Solutions CONTRÔLE S A N I T A I R E Le diagnostic des legionella, une Depuis un arrêté de 2004, les industriels doivent s’assurer que leurs tours aéroréfrigérantes n’entraînent pas dans leur long panache blanc les bactéries responsables de la légionellose. Au-delà du seul contrôle réglementaire, un suivi régulier s’impose pour mieux prévenir tout risque de contamination. Face à la traditionnelle culture bactérienne, méthode de référence qui nécessite pas moins de 10 jours, d’autres méthodes alternatives se mettent en place. C’est le cas de la méthode dite PCR : plus rapide, un peu plus facile à mettre en œuvre et un peu plus automatisable, elle a été (enfin) normalisée en avril 2006. N ombre d’industriels se trouvent depuis peu confrontés à une analyse d’un nouveau genre pour eux : le diagnostic des legionella. L’épidémie de légionellose qui avait fait onze morts au début de l’année 2004 autour de Lens avait montré pour la première fois qu’une tour aéroréfrigérante (TAR) industrielle pouvait être à l’origine de la contamination. Les legioL’essentiel nella, famille de bactér ies présentes Circuits d’eau chaude sanitaire ou installations naturellement dans aéroréfrigérantes représenl’eau, se développent tent des sources de à l’intérieur des contamination bactériennes tuyauteries dont elles par les legionella. tapissent la surface en Soumis à une nouvelle formant ce qu’on apréglementation, les pelle des biofilms. industriels sont désormais Leur dispersion dans astreints à des contrôles les panaches de vapériodiques. peurs peut contami Au-delà de la démarche ner les populations réglementaire, un suivi vivant à proximité. Le régulier des installations seul moyen d’empêpermet de prévenir plutôt cher leur proliféraque guérir (ou fermer son tion consiste à injecinstallation). ter des biocides dans La méthode dite PCR qui les circuits. vient d’être normalisée Depuis un décret de permet un diagnostic en décembre 2004, moins de 48 heures toutes les installa Elle est donc bien plus rapide tions de refroidisseque la méthode par culture ment par dispersion (qui prend 15 jours). d’eau dans un flux Elle semble être une d’air, autrement dit méthode alternative plus les tours aéroréfriadaptée aux contraintes des industriels gérantes (TAR), doivent être déclarées 62 dans les préfectures et suivre une réglementation stricte en matière de risques de développement des bactéries. Des prélèvements pour analyse doivent être effectués chaque mois (installations autorisées) ou tous les deux mois (installations déclarées). De plus, l’installation doit faire l’objet d’un contrôle périodique par un organisme accrédité. La réglementation s’applique depuis juillet 2005 pour les installations neuves, depuis janvier 2006 pour les installations existantes soumises à autorisation et à partir de janvier 2007 pour celles soumises à déclaration. Bref, toutes les TAR sont concernées. Soit, selon un recensement réalisé début 2004, pas moins de 12 500 installations en France. Il y en aurait même près de 650 dans Paris intra-muros. Elles sont utilisées pour le refroidissement de process industriels mais aussi pour la climatisation des locaux de grandes tailles, les salles informatiques, les hôpitaux. Il y en a des petites, de quelques mètres, et des grandes. Celles des centrales nucléaires peuvent s’élever jusqu’à plus de 150 mètres. Celles-ci font d’ailleurs l’objet d’une dérogation particulière, du moins pour l’instant (voir encadré). Une surveillance sur le long terme Surveiller les legionella, oui mais comment ? Certainement pas tout seul dans son coin. Le diagnostic de ces bactéries relève de la microbiologie ou de la biologie moléculaire. Il nécessite des protocoles très précis, devant être reproduits avec beaucoup de rigueur. Une affaire de spécialistes, de trop rares spé- La méthode PCR vient d’être normalisée pour la détermination des legionella dans principaux atouts pour répondre à la demande des industriels soumis à de nouvelles cialistes. Jusqu’ici, les moyens de diagnostic des différentes formes de légionellose étaient peu répandus. Aujourd’hui, des entreprises ou des laboratoires commencent à proposer des prestations autour de la problématique legionella dans l’industrie. Parmi d’autres, on peut citer Norisko, IRH Environnement, les Laboratoires Bouisson Bertrand (Pasteur Lille)… Laboratoire issu du milieu médical, la société Hygidiag propose depuis 2003 de transférer aux mondes de l’industrie, du bâtiment et des administrations, la démarche de contrôle des pathogènes microbiologiques