Synthèse Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2012 ; 10 (4) : 355-63 Mise au point sur la prise en charge des intoxications digitaliques chez le sujet âgé À propos d’un cas traité par anticorps antidigitaliques Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Focus on digitalis intoxication in the elderly Report of a case treated with digoxin-specific Fab antibody fragments Éric Pautas1,2 Clara Lopez1 Adeline Gouronnec1 Sophie Gravelaine1 Isabelle Peyron3 FrÉdÉric Lapostolle4 1 Unité gériatrique aiguë, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière-Charles Foix, AP-HP, Paris, France <[email protected]> 2 UFR de médecine Pierre et Marie Curie, Université Paris 6, France 3 Pharmacie, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière-Charles Foix, AP-HP, Paris, France 4 Samu 93, Hôpital Avicenne, AP-HP, Bobigny, France Tirés à part : É. Pautas Résumé. Les indications de la digoxine sont actuellement limitées à de rares cas d’insuffisance cardiaque et/ou de fibrillation atriale. Son utilisation devrait donc être rare en gériatrie, d’autant que ses spécificités pharmacologiques, associées aux modifications liées au vieillissement et aux comorbidités, exposent particulièrement les patients âgés au risque de surdosage. La digoxine reste pourtant trop prescrite car environ un tiers des patients âgés souffrant d’insuffisance cardiaque et/ou de fibrillation auriculaire serait sous digitalique. Un surdosage digitalique peut se manifester par des signes digestifs, des signes neurologiques, et surtout des troubles de la conduction et/ou du rythme cardiaque, expliquant un risque vital avec un taux de mortalité élevé. Le traitement de référence actuel est l’administration d’anticorps antidigitaliques. Des critères de mauvais pronostic, très fréquemment présents en cas de surdosage digitalique chez un patient âgé, ont été établis afin de guider l’indication et la posologie de ces anticorps. Il est important, pour un gériatre, de reconnaître les signes de surdosage et d’avoir une idée des critères orientant vers un traitement par anticorps, ce qui permet de déclencher une prise en charge adaptée en s’aidant du conseil des centres anti-poison et d’un éventuel transfert en soins intensifs. Mots clés : intoxication, digoxine, immunothérapie, sujet âgé, iatrogénie Abstract. The indications for digoxin are currently limited to rare cases of heart failure and/or atrial fibrillation. Its use should be even more rare in geriatrics its pharmacological characteristics, associated with age-related changes and comorbidities, particularly increase the risk of digoxin poisoning in the elderly. However, at least a third of aged patients suffering from heart failure and/or atrial fibrillation is treated by digitalis. Digoxin intoxication can provoke gastrointestinal troubles, neurological disturbances and, above all, cardiac conduction impairment and dysrythmias, which explain its severity and high mortality rate. Presently, first-line therapy is the administration of digoxin specific antibodies. Poor prognosis factors, frequently found in digoxin intoxications in the elderly, have been established for guiding the prescription of antibodies and their dosage. It is important for geriatricians to be able to recognize poisoning signs and the conditions in which an antidote treatment is necessary. This will permit a more effective management of the case, with the support of a poison control center and possible referral of the patient to an intensive care unit. doi:10.1684/pnv.2012.0382 Key words: intoxication, digoxin, immunotherapy, elderly, iatrogenic effect L es digitaliques n’ont quasiment plus leur place dans le traitement de l’insuffisance cardiaque avec rythme sinusal et ils ne sont que rarement utiles dans la fibrillation atriale [1, 2]. Ils restent cependant trop fréquemment prescrits, en particulier chez les sujets âgés chez qui la prévalence de ces pathologies est élevée [3, 4]. Or, les patients âgés sont particulièrement exposés au risque de surdosage compte tenu de spécificités pharmacologiques du médicament et de l’effet du vieillissement ou des comorbidités. L’intoxication digitalique est rare mais grave, et cette gravité est clairement sous-estimée par la plupart des praticiens [5]. Il est notamment important de recon- Pour citer cet article : Pautas É, Lopez C, Gouronnec A, Gravelaine S, Peyron I, Lapostolle F. Mise au point sur la prise en charge des intoxications digitaliques chez le sujet âgé. À propos d’un cas traité par anticorps antidigitaliques. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2012; 10(4) :355-63 doi:10.1684/pnv.2012.0382 355 É. Pautas, et al. naître les symptômes d’intoxication chez tout patient traité par digitalique, et de connaître les modalités de prise en charge urgente, dominées par l’utilisation d’anticorps antidigitaliques. À propos d’un cas typique d’intoxication digitalique survenue chez une patiente âgée traitée par anticorps antidigitaliques, nous présentons une revue de la littérature sur cet incident iatrogène et sa prise en charge thérapeutique. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. L’observation Une femme âgée de 79 ans est hospitalisée dans un service de court séjour gériatrique pour une altération de l’état général associée à des nausées persistantes. Historique médical Ses principaux antécédents sont : – une fibrillation atriale (FA) paroxystique ; – un rétrécissement mitral traité par commissurotomie percutanée ; – une hypertension artérielle ; – une insuffisance rénale chronique de sévérité moyenne (clairance de la créatinine calculée à 40 ml/min par la formule de Cockcroft). Son traitement au long cours comporte : – amiodarone 200 mg/jour ; – aspirine 75 mg/jour ; – ésoméprazole 40 mg/jour ; – supplémentation vitamino-calcique. Deux mois avant l’hospitalisation, de la digoxine (Hémigoxine® 0,125 mg/jour) a été ajoutée à l’amiodarone après la mise en évidence de troubles du rythme auriculaire sous la forme d’une alternance de rythme sinusal, de tachysystolie auriculaire et de flutter. Quatre jours avant l’hospitalisation, des nausées sans vomissement ont été traitées symptomatiquement par antiémétique, dans l’hypothèse d’une gastroentérite aiguë. La persistance des symptômes digestifs avec une anorexie puis une asthénie majeure motive l’hospitalisation. Le bilan biologique retrouve une clairance de la créatinine calculée à 28 mL/min, sans trouble ionique associé (kaliémie à 4,3 mmol/L). La digoxinémie est à 4,50 ng/mL, confirmant le diagnostic d’intoxication digitalique. Thérapeutique La digoxine est arrêtée. Après avis du centre antipoison, l’administration de fragments Fab antidigitaliques est décidée, avec une posologie correspondant à la neutralisation d’une dose de 1 mg de digitalique [6-8]. Les signes digestifs régressent dans les 12 heures suivantes, la régression des signes confusionnels étant plus lente, sur environ 3 jours. L’ECG, 12 heures après le traitement, retrouve le trouble du rythme auriculaire avec une FC à 57/min (figure 1B). Un ECG, réalisé douze jours après, retrouve un rythme sinusal à 73/min (figure 1C). La patiente rentre à son domicile avec un traitement antiarythmique limité à la Cordarone® . Revue de la littérature Rappel sur la pharmacologie des digitaliques À l’arrivée, le tableau clinique associe des signes digestifs (nausées et douleurs abdominales), un syndrome confusionnel et une bradycardie irrégulière à 50/min. Le reste de l’examen clinique est normal, notamment sans trouble visuel ni signe d’insuffisance cardiaque, et la pression artérielle est normale à 110/65 mmHg. L’électrocardiogramme (ECG) retrouve une FA avec une fréquence cardiaque (FC) moyenne à 45/min (figure 1A). Les glycosides digitaliques dérivent des plantes du genre Digitale. Ces dernières sont parfois consommées de façon accidentelle ou à visée suicidaire [9, 10]. La digitoxine n’est plus commercialisée en France depuis 2004. La digoxine est donc le seul digitalique actuellement prescrit en France : Digoxine Nativelle® (comprimé à 0,25 mg, solution buvable à 0,05 mg/mL, ampoule injectable 0,5 mg/amp) et Hémigoxine Nativelle® (comprimé à 0,125 mg). Le mode d’action des digitaliques est lié à une augmentation du tonus vagal et à l’inhibition de la pompe sodium/potassium adénosine-triphosphate-dépendante membranaire (pompe Na+ /K+ -ATPase), avec laquelle ils se lient de façon réversible. Il en résulte une augmentation du sodium intracellulaire (et du potassium extracellulaire), d’où une augmentation du calcium intracellulaire par retentissement sur l’échangeur Na+ /Ca++ (figure 2) [11-13]. Les échanges ioniques transmembranaires permettent, à l’état de base, la création du potentiel d’action cellulaire et donc de l’influx nerveux. La surcharge intracellulaire en calcium, induite par l’inhibition de la pompe Na+ /K+ -ATPase, entraîne une accélération de la dépolarisation et du post-potentiel. Les modifications ioniques induites par les digitaliques conduisent donc à des effets inotrope et bathmotrope positifs (augmentation de la force de contraction du myocarde et de l’excitabilité) et à des effets dromotrope et chronotrope négatifs (ralentissement de la vitesse de conduction dans le nœud auriculo-ventriculaire et baisse 356 Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012 Clinique Prise en charge des intoxications digitaliques chez le sujet âgé A V3 III V4 a VR Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. B V1 V2 C V1 V2 Figure 1. A : électrocardiogramme au moment du diagnostic d’intoxication digitalique. À noter la présence d’une cupule digitalique, bien visible en V4. B : électrocardiogramme 12 heures après injection d’anticorps antidigitaliques. C : électrocardiogramme 12 jours après le traitement par anticorps antidigitaliques. Figure 1. A: electrocardiogram at diagnosis of digoxin intoxication. Note the reverse tick ST segment depression. B: electrocardiogram 12 hours after infusion of Fab fragments of digoxin-specific antibodies. C: electrocardiogram 12 days after treatment with digoxin-specific antibodies. de la FC par ralentissement de la vitesse de dépolarisation automatique des cellules du nœud atrio-ventriculaire). Les digitaliques sont donc considérés principalement comme des traitements antiarythmiques et font partie de la classe V de la classification de Vaughan-Williams. Leur utilisation thérapeutique est liée à leur capacité à contrôler le rythme cardiaque au repos (mais très peu à l’exercice) et à diminuer la conduction auriculo-ventriculaire. La digoxine a une biodisponibilité de 60 % et une fixation protéique de 25 %. Ses métabolites sont actifs. Le pic d’efficacité survient entre 1,5 et 6 heures après la prise. Son élimination se fait à 90 % par voie rénale (en grande majorité par filtration glomérulaire et très faiblement par excrétion tubulaire), ce qui explique sa dangerosité en cas d’insuffisance rénale, d’autant que sa demi-vie est longue (30 heures) [6, 14]. Le dosage plasmatique du médicament est réalisable par de nombreuses techniques immunologiques avec de faibles variations intra- et inter-techniques, surtout pour des digoxinémies moyennes à élevées [15]. La concentration Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012 357 É. Pautas, et al. K+ Na + K+ Na-K-ATPase Na+ Ca++ DIGOXINE Echanges Na+/Ca++ s’associe à un risque accru de torsade de pointe dans le cas d’une intoxication digitalique. À ces facteurs identifiés dans la littérature dans le cadre des traitements digitaliques, s’ajoutent d’autres facteurs de risque généraux de iatrogénie chez le patient âgé, notamment l’existence de troubles cognitifs ou sensoriels pouvant poser des problèmes d’observance. Cellule Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Indications thérapeutiques des digitaliques Chez les patients âgés, plusieurs facteurs pharmacologiques majorent le risque de surdosage digitalique et expliquent la fréquente nécessité de recourir à des doses réduites de digoxine [6, 16] : – une insuffisance rénale, dont la prévalence augmente avec l’âge, est clairement associée à une diminution de l’élimination de la digoxine. L’insuffisance rénale chronique peut, de plus, être aggravée lors d’une intoxication digitalique, avec une part fonctionnelle secondaire à la déshydratation liée à des troubles digestifs ; – le volume de distribution de la digoxine est diminué en raison d’une diminution de la masse musculaire avec l’âge ; – le risque d’interactions médicamenteuses est évidemment majoré chez les patients polymédiqués. De nombreux médicaments antiarythmiques peuvent entraîner une augmentation de la digoxinémie : amiodarone, vérapamil, diltiazem. L’interaction médicamenteuse à risque la plus fréquente chez le sujet âgé est la co-prescription d’un diurétique. Une étude taïwannaise a ainsi montré une augmentation du risque de surdosage chez les patients sous diurétiques : risque 3 fois plus élevé avec un diurétique de l’anse, 4,6 fois plus élevé avec l’hydrochlorothiazide et 3,8 fois plus élevée pour l’association de 2 classes de diurétiques [17]. De plus, un diurétique kaliurétique peut entraîner une hypokaliémie, dont nous verrons qu’elle La digoxine est encore fréquemment prescrite, alors que ses indications sont très limitées à l’heure actuelle. Ces indications ont été rappelées très récemment dans les recommandations 2012 de la Société européenne de cardiologie, concernant le traitement de l’insuffisance cardiaque et la prise en charge de la FA [1, 2]. Un traitement par digoxine ne devrait être discuté que dans les situations suivantes : – en seconde intention après un bêtabloquant, en cas de FA paroxystique (forme injectable IV) ou permanente (forme per os) pour ralentir le rythme, mais plutôt chez un patient sédentaire. Pour mémoire, les digitaliques sont efficaces pour ralentir la FC dans la FA, mais ne préviennent pas la récidive de FA chez un patient repassé en rythme