revue générale
Dyspnée aiguë aux urgences :
utilité des troponines, des peptides natriurétiques,
de la procalcitonine et des D-dimères
P. Taboulet
1
J.P. Feugeas
2
1
Service des urgences,
Hôpital Saint-Louis, Paris
2
Laboratoire des urgences et gardes,
Hôpital Saint-Louis, Paris
Article reçu le 27 décembre 2004,
accepté le 10 mai 2005
Résumé.En urgence, nombre d’analyses biologiques « peu coûteuses » sont
prescrites de façon trop systématique alors que d’autres tests ne sont pas
réalisés car considérés comme « trop chers ». Mais les bonnes pratiques de
prescription sont en fait seules garantes d’une réelle « économie ». Ici, afin
d’apporter quelques éléments pour mieux définir ces bonnes pratiques, nous
rappelons les modalités du raisonnement médical en urgence et, à titre d’exem-
ple, précisons l’utilité clinique de certaines analyses clés devant une dyspnée
aiguë. Un test biologique peut être considéré comme utile lorsqu’il permet
d’améliorer le diagnostic, de préciser le terrain ou de stratifier la gravité d’un
malade. Dans une situation d’urgence donnée, l’utilité du test doit être antici-
pée selon une démarche bayesienne avec une évaluation des probabilités post-
tests à partir des rapports de vraisemblance (estimés selon la littérature) et à
partir de la probabilité pré-test (établie au lit du malade). Le rapport de vrai-
semblance d’une analyse est le meilleur critère de sa qualité diagnostique.
Selon ce critère, les dosages de troponines, peptides natriurétiques, procalcito-
nine et D-dimères, bien que coûteux, apparaissent particulièrement indiqués
pour éclairer le diagnostic étiologique dans certains contextes clinicobiologi-
ques de dyspnée aiguë. Troponines, peptides natriurétiques et procalcitonine
permettent de plus d’évaluer la sévérité en fonction de leur valeur initiale et de
leur cinétique plasmatique au cours de l’évolution. En conclusion, ce n’est pas
seulement le coût du test mais surtout son impact éventuel sur la prise en
charge du patient qui fait prendre la décision de réaliser l’analyse ou pas.
Mots clés :dyspnée aiguë, troponine, peptide natriurétique, procalcitonine,
D-dimères
Abstract.In emergency, some “low cost” biological tests are too often syste-
matically performed while others are not prescribed because they are conside-
red “too expensive”. Good pratices for biological testing are in fact the real
means for saving money. Here, in order to help for defining those good practi-
ces, we review emergency medical approach and, as an example, specify fin-
dings concerning the clinical utility of key blood analyses in patients with
acute dyspnea. Emergency laboratory testing is usefull when it contributes to
establish the diagnosis or to evaluate comorbidity or to stratify disease severity.
In a given emergency context, clinical utility must be anticipated according to a
bayesian approach with an estimation of the post-test probabilities using the
likelihood ratios (estimated from litterature) and the pretest probabilities (esta-
blished by examination at the bedside). The likelihood ratio is the best criterion
for diagnostic accuracy of a biological test. According to this criterion, tropo-
nin, natriuretic peptides, procalcitonin and D-dimers are four “costly” markers
but which can significantly contribute to the etiologic diagnosis of an acute
dyspnea. Troponin, natriuretic peptides and procalcitonin are also prognostic
Tirés à part : P. Taboulet
abc
Ann Biol Clin 2005 ; 63 (4) : 377-84
Ann Biol Clin, vol. 63, n° 4, juillet-août 2005 377
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markers and are valuable parameters for stratifying disease severity according
to their initial value and their plasmatic kinetic during the clinical course of the
disease. In conclusion, it is not only the cost of the test but overall the potential
impact of its result on the management of the patient’s care which makes the
decision of performing the test or not.
