Réadaptation cardiovasculaire de l`insuffisance cardiaque

Dossier – Réadaptation cardiovasculaire
Réadaptation cardiovasculaire
de l’insuffisance cardiaque
Hervé Douard
Service de cardiologie, hôpital du Haut-Lévêque, avenue de Magellan, 33604 Pessac
Résumé.L’exercice physique était considéré classiquement comme une contre-indication en cas d’insuffisance cardiaque même stabilisée.
Mais durant la dernière décennie, des programmes de réentraînement ont montré que l’on pouvait augmenter la qualité de vie et la capacité
fonctionnelle de ces patients. Les effets de ce réentraînement sur les fonctions hémodynamiques centrales, le métabolisme musculaire
squelettique, la fonction endothéliale, ont été établis à travers de multiples études randomisées parallèles ou croisées. Les différentes indications
de ces techniques de réentraînement, globales ou segmentaires, sont abordées ; il apparaît que des programmes à la fois aérobiques et/ou de
résistance ont des effets favorables à court terme, sans majorer la survenue d’événements secondaires graves. Une sélection rigoureuse des
patients autorise des programmes d’entraînement en toute sécurité, même chez des patients resynchronisés ou porteurs d’un défibrillateur
interne. La méta-analyse EXTRAMATCH a confirmé récemment que la survie des insuffisants cardiaques bénéficiant d’un réentraînement était
améliorée.
Mots clés : exercice physique, BNP, insuffisance cardiaque
Abstract. Cardiac rehabilitation in chronic heart failure. After a review of the different central and peripherical factors limiting
exercise capacity in chronic heart failure, the authors report the mechanisms of these increment with exercise training. The different indications
for clinical training techniques including segmental training on a specific bench are discussed ; it appears that both aerobic and repetitive
weight programs seem to have long term favorable and complementary effects on functional capacity and mortality.
Key words: exercise capacity, BNP, heart failure
L’insuffisance cardiaque a été
longtemps une contre-
indication formelle à l’exercice physi-
que ; les bêtabloquants aussi... et
pourtant ils sont devenus presque in-
contournables avec une réduction re-
connue de près de 30 % de la morta-
lité à long terme. L’intégration de
patients présentant une altération ma-
jeure de la cinétique ventriculaire
gauche dans les programmes de réen-
traînement n’est cependant pas nou-
velle [1-8], mais la démonstration par
des études randomisées contrôlées
d’un bénéfice fonctionnel ne date que
de la dernière décennie [9-12].
La réadaptation, qui reste cepen-
dant encore insuffisamment proposée
aux coronariens (on estime qu’en
France, moins de 20 % des infarctus
récents bénéficient d’un réentraîne-
ment physique secondaire) reste en-
core balbutiante dans l’insuffisance
cardiaque, en raison de la pénurie de
structures dédiées mais aussi des réti-
cences du corps médical face à des
patients fragiles, souvent âgés et pré-
sentant des handicaps associés.
L’insuffisance cardiaque conges-
tive peut être définie comme l’associa-
tion d’une dysfonction ventriculaire
gauche et d’une limitation à l’effort
par dyspnée ou fatigue [13]. La dys-
fonction ventriculaire gauche
« asymptomatique » est aussi associée
à une diminution de la capacité fonc-
tionnelle maximale quand elle est
évaluée objectivement par épreuve
d’effort et mesure des gaz expirés
(VO
2
max). L’intolérance à l’effort
augmente largement quand la mala-
die progresse mais il n’existe aucune
relation avec l’hémodynamique de re-
pos (pression capillaire, débit cardia-
que) ou la fraction d’éjection ventricu-
laire gauche (FEVG) d’une part, et la
capacité fonctionnelle d’autre part
[2]. Ceci suggère que des facteurs
m
t
c
Correspondance : H. Douard
mt cardio 2005 ; 1 : 502-8
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autres que la diminution du débit cardiaque et « l’engor-
gement » pulmonaire participent à l’intolérance fonction-
nelle chez de nombreux patients. Actuellement de nom-
breuses altérations portant sur la masse et le métabolisme
du muscle périphérique, le comportement vasculaire et la
ventilation pulmonaire ont été rapportés chez ces patients
[13-16].