telle qu’on la pratique dans le domaine de la santé humaine. « Les bactéries et virus ne peuvent pas être éradiqués ; par contre, lorsqu’on connaît parfaitement le taux d’infection et le mécanisme de prolifération et d’action du MESURES 787 - SEPTEMBRE 2006 - www.mesures.com Solutions analyse désormais industrielle l’eau. Sa rapidité (48 heures) et ses possib ilités d’automatisation sont ses réglementations (Source Hygidiag). pathogène, on peut traiter le patient. Il en va de même sur un circuit aéroréfrigérant ou un circuit d’eau chaude sanitaire », souligne Matthieu Bernier, pharmacien biologiste et directeur médical d’Hygidiag. Au-delà d’interventions ponctuelles en périodes de crise, certains laboratoires proposent ainsi de prendre en charge le suivi bactériologique des eaux industrielles. Il s’agit alors de prestations de prévention sur le long terme. Les legionella sont des bactéries, ce n’est pas un paramètre inerte comme l’amiante ou le plomb : elles évoluent au cours du temps. La démarche réglementaire, avec un contrôle annuel, est une démarche de contrôle qu’il ne faut pas confondre avec une gestion préventive du risque sanitaire. Le suivi régulier des installations est la seule approche pertinente en matière de prévention Lyse, filtration, extraction… la préparation des échantillons reste une étape longue et difficile qui demande une grande rigueur (Source Hygidiag). de ce risque sanitaire. « Il est préférable d’avoir un réseau avec peu de points mais suivi régulièrement, qu’un réseau laissé de côté et contrôlé seulement une fois par an », souligne M. Bernier. MESURES 787 - SEPTEMBRE 2006 - www.mesures.com En 2004, Hygidiag et IRH Environnement ont établi un contrat avec les six sites de production de Saint Gobain Emballage qui comportent quelque 43 tours aéroréfrigérantes. Le laboratoire assure un suivi hebdomadaire pour 63 Solutions Méthode PCR en 4 temps La recherche et la quantification des Legionella par PCR s’effectuent en quatre phases successives ou simultanées : Concentration Par centrifugation ou par filtration. Extraction - purification des acides nucléiques Le principe d’une extraction d’acides nucléiques consiste à libérer l’acide nucléique en lysant les micro-organismes, puis (ou en parallèle) à purifier l’acide nucléique en éliminant autant que possible les autres composants, en particulier les inhibiteurs de PCR. Amplification de l’acide nucléique par PCR Le principe consiste à amplifier en chaîne un segment d’acide nucléique entre deux bornes représentées par deux amorces respectivement complémentaires des deux brins d’acides nucléiques. Les étapes préalables de développement de tests PCR passent par l’optimisation des paramètres d’amplification (nombre de cycles, température d’hybridation…) et de la composition du mélange réactionnel (amorces, tampon, MgCl2, sondes…). Une ou plusieurs séquences peuvent être amplifiées afin de détecter et différencier les acides nucléiques provenant de bactéries appartenant au genre Legionella et à l’espèce L. pneumophila. Quantification en temps réel Les thermocycleurs en temps réel utilisent des systèmes de détection sensibles d’émissions fluorescentes. Ils permettent d’utiliser des sondes internes d’hybridation et sont capables de mesurer directement la quantité d’amplicons produite à chaque cycle d’amplification. Cette cinétique d’apparition des amplicons permet de quantifier le nombre de copies d’ADN de Legionella présentes dans l’échantillon de départ en la comparant à une droite d’étalonnage. la surveillance du risque “legionella” et un suivi mensuel en microbiologie pour le contrôle réglementaire. Cette prestation, qui s’étend du prélèvement des échantillons à l’interprétation des résultats, est incluse dans la solution Légiorisque développée par IRH Environnement. Cette solution suit la méthode HACCP (analyse des points critiques) et s’étend jus- Documents à disposition Les modalités d’application des deux arrêtés ministériels sont précisées dans une circulaire de la Direction Générale de la Santé (BOMEDD n° 03/2006 du 15 février 2006). Les dispositions relatives aux deux arrêtés sont obligatoires. La liste des organismes agréés est détaillée dans un arrêté du 9 novembre 2005. En relation avec la publication des arrêtés ministériels, des guides ont été élaborés à la demande du Ministère de l’Environnement et du Développement Durable (documents disponibles sur www.ecologie.gouv.fr, rubrique Risques et Pollution): - un guide sur la mise en place d’une analyse des risques de prolifération des legionella sur une installation. - un guide de formation sur la prévention des risques de prolifération des legionella, - un guide technique décrivant les différents procédés de refroidissement et leurs impacts sur le risque legionella (rédigé par le Cetiat, également accessible sur www.cetiat.fr). 