sinusal ; – en seconde ligne, après les bêtabloquants et les inhibiteurs calciques bradycardisants, en cas d’insuffisance cardiaque symptomatique avec coexistence d’une FA rapide (FC > 80/min au repos ou > 110-120/min à l’exercice) ; – en tout dernier recours, après que les autres traitements aient été utilisés à dose maximale (bêtabloquants, inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou sartans, diurétiques anti-aldostérone), en cas d’insuffisance cardiaque avec dysfonction systolique majeure (fraction d’éjection ventriculaire gauche [FEVG] ≤ 40 %) ou avec symptômes sévères. Même si les indications de la digoxine se sont nettement réduites sur les dernières décennies, des études de prescription récentes ont noté qu’au moins un tiers des patients insuffisants cardiaques et/ou en FA avait un traitement digitalique au long cours [3, 4]. De plus, cette prescription semblait plus fréquente chez les patients âgés : 34 % dans le groupe des plus de 80 ans (âge médian 84 ans) versus 29 % dans le groupe des patients plus jeunes (âge médian 69 ans) de la cohorte de l’Euro Heart Failure Survey (p < 0,001) [3]. Ceci peut être expliqué par l’augmentation de prévalence de l’insuffisance cardiaque et de la FA avec l’âge. La prévalence de l’insuffisance cardiaque est ainsi estimée, en Europe, entre 2 et 3 % dans la population globale, mais serait comprise entre 10 et 20 % chez les 70-80 ans [1]. La prévalence de la FA, inférieure à 1 % dans la population générale européenne, augmente autour de 6 % chez les 65-79 ans, et devient supérieure à 10 % 358 Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012 Ca++ Na+ Figure 2. Interactions entre les digitaliques et les échanges ioniques cellulaires. Figure 2. Digitalis interaction with cellular ion exchange. thérapeutique habituellement considérée comme acceptable est de 0,5 à 2 ng/mL (0,6 à 2,6 nmol/L), mais il est le plus souvent conseillé de « viser » une digoxinémie entre 0,5 et 1,2 ng/mL car la digoxine est un médicament à marge thérapeutique étroite. Chez les patients les plus à risque de surdosage, insuffisants rénaux et/ou âgés, il peut être recommandé de mesurer la digoxinémie 8 jours (5 demivies) après l’initiation du traitement, puis une fois par an, de façon systématique. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Prise en charge des intoxications digitaliques chez le sujet âgé chez les octogénaires [2]. Enfin, il existe une association établie entre insuffisance cardiaque et FA, dont la coexistence chez un patient âgé joue par ailleurs un rôle péjoratif sur le pronostic vital [18]. Il est cependant important de rappeler que, même pour ces deux pathologies, la prescription de la digoxine devrait dorénavant être rare chez le patient âgé en raison d’une balance bénéfice-risque penchant le plus souvent en défaveur de son utilisation. Pour mémoire, les contre-indications cardiologiques du traitement par digoxine sont l’existence d’un bloc atrioventriculaire (BAV) de grade 2 ou 3 ou une maladie rythmique auriculaire non appareillées, ainsi qu’un syndrome de pré-excitation (Wolff-Parkinson-White). Diagnostic de l’intoxication digitalique L’intoxication digitalique est une intoxication médicamenteuse rare mais grave. Elle peut correspondre à deux situations bien distinctes : – les intoxications aiguës accidentelles ou volontaires ; – les surdosages au cours d’un traitement chronique. Dans ce dernier cas, qui est la situation le plus souvent rencontrée chez les patients âgés, l’intoxication survient avec des doses répétées de digoxine, chez un patient avec cardiopathie sous-jacente et souvent une insuffisance rénale. Un épisode de surdosage, toutes gravités confondues, surviendrait dans 6 à 23 % des traitements prolongés [5]. Le surdosage au cours d’un traitement chronique représentait 86 % des cas dans une cohorte de 838 patients pris en charge pour une intoxication digitalique en 1999-2000 [17]. Dans une cohorte nord-américaine de 1991, 71 % des 717 cas d’intoxications sévères étaient sous traitement au long cours [19]. L’intoxication digitalique concerne majoritairement des patients âgés, comme le montrent les âges médians des cohortes françaises et américaines citées, respectivement 83 et 74 ans [16, 19]. Le meilleur reflet de la gravité des intoxications digitaliques est le taux de mortalité élevé, estimé autour de 25 %, que l’intoxication soit aiguë ou chronique [7, 14]. Dans le premier cas, la gravité tient aux doses massives ingérées. Dans le second cas, la gravité paraît liée aux comorbidités, principalement cardiovasculaires, mais aussi au retard diagnostique et au sous-traitement [5]. Les