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« Le fait pour une personne adulte et capable de prendre elle-même les
décisions sur son propre corps est l‟expression juridique du principe de
l‟autonomie de la volonté et du droit à l‟autodétermination. »2
Ce droit à l’autodétermination, dans la mesure où il permet de refuser des soins et de
laisser la nature suivre son cours, fait maintenant consensus3. Toutefois, les principes bien
établis de l’autonomie et du consentement libre et éclairé aux soins ne suffisent pas à
solutionner les difficiles questions éthiques et sociales qui surviennent en cas de conflits
dans certaines situations de soins et particulièrement pour les soins en fin de vie, et ce,
même pour le majeur. Certains cas très médiatisés aux États-Unis et plus récemment en
Italie nous rappellent à quel point la question demeure controversée4.
On a longtemps évité de parler de décès par pudeur et préjugé. Encore aujourd’hui, la
mort demeure un sujet difficile à aborder. Plusieurs médecins évitent cette question
jusqu’à ce que le décès de leur patient s’avère imminent. Les professionnels de la santé
ont été formés pour traiter et guérir et voient souvent le décès comme un échec. Notre
société est incapable de considérer le décès comme faisant partie de la vie. Souvent,
même devant l’inévitable, on préférera croire au pouvoir de la médecine moderne de faire
des « miracles », en particulier chez l’enfant et l’adolescent dont le décès est toujours
injuste et prématuré. Cet aspect omnipotent de la médecine est trop souvent entretenu
2 Ibid.
3 Voir Suzanne Philips-Nootens, Pauline Lesage-Jarjoura et Robert Kouri, Éléments de responsabilité civile
médicale. Le droit dans le quotidien de la médecine, 3ième éd., Cowansville, Yvon Blais, 2007 [Philips-
Nootens, Lesage-Jarjoura et Kouri, Éléments de responsabilité civile médicale] aux pages 183 et suivantes.
Le droit à l’autonomie et à l’autodétermination du majeur a pris une telle ampleur qu’on respecte le refus
des soins même lorsque les conséquences sont clairement préjudiciables. Voir le jugement de la Cour
suprême du Canada dans Starson c. Swayze, [2003] 1 R.C.S. 722 où un homme souffrant de schizophrénie
refuse les médicaments pour contrôler sa maladie. Voir aussi Hôpital Charles-Lemoyne c. N.D., (3 février
2005), Longueuil 505-40-000583-058 (C.Q.) où une femme souffrant de diabète et d’un trouble de la
personnalité cesse régulièrement ses injections d’insuline, mettant sa vie en danger. Le juge écrit: « Il est
certain, comme le disent les deux médecins, que si elle interrompt sa médication elle met irrémédiablement
sa vie en danger. Ce peut être son choix ! Ce que le Tribunal doit se demander, comme le souligne la Cour
suprême, est-ce que c‟est un choix éclairé ? ». Même en situation d’urgence, le majeur peut exprimer un
refus des soins visant à lui sauver la vie. Voir Malette c. Shulman, (1987), 63 0.R. (3d) 243, conf. par
(1990), 72 O.R. (2d) 417(C.A., Ont) où un médecin a été tenu responsable d’avoir administré, en situation
d’urgence, une transfusion sanguine à une témoin de Jéhovah. Il n’y a pas de jurisprudence au Québec sur
le refus des soins en situation urgente. Voir la discussion à ce sujet dans la partie II.
4 États-Unis: Affaire Terry Shiavo, où le conjoint et la famille d’une jeune femme dans état neuro-végétatif
se sont affrontés dans une bagarre judiciaire fort médiatisée au sujet de la cessation des soins. Italie : Cas
d’Eluana Englaro qui a été maintenue dans un coma profond pendant dix-sept années avant d’être
« débranchée ».