Ethique et Société civile
Dirigé par Jean-Yves Naudet
Actes du Xe colloque d’éthique économique
Aix-en-Provence, 3 et 4 juillet 2003
Centre de Recherche en Ethique Economique et des Affaires et Déontologie
Professionnelle
Librairie de l’Université d’Aix-en-Provence
Collection Ethique et Déontologie
juin 2004, 354 pages, 39 € (centre.ethique@univ.u3-mrs.fr)
La société contemporaine affronte deux défis éthiques, affirme Jean-Yves
Naudet : d’une part l’Etat, omniprésent mais impotent, d’autre part, l’individu
atomisé car hédoniste. Entre les deux, la société civile, d’aucuns dirait les corps
intermédiaires. Une société civile porteuse d’espoir car elle apporte l’éthique qui
manque tant à l’Etat qu’à l’individu. Mieux : elle forge et éduque à ces éthiques
tous ceux qui veulent bien participer à son dynamisme.
La modernité, rappelle Jean-François Mattéi, est caractérisée par une séparation
de l’Etat d’avec la politique. La cin’est plus tendue vers le bien commun. Les
citoyens ne réclame rien de plus qu’une jouissance paisible de leurs
indépendances privées. Et les élus n’ont plus d’autres légitimité que d’apporter
les services publics qui assureront à chacun cette jouissance.
Pourtant, souligne Philippe Bénéton, la politique, la véritable politique, à savoir
le maintient de la paix intérieure et de la paix extérieure, ne cesse pas de
conditionner tous les aspects de la vie en société. Le drame, c’est qu’elle se
dissout : les liens hérités d’attachement à ses proches le cèdent à ceux,
conditionnels et révocables, que nous décidons de tisser. Dans cette anomie,
quel trait d’union reste-t-il entre les hommes ? Leur animalité. Et la société se
vide de tout ce qui contribue à l’humanité de l’homme. Reste en évidence,
l’économie.
Pouvons nous compter sur l’Eglise ou sur les autres institutions porteuse d’un
message sur l’homme ? Le Frère Daniel Bourgeois craint que l’attitude de nos
contemporains ne rende sa tâche difficile : sa parole d’autorité a perdu de son
pouvoir d’adhésion. Aujourd’hui, les institutions se justifient par ce qu’elles
apportent. Pour l’Eglise, c’est le salut, mais qui y accorde encore de
l’importance ? Mais ce qui fait leur faiblesse fait aussi leur force. Les
institutions doivent livrer leurs messages en tant que tel, sans espérer changer
le monde mais espérant l’avènement du monde nouveau, à la fin des temps.
Et l’entreprise ? Après une longue discussion sur les différentes éthiques qui
parcours le monde de l’entreprise, celle de l’efficacité, celle de l’identification à
la légalité, celles induites de tel ou tel spiritualité, Yves Semen rappelle que
l’entreprise n’a pas pour fondement la gratuité, qu’elle n’a pas pour objet de
faire des libéralités, qu’elle n’est pas, au contraire de la famille, le lieu du don de
soi. Or ce sont cette gratuité, cette libéralité, ce don de soi qui, seuls, sont les
bases de toute éducation. L’entreprise reçoit son éthique de l’extérieur, de la
conscience morale des acteurs libres, que d’autres institutions ont contribué à
former.
Sur quelle société civile pouvons nous compter, alors que le droit de la famille
témoigne, comme le décrit Christian Atias, de l’illusion dans laquelle se complet
le législateur de commander à la nature et créer l’institution de ses vœux. Nous
ne trouverons rien de stimulant, affirme Emmanuel Martin, du côté de cette
société civile, faux nez des administrations publiques, qui n’a d’autre
justification que de servir de faire valoir à nos hommes politiques ou de rouages
à leur clientélisme.
Le salut réside dans la reconstitution de liens sociaux authentiques, tant
quantitativement que qualitativement : que la lévision cède la place au jeux de
boule et les voisins redécouvriront qu’ils peuvent cohabiter pacifiquement,
voire entreprendre ensemble quelques projets d’envergure. Il y a une dynamique
d’apprentissage de la sociabilité. Et si l’Etat ne peut créer de toute pièce un
peuple nouveau, il peut contribuer grandement à son éthique en favorisant, par
une législation adaptée, les communautés de vie, à commencer par la famille,
la responsabilité se développe, en s’exerçant.
Arnaud Pellissier-Tanon
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