entreprises d’entrer en Bourse. Et grâce à elle, nous avons aujourd’hui plus de banques et plus de cabinets
conseils. La Bourse a contribué au changement. Nous avons enregistré 3% de croissance au 1er trimestre 2014
et, selon les experts, l’économie polonaise va continuer à croître. Notre Bourse table sur une croissance de 7%”.
En plus de la Bourse, la création de 14 zones franches dans la région de Poméranie, grâce à des mesures
incitatives (deux à trois mois suffisent à un investisseur pour s’installer alors que la création d’une entreprise
nécessite seulement une à deux semaines) a permis de créer des milliers d’emplois. “Le bilan est positif pour
nous depuis l’ouverture démocratique”, se félicite Anna Rozycka, représentante de la zone économique de
Poméranie et qui assure, par ailleurs, que “la corruption s’estompe progressivement”, même si elle trouve que
“la législation est encore lourde”. Mais il n’y a pas qu’en politique et en économie que la Pologne a réussi sa
mue.
La scène médiatique a aussi connu sa révolution. Il est loin le temps où la Tribune populaire, journal du parti
communiste, comme notre El Moudjahid à nous, gavait la population par la propagande. “Nous sommes en plein
pluralisme médiatique. Grâce aux médias privés, il n’est plus possible de faire l’embargo sur l’information
même si nous avons encore des efforts à faire dans les relations entre les institutions et les médias”, affirme
Julita Zylinska. Autre tare : “Il y a beaucoup d’influence des politiques que de l’argent sur les médias. Ce qu’il
faut aussi, peut-être, reprocher aux médias, c’est le traitement parfois superficiel de l’information, les
journalistes écrivant sur tout. Nous n’avons presque plus de journalistes enquêteurs”, déplore-t-elle. Mais, détail
important : “L’agence n’a jamais été un outil du régime communiste, même s’il y avait un accès limité à
certaines informations.”
De l’insurrection à Lech Walesa, une révolution sans sang
Mais avant d’accéder à la démocratie à la fin des années 1980, la Pologne a connu une succession
d’événements historiques dont la similitude avec l’Algérie est frappante. Longtemps occupée, elle ne connaît
son indépendance qu’entre 1918 et 1939, année où elle sera de nouveau envahie par l’Allemagne nazie, puis
par les Soviétiques, qui signe le début de la Seconde Guerre mondiale. Six millions de Polonais seront tués dont
plus de la moitié sont des juifs alors que des milliers seront déportés dans des camps de concentration. Comme
en Algérie, lors des événements du 8 Mai 1945, la population organise l’insurrection en 1943 puis en 1944.
Après la libération de la domination nazie, elle tombe sous l’influence russe, période de la terreur stalinienne.
À partir de 1956, alors que le parti communiste au pouvoir lâche du lest, des mouvements de grève sont lancés
par vagues successives par les ouvriers jusqu’au milieu des années 1970 durant lesquelles un comité de
défense des ouvriers, créé par l’intelligentsia en soutien aux travailleurs, voit le jour. Des maisons d’édition
clandestines sont même créées. Cet activisme clandestin connaîtra son point d’orgue avec la grève en 1980,
comme en Kabylie, à Gdansk, ville du Nord sur les bords de la mer Baltique qui aboutit à la création du
mouvement Solidarnosc mené par Lech
Walesa. “C’était inédit. Et l’église a joué un rôle important dans ce mouvement et dans le changement”, se
rappelle Jan Litynski. Mais les maigres acquis démocratiques obtenus alors par l’opposition sont vite remis en
cause l’année suivante par le régime puisque l’état de siège est instauré alors que beaucoup d’activistes sont
arrêtés et Solidarnosc interdit d’activité. “L’avantage, il n’y avait que quelques dizaines de morts”, précise
Litynski. Confronté à une crise économique aiguë et à la détermination de l’opposition, le pouvoir accepte,
enfin, à la fin des années 1980, des négociations qui engagent le pays sur la voie de la démocratie.
Événement précurseur de la chute du mur de Berlin et du communisme dans les pays de l’Est. “Nous avons
déclenché une révolution sans sang. Nous avons changé nos destins et notre vie sans utiliser des armes, mais
en utilisant l’intelligence. Et la solidarité. La solidarité du monde entier qui a fini par nous remarquer. Nous
avons résisté et nous avons persisté. Aujourd’hui, chaque Polonais peut dire : ‘Nous avons gagné ! Et chacun
doit se rappeler que c’est ici que tout a commencé !’”, a écrit en 2009 dans une préface d’un livre, Lech Walesa.
Revers de la médaille
Mais, comme dans toute transition, il y a un prix à payer. Et la Pologne n’est pas en reste. “La solidarité sociale
est brisée par le libéralisme, il y a des disparités, une société civile marginalisée, une classe politique faible, une
justice insuffisante, l’église conservatrice qui devient un frein et la crainte de l’essor du nationalisme qui
peuvent à l’avenir être un obstacle au développement”, observe Jan Lyutinski. “Il y a de la pauvreté dans