Barrières à la lutte contre la tuberculose en Zambie urbaine : l

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INT J TUBERC LUNG DIS 2 (10): 811-817
© 1998 IUATLD
Barrières à la lutte contre la tuberculose en Zambie urbaine :
l’impact économique et le coût pour les patients préalablement
au diagnostic
D. M. Needham,* P. Godfrey-Faussett,† ‡ S. D. Foster‡
†
*MD Programme, McMaster University, Ontario, Canada, Zambia AIDS-Related Tuberculosis (ZAMBART)
‡
Project, Department of Medicine, University Teaching Hospital, Zambia, London School of Hygiene & Tropical
Medicine, London, UK.
_______________________________________________________________________RESUME
CADRE : Clinique Thoracique, Hôpital Universitaire d'Enseignement, en Zambie.
OBJECTIF : Etudier, dans les zones urbaines de Zambie, l'impact économique, les charges et les obstacles à la
demande de soins pour les patients tuberculeux en période pré-diagnostique.
SCHEMA : Entretien en profondeur, conduite au cours d'une période de 9 semaines, chez des patients
hospitalisés adultes et chez des patients ambulatoires, enregistrés comme nouveaux cas de tuberculose
pulmonaire. Analyse des données par le programme Epi Info.
RESULTATS : Des entretiens ont été complétées chez 202 patients, dont 64 % travaillent normalement, mais 31
% ont dû arrêter leur activité en raison de la tuberculose pendant une durée moyenne de 48 jours. La durée
moyenne de maladie avant la déclaration de tuberculose est de 63 jours, alors qu'un délai avant la consultation à
la Clinique Thoracique existe chez 64 % des patients. Parmi ceux-ci, 38 % attribuent leur délai à des problèmes
financiers. Dans le processus de diagnostic, les patients doivent encourir un coût moyen total équivalant à 127 %
de leurs revenus moyens mensuels (40 £ UK [59 $ US]). Les dépenses directes représentent 60 % de ce coût. En
outre, les patients perdent en moyenne 18 jours de travail avant le diagnostic. Enfin, les coûts encourus par les
soignants sont l'équivalent de 31 % de leurs revenus mensuels moyens (10 £ UK [15 $ US]).
CONCLUSION : La charge économique de la tuberculose sur les patients entraîne des barrières à un diagnostic
rapide, qui peut entraîner une transmission persistante. Les barrières économiques importantes comportent des
dépenses de transport, des dépenses pour 'alimentation spéciale', et les pertes de revenus. Ces barrières
pourraient être réduites par des interventions qui diminuent le nombre de consultations, les distances à
parcourir, et la durée de la maladie précédant le diagnostic.
MOTS-CLE : tuberculose ; coûts ; diagnostic ; demande de soins ; malades ; Afrique
SI L’ON EN CROIT les affiches de santé publique au
travers de l’Afrique sub-saharienne, « la tuberculose peut être traitée ». Toutefois, mondialement,
la tuberculose provoque plus de mortalité chez les
adultes qu’aucune autre cause infectieuse isolée de
maladie.1 Prendre en compte la perspective du
patient est la clé de l’obtention d’une lutte effective
contre la tuberculose.2 Quoique beaucoup d’études
se soient intéressées aux coûts de la tuberculose
liés aux pourvoyeurs de soins et aux médicaments,
il en est peu qui ont étudié les coûts supportés par
le patient.3,4 En Afrique du Sud, les coûts de déplacement des patients et la perte de revenus ont été
pris en compte dans l’analyse coût-efficacité de
différentes options thérapeutiques.5 L’impact économique sur les patients avant le diagnostic n’a pas
toutefois été pris en considération. Dans l’Uganda
rural et en Thaïlande, respectivement Saunderson3
et Kamoratanakul et al.6 ont démontré que les patients supportent plus de 60% de la charge totale
des coûts de tuberculose (TB). De plus, la moitié
des coûts monétaires et la majorité du temps perdu
pour le travail sont encourus avant le diagnostic.3
Spécifiquement, ces coûts préalables au diagnostic
peuvent détourner les patients de se présenter aux
services médicaux pour leurs symptômes liés à la
TB,7 mais on a peu d’informations sur lesquelles
on puisse baser une meilleure compréhension de la
nature du délai-patient.8 Donc, l’information sur
les coûts encourus par le patient est pertinente et
nécessaire pour apprécier l’impact de la structure
du programme sur la lutte contre la TB.4
Auteur pour correspondance : Dale Needham, P O Box 266, Ilderton, Ontario, Canada N0M 2A0.