64 très précis des protocoles. Par contre, la phase analytique est foncièrement différente. La méthode NF T90-431 est la méthode dite de référence. Elle s’appuie sur le dénombrement de legionella cultivables selon les conditions de culture fixées par la norme. Pour chaque type d’analyse, il est nécessaire de prélever un échantillon d’un litre d’eau. Les conditions de prélèvement et l’ensemencement sur un milieu spécifique (GVPC) doivent se faire à 37 °C. Dans ces conditions, les bactéries se reproduisent jusqu’à former des colonies dans un délai de 3 à 10 jours. On parle en UFC/l, c’est-à-dire en unités formant colonie par litre d’eau. Pour confirmation, ces colonies, si elles apparaissent, doivent être repiquées sur trois milieux différents pendant trois jours encore. Il reste ensuite à déterminer le type de legionella (legionella spp ou legionella pneumophila, l’espèce la plus dangereuse). Il faudra pour cela réaliser un sérotypage. Cette analyse de spécialistes peut prendre ainsi jusqu’à 14 jours. Pendant ce temps-là, l’épidémie de légionellose aura fait du chemin. On reproche ainsi à la méthode de référence sa lenteur, sa mise en œuvre longue et difficile. On lui reproche aussi parfois de sous-évaluer la quantification de Legionella spp en cas de flore bactérienne associée, voire être faussement négative pour les souches ou espèces de legionella non cultivables. qu’à la formation du personnel et le développement de solutions spécifiques « Nous travaillons notamment sur des capteurs en continu pour suivre la formation des biofilms dans les conduites », précise Jean-François Louyot, directeur tec hnique c hez I R H Environnement. Au niveau du diagnostic lui-même, deux méthodes principales peuvent identifier et quantifier la présence de legionella dans les installations à risques. Il s’agit de la méthode microbiologique normalisée (NF T90-431 ou ISO 11751) et de la méthode par PCR (Polymerase Chain Reaction). Cette dernière, déjà utilisée dans plusieurs La PCR, 48 heures chrono pays (Afrique du Sud, USA, Japon, Hong La méthode dite PCR (méthode basée sur kong…), fait aujourd’hui l’objet d’une la recherche d’ADN) n’est pas non plus norme française. Longtemps attendue, elle très simple à mettre en œuvre mais elle est parue en avril 2006 sous la référence “XP T 90-471 Qualité de l’eau. Détection et Prescriptions applicables quantification des Legionella et Legionella pneumophila par Seuild’action(UFC/L*) Actions correctives à mettre en concentration et amplification œuvre par l’exploitant > 1 000 UFC/L Actions correctives pour abaisser la concengénique par réaction en chaîne tration. de polymérisation (PCR)”. Une culture longue, longue, longue La partie pré-analytique, qui touche le prélèvement et la préparation de l’échantillon, est similaire dans les deux méthodes et nécessite une grande rigueur et un suivi Vérifier sous deux semaines que la concentration est revenue sous le seuil d’action > 100 000 UFC/l Arrêt immédiat de la tour. Vidange et nettoyage du circuit. Informer l’inspection des installations classées. Effectuer des contrôles tous les 15 jours pendant 3 mois *UFC/l unités formant colonie par litre d’eau. Selon l’arrêté du 13 décembre 2004 MESURES 787 - SEPTEMBRE 2006 - www.mesures.com Solutions Comparaison des méthodes normalisées Méthode Type d’analyse Pré-analytique Volume échantillon Délai phase pré-analytique analytique 1er résultat confirmation 1er résultat résultat complet définitif Domaine de linéarité Automatisation Contrôle interne (étalonnage, contrôle positif contrôle négatif) Culture (NF 90-431) PCR (NF XPT 90-471) microbiologique filtration 1 l (500 ml TAR) biologie moléculaire filtration, lyse, extraction 100 ml à 1 l 1h 3j 5j 10 à 15 j 3 h à 12 h < 24 h < 24 h < 48 h Au-dessus de 20 000 UFC/l Non Non demandé 1 000 à 1 000 0000 UG/l Oui Systématique Source Hygidiag a le mérite d’être beaucoup plus rapide. Dans ce procédé, le processus de division des cellules (utilisé dans la méthode par culture) est remplacé par un processus de duplication biochimique in vitro de l’ADN de Legionella. L’échantillon (de 100 ml à 1 litre) est filtré afin de récupérer les bactéries. Celles-ci sont détruites. Leur ADN extrait est amplifié puis détecté par sonde