Mise au point sur la prise en charge des intoxications digitaliques

publicité
Synthèse
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2012 ; 10 (4) : 355-63
Mise au point sur la prise en charge des
intoxications digitaliques chez le sujet âgé
À propos d’un cas traité par anticorps
antidigitaliques
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
Focus on digitalis intoxication in the elderly
Report of a case treated with digoxin-specific
Fab antibody fragments
Éric Pautas1,2
Clara Lopez1
Adeline Gouronnec1
Sophie Gravelaine1
Isabelle Peyron3
FrÉdÉric Lapostolle4
1 Unité gériatrique aiguë, Groupe
hospitalier Pitié-Salpêtrière-Charles Foix,
AP-HP, Paris, France
<[email protected]>
2 UFR de médecine Pierre et Marie
Curie, Université Paris 6, France
3 Pharmacie, Groupe hospitalier
Pitié-Salpêtrière-Charles Foix, AP-HP,
Paris, France
4 Samu 93, Hôpital Avicenne, AP-HP,
Bobigny, France
Tirés à part :
É. Pautas
Résumé. Les indications de la digoxine sont actuellement limitées à de rares cas
d’insuffisance cardiaque et/ou de fibrillation atriale. Son utilisation devrait donc être rare
en gériatrie, d’autant que ses spécificités pharmacologiques, associées aux modifications
liées au vieillissement et aux comorbidités, exposent particulièrement les patients âgés
au risque de surdosage. La digoxine reste pourtant trop prescrite car environ un tiers des
patients âgés souffrant d’insuffisance cardiaque et/ou de fibrillation auriculaire serait sous
digitalique. Un surdosage digitalique peut se manifester par des signes digestifs, des signes
neurologiques, et surtout des troubles de la conduction et/ou du rythme cardiaque, expliquant un risque vital avec un taux de mortalité élevé. Le traitement de référence actuel
est l’administration d’anticorps antidigitaliques. Des critères de mauvais pronostic, très fréquemment présents en cas de surdosage digitalique chez un patient âgé, ont été établis
afin de guider l’indication et la posologie de ces anticorps. Il est important, pour un gériatre,
de reconnaître les signes de surdosage et d’avoir une idée des critères orientant vers un
traitement par anticorps, ce qui permet de déclencher une prise en charge adaptée en
s’aidant du conseil des centres anti-poison et d’un éventuel transfert en soins intensifs.
Mots clés : intoxication, digoxine, immunothérapie, sujet âgé, iatrogénie
Abstract. The indications for digoxin are currently limited to rare cases of heart failure and/or
atrial fibrillation. Its use should be even more rare in geriatrics its pharmacological characteristics, associated with age-related changes and comorbidities, particularly increase the
risk of digoxin poisoning in the elderly. However, at least a third of aged patients suffering
from heart failure and/or atrial fibrillation is treated by digitalis. Digoxin intoxication can provoke gastrointestinal troubles, neurological disturbances and, above all, cardiac conduction
impairment and dysrythmias, which explain its severity and high mortality rate. Presently,
first-line therapy is the administration of digoxin specific antibodies. Poor prognosis factors,
frequently found in digoxin intoxications in the elderly, have been established for guiding
the prescription of antibodies and their dosage. It is important for geriatricians to be able to
recognize poisoning signs and the conditions in which an antidote treatment is necessary.
This will permit a more effective management of the case, with the support of a poison
control center and possible referral of the patient to an intensive care unit.
doi:10.1684/pnv.2012.0382
Key words: intoxication, digoxin, immunotherapy, elderly, iatrogenic effect
L
es digitaliques n’ont quasiment plus leur place
dans le traitement de l’insuffisance cardiaque avec
rythme sinusal et ils ne sont que rarement utiles
dans la fibrillation atriale [1, 2]. Ils restent cependant trop fréquemment prescrits, en particulier chez les sujets âgés chez
qui la prévalence de ces pathologies est élevée [3, 4]. Or, les
patients âgés sont particulièrement exposés au risque de
surdosage compte tenu de spécificités pharmacologiques
du médicament et de l’effet du vieillissement ou des comorbidités. L’intoxication digitalique est rare mais grave, et
cette gravité est clairement sous-estimée par la plupart
des praticiens [5]. Il est notamment important de recon-
Pour citer cet article : Pautas É, Lopez C, Gouronnec A, Gravelaine S, Peyron I, Lapostolle F. Mise au point sur la prise en charge des intoxications digitaliques chez le sujet âgé. À propos d’un cas traité par anticorps antidigitaliques. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2012; 10(4) :355-63
doi:10.1684/pnv.2012.0382
355
É. Pautas, et al.
naître les symptômes d’intoxication chez tout patient traité
par digitalique, et de connaître les modalités de prise en
charge urgente, dominées par l’utilisation d’anticorps antidigitaliques.
À propos d’un cas typique d’intoxication digitalique
survenue chez une patiente âgée traitée par anticorps antidigitaliques, nous présentons une revue de la littérature sur
cet incident iatrogène et sa prise en charge thérapeutique.
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
L’observation
Une femme âgée de 79 ans est hospitalisée dans un
service de court séjour gériatrique pour une altération de
l’état général associée à des nausées persistantes.
Historique médical
Ses principaux antécédents sont :
– une fibrillation atriale (FA) paroxystique ;
– un rétrécissement mitral traité par commissurotomie percutanée ;
– une hypertension artérielle ;
– une insuffisance rénale chronique de sévérité moyenne
(clairance de la créatinine calculée à 40 ml/min par la formule
de Cockcroft).
Son traitement au long cours comporte :
– amiodarone 200 mg/jour ;
– aspirine 75 mg/jour ;
– ésoméprazole 40 mg/jour ;
– supplémentation vitamino-calcique.