Techniques de réentraînement
La réadaptation des insuffisants cardiaques s’est inspi-
rée des techniques utilisées depuis plusieurs décennies
chez les coronariens. Les séances d’entraînement classi-
ques comprennent habituellement une phase d’échauffe-
ment (exercices respiratoires, assouplissement des ceintu-
res, mouvements avec petits haltères... d’une quinzaine de
minutes), suivie de 20 à 30 minutes sur vélo ou tapis à une
fréquence cardiaque cible, puis d’une phase d’exercices
d’intensité légère de5à10minutes, suivie parfois par une
période de relaxation et d’exercices d’élongations d’une
dizaine de minutes. Ces séances sont quotidiennes en
internat ou pluri-hebdomadaire en externat, d’intensité
progressive selon l’état initial et comportent généralement
une fréquence cardiaque cible visant à améliorer les capa-
cités aérobies (fréquence cardiaque au seuil ventilatoire
ou fixée à 60-80 % de la capacité maximale ou de la
réserve chronotrope). L’utilisation élargie des bêtablo-
quants sous-estime cependant, en adoptant les protocoles
anciens, les niveaux de charge nécessaires à un bénéfice.
Les patients admis dans les centres de réadaptation
étant de plus en plus âgés, les principes de la réadaptation
physique ont eu tendance ces dernières années à intégrer
de plus en plus des exercices de flexibilité, coordination et
renforcement musculaire. La capacité d’effort des insuffi-
sants cardiaques est beaucoup moins élevée que celle des
coronariens, leur endurance est perturbée avec une solli-
citation plus précoce du mécanisme anaérobie et un profil
chronotrope et tensionnel perturbé, associé à une récupé-
ration beaucoup plus longue.
Par ailleurs, beaucoup de ces patients en fibrillation
auriculaire ont des thérapeutiques vasodilatatrices et hy-
potensives. Ils sont souvent appareillés par un stimulateur
cardiaque, parfois biventriculaire (resynchronisation) ou
un défibrillateur. Pour les cas les plus graves enfin, les
programmes conventionnels sont tout à fait inadaptés, tant
leur capacité d’effort est réduite ou le risque arythmique
important. Aussi apparaissait-il logique de proposer des
programmes de réadaptation physique adaptés à cette
pathologie avec une individualisation des protocoles en
fonction du degré de déchéance cardiovasculaire initial et
surtout du déconditionnement périphérique musculaire
présent.
Méthodes d’entraînement global
La plupart des centres ont calqué leurs techniques de
réadaptation sur celles utilisées chez les coronariens ; la
bicyclette ergométrique est l’appareil le plus souvent uti-
lisé et permet des niveaux d’entraînement très bas, repro-
ductibles, et une meilleure surveillance de l’électrocardio-
gramme et de la pression artérielle. Le tapis roulant, le
rameur, la natation ou la bicyclette à l’extérieur sont trop
difficiles pour ces patients très limités. L’intensité est en
fonction d’un test cardiopulmonaire d’évaluation initiale ;
après échauffement de5à10minutes, la charge soutenue
en plateau le plus souvent est généralement fixée selon un
pourcentage du pic de VO
2
, du pic de fréquence cardia-
que maximale atteinte, de la réserve chronotrope (fré-
quence cardiaque maximale, fréquence cardiaque de re-
pos) ou de la performance (en Watts) atteinte. Ces
intensités correspondent à environ 50 % de la réserve en
consommation d’oxygène (Pic VO
2
–VO
2
repos). Il sem-
ble que des intensités plus basses soient suffisantes pour
améliorer la capacité aérobie de ces patients [1, 3, 4, 17,
18] ; elles apparaissent d’autant plus adaptées que le seuil
ventilatoire est souvent précoce, inférieur au pourcentage
du pic de VO
2
des patients normaux, même sédentaires.