[Traduction de l'article "Barriers to tuberculosis control in urban Zambia: the economic impact and burden on
patients prior to diagnosis." Int J Tuberc Lung Dis 1998; 2 (10): 811-817.]
2
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
Lusaka, en Zambie, est semblable aux autres
grands centres urbains d’Afrique sub-saharienne.
Le système de soins de santé est aux prises avec
des limitations sévères des ressources financières,
avec une migration urbaine importante, une prévalence significative de l’infection par le virus de
l’immunodéficience humaine (VIH) et un quadruplement de l’incidence de la TB au cours de la dernière décennie (Rapport Annuel du Programme
National de Lutte Contre le SIDA, les maladies
sexuellement transmissibles, la tuberculose et la
Lèpre [NASTLP], Ministère de la Santé). L’objectif de la présente recherche fut d’estimer l’impact
économique et le coût de la TB sur les patients et
d’apprécier dans quelle mesure cette charge peut
représenter une barrière potentielle à la lutte contre
la TB dans des cadres similaires d’Afrique subsaharienne, en se basant sur l’étude des coûts supportés par le patient dans la période préalable au
diagnostic de la TB au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Lusaka.
METHODES
Le CHU est le centre de santé tertiaire de la
Zambie. Au moment de cette étude, le diagnostic et
l’enregistrement de la TB à la fois pour les patients
hospitalisés et externes à Lusaka était centralisé au
Dispensaire Thoracique du CHU. En 1995, 88%
des 6 948 cas de TB enregistrés dans la province
de Lusaka (1,55 million d’habitants) ont été diagnostiqués au Dispensaire Thoracique (NASTLP,
Ministère de la Santé). Pour avoir accès au Dispensaire Thoracique, les patients externes sollicitent
un bon de référence dans un dispensaire gouvernementale, alors que les patients hospitalisés sont
amenés au Dispensaire Thoracique par une infirmière de salle avant leur sortie. Bien que les services du Dispensaire Thoracique soient fournis sans
aucune charge financière pour les patients, les
dispensaires référant les patients externes exigent
une prise en charge par une assurance de santé
(préalablement payée et subventionnée par le
gouvernement) ou le payement immédiat d’un
honoraire de consultation.
Pendant 9 semaines, les patients adultes, internes et externes, enregistrés comme nouveaux cas
de TB pulmonaire au Dispensaire Thoracique ont
été adressés à l’étude. Lorsque le nombre de patients attendant l’entretien était supérieur à trois,
l’employé de l’enregistrement interrompait temporairement l’envoi des patients vers l’étude. Par voie
de conséquence, l’échantillon de patients ne fut ni
entièrement consécutif, ni aléatoire. Cette méthodologie toutefois n’a pas entraîné un biais de sélection particulier et a minimisé pour les patients les
délais liés à l’étude. De plus, aucun facteur sai-
sonnier connu significatif n’était susceptible de
rendre cet intervalle d’échantillonnage non représentatif.
Après avoir donné un consentement éclairé, les
patients furent interviewés en profondeur pendant
20 à 40 minutes par l’investigateur principal,
assis té en cas de nécessité par un ou deux traducteurs. Ces entretiens ont été concentrés sur les
informations démographiques, d’emploi et de santé
et en outre sur une revue détaillée de chaque entrevue de santé et des dépenses y associées ainsi que
sur les pertes de revenus encourues par le patient et
ses soignants à l’occasion du recours aux soins
pour les symptômes de TB. En Zambie, la plupart
des gens ne connaissent pas leur statut VIH ; par
conséquent, cette information ne peut être obtenue
par les entretiens de patients. Vu la haute co-prévalence de la TB et du VIH au travers de beaucoup
de régions de l’Afrique sub-saharienne, ceci ne
devrait toutefois pas avoir un impact significatif
sur la généralisation des résultats. Ceci n’est pas
une étude d’évaluation économique, mais vise à
examiner les coûts considérés comme significatifs
par les patients eux-mêmes à l’occasion de leurs
recours aux soins.