Deux mois avant l’hospitalisation, de la digoxine
(Hémigoxine® 0,125 mg/jour) a été ajoutée à l’amiodarone
après la mise en évidence de troubles du rythme auriculaire sous la forme d’une alternance de rythme sinusal, de
tachysystolie auriculaire et de flutter.
Quatre jours avant l’hospitalisation, des nausées sans
vomissement ont été traitées symptomatiquement par antiémétique, dans l’hypothèse d’une gastroentérite aiguë. La
persistance des symptômes digestifs avec une anorexie
puis une asthénie majeure motive l’hospitalisation.
Le bilan biologique retrouve une clairance de la créatinine
calculée à 28 mL/min, sans trouble ionique associé (kaliémie
à 4,3 mmol/L). La digoxinémie est à 4,50 ng/mL, confirmant
le diagnostic d’intoxication digitalique.
Thérapeutique
La digoxine est arrêtée. Après avis du centre antipoison,
l’administration de fragments Fab antidigitaliques est décidée, avec une posologie correspondant à la neutralisation
d’une dose de 1 mg de digitalique [6-8]. Les signes digestifs
régressent dans les 12 heures suivantes, la régression des
signes confusionnels étant plus lente, sur environ 3 jours.
L’ECG, 12 heures après le traitement, retrouve le trouble
du rythme auriculaire avec une FC à 57/min (figure 1B). Un
ECG, réalisé douze jours après, retrouve un rythme sinusal
à 73/min (figure 1C).
La patiente rentre à son domicile avec un traitement
antiarythmique limité à la Cordarone® .
Revue de la littérature
Rappel sur la pharmacologie des digitaliques
À l’arrivée, le tableau clinique associe des signes
digestifs (nausées et douleurs abdominales), un syndrome
confusionnel et une bradycardie irrégulière à 50/min. Le
reste de l’examen clinique est normal, notamment sans
trouble visuel ni signe d’insuffisance cardiaque, et la pression artérielle est normale à 110/65 mmHg.
L’électrocardiogramme (ECG) retrouve une FA avec une
fréquence cardiaque (FC) moyenne à 45/min (figure 1A).
Les glycosides digitaliques dérivent des plantes du
genre Digitale. Ces dernières sont parfois consommées
de façon accidentelle ou à visée suicidaire [9, 10]. La digitoxine n’est plus commercialisée en France depuis 2004. La
digoxine est donc le seul digitalique actuellement prescrit
en France : Digoxine Nativelle® (comprimé à 0,25 mg, solution buvable à 0,05 mg/mL, ampoule injectable 0,5 mg/amp)
et Hémigoxine Nativelle® (comprimé à 0,125 mg).
Le mode d’action des digitaliques est lié à une augmentation du tonus vagal et à l’inhibition de la pompe
sodium/potassium
adénosine-triphosphate-dépendante
membranaire (pompe Na+ /K+ -ATPase), avec laquelle ils se
lient de façon réversible. Il en résulte une augmentation
du sodium intracellulaire (et du potassium extracellulaire),
d’où une augmentation du calcium intracellulaire par retentissement sur l’échangeur Na+ /Ca++ (figure 2) [11-13]. Les
échanges ioniques transmembranaires permettent, à l’état
de base, la création du potentiel d’action cellulaire et donc
de l’influx nerveux. La surcharge intracellulaire en calcium,
induite par l’inhibition de la pompe Na+ /K+ -ATPase, entraîne
une accélération de la dépolarisation et du post-potentiel.
Les modifications ioniques induites par les digitaliques
conduisent donc à des effets inotrope et bathmotrope
positifs (augmentation de la force de contraction du
myocarde et de l’excitabilité) et à des effets dromotrope
et chronotrope négatifs (ralentissement de la vitesse de
conduction dans le nœud auriculo-ventriculaire et baisse
356
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012
Clinique
Prise en charge des intoxications digitaliques chez le sujet âgé
A
V3
III
V4
a VR
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
B
V1
V2
C
V1
V2
Figure 1. A : électrocardiogramme au moment du diagnostic d’intoxication digitalique. À noter la présence d’une cupule digitalique, bien
visible en V4. B : électrocardiogramme 12 heures après injection d’anticorps antidigitaliques. C : électrocardiogramme 12 jours après le
traitement par anticorps antidigitaliques.
Figure 1. A: electrocardiogram at diagnosis of digoxin intoxication. Note the reverse tick ST segment depression. B: electrocardiogram
12 hours after infusion of Fab fragments of digoxin-specific antibodies. C: electrocardiogram 12 days after treatment with digoxin-specific
antibodies.
de la FC par ralentissement de la vitesse de dépolarisation
automatique des cellules du nœud atrio-ventriculaire).
Les digitaliques sont donc considérés principalement
comme des traitements antiarythmiques et font partie de
la classe V de la classification de Vaughan-Williams. Leur
utilisation thérapeutique est liée à leur capacité à contrôler
le rythme cardiaque au repos (mais très peu à l’exercice)
et à diminuer la conduction auriculo-ventriculaire.
La digoxine a une biodisponibilité de 60 % et une fixation protéique de 25 %. Ses métabolites sont actifs. Le pic
d’efficacité survient entre 1,5 et 6 heures après la prise.
Son élimination se fait à 90 % par voie rénale (en grande
majorité par filtration glomérulaire et très faiblement par
excrétion tubulaire), ce qui explique sa dangerosité en cas
d’insuffisance rénale, d’autant que sa demi-vie est longue
(30 heures) [6, 14].
Le dosage plasmatique du médicament est réalisable
par de nombreuses techniques immunologiques avec de
faibles variations intra- et inter-techniques, surtout pour des
digoxinémies moyennes à élevées [15]. La concentration
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012
357
É. Pautas, et al.
