Chapitre 12 : Pour aller plus loin Chapitre rédigé par Luce Marinier, enseignante au Collège André-Grasset Ce dernier chapitre constitue bien plus une ouverture qu’une conclusion. Nous voulons montrer comment les notions de psychologie Sommaire traitées dans ce livre abordent des Comment est-on influencé par sa culture? questions humaines bien plus larges, page 2 bien plus globales que la psychologie L’être humain est-il libre ou déterminé ? elle-même. Souvent matière à page 4 controverse, ces questions font l’objet L’être humain est-il le fruit de l’hérédité ou de l’environnement ? de débats qui touchent autant la page 6 sociologie, la philosophie, l’anthropologie, les sciences de la Quels sont les enjeux éthiques du clonage humain ? religion et la biologie que la psychologie. page 7 Se pencher sur ces questions aidera à Doit-on tenter d’arrêter le processus du vieillissement ? l’intégration des notions développées page 8 Peut-on distinguer le bien du mal ? page 9 Les psychologues peuvent-ils être objectifs ? page 10 tout au long des chapitres. Par la même occasion, on pourra constater la contribution essentielle de la psychologie à la résolution d’importants problèmes actuels. On pourra aussi découvrir les liens étroits qui unissent la psychologie aux autres disciplines. Différents types d’activités sont proposés : des réflexions théoriques ou éthiques, des débats à mener en groupe, des critiques de texte et des prises de position. Dans chaque cas, les chapitres pertinents sont clairement identifiés, ce qui permettra de s’y référer pour obtenir d’autres éléments d’analyse. 2 Comment est-on influencé par sa culture ? Certains scientifiques (Hofstede, 1980 ; Triandis, 1990 : voir Gross, 1995) analysent les sociétés en fonction des valeurs individualistes ou collectivistes qui les fondent. Cette distinction permet d’expliquer plusieurs comportements et modes de pensée des individus membres de ces sociétés. Chaque culture comporte à la fois des aspects individualistes et collectivistes, avec des valeurs dominantes qui s’attachent à l’un des deux pôles. Ainsi, les pays d’Occident sont plus individualistes que les autres pays : la quête du bonheur individuel y est plus importante que le bien-être collectif. Les individus y vivent souvent seuls et les liens interpersonnels sont relativement faciles à nouer ou à rompre. Une caractéristique de l’individualisme est l’éloignement affectif des membres de la famille élargie. Les cultures individualistes privilégient également les horizontales relations entre individus, considérés comme égaux (conjoints et amis). Dans les pays où des valeurs culturelles collectives prédominent (par exemple : les pays islamiques, l’Inde ou les pays d’Afrique), l’appartenance familiale implique beaucoup plus de proximité, de continuité et de solidarité que dans les pays d’Occident. Plusieurs générations d’une même famille habitent souvent sous un même toit, les liens sont plus difficiles à rompre et la famille élargie est intégrée dans la vie de chacun. Les cultures collectivistes mettent par ailleurs l’accent sur les relations verticales, qui impliquent une dépendance ou une transmission de savoir (par exemple : les liens parent-enfant). En règle générale, les sociétés qui s’enrichissent deviennent plus individualistes (par exemple : la Chine). De même, les environnements urbains sont plus individualistes que le monde rural. Les pays où l’urbanisation et la prospérité sont établies depuis longtemps (par exemple : la Hollande et le Japon) présentent un état d’équilibre bien rodé entre les valeurs collectivistes et les valeurs individualistes. Les brusques changements sociaux entraînent des crises de valeurs culturelles (par exemple : la Révolution tranquille au Québec). Et ces crises se répercutent sur les individus. Les différences culturelles constituent un défi de taille pour la psychologie. En effet, les méthodes d’investigation de la psychologie portent plutôt sur des individus. Elles tentent de trouver des explications applicables à l’ensemble du genre humain, mais elles négligent souvent les variables culturelles. Cette difficulté est d’autant plus présente que les sociétés sont de moins en moins homogènes et que les enjeux culturels deviennent plus complexes avec le métissage généralisé. Une erreur courante, en psychologie, est de généraliser, à l’ensemble du monde, des observations qui ne sont valables, en fait, que pour les classes moyennes blanches de l’Occident. Qu’est-ce qui est normal ? Qu’est-ce qui ne l’est pas ? Qu’on pense aux cérémonies collectives liées à la naissance, à la mort ou au mariage : il s’agit de rites de passage, d’étapes, qui ont un rapport avec la santé mentale, la normalité ou ce qui est perçu comme normal. Se percevoir « normal » dépend largement, en effet, de la comparaison qu’on établit avec les autres. Quand une personne se perçoit comme très différente de ses pairs, très « en retard » sur eux, cette perception peut contribuer à une impression d’anormalité et de détresse psychologique. La culture dicte, en grande partie, à quel âge, comment et dans quelles circonstances ces étapes doivent socialement se vivre. Si la psychologie ne tient pas compte de ces aspects, une partie de la réalité lui échappe ou s’en trouve faussée. Un problème rencontré en psychologie et pour lequel les valeurs culturelles jouent un grand rôle est donc cette définition de la normalité et de la santé mentale. Les systèmes de classification des maladies mentales élaborés en Occident (le DSM et la CIM ; voir le chapitre 11) ne doivent pas être perçus comme des outils sans biais. Ils sont des miroirs de ce qu’une culture individualiste valorise et tolère parmi ses membres. Ainsi, le critère de souffrance individuelle est fréquent dans ces classifications, alors que la psychopathologie et les psychothérapies sont des concepts un peu déphasés dans un contexte collectiviste, où la fidélité au groupe prime sur le bonheur personnel. 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