Key words:acute dyspnea, troponin, natriuretic peptide, procalcitonin,
D-dimer
La demande croissante d’examens biologiques en pré-
hospitalier et aux urgences se justifie par le souci d’amé-
liorer la prise en charge des malades. Elle s’explique aussi
par l’offre croissante de nouveaux marqueurs biologiques
souvent réalisables rapidement et de façon fiable, éven-
tuellement avec des appareils délocalisés. La demande et
l’offre étant croissantes, il est nécessaire de rationaliser les
prescriptions d’examens et éviter des “ bilans ” systémati-
ques trop coûteux et nombre d’effets adverses liés à une
prescription excessive : alourdissement du travail des soi-
gnants, prolongation de la prise en charge des malades et
multiplication des risques d’erreurs techniques ou d’inter-
prétation.
Devant une dyspnée aiguë, comme dans toute situation
d’urgence, les analyses biologiques prescrites doivent
remplir au moins un des objectifs suivants pour adapter au
mieux traitement et prise en charge (figure 1) : 1) infirmer
ou confirmer une hypothèse de diagnostic étiologique
(intérêt thérapeutique primaire) ; 2) préciser le terrain
(intérêt thérapeutique secondaire) ; 3) intensifier la théra-
peutique et orienter les malades vers la structure de soins
la plus adaptée en fonction d’éventuels signes de gravité
(intérêt thérapeutique tertiaire).
Le raisonnement doit s’appuyer sur une biologie clinique
« fondée sur des preuves » (evidence-based laboratory
medicine ou EBLM) [1] et suivre une démarche d’hypo-
thèses a priori comme nous le rappellerons dans une pre-
mière partie. Outre la gazométrie artérielle qui initie
l’investigation, nous discuterons plus particulièrement de
quatre marqueurs (troponines, peptides natriurétiques,
procalcitonine et D-dimères) encore assez mal
utilisés. L’intérêt des troponines et des D-dimères pour la
prise de décision en urgence est parfois surestimée et ces
dosages sont souvent « sur-prescrits » en urgence. Au
contraire, les peptides natriurétiques et la procalcitonine
ne sont pas diffusés dans tous les laboratoires d’urgence
en partie par crainte d’une inflation incontrôlée et coû-
teuse des demandes alors qu’une « juste prescription »
doit permettre une amélioration de la prise en charge du
malade et finalement une réduction des coûts.
Le raisonnement médical
en urgence et la prescription
des analyses biologiques
En urgence, le prescripteur doit suivre une démarche
« bayesienne »d’hypothèse a priori en quatre étapes
(figure 2) : solide étape clinique préalable (évaluation pré-
test), réalisation du test, analyse critique du résultat en
fonction de la performance du test et établissement d’une
probabilité post-test en vue d’établir une stratégie ulté-
rieure consensuelle (décision post-test). Sensibilité et spé-
cificité sont deux propriétés du test qui conditionnent son
utilité clinique. La négativité d’un test sensible permet
d’écarter, au moins transitoirement, un diagnostic dont la
probabilité pré-test était faible ou moyenne et de faire
d’autres explorations. À l’inverse, un test spécifique posi-
tif permet de conforter une hypothèse dont la probabilité
pré-test serait forte et de ne pas en écarter une autre dont
la probabilité pré-test serait faible. Pour les tests quantita-
tifs, il est possible de faire varier la sensibilité et la spécifi-
cité en fonction du seuil décisionnel et on peut utiliser un
seuil bas pour exclure ou un seuil haut pour affirmer une
pathologie.
Ces notions intuitives ont été modélisées et dérivent du
théorème de Bayes appliqué à la symptomatologie biocli-
nique. Les relations algébriques les plus simples utilisent
les « odds » (rapports entre malades et non malades) utili-
sés initialement pour les jeux de courses (par exemple
« rapport de côtes » estimant une chance de gagner à deux
contre un). La pratique médicale utilise plutôt les probabi-
lités, rapport entre le nombre de malades (ou non malades)
à l’ensemble des malades et non malades (un rapport de
côtes de 2/1 correspondrait à une probabilité de 2/3).