K+
Na
+
K+
Na-K-ATPase
Na+
Ca++
DIGOXINE
Echanges
Na+/Ca++
s’associe à un risque accru de torsade de pointe dans le cas
d’une intoxication digitalique.
À ces facteurs identifiés dans la littérature dans le cadre
des traitements digitaliques, s’ajoutent d’autres facteurs de
risque généraux de iatrogénie chez le patient âgé, notamment l’existence de troubles cognitifs ou sensoriels pouvant
poser des problèmes d’observance.
Cellule
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
Indications thérapeutiques des digitaliques
Chez les patients âgés, plusieurs facteurs pharmacologiques majorent le risque de surdosage digitalique et
expliquent la fréquente nécessité de recourir à des doses
réduites de digoxine [6, 16] :
– une insuffisance rénale, dont la prévalence augmente
avec l’âge, est clairement associée à une diminution de
l’élimination de la digoxine. L’insuffisance rénale chronique peut, de plus, être aggravée lors d’une intoxication
digitalique, avec une part fonctionnelle secondaire à la
déshydratation liée à des troubles digestifs ;
– le volume de distribution de la digoxine est diminué en
raison d’une diminution de la masse musculaire avec l’âge ;
– le risque d’interactions médicamenteuses est évidemment majoré chez les patients polymédiqués. De nombreux
médicaments antiarythmiques peuvent entraîner une augmentation de la digoxinémie : amiodarone, vérapamil,
diltiazem. L’interaction médicamenteuse à risque la plus
fréquente chez le sujet âgé est la co-prescription d’un
diurétique. Une étude taïwannaise a ainsi montré une augmentation du risque de surdosage chez les patients sous
diurétiques : risque 3 fois plus élevé avec un diurétique
de l’anse, 4,6 fois plus élevé avec l’hydrochlorothiazide
et 3,8 fois plus élevée pour l’association de 2 classes
de diurétiques [17]. De plus, un diurétique kaliurétique
peut entraîner une hypokaliémie, dont nous verrons qu’elle
La digoxine est encore fréquemment prescrite, alors
que ses indications sont très limitées à l’heure actuelle.
Ces indications ont été rappelées très récemment dans
les recommandations 2012 de la Société européenne de
cardiologie, concernant le traitement de l’insuffisance cardiaque et la prise en charge de la FA [1, 2]. Un traitement
par digoxine ne devrait être discuté que dans les situations
suivantes :
– en seconde intention après un bêtabloquant, en cas de
FA paroxystique (forme injectable IV) ou permanente (forme
per os) pour ralentir le rythme, mais plutôt chez un patient
sédentaire. Pour mémoire, les digitaliques sont efficaces
pour ralentir la FC dans la FA, mais ne préviennent pas la
récidive de FA chez un patient repassé en rythme sinusal ;
– en seconde ligne, après les bêtabloquants et les inhibiteurs calciques bradycardisants, en cas d’insuffisance
cardiaque symptomatique avec coexistence d’une FA rapide
(FC > 80/min au repos ou > 110-120/min à l’exercice) ;
– en tout dernier recours, après que les autres traitements
aient été utilisés à dose maximale (bêtabloquants, inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou sartans, diurétiques
anti-aldostérone), en cas d’insuffisance cardiaque avec dysfonction systolique majeure (fraction d’éjection ventriculaire
gauche [FEVG] ≤ 40 %) ou avec symptômes sévères.
Même si les indications de la digoxine se sont nettement
réduites sur les dernières décennies, des études de prescription récentes ont noté qu’au moins un tiers des patients
insuffisants cardiaques et/ou en FA avait un traitement digitalique au long cours [3, 4]. De plus, cette prescription
semblait plus fréquente chez les patients âgés : 34 % dans
le groupe des plus de 80 ans (âge médian 84 ans) versus 29 % dans le groupe des patients plus jeunes (âge
médian 69 ans) de la cohorte de l’Euro Heart Failure Survey
(p < 0,001) [3]. Ceci peut être expliqué par l’augmentation
de prévalence de l’insuffisance cardiaque et de la FA avec
l’âge. La prévalence de l’insuffisance cardiaque est ainsi
estimée, en Europe, entre 2 et 3 % dans la population
globale, mais serait comprise entre 10 et 20 % chez les
70-80 ans [1]. La prévalence de la FA, inférieure à 1 %
dans la population générale européenne, augmente autour
de 6 % chez les 65-79 ans, et devient supérieure à 10 %
358
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012
Ca++ Na+
Figure 2. Interactions entre les digitaliques et les échanges
ioniques cellulaires.
Figure 2. Digitalis interaction with cellular ion exchange.
thérapeutique habituellement considérée comme acceptable est de 0,5 à 2 ng/mL (0,6 à 2,6 nmol/L), mais il est
le plus souvent conseillé de « viser » une digoxinémie entre
0,5 et 1,2 ng/mL car la digoxine est un médicament à marge
thérapeutique étroite. Chez les patients les plus à risque
de surdosage, insuffisants rénaux et/ou âgés, il peut être
recommandé de mesurer la digoxinémie 8 jours (5 demivies) après l’initiation du traitement, puis une fois par an, de
façon systématique.
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
Prise en charge des intoxications digitaliques chez le sujet âgé
chez les octogénaires [2]. Enfin, il existe une association établie entre insuffisance cardiaque et FA, dont la coexistence
chez un patient âgé joue par ailleurs un rôle péjoratif sur le
pronostic vital [18]. Il est cependant important de rappeler
que, même pour ces deux pathologies, la prescription de
la digoxine devrait dorénavant être rare chez le patient âgé
en raison d’une balance bénéfice-risque penchant le plus
souvent en défaveur de son utilisation.
