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Droit des baux
Troubles de jouissance dus à l’état du bien n° 492
Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be
Justice de paix de Foret, Jugement du 28 avril 2008
En application de l'article 1146 du Code civil et de l'obligation du locataire de dénoncer les désordres au bailleur, il ne
peut être octroyé d'indemnisation pour les troubles de jouissance subis qu'à partir du moment où
le bailleur a été mis en demeure de remplir ses obligations ou, à tout le moins, que les troubles lui ont été dénoncés.
Une exception à ce principe doit cependant être faite lorsque les troubles de jouissance sont la conséquence de
déficiences importantes du bien loué que le bailleur connaissait au moment de la location, ou qu'il devait connaître et que
le locataire ignorait. La location de logements affectés de problèmes structurels d'humidité ascensionnelle est sanctionnée
par l'arrêté royal du 8 juillet 1997 déterminant les conditions minimales
à remplir pour qu'un bien immeuble donné en location à titre de résidence principale soit conforme aux exigences
élémentaires en matière de sécurité, de salubrité et d'habitabilité et par le Code bruxellois du logement et ses arrêtés
d'exécution (JJP 2010, p. 276)
Jugement du 28 avril 2008
(…)
I. Le litige
Le litige a pour objet un différend entre monsieur G.,
bailleur, et monsieur et madame L.-D., locataires.
II. Faits et antécédents
II.A. Les données du litige sont les suivantes:
.
- lieux loués: appartement à 1190 Forest;
- type de bail: résidence principale du preneur;
- date de conclusion: 1er septembre 2006;
- loyer mensuel: 800 euros;
- durée: 3 ans.
II.B. Les faits peuvent être résumés comme suit:
- depuis le mois d'octobre 2006 il existerait, selon
monsieur et madame L.-D., des troubles de jouissance
dans les lieux loués:
- en octobre 2006, une rupture d'une canalisation
de douche;
- en novembre 2006, une fissure dans la vitre de la
véranda;
- en novembre 2006 des fuites dans la véranda et
la salle de jeu faisant apparaître des moisissures;
- en décembre 2006, une humidité importante fut
découverte dans la chambre coucher;
- en février 2007, l'humidité s'est attaquée à
la~chambre des enfants;
- en avril 2007, l'humidité aurait envahi la s~'ue de
bains.
- le 25 juin 2007, le courtier d'assurance de monsieur G.
écrivit à monsieur et madame L.-D., faisant état des
problèmes d'humidité et attribuant la cause à
l'immeuble voisin;
- le 16'août 2007, le courtier d'assurance de monsieur et
madame L.-D. fit état d'un état d'humidité généralisé
dans le bas des murs des pièces de la cave (chambres à
coucher + salle de bains);
- la requête introductive fut déposée le 23 août 2007;
- le Il octobre 2007, le juge de paix se déplaça sur les
lieux accompagné de l'expert C. qui conclut à une
humidité de toutes les pièces formant l'ancienne cave et
à l'inhabitabilité d'une des trois pièces sans lumière et
aération.
Il évalua le trouble de jouissance à
400 euros par mois;
- le 15 octobre 2007, monsieur et madame L.-D.
quittèrent les lieux loués; - le 24 octobre 2007,
monsieur et madame L.-D. renvoyèrent les clés par
recommandé;
- le 13 novembre 2007, la garantie locative fut libérée.
III. Les demandes
Monsieur et madame L.-D demandent:
- l'indemnisation de dommages corporels et
remboursement de frais médicaux à concurrence de 500
euros;
- l'indemnisation du dommage moral lié à la souffrance
physique à concurrence de 1.500 euros;
- l'indemnisation de dommages matériels aux biens à
concurrence de 3.000 euros;
- l'indemnisation pour trouble de jouissance à
concurrence de 3.000 euros;
- la réduction du loyer à 400 euros par mois à partir du
début du bail et le remboursement total des loyers à
partir de juin 2007 jusqu'au départ des locataires;
- une indemnité de déménagement de 500 euros.
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Troubles de jouissance dus à l’état du bien n° 492
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IV. Discussion
IV.A. Concernant l'état de salubrité et les troubles de
jouissance donnant lieu à réparation
Les constatations faites lors de la vue des lieux et les
conclusions de l'expert C. ne sont pas contestées.
Les parties s'opposent cependant en ce qui concerne le
début des troubles de jouissance.
Monsieur et madame L.-D. demandent d'être
indemnisés à concurrence de 400 euros par mois à
partir du début du bail et étendent cette demande à
l'intégralité du loyer à partir du mois de juin 2007,
jusqu'à ce qu'ils aient quitté les lieux. Ils fondent leur
demande sur le fait que dès le début du bail, ils ont
averti le bailleur des troubles dont ils étaient victime.