Le test d’effort de référence, si possible couplé à une
mesure de la VO
2
(permettant de préciser au seuil venti-
latoire le niveau de consommation d’oxygène) dont est
dérivé le programme de réentraînement ne doit cependant
pas constituer une base de planification trop rigide ; en
effet les erreurs techniques de mesure, l’effet d’apprentis-
sage, les modifications de traitements et surtout les progrès
rapides enregistrés sont fréquents.
Les recommandations européennes [19] insistent sur
l’intérêt des techniques d’interval-training, dérivées de
l’entraînement fractionné des sportifs et parfois appliquées
aux transplantés cardiaques. Le principe est d’alterner des
phases courtes d’exercices intenses (de 10 à 30 secondes)
avec des phases de repos de 60 secondes ; l’effort est alors
plus abrupt (pour exercer un stimulus plus intense sur les
muscles périphériques) déterminé à partir d’un test d’éva-
luation avec des incréments de charges rapides (25 watts
toutes les 10 secondes). Des séries de 10-12 séquences à
50-80 % de cette charge maximale sont ainsi program-
mées. Une étude randomisée montre une amélioration
similaire de la capacité fonctionnelle entre le réentraîne-
ment continu (+ 14 %) ou par interval training (+ 13 %,
p = ns) après trois semaines d’entraînement chez des pa-
tients à fraction d’éjection très basse (27 %) [19].
Abréviations
BNP : brain natriuretic peptide
FEVG : fraction d’éjection ventriculaire gauche
IRM : imagerie par résonance magnétique
VO2 : consommation en oxygène du myocarde
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Que l’entraînement soit en plateau ou fractionné, la
durée, l’intensité et la fréquence de l’exercice dépendent
de l’état fonctionnel initial. Plus la limitation est impor-
tante, plus la répétition de séances courtes, pluriquoti-
diennes quand c’est possible, est préférable. On préconise
d’augmenter progressivement la durée des séances, puis
leur fréquence et enfin leur intensité.
On distingue ainsi trois stades de progression :
initial : l’intensité est fixée à seulement 30-50 % du
pic de VO
2
jusqu’à atteindre des durées d’effort de 10-15
minutes en fonction des symptômes et du statut clinique,
stade d’accroissement des intensités jusqu’à 70 %
(ou 100 % pour l’interval training) du pic de VO
2
puis de
la durée jusqu’à 30 minutes. Les améliorations du pic de
VO
2
surviennent entre les 8
e
et 12
e
semaines bien que
souvent minimes,
stade de maintien des acquis après le 6
e
mois d’en-
traînement ; on a ainsi montré que les progrès d’un séjour
de 3 semaines en structure spécialisée, sont complète-
ment perdus en 3 semaines d’inactivité.
Activités callisthéniques et gymniques
Présentes dans le réentraînement classique des coro-
nariens, elles sont fort utiles également aux insuffisants
cardiaques pour augmenter la flexibilité musculosquelet-
tique, la coordination, la force musculaire et la capacité
respiratoire. Les mouvements doivent cependant être
adaptés pour ces patients fragiles en évitant ceux favori-
sant les manœuvres de Valsalva (notamment certains exer-
cices des muscles abdominaux). Les programmes spécifi-
ques sont à écrire, mais l’expérience et le bon sens des
kinésithérapeutes et cardiologues spécialisés sont fonda-
mentaux.
Entraînement respiratoire
Les contraintes sur la musculature respiratoire à l’effort
liées aux troubles de la compliance pulmonaire d’une part
et l’hyperventilation relative d’autre part ont conduit à
préconiser une réadaptation respiratoire sur un appa-
reillage spécifique, mais qui semble contraignante et dif-
ficile à mettre en œuvre [20]. Les exercices respiratoires
dérivés des techniques de yoga ou de Tai Chi apparaissent
très utiles pour mieux mobiliser la musculature diaphrag-
matique, abdominale et thoracique et diminuer les risques
d’atélectasie chez ces patients dont les pressions pulmo-
naires sont élevées [21].
