LA CHIMIOEMBOLISATION INTRA-ARTÉRIELLE
HÉPATIQUE (CIAH)
Te c hnique
La première étape consiste en une artériographie du tronc
cœliaque et de l’artère mésentérique supérieure afin d’évaluer la
distribution des artères hépatiques et des métastases. Un temps
portal doit être réalisé, car la CIAH est contre-indiquée en cas de
thrombose portale. Par la suite, un mélange de cytotoxiques-adria-
mycine 50 mg/m2ou streptozotocine (STZ) 1,5 g/m2dans 10 cc
de sérum physiologique, combiné à l’huile iodée (Lipiodol®), est
injecté dans les branches de l’artère hépatique en aval de l’origine
de l’artère gastroduodénale. L’embolisation est réalisée par l’in-
jection de particules emboligènes (par exemple, du Curaspon®)
jusqu’au ralentissement progressif du flux sanguin hépatique (9).
Une prémédication avec des analogues de la somatostatine doit
être systématiquement utilisée en cas de syndrome carcinoïde
afin d’éviter une crise carcinoïde. De plus, une hydratation
adéquate et des antibiotiques sont recommandés pendant 48 à
72 heures. Il est également nécessaire de prévoir des antiémétiques
et antalgiques en cas de besoin. Le geste doit être réalisé sous
anesthésie générale en cas d’utilisation de la streptozotocine en
raison des douleurs générées par son acidité (pH : 3,5-4,5).
Les contre-indications sont une thrombose complète du tronc
porte, une insuffisance hépatocellulaire et un antécédent d’ana-
stomose biliodigestive (10). Des métastases diffuses sans insuffi-
sance hépatocellulaire ne sont pas une contre-indication formelle,
la procédure pouvant alors être réalisée en alternant le foie droit
et gauche.
Indications
La CIAH doit être réservée à des malades ayant des TED avec
métastases hépatiques progressives et non résécables (4). Chez des
malades avec des métastases progressives ou symptomatiques pro-
venant de l’intestin moyen et en cas de métastases uniquement hépa-
tiques, voire à prédominance hépatique, la CIAH doit être consi-
dérée en première ligne.
Résultats
Contrôle des symptômes et réponse biochimique
La plupart des études ont été réalisées dans le traitement des méta-
stases émanant de l’intestin moyen avec un syndrome carcinoïde,
et la réponse symptomatique peut être réellement jugée en termes
de contrôle de la diarrhée et des flushs. La CIAH est efficace dans
63 à 100 % pour leur contrôle symptomatique (tableau I). Des résul-
tats intéressants jusqu’à 4 ans ont été rapportés avec des séances
de CIAH répétées (11). Une réduction des 5-HIAA urinaire (supé-
rieure à 50 %) est démontrée après CIAH chez 50 à 91 % des
malades avec syndrome carcinoïde (9, 11-15).
Réponse tumorale
Des taux de réponse objective de 33 à 80 % ont été confirmés avec
CIAH dans plusieurs séries utilisant les critères stricts de l’OMS
(tableau II ; [9, 11-15]). Cette réponse n’est pas en rapport avec
le type de tumeur. Cependant, le choix du cytotoxique ainsi que de
l’intervalle de temps entre les séances rend l’analyse comparative
difficile. L’utilisation des analogues de la somatostatine, de façon
quasi systématique en cas de syndrome carcinoïde, est un autre fac-
teur qui peut influencer les résultats. Toutefois, ces malades sont
souvent traités de longue date avec ces molécules, et les résultats
symptomatiques et carcinologiques doivent donc être attribués à
la CIAH. Ces bons résultats ont été confirmés dans une étude récente
où la CIAH entraînait une réponse objective chez 12 malades sur
14 (86 %) (dont 10 avaient une TED dont l’origine était l’intestin
moyen) (11). Dans cette étude de Roche et al., la survie à 5 et 10 ans
était de 83 et 56 % respectivement (11). Ces auteurs ont également
montré en analyse multivariée que l’atteinte hépatique était un fac-
teur prédictif de réponse. Le taux de réponse était de 53 % et 7 % et,
en cas d’atteinte hépatique, < 30 % et > 60 % respectivement (11).
La taille des métastases, l’origine de la tumeur primitive, la dif-
férenciation tumorale et les traitements antérieurs n’étaient pas
prédictifs de la réponse tumorale. Il est également intéressant de
souligner que deux séances semblent être le nombre optimal, car
les taux de réponse varient de 25 % après une séance de CIAH à
56 % après deux et à 19 % après trois (11).
Références N/type Chimiothérapie Réponse Réduction
symptomatique des 5-HIAA urinaires
durable (%) > 50 % (%)
Therasse et al. 1993 (9) 23 : IM ADR 100 91
Ruszniewski et al. 1993 (12) 18 : IM ADR 73 57
5: autre
Clouse et al. 1994 (14) 14 : IM ADR 90 69
Diaco et al. 1995 (13) 10 : IM CDDP, MMC, ADR* 100 –
Ruszniewski et al. 2000 (15) 8: IM STZ (1,5 g/m2)67 50
7: autre
Roche et al. 2003 (11) 10 : IM ADR 70 75
4: autre
IM : tumeur endocrine de l’intestin moyen ; ADR : adriamycine ; MMC : mitomycine ; CDDP : cisplatine ; STZ : streptozotocine.
* Traitement également par du 5 fluoro-uracile intra artériel séquentiel.
Tableau I. Chimioembolisation intra-artérielle hépatique dans les tumeurs endocrines digestives : contrôle des symptômes et de la sécrétion hormonale.
DOSSIER THÉMATIQUE
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 3 - vol. VIII - mai-juin 2005 115