, irradiants : scanner, coûteux : tous, douloureux : gaz du sang. Au
sujet des gaz, leur prescription routinière ne fait que traduire l’inconfort dans lequel se trouve le
médecin, réduit à étudier le niveau de capnie pour saisir la cause de la détresse.
On comprend que la combinaison de l’étape précoce et d’un test donnant 90,5 % d’acuité
résoudra la majorité des problèmes.
Le BLUE-protocol évite les redondances. Un examen exhaustif du poumon, du réseau
veineux, même non requis, est bien sûr louable. Le médecin “pilote” en permanence le BLUE-
protocol et décide si le prol obtenu est compatible avec le diagnostic attendu, ou contraire, mais
dans une gamme de diagnostics acceptables et raisonnables (comme tout processus de pensée
en médecine).
Considérations générales
Le chapitre 23 de notre livre répond aux questions que l’on peut effectivement se poser
devant toute méthode nouvelle, simple et prétendant faire aussi bien, sinon mieux, que les
méthodes établies.
Nous apprécions la possibilité de soulager vite le patient dyspnéique en lui donnant la théra-
peutique appropriée. Les conséquences d’erreurs initiales devraient diminuer. La perspective
d’apporter une solution standardisée au problème brûlant de l’irradiation thoracique générée par
le scanner devrait retenir l’intérêt de la communauté radiologique qui a une opportunité de se
positionner sur cette méthode.
La durée publiée du BLUE-protocol en a intrigué certains [14]. Trois minutes (disons moins
de 4) étaient un temps moyen, autorisé par le protocole rapide que nous avons déni depuis
1992 : une machine bien pensée, une sonde universelle, un réglage unique, pas de Doppler et
notre produit de substitution au gel. Le poumon étant superciel, le temps pour trouver une
fenêtre est nul, contrairement au cœur. Détecter des lignes A ou B est immédiat. Notre sonde
explorant poumon, veines et cœur participe à cette durée, qui peut être raccourcie à moins d’une
minute dans ces 46 % de cas où, mettant en lumière un prol A’, B, B’, A/B ou C, le BLUE-
protocol ne requiert pas l’analyse veineuse ni pulmonaire postérieure. Un novice est bien sûr
libre de prendre plus de temps.
Le BLUE-prole n’était pas conforme avec le diagnostic ofciel dans 9,5 % des cas.
Certaines limites étaient réelles, telle l’embolie pulmonaire sans thrombose veineuse, d’autres
contournables, telle la pneumopathie donnant un prol B. Une moitié de ces cas semble corres-
pondre à une insufsance agrante (mais compréhensible) du diagnostic ofciel. Un patient
étiqueté BPCO mais présentant des PLAPS ou un prol B est, à l’évidence, victime d’un dossier
ayant induit l’équipe en erreur.
Les causes rares (< 3 %) ont été exclues an de garder le BLUE-protocol simple et utili-
sable. Une innité de diagnostics rares ou rarissimes peut se rencontrer. Notons déjà que
diagnostic rare ne veut pas dire difcile. Parmi les causes fréquentes de diagnostics rares,
l’épanchement pleural massif dyspnéisant (1,3 %) ne pose guère de problème, pas plus que
la énième poussée de maladie interstitielle chronique (1 %). Lors de la première poussée, le
patient étiqueté OAPC par le seul BLUE-protocol verra le tir corrigé par l’intuition du médecin,
l’absence de PLAPS et la sonographie cardiaque simpliée, montrant schématiquement un
ventricule gauche intègre et un ventricule droit dilaté. Atélectasie massive, sténose trachéale,
embolie graisseuse, « dyspnées » métaboliques, dilatation gastrique aiguë et d’innombrables
raretés donnent chacune un prol parmi les sept du BLUE-protocol. Exprimé différemment, le
BLUE-protocol est un travail préliminaire qui sera complété d’une version plus sophistiquée
(extended BLUE-protocol) dans les années à venir, une fois les équipes familiarisées. Ce dernier
intègre d’autres signes (bronchogramme aérien dynamique, sonographie cardiaque simpliée
et autres), la ponction pleurale exploratrice, l’intégration de données cliniques, paracliniques,
évolutives… Il sera alors possible d’établir des diagnostics rares ou mixtes et de réduire d’autant
les explorations traditionnelles.