Ces données ont été validées tout au long de
l’entretien par la répétition des questions et la comparaison des informations sur les coûts-patients
avec les prix connus du marché. Afin de présenter
les coûts au sein du contexte économique de la
Zambie, les données ont été présentées en premier
sous forme de pourcentage du revenu mensuel
moyen des patients. Les conversions de change
étranger à partie de la kwacha zambienne (ZK) ont
été faites au taux réel pendant la période de l’étude
(£UK 1 = ZK 1 850 et $US 1 = 1 250). Les données ont été analysées en utilisant la version 6 Epi
Info.9 L’impact des facteurs démographiques et du
statut de patient hospitalisé ou externe a été analysé face à toutes les catégories de coût-patient et
de pourvoyeurs de soins (comme décrit dans les
Tableaux 1 et 2), en plus des dépenses de transport,
du coût de la nourriture spéciale et du nombre de
jours de travail perdus par le patient. Cette analyse
a été conduite en comparant la différence dans les
coûts moyens et les jours perdus pour chacune des
catégories démographiques binaires. La signification statistique a été fixée à P<0,005. Le test de
Bartlett pour l’homogénéité de la variance a été
utilisée pour aider à déterminer si l’analyse statistique paramétrique (ANOVA) était appropriée.
Lorsqu’un test non paramétrique appa- raissait plus
approprié, l’on a recouru au test de Kruskal-Wallis
pour deux groupes.9
Un essai pilote a été conduit préalablement
pendant une période de deux semaines chez 23 pa-
Barrières économiques à la lutte contre la tuberculose en Zambie
3
Tableau 1 Données de coût de la tuberculose pour les patients
Dépenses directes
Médicales
Médecin privé
Guérisseur traditionnel
« Schema »‡
Prix des consultations§
Diagnostics
Traitement
Autres
Total médical
Non médicales
Transport
Alimentation spéciale
Nourriture
Autres
Total non médical
Coûts indirects
Jours de travail perdus
Salariés
Indépendants
Total des jours de
travail perdus
Revenus perdus
Salariés
Indépendants
Perte totale de revenu
Total des coûts-patient
Patients encourant le coût
Coût moyen
Coût médian
(% MMI)*
(% MMI)*
(£)
(£)
Total (%)
(£)
Moyenne
% MMI*
Patients
n (%)†
582 (7)
203 (2)
83 (1)
150 (2)
82 (1)
284 (4)
16 (0)
1380 (17)
9
3
1
2
1
5
0
21
40 (20)
21 (10)
93 (46)
36 (18)
16 (8)
98 (48)
1 (0)
168 (83)
14 (45)
10 (31)
1 (3)
4 (13)
5 (16)
3 (9)
6 (18)
4 (12)
1 (3)
3 (9)
5 (15)
2 (6)
8 (26)
3 (11)
941 (12)
2375 (29)
135 (2)
48 (0)
3499 (43)
15
37
2
1
55
189 (93)
114 (56)
84 (41)
6 (3)
198 (98)
5 (16)
21 (66)
2 (5)
8 (25)
18 (56)
2 (8)
11 (34)
1 (4)
3 (9)
8 (25)
51 (25)
45 (22)
94 (46)**
35
40
38
15
30
21
18 (9)
39 (19)
56 (28)**
201 (99
41 (130)
64 (203)
58 (183)
40 (128)
20 (64)
22 (69)
22 (69)
19 (60)
1773
1815
3588
734 (9)
2490 (31)
3224 (40)
8103 (100)
12
39
51
127
* % MMI = Pourcentage du revenu mensuel moyen des patients
† n = 203
‡ « Schema » se rapporte à un programme d’assurance médicale soutenu par le gouvernement de Zambie
$ Prix des consultation dans les services de soins du gouvernement lorsque les patients ne bénéficient pas d‘une couverture
«schema».