On peut passer des odds (O) aux probabilités (P) par les
formules O = P / (1-P) ou P = O / (1 + O). Ainsi, l’odds
pré-test d’être malade (O
1
) représente la probabilité pré-
test d’être malade (P
1
) divisé par la probabilité pré-test de
n’être pas malade (1 – P
1
). Dans le cas fréquent d’un test
dichotomique dont la positivité est en faveur de la maladie
et la négativité en faveur de son exclusion, on a la relation
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suivante : O
2
=RV
+
xO
1
où O
2
est l’odds post-test et RV
+
le rapport de vraisemblance positif. RV
+
est égal au rap-
port Sensibilité / (1 – Spécificité) et il peut être considéré
comme une caractéristique intrinsèque du test biologique
ne dépendant pas en particulier de la prévalence de la
maladie [2]. En ce sens il est plus utile que la valeur
prédictive positive (VPP) d’un test, souvent présenté
comme un paramètre constant mais qui n’est rien d’autre
que la probabilité post-test d’être malade si le test est
positif. Or cette probabilité est tributaire de la probabilité
pré-test d’être malade, c’est-à-dire en l’absence d’examen
clinique préalable, de la prévalence de la maladie dans le
lieu où le patient se présente. Il n’est donc en général pas
possible de comparer des VPP d’une publication à l’autre
et ces VPP ne sont pas applicables au lit du patient. À
l’inverse, une estimation du rapport de vraisemblance est
souvent possible à partir des données de la littérature et sa
connaissance conjuguée à un examen clinique approprié
(établissement de l’odds pré-test) permet de déduire
l’odds post-test et finalement la probabilité post-test que le
patient soit malade.
Le passage des odds aux probabilités étant fastidieux on
peut utiliser des nomogrammes (figure 3) pour estimer
rapidement la probabilité post-test en fonction du résultat.
De façon similaire on définit des rapports de vraisem-
blance négatifs RV
-
, utiles pour estimer la probabilité
post-test que le patient ne soit pas malade si le test est
négatif. Comme les RV
+
, les RV
-
reflètent aussi la qualité
d’un test contrairement aux valeurs prédictives négatives
(VPN) variables suivant la prévalence de la maladie. On
considère habituellement qu’un « bon » test diagnostique
aunRV
+
supérieur à 10 et/ou un RV
-
inférieur à 0,1
permettant d’affirmer et/ou d’exclure une pathologie à peu
près dans n’importe quelle circonstance. La difficulté de
l’estimation quantitative de la probabilité pré-test empê-
che cependant de systématiser cette approche avec une
quantification précise des probabilités dans toutes les éta-
pes de la prise en charge. Il est par contre en général
possible de l’appliquer pour la prescription de quelques
analyses clés après l’admission du patient aux urgences.
L’anticipation de la démarche en fonction du résultat quel
qu’il soit, permet une prescription raisonnée et évite la
prescription de dosages sans conséquences sur la prise en
charge du patient.
Place de la gazométrie artérielle
devant une dyspnée aiguë
Les gaz du sang (GDS) renseignent à la fois sur le dia-
gnostic, le terrain et le pronostic, aussi est-il nécessaire de
commencer l’évaluation biologique complémentaire d’un
patient en détresse respiratoire par une gazométrie arté-
rielle. En l’absence de signes de gravité et si le diagnostic
étiologique est évident comme dans une crise d’asthme ils
ne sont pas utiles, l’oxymétrie de pouls étant suffisante.
Les GDS ne sont par ailleurs indiqués ni pour affirmer ni
pour exclure le diagnostic de détresse respiratoire qui est
clinique, mais pour préciser les composantes de
l’atteinte respiratoire. Des GDS normaux sont donc sou-
vent le résultat d’une prescription excessive. Des résultats
hypernormaux (alcalose respiratoire avec hypocapnie-
Hospitalisation Soins intensifs
Antigénurie
ECBC
Procalcitonine
Troponine
BNP
TP, TCK
NFS
Gazométrie Créatininémie
Urémie
Lactatémie
Sévérité ?