Pour mémoire, les contre-indications cardiologiques du
traitement par digoxine sont l’existence d’un bloc atrioventriculaire (BAV) de grade 2 ou 3 ou une maladie
rythmique auriculaire non appareillées, ainsi qu’un syndrome de pré-excitation (Wolff-Parkinson-White).
Diagnostic de l’intoxication digitalique
L’intoxication digitalique est une intoxication médicamenteuse rare mais grave. Elle peut correspondre à deux
situations bien distinctes :
– les intoxications aiguës accidentelles ou volontaires ;
– les surdosages au cours d’un traitement chronique.
Dans ce dernier cas, qui est la situation le plus souvent
rencontrée chez les patients âgés, l’intoxication survient
avec des doses répétées de digoxine, chez un patient
avec cardiopathie sous-jacente et souvent une insuffisance rénale. Un épisode de surdosage, toutes gravités
confondues, surviendrait dans 6 à 23 % des traitements
prolongés [5]. Le surdosage au cours d’un traitement chronique représentait 86 % des cas dans une cohorte de
838 patients pris en charge pour une intoxication digitalique
en 1999-2000 [17]. Dans une cohorte nord-américaine de
1991, 71 % des 717 cas d’intoxications sévères étaient
sous traitement au long cours [19]. L’intoxication digitalique concerne majoritairement des patients âgés, comme
le montrent les âges médians des cohortes françaises et
américaines citées, respectivement 83 et 74 ans [16, 19].
Le meilleur reflet de la gravité des intoxications digitaliques est le taux de mortalité élevé, estimé autour de 25 %,
que l’intoxication soit aiguë ou chronique [7, 14]. Dans le
premier cas, la gravité tient aux doses massives ingérées.
Dans le second cas, la gravité paraît liée aux comorbidités, principalement cardiovasculaires, mais aussi au retard
diagnostique et au sous-traitement [5].
Les signes de surdosage digitalique sont dominés par
les symptômes digestifs et neurologiques. Ces signes
doivent alerter chez un patient sous digoxine. Les symptômes cardiologiques sont responsables de la gravité de
l’intoxication.
Les signes digestifs sont quasiment constants, à type
d’anorexie, de nausées, de vomissements, de diarrhées ou
de douleurs abdominales [6, 20]. De rares cas d’infarctus
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012
mésentériques ont été décrits [6]. Ces symptômes digestifs
sont aspécifiques. Ils sont plus fréquents chez des sujets
âgés et peuvent être progressifs chez les patients traités
au long cours. Ces éléments expliquent qu’ils puissent être
négligés ou insuffisamment rapportés à l’intoxication [6].
Les signes neurologiques sont variés, eux aussi peu
spécifiques et potentiellement progressifs :
– somnolence ;
– céphalées ;
– confusion ;
– délire.
Les troubles visuels sont plus caractéristiques, mais
peuvent également être des signes d’imprégnation digitalique, sans surdosage [21] :
– classique trouble de vision des couleurs, ou dyschromatopsie ;
– scotomes scintillants ;
– vision floue.
Pour l’anecdote, les couleurs de certains tableaux de
Vincent Van Gogh (La nuit étoilée, Le café de nuit place
Lamartine à Arles. . .) pourraient être liées à un traitement
par digitale qui était parfois prescrit comme traitement antiépileptique à l’époque [22]. Van Gogh a d’ailleurs peint un
célèbre Portrait du Docteur Gachet avec branche de digitale, visible au musée d’Orsay à Paris. D’autres symptômes
très aspécifiques tels que céphalées, myalgies et asthénie
intense sont également rapportés.
Enfin, les signes électrocardiographiques, variés, résultant des propriétés cardiotropes évoquées précédemment,
font toute la gravité de l’intoxication digitalique [8, 23, 24] :
– troubles de la conduction cardiaque (bloc sino-auriculaire,
BAV des trois degrés) ;
– troubles du rythme (bradycardie sinusale, réponse ventriculaire lente sur FA, rythme jonctionnel, extrasystoles
ventriculaires, tachycardie, voire fibrillation ventriculaire).
Ces symptômes cardiaques sont responsables des
décès par asystolie et fibrillation ventriculaire. Il est important de distinguer ces complications cardiaques des signes
d’imprégnation digitalique, normaux au cours d’un traitement au long cours par digoxine [13] :
– onde T aplatie ou inversée et sous-décalage du
segment ST réalisant la classique cupule digitalique (principalement dans les dérivations à grandes ondes R) ;
– raccourcissement de l’espace QT ;
– augmentation de l’espace PR ;
– augmentation de l’onde U.
La digoxinémie est le marqueur biologique de
l’intoxication. Elle confirme l’intoxication et permet, le cas
échéant, le calcul précis de la dose de digitaliques à neutraliser.
359
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
É. Pautas, et al.
Le traitement de l’intoxication digitalique réside, en
priorité, en l’administration d’anticorps antidigitaliques. La
première utilisation des anticorps antidigitaliques remonte
à 1976 [27], bouleversant la prise en charge thérapeutique
de ces intoxications. Pourtant, ce traitement est clairement
sous-utilisé, a fortiori chez les patients âgés qui cumulent les
facteurs de risque et donc les indications de cette thérapie.
Ils sont pourtant efficaces sur quasiment tous les signes de
l’intoxication digitalique [5].
