La Lettre du Pharmacologue • Vol. 25 - n° 1 - janvier-février-mars 2011 | 39
Résumé
Le sphingosine-1-phosphate (S1P), produit du métabolisme des sphingosines, régule de nombreuses fonc-
tions biologiques (prolifération et survie cellulaire, migration cellulaire, fonctions immunitaires, fonctions
cardio-vasculaires) par le biais de 5 sous-types de récepteurs. Leur expression dans tous les types cellulaires
du cerveau sous-tend différentes fonctions (myélinisation, neurogenèse, neuroprotection, etc.) qui justifient
l’intérêt de leur modulation dans de nombreuses pathologies cérébrales, en particulier celles mêlant des
désordres immunitaires au développement des lésions cérébrales. Si plusieurs agonistes des récepteurs au
S1P sont en cours de développement clinique, seul le fingolimod est enregistré dans le traitement de la
sclérose en plaques. Ses effets bénéfiques peuvent s’expliquer à la fois par son action sur les lymphocytes
et par son action sur les mécanismes cellulaires cérébraux de la sclérose en plaques.
Mots-clés
Sphingosine-1-
phosphate
Sclérose en plaques
Fingolimod
Summary
Sphingosine-1-phosphate
(S1P), product of sphingosine
metabolism, is involved in
several biological functions
(cell proliferation and survival,
cell migration, immune system,
cardio-vascular functions)
through five receptor sub-types.
Their expression in all cellular
types of brain underlie many
functions (myelinization, neuro-
genesis, neuroprotection, etc.)
and justify the interest of their
modulation in several cere-
bral pathologies, in particular
diseases mixing both immune
disorders and brain lesions.
Several agonists of S1P recep-
tors are under clinical devel-
opment, but only fingolimod
is registered for the treatment
of multiple sclerosis. Beneficial
effects could be explained both
by action on lymphocytes and
action on cerebral mechanisms
of multiple sclerosis.
Keywords
Sphingosine-1-phosphate
Multiple sclerosis
Fingolimod
palement de la circulation régulière des lymphocytes
entre le sang et les organes lymphoïdes à la recherche
d’antigènes. Quand un antigène actif est détecté
dans les ganglions lymphatiques, il se produit une
séquestration puis une activation ou une réactivation
des lymphocytes T. Après activation, les lymphocytes
T retournent dans la circulation sanguine pour gagner
les sites inflammatoires. La rétention et la recircula-
tion des lymphocytes T est régulée, d’une part, par
le gradient de concentration du S1P entre circulation
sanguine et tissu lymphoïde et, d’autre part, par le
niveau d’expression lymphocytaire du récepteur S1P
1
,
comme l’ont montré des expériences réalisées sur des
souris génétiquement modifiées. Lorsqu’un antigène
pénètre dans un ganglion lymphatique ou dans le
thymus, le niveau d’expression du récepteur S1P1
diminue, ce qui explique la rétention lymphocytaire.
Le niveau d’expression augmente à nouveau après
activation des lymphocytes T, favorisant alors leur
recirculation.
Sur le plan cérébral, le S1P et ses différents récep-
teurs agissent sur l’ensemble des composants cellu-
laires : oligodendrocytes, neurones, cellules gliales,
cellules endothéliales (4, 5). Les récepteurs S1P1 et
S1P
5
sont préférentiellement exprimés au niveau
des oligodendrocytes et favorisent leur survie, leur
migration et leurs effets de myélinisation. En raison
de l’expression des récepteurs S1P
1
et S1P
3
, le S1P
exerce des effets de protection neuronale et favorise
la migration des cellules souches neurales. Les astro-
cytes expriment préférentiellement les récepteurs
S1P1 et S1P3, qui sont impliqués dans la prolifération,
la migration et l’activation des astrocytes. La micro-
glie exprime quant à elle les récepteurs S1P
1
, S1P
2
et
S1P3. Par son action sur les cellules endothéliales, le
fingolimod peut également exercer des actions de
régulation au niveau de la barrière hémato-encépha-
lique (figure 2, p. 40).
Des agonistes approuvés ou en
cours de développement
La caractérisation de la voie du S1P et de ses
propriétés physiologiques ou de ses implications
physiopathologiques a conduit au développement
de plusieurs agonistes (BAF-312, KRP-203, poné-
simod, ONO-4641, CS-0777) qui sont à des stades
précoces de leur développement clinique (7). Le
FTY720, ou fingolimod, vient, quant à lui, d’être
enregistré par la FDA et a reçu un avis favorable
du Comité des médicaments à usage humain de
l’EMA. Il s’agit d’un dérivé de la myoricine, issue
d’une plante médicinale chinoise, qui possède des
propriétés immunosuppressives mais qui se révèle
toxique. Les modifications structurales de la myori-
cine ont permis d’aboutir à la structure du fingo-
limod avec un meilleur profil en termes de sécurité
toxicologique (7).
Le fingolimod est un promédicament phosphorylé par
la sphingosine kinase de type 2 en fingolimod-P, qui
est la molécule active et agoniste des 5 sous-types
de récepteurs S1P. Le fingolimod induit une lympho-
pénie, qui est essentiellement le résultat de son
action sur le récepteur S1P. Les actions directes sur le
système nerveux central sont plus complexes et font
intervenir d’autres sous-types de récepteurs S1P. Le
fingolimod exerce également des effets cardio-vascu-
laires qui expliquent notamment 2 effets indésirables
importants en dehors des conséquences de la modu-
lation immunitaire (infection) : des bradycardies ou
des blocs auriculoventriculaires résultant de l’action
sur le récepteur S1P2 et des œdèmes maculaires liés
à des effets sur la perméabilité vasculaire. L’action du
fingolimod est probablement plus complexe que le
seul effet agoniste, puisqu’il induit rapidement une
internalisation et une dégradation des récepteurs
S1P1 sur lesquels il se fixe, ce qui aboutit à un effet
antagoniste fonctionnel. La pharmacocinétique du
produit permet son utilisation par voie orale. Le
fingolimod a été développé principalement dans
le traitement de la sclérose en plaques, pathologie
pour laquelle il a été approuvé par les agences d’en-
registrement. Un intérêt potentiel existe également
dans d’autres maladies neurologiques.
Le fingolimod dans les maladies
neurologiques
Dans la sclérose en plaques, l’action du fingolimod
est double (4, 5, 8). Sur le plan immunitaire, l’anta-
gonisme fonctionnel lié à l’internalisation et à la
dégradation du récepteur S1P
1
permet au fingolimod