Réadaptation segmentaire et en résistance
Bien que quelques études réalisées chez des corona-
riens après infarctus aient préconisé l’utilisation de tech-
niques de réentraînement en résistance associée aux mé-
thodes classiques de réentraînement en endurance,
l’École Bordelaise a préconisé, il y a quelques années, une
méthode de réadaptation originale chez les insuffisants
cardiaques : compte tenu des perturbations musculaires
périphériques majeures observées et responsables du
déficit fonctionnel de ces patients, cette méthode consiste
en un entraînement segmentaire de type isotonique. Ce
réentraînement par séries de contractions-relaxations ap-
pliquées successivement sur différents groupes musculai-
res a pour principal avantage de solliciter très modérément
la réserve chronotrope et tensionnelle, limitant également
le risque arythmogène chez ces patients fragiles. Le réen-
traînement segmentaire permet également d’augmenter
plus nettement le flux sanguin d’un groupe entraîné isolé-
ment, que lors d’une réadaptation sollicitant une masse
musculaire supérieure, tout en préservant le flux sanguin
des organes nobles, facilitant donc la bonne tolérance et à
moyen terme, la compliance au réentraînement [22, 23].
Cette méthode s’adresse aux patients les plus sévèrement
atteints, généralement aux stades III, et parfois IV, de la
NYHA, dans notre expérience souvent en attente de trans-
plantation cardiaque pour les plus jeunes, et après des épiso-
des d’alitement pour décompensation cardiaque ayant favo-
risé un déconditionnement musculaire important.
Le réentraînement segmentaire s’apparente aux mé-
thodes de body-building qui sollicitent différents groupes
musculaires, les uns après les autres : notre équipe a mis
au point un banc de musculation, adapté aux insuffisants
cardiaques et utilisé actuellement par de nombreux cen-
tres de réadaptation, permettant de faire travailler par
séries de contractions isotoniques répétées (série de 3
x 10 contractions-relaxations) à des intensités de 30, 40
puis 50 % de la force maximale volontaire au fil des
entraînements (figure 1). Les principaux groupes muscu-
laires sollicités dans la vie courante sont réentraînés suc-
cessivement : membres supérieurs (abaisseurs des mem-
bres supérieurs, fléchisseurs des coudes, muscles des
mains), membres inférieurs (fessiers, extenseurs des ge-
noux, fléchisseurs dorsaux des pieds, fléchisseurs plantai-
res) ; bien que la force et l’endurance musculaires (addi-
tion des forces segmentaires) soient considérablement
améliorées, parallèlement à l’amélioration de la qualité de
vie et une diminution des réhospitalisations, il semble que
les pics de VO
2
mesurés chez ces patients entraînés exclu-
sivement en résistance n’augmentent que modérément.
Une méthodologie similaire a été reprise par d’autres
centres de réadaptation [22-24]. Magnusson et al. [23] ont
ainsi montré que l’on pouvait obtenir une perfusion mus-
culaire aussi élevée chez les insuffisants cardiaques que
chez les sujets normaux quand la masse musculaire active
est faible. Ce réentraînement segmentaire peut être égale-
ment obtenu par les techniques d’électrostimulation mus-
culaire, appliquées notamment aux quadriceps (mais for-
mellement contre-indiqué en cas de pacemaker) [25].
Plutôt que d’opposer ces différentes méthodes d’en-
traînement, l’avenir passe sûrement par une combinaison
des exercices de renforcement musculaire et un dévelop-
pement spécifique des qualités d’endurance au seuil ven-
tilatoire. D’excellents résultats ont été récemment publiés
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par ces associations [24, 26]. Le plus difficile est, après une
prise en charge en structure spécialisée, de maintenir les
acquis par un entraînement à domicile (éloignement, dé-
motivation, manque d’équipement spécifique, aggrava-
tion spontanée de la maladie...).