Évaluation post-test
Terrain ?
Prise en charge
ambulatoire
LDH
Dyspnée aiguë
Évaluation clinique
Réévaluation pré-test
Oxymétrie de pouls, ECG, radiographie du thorax
Prise en charge
ambulatoire
Prise en charge
ambulatoire
Diagnostic ?
Sérologie VIH
hCG
D-dimères
Hémocultures Ionogramme
Glycémie
Figure 1. Prescription des analyses devant une dyspnée aiguë.
Une analyse est indiquée si elle facilite le diagnostic et/ou pré-
cise le terrain et/ou le pronostic. Certaines analyses peuvent
répondre aux trois objectifs (gazométrie artérielle par exemple).
+
Probabilité
pré-test
Prévalence
ou
Évaluation
primaire
du risque
Choix test(s)
Performance
(rapport de
vraisemblance)
Disponibilité
Limites
Contre-indications
Résultat(s) Probabilité
post-test
Diagnostic +
Autre test
Diagnostic -
probabilité pré-test forte
et spécificité élevée
probabilité pré-test faible
et/ou spécificité faible
probabilité pré-test élevée
et/ou sensibilité faible
probabilité pré-test faible
et sensibilité élevée
Figure 2. La prise de décision médicale selon une démarche
“ bayesienne ”.
Dyspnée aiguë aux urgences
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hyperoxie) peuvent parfois orienter vers une étiologie non
somatique. Si le diagnostic positif est confirmé, le pH, la
pCO
2
et la PaO
2
sont les trois paramètres de base qui
permettent une première orientation. L’acidose métaboli-
que traduit une composante extrapulmonaire, l’hypoxie-
hypocapnie une perturbation des échanges alvéolo-
capillaires, l’hypercapnie une hypoventilation alvéolaire.
Ces données ne sont pas spécifiques d’une étiologie et
justifient donc la réalisation de tests complémentaires.
Ainsi, une acidose métabolique doit conduire à mesurer le
trou anionique et ses diverses composantes (lactique, céto-
sique, toxique). Une hypoxie-hypocapnie peut orienter la
démarche diagnostique vers une embolie pulmonaire
même si les GDS ne sont jamais utilisés isolément pour
retenir ou exclure le diagnostic d’embolie pulmonaire. Ils
rentrent cependant dans certains scores diagnostiques de
l’embolie pulmonaire comme le score de Genève [3] qui
prend en compte, outre l’hypoxie-hypocapnie, l’existence
d’une opération chirurgicale récente, d’un accident throm-
boembolique antérieur, d’un âge élevé et de signes d’até-
lectasie.
Les GDS apportent aussi des renseignements secondaires.
Par exemple, la connaissance du taux de bicarbonates ren-
seigne sur l’état pulmonaire préexistant, son élévation
suggérant une insuffisance respiratoire chronique obstruc-
tive.
Enfin, la profondeur de l’acidose, de l’hypoxie et/ou de
l’hypercapnie est généralement corrélée au pronostic
(objectif tertiaire). Ainsi, le score de Fine (établi pour les
pneumopathies communautaires [4]) augmente respecti-
vement de 30 et 10 points en cas de pH < 7,35 ou de
PaO2 < 60 mmHg (tableau 1). Au cours de l’asthme aigu,
le débit expiratoire de pointe (DEP) mesuré par spiromé-
trie et la saturation capillaire digitale en oxygène (oxymé-
trie de pouls) permettent d’évaluer correctement la
majeure partie des patients sans que la gazométrie soit
nécessaire. Cependant, en présence d’un seul facteur clini-
que de gravité, d’une saturation (oxymétrie de pouls) infé-
rieure à 92 % et/ou d’un DEP diminuée de 40 % ou qui
s’améliore peu après un traitement bien conduit, il est
recommandé de réaliser des GDS pour mieux évaluer la
sévérité. Devant un asthme aigu, la normocapnie ou
l’hypercapnie initiale (et a fortiori après une heure de
traitement) est un facteur de gravité. D’une façon plus
générale, devant une dyspnée aiguë, les malades qui pré-
sentent une hypoxie inférieure à 60 mmHg, une saturation
mesurée inférieure à 90 % et surtout ceux qui présentent
une hypercapnie supérieure à 45 mmHg sont à haut risque
d’arrêt respiratoire imminent.
