19-reperes-novembre-2008:Mise en page 1 23/10/08 14:30 Page 225 REPÈRES LIBRAIRIE Lévi-Strauss, Malinowski, Sahlins, Evans-Pritchard), à la sociologie (Veblen, Schutz, Becker, Tarde, Halbwachs) et à l’économie (Keynes, Hicks, Sraffa, Jevons, Kuznets, Friedman, Marshall), ils démontrent que la consommation est bien davantage que l’acquisition d’un bien, c’est une forme de communication et par conséquent d’interaction. Ainsi, en consommant, l’individu se socialise. « L’alimentation, écrivent-ils, est donc affaire de petits rituels et d’occasions de socialisation qui appellent certaines composantes et certains types de combinaisons. » Ils reprochent aux économistes de ne pas nous renseigner sur le pourquoi de l’acte d’achat. Ils rendent hommage à Duesenberry de rompre avec l’orthodoxie économiciste et d’introduire un peu de sociologie dans les mécanismes pseudopsychologiques des consommateurs (l’épargne, l’anticipation, la constitution d’un patrimoine…) et de rejoindre ceux qui pensent que « le monde est construit socialement ». Ils considèrent que les « biens sont porteurs de sens, mais aucun en lui-même » et que, par conséquent, le consommateur doit à la fois satisfaire un « besoin » et émettre une « information », d’où un langage des biens consommés, mais aussi de leur périodicité, de leur renouvellement, de leur accord avec le milieu social ambiant. Plusieurs études montrent que des amis qui boivent un verre au pub le consomment à la même vitesse. Non seulement, ils sont ensemble, mais font un ensemble, par l’adoption quasi spontanée du même rythme. Ce sont les Mary Douglas, Baron Isherwood POUR UNE ANTHROPOLOGIE DE LA CONSOMMATION. Le monde des biens Traduit de l’anglais par Manuel Benguigui, présentation de Benoît Heilbrunn Paris, Institut français de la mode/ Éd. du Regard, 2008, 234 p., 24 € The World of Goods paraît en 1979, signé par une anthropologue, Mary Douglas (1921-2007) auteur du célèbre ouvrage De la souillure1, et un économiste. Ils apportent un regard ethnographique sur une réalité économique qui contribue à changer profondément toutes les sociétés contemporaines, au point de les uniformiser, peu ou prou, en une « société de consommation ». Pour la plupart des économistes, l’acte de consommer relève du marché, c’està-dire du jeu autorégulé entre une offre et une demande. Pour les économistes dissidents, plus ou moins marxistes, la consommation est l’autre mot pour dire « aliénation », c’est-à-dire manipulation des consommateurs, à qui l’on vend plus de rêve que de satisfaction ! Ce qui intéresse les auteurs ne concerne pas la soi-disant rationalité de l’homo oeconomicus, mais les fondements anthropologiques des échanges, marchands ou non, monétarisés ou non. Empruntant leurs exemples à la littérature (Henry James, Anthony Trollope), à l’anthropologie (Bourdieu, 1. Mary Douglas, De la souillure, Paris, Maspero, en 1971. 225 Novembre 2008