Monsieur G. accepte le montant de 400 euros à partir
du mois de juin 2007, mais refuse l'indemnisation pour
la période antérieure, au motif qu'il n'aurait pas été
averti.
**
Il n'est pas contesté qu'il n'existe pas de trace écrite des
plaintes de monsieur et madame L.-D. avant le mois de
juin 2007.
La première lettre versée aux débats, datée du 25 juin
2007, émane du courtier de monsieur G. réagissant aux
plaintes de monsieur et madame L.-D.
Monsieur et madame L.-D. font état d'attestations de
l'ancienne locataire de monsieur G., ainsi que d'autres
tiers concernant l'existence d'humidité. Attestations
dont monsieur G. conteste la pertinence.
En principe, en application de l'article 1146 du Code
civil et l'obligation du locataire de dénoncer les
désordres au bailleur, il ne peut être octroyé d'indemnisation pour les troubles de jouissance subis qu'à partir
du moment où le bailleur a été mis en demeure de
remplir ses obligations ou, à tout le moins, que les
troubles lui aient été dénoncés.
Une exception à ce principe doit cependant être faite
lorsque les troubles de jouissance sont la conséquence
de déficiences importantes du bien loué que le bailleur
connaissait au moment de la location, ou qu'il devait
connaître et que le locataire ignorait.
Dans le cas d'espèce, si l'existence de troubles de
jouissances pourrait résulter des attestations déposées,
la dénonciation au bailleur n'en résulte pas à suffisance
de droit. Toute l'incertitude demeure d'ailleurs sur
l'étendue des troubles qui auraient été dénoncés (les
troubles étaient minimes dans un premier temps). Le
fait que ce soit le mandataire du bailleur qui ait pris le
premier le soin de prendre la plume tente à démontrer
que monsieur G. n'a pas tenté de fuir ses obligations.
Par contre, l'insalubrité de la grande chambre à coucher
au niveau de la cave, due à l'humidité ascensionnelle et
l'absence de lumière et d'aération devait être connue du
bailleur.
L'arrêté royal du 8 juillet 1997 déterminant les
conditions minimales à remplir pour qu'un bien
immeuble donné en location à titre de résidence
principale soit conforme aux exigences élémentaires de
sécurité, de salubrité et d'habitabilité ainsi que l'arrêté
du 4 septembre 2003 du Gouvernement de la Région de
Bruxelles-Capitale
déterminant
les
exigences
élémentaires en matière de sécurité, de salubrité et
d'équipement des logements, pris en exécution du Code
bruxellois du logement, tel que modifié par l'arrêté du 9
mars 2006, sanctionnent la location de logements
affectés de problèmes structurels d'humidité ascendante.
Le Code bruxellois du logement en son article 5 interdit
même, la mise en location de tels biens.
La déficience liée à la chambre à coucher qui est la
conséquence des travaux d'aménagement d'une
ancienne cave devait être connue du bailleur.
Il en résulte qu'une indemnité pour trouble de
jouissance est due avant le mois de juin 2007.
Le montant de cette indemnité ne peut cependant être
chiffré à 400 euros par mois eu égard au fait que
l'expert désigne qu'une seule pièce comme étant
inutilisable et que les locataires eux-mêmes indiquent
que les troubles de jouissance sont apparus petit à petit.
Compte tenu de ces considérations, de l'évaluation
globale faite par l'expert et des constatations faites sur
les lieux, il y a lieu d'évaluer le préjudice de jouissance
à une valeur moyenne de 150 euros par mois depuis le
début du bail, jusqu'et y compris le mois de mai 2007
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Troubles de jouissance dus à l’état du bien n° 492
.A partir du mois de juin 2007, il y a lieu de s'en tenir à
l'évaluation faite par l'expert C. de 400 euros par mois.
Monsieur et madame L.-D n'apportent pas d'argument
particulier qui pourrait justifier un trouble de jouissance
équivalent à la totalité du loyer, comme ils le demandent.
De même, cette indemnisation du trouble de jouissance
couvre également le préjudice concernant la diminution
de loyer que monsieur et madame L.-D réclament dans
des postes distincts. Une seule indemnisation, telle que
définie ci-dessus, doit être octroyée.
Monsieur G. doit dès lors être condamné au paiement
de (150 euros x 9 mois) + (400 euros x 4,5 mois) =
3.150 euros.
La résolution du bail aux torts du bailleur eu égard aux
éléments évoqués ci-dessus n'est guère contestable et
n'est d'ailleurs pas réellement contestée par monsieur
G.
Il Y a dès lors lieu de prononcer cette résolution à la
date du 15 octobre 2007, date à laquelle les locataires
ont quitté les lieux.
IVB. Les autres indemnisations en plus du troûb~ de
jouissance
IV .B.I. Les frais"médicaux
Monsieur et madame L-D. réclament le remboursement
de frais médicaux exposés pour les enfants qui auraient
connu des maladies des voies respiratoires de manière
répétée. Ce préjudice est évalué à 500 euros.