Les autres éléments du traitement ont un intérêt mineur,
en dehors de l’atropine qui reste utilisée en première
ligne en cas de bradycardie. Globalement, en dehors des
anticorps antidigitaliques, le traitement d’une intoxication
digitalique est surtout symptomatique et doit être au mieux
mené dans une structure de soins intensifs pour, notamment, optimiser le monitoring. L’évacuation par lavage
gastrique et/ou charbon activé n’a aucune place dans les
cas de surdosage chronique. Une épuration extra-rénale
n’a aucun intérêt pour éliminer la digoxine du fait de son
important volume de distribution et de sa liaison tissulaire
importante. En cas de bradycardie sinusale ou de troubles
de la conduction entraînant une bradycardie, l’atropine doit
être utilisée en première intention (0,5-1 mg IVD). L’atropine
est efficace pour maintenir une bonne perfusion tissulaire, mais son action, de très courte durée, explique qu’un
patient bradycarde s’améliore seulement transitoirement.
La répétition des doses est souvent nécessaire et l’injection
d’atropine n’empêche pas l’utilisation des anticorps antidigitaliques. Les autres traitements cardiotropes de l’urgence,
catécholamines et traitements antiarythmiques, sont tous
inefficaces, voire dangereux. Un entraînement électrosystolique interne a longtemps été proposé en cas de signes de
gravité cardiaque liés à des troubles de conduction et/ou du
rythme, mais sans réduction de la mortalité et avec un fort
taux de complications, notamment des arythmies fatales
[19, 23, 28].
Les fragments d’anticorps spécifiques antidigitaliques,
d’origine ovine, sont obtenus en plusieurs étapes :
– fixation de la digoxine sur une protéine bovine ;
– administration de ce composé immunogène au mouton ;
– récupération des IgG du mouton ;
– clivage enzymatique ;
– obtention de fragments spécifiques antidigoxines, de
faible poids moléculaire (fragments Fab).
Ces anticorps ont une affinité pour la digoxine supérieure à celle de la digoxine pour la pompe Na+ /K+ -ATPase.
Ils permettent de neutraliser rapidement les molécules de
digoxine auxquelles ils se lient, d’abord en intravasculaire,
puis dans le secteur interstitiel. Le délai médian de début de
réponse est de 19 minutes, celui de réponse complète de
88 minutes [7, 14]. Les complexes sont ensuite rapidement
éliminés par le rein, avec une demi-vie d’élimination de 10 à
20 heures [29]. Il n’y a pas de différence pharmacologique
significative chez les patients âgés [6]. Une surveillance de
la digoxinémie n’est pas utile car son résultat n’est plus
360
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012
Une intoxication digitalique se définit par une digoxinémie supérieure à 2 ng/mL (ou 2,6 nmol/L). La digoxinémie
est corrélée au type et au degré d’intoxication : elle est beaucoup plus élevée dans les intoxications volontaires que dans
les surdosages accidentels et elle est associée à une surmortalité pour des chiffres extrêmes (supérieure à 6 ng/mL).
Cependant, elle n’a pas été identifiée comme un facteur de
mauvais pronostic d’intoxication car la mortalité paraît plus
liée à l’âge et à l’existence d’une cardiopathie [14, 16, 25].
L’augmentation de la kaliémie reflète le degré de blocage de la pompe Na+ /K+ -ATPase, mais peut aussi être
majorée par une insuffisance rénale, fréquente dans les
intoxications digitaliques et liée aux troubles de l’hydratation
associés aux troubles digestifs, ou aux troubles hémodynamiques [6, 16]. Une hyperkaliémie majeure est plus
fréquente dans les intoxications aiguës, mais une kaliémie
élevée est un facteur de risque de mortalité dès qu’elle
dépasse 4,5 à 5,0 mmol/L [20, 26]. À l’inverse, une hypokaliémie peut être délétère car associée à un risque plus élevé
de torsade de pointe. Elle n’est évidemment pas directement liée à l’intoxication digitalique, mais peut se voir en
cas de traitement diurétique associé ; elle explique d’ailleurs
une part du risque vital de l’interaction médicamenteuse
entre digoxine et diurétique [17].
Facteurs pronostiques de l’intoxication
digitalique
Les facteurs de mauvais pronostic ont été identifiés
dans des études anciennes [6, 14, 25] :
– un âge supérieur à 55 ans ;
– une hyperkaliémie supérieure à 4,5 mmol/L ;
– la présence d’un BAV de deuxième ou troisième degré ;
– le sexe masculin ;
– une cardiopathie sous-jacente.
Le risque de mortalité est cumulatif selon la présence
d’un ou de plusieurs facteurs. Ainsi, si les trois premiers
sont présents, le taux de mortalité était de l’ordre de 75 %
chez un homme et de 50 % chez une femme [25]. Ces
facteurs de mauvais pronostic ont été établis dans des
cohortes de patients présentant majoritairement des intoxications aiguës, dont nous avons vu qu’elles sont devenues
rares, mais ils sont également pris en compte dans les
intoxications chroniques et font partie des critères de décision thérapeutique [8].
Traitement de l’intoxication digitalique
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
Prise en charge des intoxications digitaliques chez le sujet âgé
interprétable après injection des anticorps. Ce traitement
entraîne une correction rapide des troubles du rythme ou
de la conduction cardiaque, des symptômes digestifs et
de l’hyperkaliémie [7, 14]. Son efficacité a été clairement
démontrée en termes de réduction de mortalité dans les
intoxications aiguës sévères, mais elle est aussi patente
dans les surdosages chroniques [8, 16, 19].
L’utilisation des anticorps antidigitaliques réduit également le coût de la prise en charge des intoxications
digitaliques [30] :
– non-utilisation d’une stimulation cardiaque ;
– diminution du nombre de jours d’hospitalisation en réanimation.
Leurs effets indésirables sont rares et peu sévères
[7, 19] :
– hypokaliémie modérée ;
– hypersensibilité (rapportée dans moins de 1 % des cas,
surtout chez des patients avec antécédents atopiques).