** Deux patients avaient des jours perdus à la fois dans le cadre de leur activité de salarié et de leur activité d’indépendant ; un
patient avait perdu les revenus de ces deux sources.
tients.10 Le questionnaire a été modifié en tenant
compte des données résultant de l’étude pilote.
L’on peut obtenir une copie de l’outil d’entretien
auprès de l’auteur correspondant.
Le comité d’éthique pour la recherche de l’université de Zambie a donné son approbation pour
cette étude
RÉSULTATS
Un échantillon de 225 patients, représentant un
tiers de l’ensemble des sujets éligibles, a été référé
à l’étude. Dix neuf de ces patients ont refusé toute
participation, principalement en raison de contraintes de temps personnel et quatre n’ont pas achevé
l’entièreté de l’entretien. L’information complète a
donc été rassemblée pour les 202 patients restants.
Information sur la démographie, l’emploi et le
recours aux soins
Les patients interviewés représentent une population urbaine d’adultes jeunes : leur âge moyen est
de 32 ans, et 57% d’entre eux sont de sexe masculin. La dimension moyenne du ménage est de 6,5
personnes dont 4,7 à charge. Soixante quatre pour
cent des patients travaillaient normalement, environ la moitié d’entre eux étant indépendants, principalement dans le secteur informel. Quarante
quatre pour cent des patients se sont identifiés eux
mêmes comme étant la principale source de revenus pour leur ménage. Le revenu mensuel moyen
des patients fut de £31,50 ($47) toutes sources
réunies, ce qui est équivalent au revenu moyen
ajusté pour l’inflation dans l’enquête la plus
récente sur les salaires de tous secteurs (1994)
(B
ureau Central de Statistiques, Gouvernement de
la République de Zambie). Au moment de
l’entretien, 31% des patients avait cessé le travail
en raison de la TB. Parmi ces patients, le nombre
moyen de jours d’arrêt de travail fut de 48
(extrêmes 2-270). Selon les déclarations des
patients, cette période hors travail a crée des problèmes financiers dans 70% des cas.
En moyenne, les patients font état d’une anamnèse de symptômes liés à la TB de 63 jours avant
le diagnostic au Dispensaire Thoracique. Pendant
cette période, les patients ont eu en moyenne 6,7
recours aux soins, incluant 2,5 visites externes au
CHU, 1,5 visites aux dispensaires gouvernemen-
4
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
taux et 0,7 visite chez le pharmacien. Parmi les
sujets interviewés, 89 (44%) étaient hospitalisés.
Cent vingt neuf patients (64%) ont identifié un
délai dans le recours aux soins au Dispensaire Thoracique ; parmi ceux-ci 38% ont cité le manque
d’argent comme cause de leur délai. Au moment
des recours aux soins, habituellement tous les patients étaient assistés par au moins un accompagnant. Ces accompagnants menaient les patients
externes à leurs rendez vous médicaux, apportaient
de la nourriture et assuraient les soins de nursing
aux patients hospitalisés. Il s’agissait de manière
prédominante de femmes (76%) dont 82% travaillaient essentiellement comme vendeurs indépendants.
Données de coût
Le coût moyen de la tuberculose pour les patients
et leurs accompagnants était équivalent à 158% des
revenus mensuels moyens des patients (MMI) (£49
[$73]. Les coûts du patient individuel et de
l’accompagnant sont décrits aux Tableaux 1 et 2,
respectivement.
Virtuellement tous les patients ont encouru des
coûts en rapport avec leur TB. Avant l’enregistrement de la TB, la charge économique moyenne sur
les patients représentait 127% du MMI (£40
[$59]). Les dépenses médicales représentent une
fraction relativement faible des coûts-patient soit
21% du MMI (£7 [$10]). Ceci est du à l’existence
d’une assurance médicale peu coûteuse, sponsorisée par le gouvernement (connue comme le « schéma »). Certains patients n’ont pas eu de dépense
médicale puisqu’ils bénéficiaient déjà de la couverture « schéma ». Les 116 (57% ) patients sans couTableau 2
verture « schéma » ont encouru des coûts, soit pour
couvrir le prix du « schéma » (39%) soit pour
payer les honoraires de consultation exigés dans
les services de soins du gouvernement (11%) ou
les deux (7%). Même avec la couverture « schéma», presque la moitié des patients ont encouru
des dépenses plutôt importantes en rapport avec le
traitement (essentiellement des antibiotiques), souvent par suite de pénuries au niveau des services
gouvernementaux.