Monsieur G. conteste devoir cette somme aux motifs
que le lien de causalité entre l'insalubrité et la maladie
n'est pas démontré et que le dommage n'est pas prouvé
à suffisance de droit.
**
La présence d'humidité et le développement de
champignons provoquent des maladies au niveau des
voies respiratoires. Le texte cité par monsieur G. dans
ses conclusions à propos de la sinusite cite les
champignons et acariens comme' cause possible.
L'attestation du 6 septembre 2007 du docteur R. pointe
également l'humidité comme une cause de
l'hypersensibilité des voies respiratoires
. Bien entendu la relation causale mécanique ne peut
jamais être prouvée entre un environnement insalubre
et la maladie elle-même. Cependant, la répétition de
maladies affectant les voies respiratoires chez plusieurs
membres de la famille sont des éléments concordants
dont peut résulter une preuve suffisante du lien causal.
Les pièces 13 et l3b du dossier de monsieur et madame
L.-D. démontrent que les enfants des locataires ont été
traités à de multiples reprises pour des affections des
voies
respiratoires
(bronchites,
sinusites,
rhinopharyngite purulente, sinusite récidivante) et qu'un
des enfants a été hospitalisé pendant le mois de juillet
2007 pour cause de pneumonie. Il en résulte que
monsieur et madame L.-D. apportent à suffisance de
droit la preuve du lien de causalité entre l'insalubrité et
les affections des voies respiratoires.
La totalité des justificatifs de frais médicaux, dont le
détail Ilièst pas contesté, est supérieur à 500 euros,
déduction faite de l'intervention de la mutuelle (voir
postes des factures). Il y a donc lieu de condamner
monsieur G. au paiement de 500 euros.
IV. B.2. Le préjudice moral des parents
Monsieur et madame L.-D. réclament l'indemnisation
de leur préjudice moral subi à la suite des souffrances
endurées dans le cadre des maladies.
Monsieur G. conteste cette demande.
**
*
A défaut de précision quant aux faits précis
(hospitalisation et durée, douleurs etc.) il y a lieu
d'évaluer ce dommage que les parents ont
incontestablement subi à la suite de la souffrance de
leurs enfants ex aequo et bono à 200 euros.
IV.B.3. Le préjudice matériel
Monsieur et madame L.-D. réclament une
indemnisation de 3.000 euros pour la perte de mobilier,
vêtements et frais liés au nettoyage dus à l'humidité.
Monsieur G. conteste cette demande au motif que ni la
preuve du dommage ni la preuve du lien de causalité ne
sont rapportées.
S'agissant de dommage aux biens, rien ne s'opposait
pour qu'un constat contradictoire soit effectué pour que
tant le principe de ce dommage que son indemnisation
soient fixés contradictoirement.
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Cette constatation n'a pas été faite, ni amiablement, ni
lors de la vue des lieux. Il ne semble pas non plus que
monsieur G. ait été invité à participer à un constat
contradictoire.
Il en résulte dès lors que ce chef de demande n'est pas
fondé faute de preuve contradictoire.
IlI.C. Les frais de déménagement
Monsieur et madame L.-D. réclament les frais de
déménagement de 500 euros.
Monsieur G. conteste cette demande à défaut
d'éléments probants.
**
*
Il est évident que les locataires ont dû exposer frais et
énergie pour le déménagement et pour retrouver un
nouveau logement.
Une indemnisation de 500 euros paraît tout à fait
modérée et en dessous des forfaits généralement
octroyés.
Cette demande paraît dès lors fondée.
IlI.D. Les dépens
La condamnation de monsieur G. aux dépens s'impose
eu
égard
aux
condamnations
prononcées.
Subsidiairement, les parties sont d'accord pour liquider
l'indemnité de procédure à 1.100 euros.
PAR CES MOTIFS,
Statuant contradictoirement et en premier ressort.
Déclarons l'action fondée dans la mesure ci-après.
Prononçons la résolution du bail existant entre parties,
relatif à l'appartement au rez-de-chaussée, sis à Forest,
aux torts de la partie G. à la date du 15 octobre 2007.
Condamnons monsieur G. à payer à monsieur et
madame L.-D.:
- la somme de 3.150 euros à titre d'indemnisation pour
trouble de jouissance,
- la somme de 500 euros à titre de frais médicaux,
- la somme de 500 euros à titre de frais de
déménagement et
- la somme de 200 euros à titre de préjudice moral des
parents.
Condamnons monsieur G. en outre aux intérêts
judiciaires sur le principal et aux dépens, ces derniers
liquidés jusqu'ores à 1.286,56 euros.
Déboutons monsieur et madame L.-D. pour le surplus
de leurs demandes.
Déclarons le présent jugement exécutoire par provision
nonobstant tout recours et sans caution.
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