Recommandations sur le traitement
d’une intoxication digitalique
Il n’y a pas de recommandation officielle sur le traitement de l’intoxication digitalique, ni en France, ni dans
d’autres pays européens ou aux États-Unis. En France, les
recommandations d’experts se sont cependant accordées
sur les modalités d’utilisation des anticorps antidigitaliques
(Société française de médecine d’urgence, Collège national
des enseignants de réanimation médicale) [31]. Deux stratégies de posologie sont distinguées, dont le choix repose
sur la prise en compte des signes de gravité et des facteurs
pronostiques.
La neutralisation curative, ou équimolaire, a été initialement préférée. Dans ce cas, chaque molécule de digoxine
est neutralisée par une molécule d’anticorps. Cette stratégie s’applique aux patients à risque vital immédiat [7, 16] :
– asystolie ;
– choc cardiogénique ;
– arythmie ventriculaire (tachycardie ou fibrillation) ;
– FC < 40/min malgré 1 mg d’atropine ;
– kaliémie > 5,5 mmol/L.
Elle n’a cependant pas permis de voir la réduction
de mortalité escomptée, probablement en raison d’une
utilisation trop tardive des anticorps. Les complications cardiovasculaires étaient contrôlées, mais les complications
hémodynamiques fatales (anoxie cérébrale en particulier)
étaient déjà installées [14, 23]. Une stratégie plus précoce
a donc été proposée, correspondant à une neutralisation
semi-molaire.
La neutralisation prophylactique, ou semi-molaire,
s’applique aux patients pour lesquels il existe un risque
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012
vital potentiel, en se basant principalement sur les facteurs
de risque de mortalité vus précédemment. Ainsi, une neutralisation prophylactique est proposée si au moins 3 des
facteurs de risque suivants sont présents [6, 16] :
– sexe masculin ;
– âge > 55 ans ;
– cardiopathie sous-jacente ;
– BAV de deuxième ou troisième degré ;
– FC < 60/min malgré 1 mg d’atropine ;
– kaliémie > 4,5 mmol/L.
Même si le nombre de facteurs de risque à prendre en
compte reste discuté, il est marquant de voir que l’indication
de la stratégie prophylactique est très fréquemment rencontrée en cas d’intoxication digitalique chez un patient âgé,
mais elle est clairement sous-utilisée dans la pratique [5].
Une étude rétrospective de patients admis dans le
même centre français de réanimation et toxicologie entre
1990 et 2004 a montré que les Fab, utilisés précocement selon les modalités décrites ci-dessus, réduisaient
la mortalité. L’âge médian des patients était de 74 ans,
principalement intoxiqués chroniques. Les anticorps étaient
utilisés à dose prophylactique. Une dose complémentaire
pouvait être administrée si des signes de gravité persistaient ou réapparaissaient. Grâce à cette prise en charge,
la mortalité était de 7,6 %, donc nettement améliorée par
rapport aux résultats des études précédentes où elle était
autour de 25 % [7, 8, 19, 23]. Cette étude était ouverte,
sans groupe contrôle et, a fortiori, sans randomisation.
Cependant, un essai randomisé ne paraît plus réalisable
actuellement compte tenu de la gravité potentielle du surdosage digitalique et du fait que l’efficacité des Fab semble
Points clés
• L’intoxication digitalique est plus fréquente chez les
patients âgés du fait de spécificités pharmacologiques
de la digoxine liées au vieillissement et aux fréquentes
comorbidités.
• Le diagnostic d’intoxication digitalique peut être tardif
chez le sujet âgé compte tenu des symptômes digestifs et neurologiques non spécifiques, mais qui doivent
systématiquement faire doser la digoxinémie en cas de
traitement par cet antiarythmique.
• Les anticorps antidigitaliques représentent le traitement de première ligne d’une intoxication digitalique en
présence de facteurs pronostiques péjoratifs.
• En raison de la gravité potentielle d’une intoxication
digitalique chez un patient âgé, un centre anti-poison
ou un service de réanimation spécialisé en toxicologie
doit être contacté au moindre doute sur les modalités
de prise en charge.
361
É. Pautas, et al.
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
Tableau 1. Calcul de la dose d’anticorps antidigitaliques à administrer en cas de surdosage en digoxine.
Table 1. Dosage of digoxin-specific antibodies to be administered in digoxin intoxication.
Calcul de la quantité de digitalique à neutraliser (= Q)
Calcul du nombre de flacons de DigiFab® 40 mg
à administrer
Q = digoxinémie (ng/mL) x poids (kg) x volume de distribution
(5,6 L/kg)
Chaque flacon neutralise 0,5 mg de digoxine.
• Neutralisation curative équimolaire : nombre de flacons = 2 x Q
• Neutralisation prophylactique semi-molaire : nombre de
flacons = Q
Conclusion
établie. À l’étranger, les attitudes sont similaires, mais sans
toujours distinguer les deux stratégies curative et prophylactique, et avec des chiffres « limites » différents pour la
FC ou la kaliémie [32]. Mais l’idée générale des auteurs est
de ne pas sous-estimer la gravité potentielle d’une intoxication digitalique et de ne pas retarder l’administration de
l’immunothérapie [6, 14, 16, 19, 33].
Actuellement, les Fab anticorps antidigitaliques sont
commercialisés en France sous le nom DigiFab® Flacon à
40 mg. La solution reconstituée doit être utilisée immédiatement ou au maximum dans les 4 heures après conservation
entre 2 et 8 ◦ C à l’abri de la lumière. Le calcul de la dose à
administrer, qui tient compte de la digoxinémie et du poids
du patient, est résumé dans le tableau 1 [6-8].
La prise en charge des patients admis pour intoxication
digitalique a été évaluée au sein de 20 hôpitaux français [16].