signes de surdosage digitalique sont dominés par les symptômes digestifs et neurologiques. Ces signes doivent alerter chez un patient sous digoxine. Les symptômes cardiologiques sont responsables de la gravité de l’intoxication. Les signes digestifs sont quasiment constants, à type d’anorexie, de nausées, de vomissements, de diarrhées ou de douleurs abdominales [6, 20]. De rares cas d’infarctus Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012 mésentériques ont été décrits [6]. Ces symptômes digestifs sont aspécifiques. Ils sont plus fréquents chez des sujets âgés et peuvent être progressifs chez les patients traités au long cours. Ces éléments expliquent qu’ils puissent être négligés ou insuffisamment rapportés à l’intoxication [6]. Les signes neurologiques sont variés, eux aussi peu spécifiques et potentiellement progressifs : – somnolence ; – céphalées ; – confusion ; – délire. Les troubles visuels sont plus caractéristiques, mais peuvent également être des signes d’imprégnation digitalique, sans surdosage [21] : – classique trouble de vision des couleurs, ou dyschromatopsie ; – scotomes scintillants ; – vision floue. Pour l’anecdote, les couleurs de certains tableaux de Vincent Van Gogh (La nuit étoilée, Le café de nuit place Lamartine à Arles. . .) pourraient être liées à un traitement par digitale qui était parfois prescrit comme traitement antiépileptique à l’époque [22]. Van Gogh a d’ailleurs peint un célèbre Portrait du Docteur Gachet avec branche de digitale, visible au musée d’Orsay à Paris. D’autres symptômes très aspécifiques tels que céphalées, myalgies et asthénie intense sont également rapportés. Enfin, les signes électrocardiographiques, variés, résultant des propriétés cardiotropes évoquées précédemment, font toute la gravité de l’intoxication digitalique [8, 23, 24] : – troubles de la conduction cardiaque (bloc sino-auriculaire, BAV des trois degrés) ; – troubles du rythme (bradycardie sinusale, réponse ventriculaire lente sur FA, rythme jonctionnel, extrasystoles ventriculaires, tachycardie, voire fibrillation ventriculaire). Ces symptômes cardiaques sont responsables des décès par asystolie et fibrillation ventriculaire. Il est important de distinguer ces complications cardiaques des signes d’imprégnation digitalique, normaux au cours d’un traitement au long cours par digoxine [13] : – onde T aplatie ou inversée et sous-décalage du segment ST réalisant la classique cupule digitalique (principalement dans les dérivations à grandes ondes R) ; – raccourcissement de l’espace QT ; – augmentation de l’espace PR ; – augmentation de l’onde U. La digoxinémie est le marqueur biologique de l’intoxication. Elle confirme l’intoxication et permet, le cas échéant, le calcul précis de la dose de digitaliques à neutraliser. 359 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. É. Pautas, et al. Le traitement de l’intoxication digitalique réside, en priorité, en l’administration d’anticorps antidigitaliques. La première utilisation des anticorps antidigitaliques remonte à 1976 [27], bouleversant la prise en charge thérapeutique de ces intoxications. Pourtant, ce traitement est clairement sous-utilisé, a fortiori chez les patients âgés qui cumulent les facteurs de risque et donc les indications de cette thérapie. Ils sont pourtant efficaces sur quasiment tous les signes de l’intoxication digitalique [5]. Les autres éléments du traitement ont un intérêt mineur, en dehors de l’atropine qui reste utilisée en première ligne en cas de bradycardie. Globalement, en dehors des anticorps antidigitaliques, le traitement d’une intoxication digitalique est surtout symptomatique et doit être au mieux mené dans une structure de soins intensifs pour, notamment, optimiser le monitoring. L’évacuation par lavage gastrique et/ou charbon activé n’a aucune place dans les cas de surdosage chronique. Une épuration extra-rénale n’a aucun intérêt pour éliminer la digoxine du fait de son important volume de distribution et de sa liaison tissulaire importante. En cas de bradycardie sinusale ou de troubles de la conduction entraînant une bradycardie, l’atropine doit être utilisée en première intention (0,5-1 mg IVD). L’atropine est efficace pour maintenir une bonne perfusion tissulaire, mais son action, de très courte durée, explique qu’un patient bradycarde s’améliore seulement transitoirement. La répétition des doses est souvent nécessaire et l’injection d’atropine n’empêche pas l’utilisation des anticorps antidigitaliques. Les autres traitements cardiotropes de l’urgence, catécholamines et traitements antiarythmiques, sont tous inefficaces, voire dangereux. Un entraînement