Indications et contre-indications
de la réadaptation des insuffisants
cardiaques
Les études randomisées publiées ces dernières années
ont inclus des patients présentant une cardiopathie primi-
tive ou ischémique ; même si la FEVG était parfois très
basse pour certains patients, le statut clinique était tou-
jours stable sous traitement depuis plusieurs semaines [19,
27]. Plusieurs études ont par ailleurs montré que la réa-
daptation pouvait être débutée après un infarctus du myo-
carde étendu sans aggravation d’un remodelage délétère
(quantification par échocardiographie dans les études
EAMI et ELVD [28] et surtout par imagerie par résonance
magnétique [28, 30]). Cependant, la réadaptation n’était
débutée qu’au moins un mois après l’épisode aigu ; or de
nombreux patients intègrent les centres de réadaptation
beaucoup plus tôt. Il n’est donc pas actuellement montré
qu’une réadaptation trop précoce après infarctus du myo-
carde étendu ne favorise pas un remodelage délétère
malgré les nouvelles thérapeutiques protectrices (inhibi-
teurs de l’enzyme de conversion, inhibiteurs de l’angio-
tensine 2, bêtabloquants) dont nous disposons. Il faut sû-
rement se méfier des insuffisances mitrales ischémiques,
ou parfois seulement fonctionnelles, souvent sous-
estimées, qui peuvent s’aggraver à l’effort ; à l’inverse, il
n’est pas prouvé qu’il est utile de réentraîner les sujets
encore asymptomatiques malgré une FEVG parfois très
altérée. Enfin cette pathologie concerne des sujets souvent
âgés, aux pathologies associées qui limitent le réentraîne-
ment classique ; les techniques segmentaires trouvent ici
toute leur utilité ; quand à l’insuffisance cardiaque diasto-
lique, elle est là encore, malgre sa fréquence, la grande
exclue de ces programmes de réentraînement, au moins
en termes d’évaluation et d’indication (tableau 1).
Surveillance
Comme pour la réadaptation classique des corona-
riens, seuls les centres spécialisés en cardiologie sont
habilités à entreprendre une réadaptation des patients
insuffisants cardiaques stabilisés. Des recommandations
précises concernant les indications et les contre-
indications et l’environnement de la réadaptation ont été
édités récemment [5, 19, 27].
Figure 1.Banc de musculation pour réentraînement segmentaire.
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Mécanismes d’action
Outre les paramètres de suivi clinique (diminution de
la mortalité, des réhospitalisations, des taux de BNP, amé-
lioration des indices de qualité de vie...), un impact éco-
nomique très favorable, une évaluation très complète de
l’impact du réentraînement sur le système cardiovascu-
laire, ses mécanismes de régulation et sur la musculature
squelettique ont été publiés par plusieurs équipes [15, 24,
31-34].
L’entraînement physique diminue modérément la fré-
quence cardiaque de repos, le débit cardiaque étant in-
changé ou peu augmenté [29]. La FEVG n’est pas signifi-
cativement modifiée dans la plupart des études, et en tout
cas jamais diminuée. Au cours de l’effort, on observe une
augmentation du flux sanguin artériel vers les membres en
activité, une diminution des résistances périphériques glo-
bales. À niveau d’effort égal, la fréquence cardiaque est
plus basse après réentraînement, de même que le double
produit fréquence cardiaque-pression artérielle permet-
tant une diminution de la consommation en oxygène du
myocarde (MVO2). Le débit cardiaque maximal semble
inchangé, ou très légèrement amélioré.
Comme chez les coronariens, l’entraînement physique
diminue le tonus sympathique et augmente la composante
vagale au repos ; la variabilité de fréquence cardiaque est
augmentée après réadaptation, avec en analyse spectrale,
une augmentation du contrôle vagal et une diminution de
l’activité sympathique. Sur le réseau coronaire, l’exercice
régulier modifie le phénotype de l’endothélium coronaire
et des cellules musculaires lisses vasculaires, influençant
favorablement leur plasticité à l’effort [35, 36].