Dans cette étude, l’utilisation des anticorps antidigitaliques
n’était que peu liée à la présence ou non des facteurs de
risque ou de gravité pré-définis. La bradycardie et la kaliémie étaient ainsi souvent prises en compte, mais sans
limite bien définie. L’immunothérapie était plus souvent
utilisée si l’intoxication était aiguë plutôt que chronique.
La méconnaissance du traitement par les médecins paraît
un facteur limitant à son utilisation. Il est ici important de
rappeler que les patients âgés sont les victimes les plus fréquentes des surdosages en digoxine et qu’ils présentent
plus souvent des facteurs de risque de mortalité du fait
de leurs comorbidités [8]. Les gériatres, et plus globalement les praticiens, fréquemment en charge des patients
âgés, devraient donc avoir une information adéquate sur
le traitement de l’intoxication digitalique. Le dernier critère
d’utilisation était la disponibilité des anticorps, comme cela
a déjà été montré pour d’autres antidotes [34]. Ce manque
de disponibilité peut tenir en partie au coût élevé du produit, même si la seule analyse médico-économique plaide
pour une économie liée à de moindres lourdeur et durée
de prise en charge en réanimation [30]. L’intoxication digitalique étant relativement rare, les stocks ne sont pas toujours
utilisés à temps. Il paraît donc logique que soit organisée
une gestion des stocks au niveau des structures d’urgence
ou de réanimation toxicologique, à une échelle économiquement viable [5].
Les intoxications digitaliques, potentiellement mortelles, concernent avant tout les patients traités au long
cours. Les patients âgés, au vu de la fréquence des
cardiopathies, de la polymédication et de l’insuffisance
rénale, sont une population particulièrement concernée
par le surdosage, même si les indications actuelles de
la digoxine sont limitées et qu’il y a clairement une
sur-prescription de cette molécule. La première attitude
devant un traitement par digoxine chez un patient âgé est
donc de s’assurer de la pertinence de cette prescription
(indication, contre-indications, risques d’interactions médicamenteuses, estimation de la fonction rénale), ce qui doit
conduire à son arrêt chez une grande majorité de patients
âgés. Si l’indication est maintenue, il convient également
de s’assurer de l’observance et de la sécurité des prises
médicamenteuses, comme pour tout traitement chez le
patient âgé, mais a fortiori pour un médicament à marge
thérapeutique étroite, en évaluant :
– la présence d’éventuels troubles neuro-sensoriels ou
cognitifs ;
– la possibilité d’une éducation thérapeutique ;
– la nécessité d’une aide au traitement.
Il est nécessaire de se poser systématiquement ces
questions afin de réduire les prescriptions inappropriées de
digoxine et, ainsi, les surdosages.
En cas d’intoxication avérée, le transfert en unité de
soins intensifs doit être envisagé et un traitement par anticorps antidigitaliques doit être évoqué en connaissant les
critères de gravité ainsi que les facteurs de risque de mortalité, d’autant qu’ils sont plus fréquemment présents chez
les patients âgés. Les critères et les modalités d’utilisation
de ces anticorps sont consensuels dans le milieu de
l’urgence et de la réanimation toxicologique. Dans le
cadre du circuit du médicament, les modalités d’obtention
rapide de cet antidote pourraient donc être réfléchies dans
toute structure gériatrique hospitalière, afin d’éviter de
perdre un temps qui peut être précieux pour la survie du
patient.
362
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012
Conflits d’intérêts : aucun.
Prise en charge des intoxications digitaliques chez le sujet âgé
Références
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
1. Task force for diagnosis, treatment of acute, chronic heart failure 2012
of the European Society of Cardiology, McMurray JJV, Adamopoulos S,
Anker SD, Auricchio A, Bôhm M, et al. ESC Guidelines for the diagnosis
and treatment of acute and chronic heart failure 2012 : the task force for
the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure 2012 of
the European Society of Cardiology. Developed in collaboration with the
Heart Failure Association (HFA) of the ESC. Eur Heart J 2012 ; 33 : 1787847.
2. Camm AJ, Lip GYH, De Caterina R, Savelieva I, Atar D, Hohnloser SH,
et al. 2012 focused update of the ESC guidelines for the management of
atrial fibrillation. An update of the 2010 ESC guidelines for the management of atrial fibrillation. Developed with the special contribution of the
European Heart Rhythm Association. Eur Heart J 2012 ; 33 : 2719-49.
3. Komajda M, Hanon O, Hochadel M, Follath F, Swedberg K, Gitt A,
et al. Management of octogenarians hospitalized for heart failure in Euro
Heart Failure Survey I. Eur Heart J 2007 ; 28 : 1310-8.
4. Cohen A, Dallongeville J, Durand-Zaleski I, Bouée S, Le Heuzey JY,
EPHA Investigators JY. Characteristics and management of outpatients
with history of or current atrial fibrillation : the observational French
EPHA study. Arch Cardiovasc Dis 2010 ; 103 : 376-87.
5. Lapostolle F, Haouache H, Alheritière A, Verdier C, Arnaud F, Couvreur
J, et al. Surdosages et intoxications aiguës digitaliques dans la « vraie
vie ». Déterminants du recours au traitement par anticorps antidigitaliques. La Revue des SAMU 2010 : 11-5.
6. Borron SW, Bismuth C, Muszynski J. Advances in the management
of digoxin toxicity in the older patient. Drugs Aging 1997 ; 10 : 18-33.
7. Antman EM, Wenger TL, Butler VP Jr, Haber E, Smith TW. Treatment
of 150 cases of life-threatening digitalis intoxication with digoxin-specific
Fab antibody fragments. Final report of a multicenter study. Circulation
1990 ; 81 : 1744-52.