Modalités de prescriptions
de « marqueurs étiologiques »
devant une dyspnée aiguë
Les troponines
Un dosage de troponines est parfois prescrit au cours
d’une dyspnée aiguë lorsque la clinique ou l’électrocar-
0,1
0,2
0,5
1
2
5
10
20
30
40
50
60
70
80
90
95
99 0,1
0,2
0,5
1
2
5
10
20
30
40
50
60
70
80
90
95
95
1
2
5
10
20
50
100
200
500
1 000
Ratio de
vraisemblance
0,5
0,2
0,1
0,05
0,02
0,01
0,005
0,002
0,001
Pct > 0,5
Pct < 0,5
Probabilité post-test (%)
Probabilité pré-test (%)
Figure 3. Nomogramme permettant l’évaluation des probabilités
post-tests lorsque la probabilité pré-test et le rapport de vraisem-
blance sont connus. Un exemple est donné avec une probabilité
pré-test de 20 % d’infection bactérienne avec un résultat « posi-
tif » (> 0,5 ng/mL) ou « négatif » (< 0,5 ng/mL) d’un dosage de
procalcitonine (Pct). Un résultat négatif ne permet pas d’écarter
sans risque une infection. La décision de traiter par antibiotique
dépendra d’autres tests ou du degré de sévérité. Un résultat
positif permet de retenir le diagnostic d’infection bactérienne et
de débuter le traitement.
revue générale
Ann Biol Clin, vol. 63, n° 4, juillet-août 2005380
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diogramme suggère la possibilité d’un infarctus. Les tro-
ponines I et T sont des protéines qui interviennent dans la
contraction musculaire cardiaque et sont libérées en cas de
nécrose tissulaire. L’élévation de la troponine I ou T fait
partie aujourd’hui des critères qui définissent la nécrose
cardiaque, mais cette nécrose n’est pas nécessairement en
rapport avec une pathologie coronaire.
Du fait de leur bonne spécificité et sensibilité (RV
+
>10et
RV
-
< 0,1), le dosage des troponines est utilisé pour
confirmer ou exclure un infarctus (intérêt thérapeutique
primaire). Il permet d’établir le diagnostic d’infarctus avec
une spécificité supérieure à 95 % [5]. De fait, ce dosage
remplace celui des CK et autres marqueurs moins spécifi-
ques (ASAT, LDH) qui deviennent généralement inutiles
[6]. Le dosage des CK-MB, bien qu’encore réalisé dans de
nombreux centres, apparaît aujourd’hui nettement moins
spécifique et moins sensible que le dosage des troponines
[7]. Devant un syndrome coronarien aigu clinique sans
élévation du segment ST, un dosage de troponine permet
de distinguer un infarctus du myocarde (dosage positif)
d’une angine instable (dosage négatif). Ces deux entités,
infarctus du myocarde et angine instable, sont en fait
actuellement considérées comme une même maladie mais
de sévérité différente [8]. Le dosage est considéré comme
positif au-delà du 99
e
percentile, c’est-à-dire en pratique
au-delà de la limite de détection de la méthode de dosage,
compte tenu de sa précision. Cependant, en cas de détresse
respiratoire, que l’étiologie soit cardiaque, septique ou
embolique, la spécificité vis-à-vis de l’infarctus chute. En
effet, les troponines s’élèvent en situation d’hypoxie
sévère, d’insuffisance circulatoire et/ou d’hypertension
artérielle pulmonaire [9], en cas de souffrance myocardi-
que liée à une myocardite, à un trouble du rythme ou à une
intoxication (monoxyde de carbone, cocaïne...). Dans ces
conditions, devant une dyspnée aiguë, pour retenir le dia-
gnostic de thrombose coronaire, d’autres tests doivent être
positifs (ECG, imagerie) et/ou un seuil plus élevé que le
99
e
percentile peut être utilisé.
