MXXI – Dans le livre que vous avez écrit avec Jean-Luc Nancy,
vous parlez de la jouissance comme d’une expérience. Pour
vous, qu’est ce que la jouissance en termes philosophiques ?
La jouissance est une expérience davantage qu’un concept,
c’est une manière d’engager une certaine conception de la
philosophie. La philosophie, telle que je la conçois, part
d’une observation de ce qui est, pas simplement des faits, des
objets, mais aussi de ce qu’on ressent, de l’intuition, de la
sensibilité, du goût… Auxquels on appose ensuite des termes
[philosophiques]. La philosophie décrit la vie à sa façon, en
formulant ce qui est, en questionnant l’évidence. […]
Dans le livre, je voulais me demander : « Puis-je dire autre
chose de la jouissance que la seule expérience que j’en
ai ? ». On ne peut pas savoir ce dont les autres parlent si on
n’en a pas, au moins, fait l’expérience, ou si notre
imagination ne nous permet pas d’envisager ce que cela
pourrait être. […] Je ne sais jamais si ce que je dis est
vraiment compris pour ce que je dis. Le terme qui se rapporte
à ce raisonnement, en philosophie, c’est le scepticisme.
Précisément, écrire un livre sur la jouissance, c’était mettre
en œuvre cette conception de la philosophie.
MXXI – “La jouissance” comme thème de première publication,
c’est assez… audacieux ?
J’avoue que ça ne m’a pas traversé l’esprit quand j’ai décidé
que “la jouissance” allait être le terme qui ouvrirait la
collection. Je m’y suis intéressée sincèrement, et non pas par
provocation. Après, j’aime bien me dire que je vais faire
quelque chose qui n’est pas attendu, c’est vrai. Mais ce n’est
pas une motivation suffisante pour faire un livre ! Je n’avais
jamais rien lu précisément sur la jouissance. Et ça, j’adore.
D’ailleurs, c’est la raison de la collection “Questions de
caractère” : chaque thème est un prisme pour parler de textes
qui n’ont jamais été rassemblés autour de ce sujet en
particulier. […]