Certains patients ont été exclus car ils présentaient plusieurs diagnostics. Notre ouvrage
répond à cette question. Brièvement, le BLUE-protocol, conçu pour fournir un diagnostic,
établissait déjà presque toujours un des deux diagnostics et n’était donc pas en défaut.
Des patients ont été exclus car ils n’ont jamais eu de diagnostic ofciel et ne peuvent être
inclus dans aucune méthodologie. Remarquons que l’ensemble de ces patients avait un BLUE-
prol précis. C’est précisément ce type de patient qui bénéciera le plus du BLUE-protocol.
Un grand vainqueur devrait émerger de l’inclusion du poumon dans la cour de l’échogra-
phie : le cœur. Le concept de sonographie cardiaque simpliée, décrit en 1992 et précurseur du
FATE-protocol, est cette discipline simple et holistique qui utilise le même matériel que celui
utilisé pour le poumon et les veines.
Le cœur ne gure pas dans le BLUE-protocol qui propose une approche directe à un
problème respiratoire. Il y est soigneusement associé, mais pas inclus, ce qui est différent. Il
se fait juste après. Les données cliniques et la sonographie cardiaque simpliée augmentent
dramatiquement l’acuité du seul BLUE-protocol qui est, rappelons-le, de 90,5 %. Un prol B
chez un jeune homme fébrile sans histoire cardiaque avec ventricule gauche contractant bien
sera vite considéré comme une pneumopathie, malgré un “BLUE-diagnostic” d’OAPC. Le
BLUE-protocol ne s’oppose aucunement à la pratique d’une échocardiographie Doppler experte
à condition qu’elle puisse se faire en tout lieu et toute heure, incluant l’ensemble du globe
terrestre.
L’introduction du poumon suggère ainsi une révision des priorités. Dans la culture du
réanimateur, l’échographie cardiaque est usuellement l’élément quasi exclusif. Mais cette vue
sous-entend un cœur expert. L’inversion des priorités offre ces avantages : l’échographie pulmo-
naire se maîtrise bien plus vite que l’échocardiographie experte. Le médecin est libre d’initier
une formation en échocardiographie traditionnelle qui lui permettra, une fois maîtrisée, de mieux
comprendre des situations bien plus rares, par exemple, quand il est temps de réparer une valve
cardiaque en extrême urgence. Des détails innombrables et longs à expliquer confèrent une
courbe d’apprentissage rapide du BLUE-protocol (exemple : la philosophie de la sonde unique,
le concept de PLAPS). Un signe de la fractale au premier posé de sonde et le protocole est
conclu. Bref, le BLUE-protocol n’est pas réservé à une élite (ce qu’est, au passage, la commu-
nauté réanimatoire, qui maîtrise des domaines bien plus pointus). L’écart inter-observateur est
réduit. Tout patient a une fenêtre pulmonaire. L’économie est substantielle.
Un nombre illimité de situations est géré par un usage éclairé. La question de la distinc-
tion entre OAPC et SDRA revient souvent. Le prol B qui caractérise l’OAPC n’est vu
que dans 14 % des cas de SDRA, les 86 % restants sont partagés entre prols B’, A/B, C et
A-V-PLAPS. La physiopathologie de ces deux désordres explique ces signes. La question de
l’embolie pulmonaire sans thrombose veineuse visible (20 % des cas) est simple : le médecin
qui “pilote” le BLUE-protocol et a une suspicion d’embolie doit aller plus loin. Nous avons
juste la possibilité de donner une nouvelle vie à la scintigraphie, bien moins irradiante que le