8. Lapostolle F, Borron SW, Verdier C, Taboulet P, Adnet F, Clemessy
JL, et al. Digoxin-specific Fab fragments as single first-line therapy in
digitalis poisoning. Crit Care Med 2008 ; 36 : 3014-8.
9. Gaillard Y, Cheze M, Pépin G. Intoxications humaines par les végétaux supérieurs : revue de la littérature. Ann Biol Clin 2001 ; 59 : 764-5.
10. Kunz A, Marty H, Nohl F, Schmitt W, Schiemann U. Mixed intoxication with Aconitum nappellans (monkshood) and Digitalis grandiflora
(large yellow foxglove). Med Sci Monit 2010 ; 16 : CS103-5.
11. Schwartz A. Is the cell membrane Na+ /K+ -ATPase enzyme system
the pharmacological receptor for digitalis ? Circ Res 1976 ; 39 : 1-7.
12. Smith TW. Digitalis. Mechanisms of action and clinical use. N Engl
J Med 1988 ; 318 : 358-65.
13. Holstege CP, Eldridge DL, Rowden AK. ECG manifestations : the
poisoned patient. Emerg Med Clin North Am 2006 ; 24 : 159-77.
14. Taboulet P, Baud FJ, Bismuth C. Clinical features and management
of digitalis poisoning-rationale for immunotherapy. J Toxicol Clin Toxicol
1993 ; 31 : 247-60.
15. Mandy M, Manchon R, Meley R, Eynard JC, Grafmeyer D. Dosage
de la digoxine : exploitation de 10 ans de contrôles interlaboratoires.
Ann Biol Clin 2005 ; 63 : 345-9.
16. Lapostolle F, Borron SW, Verdier C, Arnaud F, Couvreur J,
Megarbane B, et al. Assessment of digoxin antibody use in patients with
elevated serum digoxin following chronic or acute exposure. Intensive
Care Med 2008 ; 34 : 1448-53.
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012
17. Wang MT, Su CY, Chan ALF, Lian PW, Leu HB, Hsu YJ. Risk
of digoxin intoxication in heart failure patients exposed to digoxindiuretic interactions : a population-based study. Br J Clin Pharmacol
2010 ; 70 : 258-67.
18. Svetlichnaya J, Klein L. Atrial fibrillation in elderly patients with heart
failure : convergence of two cardiovascular epidemics in the 21st. Expert
Rev Cardiovasc Ther 2011 ; 9 : 903-12.
19. Hickey AR, Wenger TL, Carpenter VP, Tuilson HH, Hlatky MA,
Furberg CD, et al. Digoxin Immune Fab therapy in the management
of digitalis intoxication : safety and efficacy results of an observational
surveillance study. J Am Coll Cardiol 1991 ; 17 : 590-8.
20. Mahdyoon H, Battilana G, Rosman H, Goldstein S, Gheorghiade
M. The evolving pattern of digoxin intoxication : observations at a
large urban hospital from 1980 to 1988. Am Heart J 1990 ; 120 :
1189-94.
21. Butler VP Jr, Odel JG, Rath E, Walin MJ, Behrens MM, Martin
TJ, et al. Digitalis-induced visual disturbances with therapeutic serum
digitalis concentrations. Ann Intern Med 1995 ; 123 : 676-80.
22. Lee TC. Van Gogh’s vision : digitalis intoxication ? JAMA
1981 ; 245 : 727-9.
23. Taboulet P, Baud FJ, Bismuth C, Vicaut E. Acute digitalis intoxication : is pacing still appropriate? J Toxicol Clin Toxicol 1993 ; 31 :
261-73.
24. Delk C, Holstege CP, Brady WJ. Electrocardiographic abnormalities
associated with poisoning. Am J Emerg Med 2007 ; 25 : 672-87.
25. Dally S, Alperovitch A, Lagier G, Bismuth C, Fournier E. Facteurs pronostiques de l’intoxication digitalique aiguë. Presse Med
1981 ; 10 : 2257-60.
26. Bismuth C, Gaultier M, Conso F, Efthymiou ML. Hyperkalemia in
acute digitalis poisoning : prognostic significance and therapeutic implications. Clin Toxicol 1973 ; 6 : 153-62.
27. Smith TW, Haber E, Yeatman L, Butler Jr. VP. Reversal of advanced
digoxin intoxication with Fab fragments of digoxin-specific antibodies.
N Engl J Med 1976 ; 294 : 797-800.
28. Bismuth C, Motte G, Conso F, Chauvin M, Gaultier M. Acute digitoxin intoxication treated by intracardiac pacemaker : experience in
sixty-eight patients. Clin Toxicol 1977 ; 10 : 443-56.
29. Ujhelyi MR, Robert S. Pharmacokinetic aspects of digoxin-specific
Fab therapy in the management of digitalis toxicity. Clin Pharmacokinet
1995 ; 28 : 483-93.
30. Mauskopf JA, Wenger TL. Cost-effectiveness analysis of the use
of digoxin immune Fab (ovine) for treatment of digoxin toxicity. Am J
Cardiol 1991 ; 68 : 1709-14.
31. Megarbane B, Lapostolle F. Intoxications par les cardiotropes.
Journées scientifiques de la SFMU. Toulouse. Urgences toxicologiques.
Paris : SFEM, 2008 :147-67.
32. Howland MA. Antidotes in depth. Digoxin specific antibody fragments. 9th edition. Nelson : Goldgranks Toxicologic Emergencies, 2011 ;
chA20 : 946-51.
33. Kelly RA, Smith TW. Recognition and management of digitalis toxicity. Am J Cardiol 1992 ; 69 : 108-109G.
34. Ruscev M, Adnet F, Gamand P, Wipf P, Checunski A, Lapostolle
F. Accessibilité des antidotes en urgence. Presse Med 2009 ; 38 :
1861-2.
363
Téléchargement