Les anomalies de ventilation soulignées dans l’insuffi-
sance cardiaque peuvent également être améliorées par
l’entraînement physique : outre la diminution de l’hyper-
ventilation à un niveau d’effort sous-maximal, le seuil
ventilatoire est retardé et le volume courant augmenté.
L’entraînement modifie la pente de la relation ventilation
globale-production de CO2, caractéristique des anoma-
lies ventilatoires (dont l’équivalent ventilatoire pour le
CO2 au cours de l’effort, qui est, avec le pic de VO2, le
facteur pronostique essentiel) observées dans l’insuffi-
sance cardiaque. Plusieurs travaux ont insisté sur la cor-
rection des arcs réflexes naissant dans les ergo-récepteurs,
les métabolo-récepteurs ou les barorécepteurs vers le sys-
tème nerveux central et responsables des profils ventila-
toires particuliers (courbes débit-volume à l’effort évo-
quant celles des insuffisants respiratoires restrictifs) des
insuffisants cardiaques.
L’entraînement physique corrige au moins partielle-
ment les anomalies de dilatation du système artériel
endothélium-dépendant situé dans les muscles actifs.
Bien que la masse musculaire périphérique soit dimi-
nuée chez les insuffisants cardiaques, la réadaptation sem-
ble peu augmenter quantitativement celle-ci dans ses mo-
dalités actuelles. L’amélioration semble plus qualitative
que quantitative. En réadaptant uniquement un membre
supérieur chez des patients insuffisants cardiaques, on a
pu montrer une amélioration de l’endurance musculaire à
l’effort sous-maximal par spectro-IRM : réduction de la
déplétion rapide en phosphocréatinine associée à une
augmentation de l’adénose diphosphate à l’effort. En récu-
pération, la vitesse de resynthèse de la phosphocréatinine
est également améliorée.
Ces techniques permettent de montrer indirectement
l’amélioration induite par le réentraînement des capacités
oxydatives du muscle squelettique dans l’insuffisance car-
diaque. L’étude conjointe des débits locaux et des taux de
lactates sanguins a monté qu’après entraînement, malgré
un flux sanguin inchangé à l’effort sous-maximal, la pro-
duction lactique traduisant le passage en métabolisme
anaérobie selon l’interprétation classique « Wasserma-
nienne » est considérablement retardée, signant une amé-
lioration plus liée aux capacités oxydatives du muscle
squelettique qu’à une augmentation de la perfusion san-
guine périphérique.
Des études par biopsie musculaire révèlent une aug-
mentation de l’activité des enzymes oxydatifs musculai-
res, présente dans les mitochondries dont la surface et la
densité étaient par ailleurs augmentées, parallèlement aux
Tableau 1.Contre-indications au réentraînement des insuffisants cardiaques stabilisés
Absolues Relatives
Aggravation récente (3-5 jours) de la dyspnée de repos ou d’effort
Ischémie significative à bas niveau d’effort (< 2 METS, 50 watts)
Diabète non contrôlé
Maladie systémique aiguë ou fièvre
Thrombose veineuse des membres inférieurs
Péricardite ou myocardite
Rétrécissement aortique modéré ou sévère
Régurgitation valvulaire nécessitant la chirurgie
Infarctus du myocarde de moins de 3 semaines
Fibrillation auriculaire récente
Augmentation du poids (> 1,8 kg) dans les 3 derniers jours
Traitement continu ou intermittent par dobutamine
Chute tensionnelle à l’effort
Stade IV de la NYHA.
Arythmie ventriculaire complexe de repos ou d’effort
Fréquence cardiaque de repos > 100 bpm
Comorbidités associées
Réadaptation cardiovasculaire de l’insuffisance cardiaque
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