Midi-Libre 5 Juin 2014
Pr Vons : "Un jour, tout s’opérera en ambulatoire"
La présidente de l'Association française de chirurgie ambulatoire milite pour
ce mode de chirurgie "non pas parce que c'est moins cher mais parce que
c'est mieux pour les patients". Entretien
Le professeur Corinne Vons est chirurgien digestif et général à l'hôpital Jean-Verdier à Bondy
en Seine-Saint-Denis. Après avoir été secrétaire générale de l'Association française de
chirurgie ambulatoire (AFCA), elle en est désormais la présidente. Et poursuit un double
objectif : promouvoir le développement de la chirurgie ambulatoire en France, associant
qualité des soins et sécurité des patients ainsi que son enseignement, les travaux de recherche
et les publications scientifiques qui s'y rapportent.
Quelle est la mission de l'Association française de chirurgie ambulatoire ?
L'Afca est la société savante représentant la chirurgie ambulatoire. Elle a pour objet de la
promouvoir, de contribuer à son progrès et à sa diffusion, dans l'intérêt des patients et de la
société. L'association se propose en particulier d'aider au développement de la chirurgie
ambulatoire en France, de promouvoir son enseignement, la formation et la qualité des soins,
toute procédure d'évaluation de ce type de chirurgie, la recherche et assurer par tout moyen la
diffusion des travaux scientifiques. Ces objectifs concernent toutes les disciplines médico-
chirurgicales, paramédicales, économiques, administratives, juridiques, etc.
Dès les années 60-70, des pays comme les États-Unis, l'Angleterre, puis d'autres du nord de
l'Europe, ont été obligés, pour des raisons économiques, de diminuer leur capacité
d'hébergement pour les patients soignés. Ils ont ainsi pris très tôt un tournant en distinguant le
soin de l'hébergement, en France. Nous avons au contraire des facilités financières qui nous
ont amené à construire des hôpitaux très importants avec beaucoup de lits pour loger les
patients soignés. Il a été et il est encore, en effet, habituel “d'héberger” les gens pendant qu'on
les soigne.
Est-ce ces critères, qui selon vous, expliquent le retard de la France par rapport aux
pays anglo-saxons ?
Oui, en grande partie, nous sommes très en retard encore une fois pour des raisons historiques
et culturelles. Avec les problèmes financiers actuels, les besoins croissants d'une population
vieillissante, il est normal de se poser des questions sur la pertinence des coûts. Celle des
hospitalisations en chirurgie n'y échappe pas, d'autant que les pays étrangers ont bien montré
les bénéfices de la chirurgie ambulatoire pour le patient.
Quels sont les bienfaits d'une chirurgie pratiquée en ambulatoire ?
Ils sont de deux ordres : tout d'abord, les patients ont moins de complications postopératoires,
moins d'infections nosocomiales, probablement, en partie parce que leur temps à l'hôpital est
réduit et ils sont donc moins exposés au risque d'en contracter une. Les patients ont également
moins de complications trobo-emboliques, des caillots de sang qui se constituent dans les
veines des jambes s'ils restent allongés trop longtemps. Deuxièmement, en raison de
l'exigence de l'ambulatoire, les patients ressentent moins les effets secondaires de la chirurgie
et de l'anesthésie. Ils ne peuvent sortir que s'ils n'ont pas de douleurs, ni de nausées ni de
vomissements... Il y a des check-listes à chaque étape du parcours du patient, jusqu'à sa sortie,
qui assurent la qualité des soins et la sécurité des patients.
Autrement dit, il y a une exigence plus importante...
Oui, une exigence qui tire vers le haut la prise en charge de la patientèle chirurgicale et aussi
toute la chirurgie. Il est ainsi démontré que les patients peuvent ne pas avoir mal, ni vomir, ni
avoir les effets secondaires de la chirurgie et de l'anesthésie avec une prise en charge adaptée.
Avec l'ambulatoire, on ne peut pas être moyen. On doit être parfait. C'est un super challenge.
La chirurgie ambulatoire est-elle l'avenir de la médecine ?
Bien sûr. Les établissements privés qui font de la chirurgie un peu plus standardisée,
réaliseront entre 80 et 90 % d'ambulatoire. En CHU, on se situera plus à 50 %. Nationalement,
on peut atteindre globalement les 60, 70 %. L'ambulatoire, c'est la chirurgie de demain,
prioritaire et principale. Le seul obstacle, en réalité, est le patient. C'est pourquoi, les
établissements de santé de demain ne doivent pas être construits à l'image d'hôtels avec des
couloirs et des chambres. Il faut, au contraire, les organiser comme des espaces où les patients
ne font que passer pour bénéficier d'un traitement et sortir après.
Des pathologies plus lourdes sont-elles aujourd'hui opérées en ambulatoire ?
En 2013, il y a eu beaucoup de premières réalisées en France dont certaines ont été réalisées
dans des établissements privés. Par exemple, la pose de prothèses totales de hanche ou genou,
la resection d'un morceau de colon pour cancer. On a aussi pu traiter des patients obèses. Tout
cela a été réalisé en ambulatoire alors qu'il y a dix ans on ne l'aurait même pas imaginé.
L'ambulatoire est à la fois une révolution pour les médecins et la patientèle.
On demande au patient de participer à sa prise en charge.
On lui explique ce qu'il risque, les signes qui sont normaux, ceux qui ne le sont pas et pouvant
être des signaux d'alerte. Dans ce cas-là, on leur dit d'appeler. Ce patient qui va souvent sur
internet est responsabilisé, mais bien sûr, surtout au travers de l'information précise qu'il
reçoit sur son état.
Les patients sont-ils encore réticents à l'ambulatoire ?
Je fais de la chirurgie ambulatoire depuis 1998 avec des gestes majeurs. Pour moi, c'est le
rêve. Mais il y a encore des gens qui doutent. Il faut faire une petite révolution des pratiques.
Mais globalement, c'est de mieux en mieux. Les patients préférant rentrer chez eux plutôt que
de rester hospitalisés, vont finir de convaincre les derniers chirurgiens réticents.
Quel type de grosses pathologies peut-on un jour espérer voir opérer en ambulatoire ?
Je pense qu'un jour ou l'autre, tout pourra être opéré en ambulatoire.
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