La sensibilité du dosage des troponines est supérieure à
90 % à partir de la sixième heure après le début de la
symptomatologie. Le dosage de troponine (Tn) est donc
utilisé aussi pour exclure le diagnostic d’infarctus mais il
doit être négatif et répété jusqu’à la douzième heure après
l’arrivée aux urgences. Ce délai limite l’intérêt des tropo-
nines en situation d’urgence où les gestes thérapeutiques
les plus efficaces doivent être effectués au mieux avant la
sixième heure (donc sans attendre une possible élévation
des troponines). L’élévation de la myoglobine (Mb) est
plus précoce mais sa spécificité est médiocre même si ses
performances peuvent être améliorées par une répétition
des dosages.
Le dosage d’une troponine apporte également des rensei-
gnements tertiaires c’est-à-dire sur la sévérité de l’atteinte.
En cas de syndrome coronarien aigu, un test positif dès
l’arrivée du patient est en faveur d’une thrombolyse ou
d’une angioplastie même en l’absence d’élévation du seg-
ment ST [10]. Des taux élevés sont par ailleurs de puis-
sants marqueurs indépendants de mortalité et de morbidité
au cours de l’insuffisance coronaire aiguë [11]. La valeur
pronostique d’une troponine positive peut donc être utili-
sée comme élément déterminant dans l’intensification du
traitement et l’orientation des patients. En cas d’embolie
pulmonaire, le dosage de troponine pourrait aussi apporter
des renseignements sur la sévérité de l’atteinte, son éléva-
tion signant des micro-infarctus du cœur droit. Ainsi dans
une série publiée en 2000, la mortalité observée chez 56
malades était de 44 % en cas de troponine élevée contre
3 % chez les malades troponine négative. Ces malades
avaient des lésions coronaires comparables, mais le taux
de dysfonction du ventricule droit était plus fréquent en
cas de troponine élevée [12]. Une troponine élevée au
cours d’une embolie pulmonaire pourrait donc être un
argument pour une thrombolyse ou une embolectomie
[13].
Les peptides natriurétiques
Le peptide natriurétique BNP (brain natriuretic peptide)
est une hormone cardiaque sécrétée spécifiquement par le
cœur et essentiellement par les ventricules cardiaques (et
faiblement par les parois atriales) en réponse à une mise
en tension anormale de la paroi ventriculaire. Les parois
atriales sécrètent davantage le peptide ANP (atrial natriu-
Tableau 1. Éléments cliniques et paracliniques permettant de
calculer le score de Fine (d’après [4]).
A
ˆge Années (- 10 pour les femmes)
Patient institutionnalisé + 10
Maladie néoplasique + 30
Maladie hépatique + 20
Insuffisance cardiaque gauche + 10
Maladie cérébrovasculaire + 10
Maladie rénale + 20
Altération des fonctions supérieures + 20
Fréquence respiratoire > 30/min + 20
Pression artérielle systolique
<90mmHg
+15
Température < 35 °C ou > 40 °C + 10
Fréquence cardiaque > 125/min + 30
pH < 7,35 + 20
Urée > 11 mmo/L + 20
Hématocrite < 30 % + 10
PaO2 < 60 mmHg + 10
Épanchement pleural + 10
Ce score est utilisé pour évaluer le risque de mortalité en cas de pneumo-
pathie aiguë communautaire. Si le score est inférieur ou égal à 90, le
risque est faible (< 3 %). Entre 91 et 130 le risque est modéré (8 %).
Au-delà de 130 la mortalité est importante (29 %).
Dyspnée aiguë aux urgences
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