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13 novembre 2013 2123
muqueuses, son ingestion par voie digestive n’est ralentie
que par un bol alimentaire concomitant. Soumis à un méta-
bolisme de premier passage hépatique (et partiellement
gastrique lors de son absorption), l’éthanol est ensuite mé-
tabolisé et éliminé exclusivement par le foie, son élimination
par l’urine, par la respiration ou par la transpiration étant
négligeable. La vitesse d’élimination est variable selon les
sujets, en partie influencée par le capital enzymati que gé-
nétique (voie de l’alcool déshydrogénase). La consomma-
tion chronique d’éthanol entraîne une induction enzymatique
(voie du cytochrome P450 2E1) et par conséquent une aug-
mentation de la vitesse d’élimination. Les effets pharmaco-
logiques aigus de l’éthanol sont multiples et dépassent les
objectifs de ce traité. Seuls sont importants ici ses effets
neurologiques, en particulier neurodépresseurs à dose éle-
vée, ainsi que son effet épileptogène et arythmogène.
La consommation chronique d’éthanol induit une forte
dépendance, mais également une tolérance remarquable,
permettant à ces sujets de supporter sans risque vital im-
portant des intoxications massives, potentiellement mor-
telles chez le sujet «naïf». Le syndrome de sevrage aigu en
cas d’arrêt brutal de la consommation d’éthanol est le co-
rolaire du phénomène de tolérance.
À ce jour, il n’y a pas d’antidote pouvant réverser les ef-
fets toxiques aigus de l’éthanol. Seule la surveillance et la
prévention des complications respiratoires (broncho-aspi-
ration), métaboliques (hypothermie, hypoglycémie, acido-
cétose alcoolique), et neurologiques (crises convulsives,
troubles du comportement) sont de rigueur, imposant la
plupart du temps une hospitalisation lorsque l’intoxication
est sévère.
g-hydroxybutyrate (GHB)
Développé originellement dans les années soixante
comme un éventuel agent anesthésique, le g-hydroxybuty-
rate (GHB) fut rapidement abandonné en raison de son
effet dose-réponse aléatoire. Des années plus tard, il a été
enregistré pour le traitement de la narcolepsie avec cata-
lepsie de l’adulte (oxybate de sodium = sel de GHB). Faci-
lement produit à partir de ses précurseurs, la g-butyrolac-
tone (GBL) ou le 1-4-butanediol, le GHB est aussi facilement
accessible sur le marché des drogues récréatives illicites,
sous forme liquide, inodore et incolore. Initialement con-
sommé par les
body-builders
en raison de son effet supposé
sur la production d’hormone de croissance, il est consom-
mé actuellement en raison de ses effets considérés comme
désinhibants et aphrodisiaques. Ses effets dépresseurs
sur le système nerveux central sont marqués, en particulier
par son effet additif à l’alcool, produisant à la fois un coma
brutal, une dépression respiratoire sévère et une amnésie
complète lors d’intoxication significative.19 Sa demi-vie est
courte, d’environ 0.5-1 heure, rendant sa détection et son
dosage difficiles. Il n’existe pas d’antidote au GHB et seul
le soutien des fonctions vitales est de mise. Plusieurs étu-
des parlent en faveur d’une augmentation du risque de dé-
cès lors d’intoxication mixte, par exemple GHB et éthanol
ou opiacés. Cependant, près de 40% des cas de décès par
GHB ne sont pas expliqués par des co-intoxications, mais
plutôt par l’absence de soins au moment de la défaillance
respiratoire, puis cardiorespiratoire.20,21
Cocaïne
La consommation de cocaïne s’est généralisée en Eu-
rope depuis une vingtaine d’années. Le spectre des con-
sommateurs est extrêmement large : participants à des
rave
ou soirées techno (but récréatif), consommateurs plus ou
moins réguliers sur le lieu de travail (effets excitants, dimi-
nution de la fatigue et augmentation des performances), ou
encore consommateurs dépendants, souvent polytoxicoma-
nes. Ses effets pharmacologiques sont multiples et ont été
largement décrits.22 L’intoxication se manifeste par un toxi-
drome sympathicomimétique typique, pouvant aller jus-
qu’au décès par complications cardiovasculaires et cérébro-
vasculaires : ischémie myocardique et arythmies, dissection
aortique, crises hypertensives, crises convulsives, hémorra-
gies intracrâniennes. Il n’y a à ce jour aucun antidote dispo-
nible ; une approche immunothérapeutique est en cours de
développement.23 Dès lors, le soutien des fonctions vitales
et la prévention des complications coronariennes et céré-
bro-vasculaires, par l’administration précoce de benzodia-
zépines, d’acide acétylsalicylique et de dérivés nitrés, repré-
sentent la base du traitement de l’intoxication à la cocaïne.
Amphétamines et dérivés
En raison de leur proximité moléculaire avec les amines
physiologiques, les amphétamines produisent de manière
similaire à la cocaïne un toxidrome sympathicomimétique.
Leur effet inducteur sur la température corporelle est assez
typique et l’hyperthermie représente un bon marqueur de
la sévérité de l’intoxication, et également de la nécessité
d’un traitement sédatif d’urgence, associé à un refroidisse-
ment actif. La demi-vie des amphétamines est variable, mais
généralement plus longue que celle de la cocaïne, produi-
sant ainsi souvent des effets prolongés. Les dérivés des
amphétamines sont nombreux, dont l’ecstasy (MDMA), les
pilules «thaï» (méthamphétamine) et les pilules «eve»
(MDEA) étant les plus connues. Leurs effets toxiques sont
moins sévères, mais peuvent être combinés à des effets
sérotoninergiques, rendant leur consommation particuliè-
rement risquée chez des patients traités par des antidé-
presseurs de type inhibiteurs sélectifs de la recapture de
la sérotonine (ISRS). Le traitement de ces intoxications est
essentiellement axé sur le soutien des fonctions vitales et
l’administration de benzodiazépines.
Hallucinogènes (Cannabis, LSD, Psylocibine,
Datura…)
Il n’est pas possible de détailler ici l’ensemble des subs-
tances hallucinogènes. Parmi elles, le cannabis
(Cannabis
sativa)
représente la substance hallucinogène la plus con-
sommée au monde. Ses alcaloïdes (tétrahydrocannabinol –
THC, cannabidiol – CBD, cannobinol – CBN) sont respon-
sables des effets hallucinogènes recherchés lors de la
consommation des dérivés de cette plante. Le cannabis ne
possède que peu d’effets systémiques, en particulier car-
diovasculaires.
Les champignons du groupe des psylocibes
(Psylocibe
semilanceata)
et leur alcaloïde hallucinogène, la psylocibine,
sont également dépourvus d’effets systémiques.
À l’inverse, d’autres substances hallucinogènes d’origine
végétale ou fongique, telle que la fleur de datura
(Datura
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