électrosystolique interne a longtemps été proposé en cas de signes de gravité cardiaque liés à des troubles de conduction et/ou du rythme, mais sans réduction de la mortalité et avec un fort taux de complications, notamment des arythmies fatales [19, 23, 28]. Les fragments d’anticorps spécifiques antidigitaliques, d’origine ovine, sont obtenus en plusieurs étapes : – fixation de la digoxine sur une protéine bovine ; – administration de ce composé immunogène au mouton ; – récupération des IgG du mouton ; – clivage enzymatique ; – obtention de fragments spécifiques antidigoxines, de faible poids moléculaire (fragments Fab). Ces anticorps ont une affinité pour la digoxine supérieure à celle de la digoxine pour la pompe Na+ /K+ -ATPase. Ils permettent de neutraliser rapidement les molécules de digoxine auxquelles ils se lient, d’abord en intravasculaire, puis dans le secteur interstitiel. Le délai médian de début de réponse est de 19 minutes, celui de réponse complète de 88 minutes [7, 14]. Les complexes sont ensuite rapidement éliminés par le rein, avec une demi-vie d’élimination de 10 à 20 heures [29]. Il n’y a pas de différence pharmacologique significative chez les patients âgés [6]. Une surveillance de la digoxinémie n’est pas utile car son résultat n’est plus 360 Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012 Une intoxication digitalique se définit par une digoxinémie supérieure à 2 ng/mL (ou 2,6 nmol/L). La digoxinémie est corrélée au type et au degré d’intoxication : elle est beaucoup plus élevée dans les intoxications volontaires que dans les surdosages accidentels et elle est associée à une surmortalité pour des chiffres extrêmes (supérieure à 6 ng/mL). Cependant, elle n’a pas été identifiée comme un facteur de mauvais pronostic d’intoxication car la mortalité paraît plus liée à l’âge et à l’existence d’une cardiopathie [14, 16, 25]. L’augmentation de la kaliémie reflète le degré de blocage de la pompe Na+ /K+ -ATPase, mais peut aussi être majorée par une insuffisance rénale, fréquente dans les intoxications digitaliques et liée aux troubles de l’hydratation associés aux troubles digestifs, ou aux troubles hémodynamiques [6, 16]. Une hyperkaliémie majeure est plus fréquente dans les intoxications aiguës, mais une kaliémie élevée est un facteur de risque de mortalité dès qu’elle dépasse 4,5 à 5,0 mmol/L [20, 26]. À l’inverse, une hypokaliémie peut être délétère car associée à un risque plus élevé de torsade de pointe. Elle n’est évidemment pas directement liée à l’intoxication digitalique, mais peut se voir en cas de traitement diurétique associé ; elle explique d’ailleurs une part du risque vital de l’interaction médicamenteuse entre digoxine et diurétique [17]. Facteurs pronostiques de l’intoxication digitalique Les facteurs de mauvais pronostic ont été identifiés dans des études anciennes [6, 14, 25] : – un âge supérieur à 55 ans ; – une hyperkaliémie supérieure à 4,5 mmol/L ; – la présence d’un BAV de deuxième ou troisième degré ; – le sexe masculin ; – une cardiopathie sous-jacente. Le risque de mortalité est cumulatif selon la présence d’un ou de plusieurs facteurs. Ainsi, si les trois premiers sont présents, le taux de mortalité était de l’ordre de 75 % chez un homme et de 50 % chez une femme [25]. Ces facteurs de mauvais pronostic ont été établis dans des cohortes de patients présentant majoritairement des intoxications aiguës, dont nous avons vu qu’elles sont devenues rares, mais ils sont également pris en compte dans les intoxications chroniques et font partie des critères de décision thérapeutique [8]. Traitement de l’intoxication digitalique Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Prise en charge des intoxications digitaliques chez le sujet âgé interprétable après injection des anticorps. Ce traitement entraîne une correction rapide des troubles du rythme ou de la conduction cardiaque, des symptômes digestifs et de l’hyperkaliémie [7, 14]. Son efficacité a été clairement démontrée en termes de réduction de mortalité dans les intoxications aiguës sévères, mais elle est aussi patente dans les surdosages chroniques [8, 16, 19]. L’utilisation des anticorps antidigitaliques réduit également le coût de la prise en charge des intoxications digitaliques [30] : – non-utilisation d’une stimulation cardiaque ; – diminution du nombre de jours d’hospitalisation en réanimation. Leurs effets indésirables sont rares et peu sévères [7, 19] : – hypokaliémie modérée ; – hypersensibilité (rapportée dans moins de 1 % des cas, surtout chez des patients avec antécédents atopiques). Recommandations sur le traitement d’une intoxication digitalique