64 | La Lettre du Pharmacologue • Vol. 26 - n° 2 - avril-mai-juin 2012
Points forts
»
La sphingosine 1-phosphate (S1P) est un lipide qui régule de nombreuses fonctions biologiques en tant
que second messager ou en raison de son interaction avec des récepteurs de type récepteurs couplés aux
protéines G.
»Cinq récepteurs à S1P (S1P
1-5
) ont été décrits, qui présentent des profils d’expression différents et des
modes d’action parfois antagonistes en réponse à la S1P.
»
De nombreux travaux ont particulièrement fait état de leurs rôles dans la physiologie des systèmes
cardiovasculaire, immunitaire et nerveux central.
»Un défaut dans la signalisation dépendante des récepteurs à S1P peut conduire au développement de
nombreuses conditions pathologiques comme le cancer, l’athérosclérose ou la sclérose en plaques.
Mots-clés
Sphingosine
1-phosphate
Récepteur couplé
auxprotéines G
Athérogenèse
Inflammation
Perméabilité
vasculaire
Highlights
»
Sphingosine 1-phosphate
(S1P) is a lipid that mediates
critical biological responses as
a second messenger or by its
binding to G protein-coupled
receptors.
»
Five distinct S1P receptors
(S1P1-5) have been identified,
each with a different cellular
pattern of expression that influ-
ences the responses to S1P.
»
A number of studies have
illustrated their many effects
in the physiological regulation
of the cardiovascular, immune
and central nervous sytem.
»
A default in the S1P
receptor-dependent signaling
can contribute to the develop-
ment of multiple pathological
conditions such as cancer,
atherosclerosis, or multiple
sclerosis.
Keywords
Sphingosine 1-phosphate
G protein coupled receptors
Atherogenesis
Inflammation
Vascular permeability
aux lipoprotéines de haute densité et à l’albumine.
Les cellules d’origine hématopoïétique – plaquettes,
mastocytes et surtout érythrocytes – constituent
les sources majeures de S1P dans le plasma. Dans
la lymphe, où la S1P est aussi présente (environ
100 nM), c’est l’endothélium qui représenterait la
source principale.
Les récepteurs à sphingosine
1-phosphate et leur régulation
Si le rôle de second messager de la S1P est encore
mal défini, sa signalisation extracellulaire via son
interaction avec 5 récepteurs de type récepteurs
couplés aux protéines G (RCPG) est bien docu-
mentée. Depuis que l'on a découvert que la S1P
était le ligand du récepteur orphelin EDG-1 (Endo-
thelial Differentiation Gene-1) [2], il est devenu clair
que nombre de ses effets biologiques font appel à
ce rôle de ligand. D’autres récepteurs ayant une
forte affinité avec la S1P (Kd allant de 2 à 63 nM)
ont été caractérisés depuis, à savoir les récepteurs
EDG-3, -5, -6 et -8. Cette famille porte doréna-
vant la nomenclature S1P
1-5
(tableau, p. 63). Ces
récepteurs sont exprimés de façon différentielle
d’un type cellulaire à l’autre, œuvrant en synergie
ou en antagonisme, et l’effet biologique observé en
réponse à la S1P représente au final la somme de
toutes leurs actions.
Lorsque la S1P se lie à son récepteur, ce dernier
inter agit avec une protéine G trimérique qui se
dissocie en sous-unités α-GTP et βγ, capables d’ac-
tiver différents effecteurs cellulaires (figure). Dans
les secondes ou les minutes qui suivent l’activation
des récepteurs RCPG, ceux-ci sont phosphorylés,
ce qui conduit à leur découplage fonctionnel et
promeut leur internalisation. Une fois le compar-
timent endosomique atteint, les récepteurs inter-
nalisés peuvent être recyclés vers la membrane
plasmique ou dégradés via la fusion des endosomes
avec les lysosomes. La phosphorylation des récep-
teurs à S1P a été bien étudiée pour le S1P1, rapide-
ment internalisé après sa liaison avec la S1P (ou son
agoniste synthétique SEW2871), puis recyclé (3).
Un autre agoniste, le fingolimod (FTY720) phos-
phorylé, induit une internalisation du S1P1, suivie
de sa dégradation (4). Cette divergence entre S1P
et FTY720-P serait la conséquence d’une ubiquiti-
nylation différente du S1P
1
. La polyubiquitinylation
du S1P1 induite par le FTY720 phosphorylé conduit à
sa dégradation, alors qu’une mono-ubiquitinylation
est observée en réponse à son agoniste naturel, la
S1P (5).
Les fonctions physiologiques
régulées par les récepteurs
à S1P
Le récepteur S1P1
Le S1P1, ubiquitaire et liant la S1P avec une forte
affinité (Kd = 8 à 20 nM) [2], est le seul récepteur
exclusivement couplé à la protéine G
i
(figure). Son
activation conduit à :
➤la diminution de la concentration en AMPc ;
➤la stimulation des MAP kinases ;
➤
l’augmentation de la production d’inositol phos-
phates et de calcium ;
➤
l’activation de la voie PI3 kinase/Akt conduisant
à l’activation de eNOS (endothelial Nitric-Oxide
Synthase) et la libération d’oxyde nitrique dans les
cellules endothéliales, ou à l’activation de Rac, une
petite GTPase de la famille Rho.
D’une manière générale, l’activation du S1P1 conduit
à la prolifération, la survie, la migration cellulaire
et le maintien du tonus vasculaire. Un rôle majeur
du S1P1 est celui joué dans la régulation de l’angio-
genèse. Les effets induits par la S1P sur les cellules
endothéliales et sur les cellules musculaires lisses
stimulent le développement des vaisseaux sanguins.
L’étude des souris knock-out pour le gène S1p1 a validé
le rôle capital de ce récepteur dans le développe-
ment vasculaire. Ces souris présentent un défaut de
maturation du système vasculaire qui conduit à la
mort au stade embryonnaire entre E12.5 et E14.5 par
hémorragies (6). Le S1P
1
joue aussi un rôle impor-
tant dans le maintien de l’intégrité de la barrière
endothéliale en conjonction avec les récepteurs
S1P2 et S1P3. Si le S1P1 fait obstacle à la perméabi-
lité vasculaire, l’activation du S1P2 ou du S1P3 dans
les cellules endothéliales l’augmente, car les récep-