alors que l’écrivain le prend à la Défense pour aller à Vincennes. La
philosophie de l’écrivain n’appartient pas au XIXe siècle, il voudrait
trouver une pensée nouvelle pour le siècle nouveau. L’a-t-il trouvée ? C’est
ce que nous essayerons de voir.
2 – Une génération en marche.
Dans sa belle histoire de la littérature française, Albert Thibaudet adoptait
le critère des générations. Pour certains auteurs cette méthode ne sert à rien
ou presque, mais dans le cas de Proust elle est très utile. Malgré les
légendes créées par ses premiers biographes, Proust n’a jamais été un
écrivain/anachorète, non seulement parce que, dans les limites d’une santé
très médiocre, il a fréquenté, jusqu’à ses derniers mois, les réceptions
mondaines, les dîners au Ritz et les autres occasions de vie sociale, mais
surtout parce que son aventure intellectuelle et littéraire n’a pas été solitaire
et auto-référentielle. On risque de ne pas voir des aspects importants de son
expérience si on la sépare de celles de ses amis, plus ou moins du même
âge – intellectuels, écrivains ou artistes – en commençant par ses
camarades du Condorcet : Daniel Halévy, Fernand Gregh, Robert Dreyfus ;
et, plus tard, les deux Daudet, Reynaldo Hahn et tant d’autres. Halévy,
Gregh et Dreyfus ont été parmi les premiers qui, en France, ont étudié et
fait connaître Nietzsche, par des traductions ou des articles dans « Le
Banquet »
et « La Revue Blanche ». Halévy a publié en 1909 une
biographie du philosophe allemand (livre qui, entre parenthèses, suscita
l’enthousiasme de Benito Mussolini
). Gregh, presque tombé dans l’oubli
aujourd’hui, était assez connu au début du siècle en tant que théoricien de l’
« humanisme » en poésie, c’est-à-dire d’une relation ouverte et entière
entre l’auteur et la réalité. Si nous lisons certains avant-textes du Temps
retrouvé, dans lesquels apparaissent, entre parenthèses, les noms des
personnes avec lesquelles Proust n’est pas d’accord, nous nous apercevons