Il n’y a pas de recommandation officielle sur le traitement de l’intoxication digitalique, ni en France, ni dans d’autres pays européens ou aux États-Unis. En France, les recommandations d’experts se sont cependant accordées sur les modalités d’utilisation des anticorps antidigitaliques (Société française de médecine d’urgence, Collège national des enseignants de réanimation médicale) [31]. Deux stratégies de posologie sont distinguées, dont le choix repose sur la prise en compte des signes de gravité et des facteurs pronostiques. La neutralisation curative, ou équimolaire, a été initialement préférée. Dans ce cas, chaque molécule de digoxine est neutralisée par une molécule d’anticorps. Cette stratégie s’applique aux patients à risque vital immédiat [7, 16] : – asystolie ; – choc cardiogénique ; – arythmie ventriculaire (tachycardie ou fibrillation) ; – FC < 40/min malgré 1 mg d’atropine ; – kaliémie > 5,5 mmol/L. Elle n’a cependant pas permis de voir la réduction de mortalité escomptée, probablement en raison d’une utilisation trop tardive des anticorps. Les complications cardiovasculaires étaient contrôlées, mais les complications hémodynamiques fatales (anoxie cérébrale en particulier) étaient déjà installées [14, 23]. Une stratégie plus précoce a donc été proposée, correspondant à une neutralisation semi-molaire. La neutralisation prophylactique, ou semi-molaire, s’applique aux patients pour lesquels il existe un risque Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012 vital potentiel, en se basant principalement sur les facteurs de risque de mortalité vus précédemment. Ainsi, une neutralisation prophylactique est proposée si au moins 3 des facteurs de risque suivants sont présents [6, 16] : – sexe masculin ; – âge > 55 ans ; – cardiopathie sous-jacente ; – BAV de deuxième ou troisième degré ; – FC < 60/min malgré 1 mg d’atropine ; – kaliémie > 4,5 mmol/L. Même si le nombre de facteurs de risque à prendre en compte reste discuté, il est marquant de voir que l’indication de la stratégie prophylactique est très fréquemment rencontrée en cas d’intoxication digitalique chez un patient âgé, mais elle est clairement sous-utilisée dans la pratique [5]. Une étude rétrospective de patients admis dans le même centre français de réanimation et toxicologie entre 1990 et 2004 a montré que les Fab, utilisés précocement selon les modalités décrites ci-dessus, réduisaient la mortalité. L’âge médian des patients était de 74 ans, principalement intoxiqués chroniques. Les anticorps étaient utilisés à dose prophylactique. Une dose complémentaire pouvait être administrée si des signes de gravité persistaient ou réapparaissaient. Grâce à cette prise en charge, la mortalité était de 7,6 %, donc nettement améliorée par rapport aux résultats des études précédentes où elle était autour de 25 % [7, 8, 19, 23]. Cette étude était ouverte, sans groupe contrôle et, a fortiori, sans randomisation. Cependant, un essai randomisé ne paraît plus réalisable actuellement compte tenu de la gravité potentielle du surdosage digitalique et du fait que l’efficacité des Fab semble Points clés • L’intoxication digitalique est plus fréquente chez les patients âgés du fait de spécificités pharmacologiques de la digoxine liées au vieillissement et aux fréquentes comorbidités. • Le diagnostic d’intoxication digitalique peut être tardif chez le sujet âgé compte tenu des symptômes digestifs et neurologiques non spécifiques, mais qui doivent systématiquement faire doser la digoxinémie en cas de traitement par cet antiarythmique. • Les anticorps antidigitaliques représentent le traitement de première ligne d’une intoxication digitalique en présence de facteurs pronostiques péjoratifs. • En raison de la gravité potentielle d’une intoxication digitalique chez un patient âgé, un centre anti-poison ou un service de réanimation spécialisé en toxicologie doit être contacté au moindre doute sur les modalités de prise en charge. 361 É. Pautas, et al. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Tableau 1. Calcul de la dose d’anticorps antidigitaliques à administrer en cas de surdosage en digoxine. Table 1. Dosage of digoxin-specific antibodies to be administered in digoxin intoxication. Calcul de la quantité de digitalique à neutraliser (= Q) Calcul du nombre de flacons de DigiFab® 40 mg à administrer Q = digoxinémie (ng/mL) x poids (kg) x volume de distribution (5,6 L/kg) Chaque flacon neutralise 0,5 mg de digoxine. • Neutralisation curative équimolaire : nombre de flacons = 2 x Q • Neutralisation prophylactique semi-molaire : nombre de flacons = Q Conclusion établie. À l’étranger, les attitudes sont similaires, mais sans toujours distinguer les deux stratégies curative et prophylactique, et avec des chiffres « limites » différents pour la FC ou la kaliémie [32]. Mais l’idée générale des auteurs est de ne pas sous-estimer la gravité potentielle d’une intoxication digitalique et de ne pas retarder l’administration de l’immunothérapie [6, 14, 16, 19, 33]. Actuellement, les Fab anticorps antidigitaliques sont commercialisés en France sous le nom DigiFab® Flacon à 40 mg. La solution reconstituée doit être utilisée immédiatement ou au maximum dans les 4 heures après conservation entre 2 et 8 ◦ C à l’abri de la lumière. Le calcul de la dose à administrer, qui tient compte de la digoxinémie et du poids du patient, est résumé dans le tableau 1 [6-8]. La prise en charge des patients admis pour intoxication digitalique a été évaluée au sein de 20 hôpitaux français [16]. Dans cette étude, l’utilisation des anticorps antidigitaliques n’était que peu liée à la présence ou non des facteurs de risque ou de gravité pré-définis. La bradycardie et la kaliémie étaient ainsi souvent prises en compte, mais sans limite bien définie. L’immunothérapie était plus souvent utilisée si l’intoxication était aiguë plutôt que chronique. La méconnaissance du traitement par les médecins paraît un facteur limitant à son utilisation. Il est ici important de rappeler que les patients âgés sont les victimes les plus fréquentes des surdosages en digoxine et qu’ils présentent plus souvent des facteurs de risque de mortalité du fait de leurs comorbidités [8]. Les gériatres, et plus globalement les praticiens, fréquemment en charge des patients âgés, devraient donc avoir une information adéquate sur le traitement de l’intoxication digitalique. Le dernier critère d’utilisation était la disponibilité des anticorps, comme cela a déjà été montré pour d’autres antidotes [34]. Ce manque de disponibilité peut tenir en partie au coût élevé du produit, même si la seule analyse médico-économique plaide pour une économie liée à de moindres lourdeur et durée de prise en charge en réanimation [30]. L’intoxication digitalique étant relativement rare, les stocks ne sont pas toujours utilisés à temps. Il paraît donc logique que soit organisée une gestion des stocks au niveau des structures d’urgence ou de réanimation toxicologique, à une échelle économiquement viable [5]. Les intoxications digitaliques, potentiellement mortelles, concernent avant tout les patients traités au long cours. Les patients âgés, au vu de la fréquence des cardiopathies, de la polymédication et de l’insuffisance rénale, sont une population particulièrement concernée par le surdosage, même si les indications actuelles de la digoxine sont limitées et qu’il y a clairement une sur-prescription de cette molécule. La première attitude devant un traitement par digoxine chez un patient âgé est donc de s’assurer de la pertinence de cette prescription (indication, contre-indications, risques d’interactions médicamenteuses, estimation de la fonction rénale), ce qui doit conduire à son arrêt chez une grande majorité de patients âgés. Si l’indication est maintenue, il convient également de s’assurer de l’observance et de la sécurité des prises médicamenteuses, comme pour tout traitement chez le patient âgé, mais a fortiori pour un médicament à marge thérapeutique étroite, en évaluant : – la présence d’éventuels troubles neuro-sensoriels ou cognitifs ; – la possibilité d’une éducation thérapeutique ; – la nécessité d’une aide au traitement. Il est nécessaire de se poser systématiquement ces questions afin de réduire les prescriptions inappropriées de digoxine et, ainsi, les surdosages. En cas d’intoxication avérée, le transfert en unité de soins intensifs doit être envisagé et un traitement par anticorps antidigitaliques doit être évoqué en connaissant les critères de gravité ainsi que les facteurs de risque de mortalité, d’autant qu’ils sont plus fréquemment présents chez les patients âgés. Les critères et les modalités d’utilisation de ces anticorps sont consensuels dans le milieu de l’urgence et de la réanimation toxicologique. Dans le cadre du circuit du médicament, les modalités d’obtention rapide de cet antidote pourraient donc être réfléchies dans toute structure gériatrique hospitalière, afin d’éviter de perdre un temps qui peut être précieux pour la survie du patient. 362 Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012 Conflits d’intérêts : aucun. Prise en charge des intoxications digitaliques chez le sujet âgé Références Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. 1. 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