fluorescente. La PCR est une technologie largement utilisée dans différents domaines depuis plus de 20 ans. Parmi ses applications médicales, on peut citer la recherche et la quanti- fication du virus du Sida dans le sérum, la quantification et le typage du virus de l’hépatite C… La méthode PCR est également utilisée dans l’agroalimentaire pour les diagnostics rapides de Listeria ou salmonelles ou encore dans la détection des OGM (norme NF). Cette technologie permet un délai de réponse rapide. On peut donc réaliser une détection de legionella dans l’eau en moins de 4 heures, même si, pour des raisons d’organisation, les délais de rendu des résultats sont habituellement de 24 à 48 heures. Considérée comme une méthode al- Les TAR du nucléaire, dans le collimateur La réglementation des 28 tours aéroréfrigérantes situées dans 11 centrales nucléaires de production d’électricité d’EDF diffère de celle des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Les premières ont en effet des hauteurs de plus de 150 mètres, bien plus importantes que les secondes. Et selon la modélisation du producteur d’électricité relative à la dispersion atmosphérique des panaches, le niveau de risque engendré par ses tours est inférieur à celui d’une tour d’ICPE, plus petite. La réglementation actuelle autorise donc des niveaux de concentration 500 fois, voire 5 000 fois supérieurs dans les circuits des tours EDF que dans celles des autres installations classées. C’est cette appréciation qui a été sévèrement critiquée par le comité d’experts réunis par l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset), suite à une demande de la Direction générale de la santé, de la direction de la prévention des pollutions et des risques et de la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, en date du 15 novembre 2004. Du coup, l’Autorité de sûreté nucléaire demande à l’entreprise de réaliser une nouvelle évaluation du risque des légionnelles dans ces tours aéroréfrigérantes, d’ici la fin de l’année. Les experts demandent ainsi de baisser les seuils d’intervention qui sont actuellement “bien trop élevés”. Par ailleurs, la mise en place des traitements de désinfection apparaît extrêmement tardive. « Or, c’est justement pendant ces périodes de dépassement que des contaminations aiguës peuvent avoir lieu », ont noté les experts. Plus de 10 jours s’écoulent entre le prélèvement et le résultat. La faute encore aux cultures bactériennes. MESURES 787 - SEPTEMBRE 2006 - www.mesures.com ternative, la méthode PCR paraît plus facilement adaptée dans le cadre d’un suivi régulier d’installations industrielles notamment pour la mesure (presque en temps réel !) de l’efficacité d’un traitement d’éradication. Plus facile à utiliser, avec des dispositifs de prélèvement automatique, elle devrait permettre aussi aux industr iels de pouvoir s’autocontrôler, sans passer forcément par un laboratoire externe. Quant à la méthode par culture (norme actuelle NF T 90-431), elle reste la méthode de référence pour obtenir les souches de Legionella indispensables aux études épidémiologiques et pour spécifier le sérotype nécessaire à la mise en place d’une politique de prévention et d’information. Ainsi, les deux méthodes, toutes deux normalisées, paraissent aujourd’hui pouvoir se compléter. La troisième voie Mais il n’y a pas qu’elles. D’autres méthodes pourraient venir également proposer leur service. C’est déjà le cas. 72 heures, une solution intermédiaire est commercialisée depuis un an environ par une société suédoise Diffchamb (Raisio Diagnostics) dont la filiale française est basée à Lyon. Le principe s’appuie sur le fait que les bactéries possèdent des empreintes génétiques spécifiques (des brins d’ADN) qui peuvent être combinées à des sondes génomiques (des brins d’ARN). Une fois ainsi marquées, les legionella sont mises en évidence par fluorescence. Cette méthode, contrairement à la PCR, nécessite une mise en culture mais elle ne dure que 72 heures et prend donc moins de temps que la méthode normalisée. Des fluorochromes verts et rouges permettent de distinguer les différentes espèces de legionella. Une étude réalisée au sein des Laboratoires Buisson Bertrand à Montpellier n’a pas montré de différences statistiques significatives entre les deux méthodes en ce qui concer ne le dénombrement de Legionella spp dans des échantillons d’eau. Le Kit ScanVIT Legionella, un kit prêt à l’emploi proposé par Diffchamb, pourrait être utilisé par le personnel technique en charge de l’installation. Marie-Pierre Vivarat-Perrin 65