Les dépenses non médicales représentaient 55%
du MMI (£17 [$25]) ; les dépenses moyennes de
transport à charge du patient représentaient plus du
quart de cette charge. De plus, il existe une croyance générale selon laquelle les patients malades
devraient pour assurer leur guérison bénéficier
d’une alimentation spéciale en plus de leur régime
habituel. Ceci inclut des fruits, des pommes de
terre, des œufs, de la viande et des boissons
sucrées. Le coût de cette alimentation spéciale pour
le patient seul atteignait 37% du MMI (£12 [$18]).
Ces coûts liés à une nourriture spéciale augmentent
avec la durée individuelle de la maladie avant le
diagnostic (r=0,26 ; P<0,05).
Plus de 90% des patients qui travaillaient avant
le début de leur TB ont perdu du temps de travail
par suite de leur maladie. Dans l’ensemble, la TB a
causé en moyenne une perte de 18 jours de travail
avant le diagnostic. Plus la période de la maladie
avant le diagnostic est longue, plus grand est le
temps hors travail (pour les patients employés,
r=0,86 ; P<0,01 ; pour les indépendants, r=0,74 ;
P<0,01). Pendant la période de perte de travail,
35% des patients employés ne bénéficiaient pas
d’une indemnité complète de maladie, alors que
Données de coût de la tuberculose pour les accompagnants
Accompagnants encourant le coût
Dépenses directes
Non médicales
Transport
Alimentation spéciale
Nourriture
Autres
Total non médical
Coûts indirects
Jours de travail perdus
Salariés
Indépendants
Total des jours de travail perdus
Revenus perdus
Salariés
Indépendants
Total de la perte de revenu
Total des coûts-accompagnants
Total (%)
(£)
Moyenne
% MMI*
Accompagnants
n (%)†
Coût moyen
(% MMI)*
(£)
Coût médian
(% MMI)*
(£)
783 (40)
440 (22)
285 (15)
17 (1)
1525 (78)
21
7
5
0
24
121 (60)
54 (27)
30 (15)
2 (1)
136 (67)
6 (21)
8 (26)
9 (30)
9 (27)
11 (36)
3 (10)
4 (13)
5 (15)
9 (27)
6 (19)
22 (11)
38 (19)
60 (30)
8
12
11
4
4
5
13 (6)
28 (14)
40 (20)‡
143 (71)
5 (15)
13 (41)
11 (34)
14 (43)
4 (14)
9 (30)
6 (20)
7 (22)
174
458
632
63 (3)
359 (19)
422 (22)
1947 (100)
1
6
7
31
* % MMI = Pourcentage du revenu mensuel moyen des patients
†
n = 202
‡
Un accompagnant avait perdu à la fois ses revenus de salarié et d’indépendant.
Barrières économiques à la lutte contre la tuberculose en Zambie
87% des patients indépendants perdaient leur revenu par suite de leur TB. Pendant leur maladie, 61%
des patients ont signalé qu’ils recevaient une assistance financière extérieure à leur ménage, principalement de la part des membres de leur famille.
L’aide reçue représentait en moyenne approximativement 40% du coût total de la maladie pour les
patients.
Dans le cadre de cette étude, les coûts des accompagnants sont considérés comme incluant à la
fois les dépenses-patient payées par l’accompagnant et les coûts directement attribuables aux
activités de l’accompagnant dans l’aide aux
patients. Ceux-ci représentent 31% du MMI (£10
[$15]). Les dépenses moyennes non médicales des
accompagnants représentent 78% du coût total.
Pour ceux encourant ces dépenses, les coûts de
transport étaient plus importants pour les accompagnants que pour les patients. Ceci reflète le fait
que souvent plus d’un accompagnant menaient le
patient aux rendez vous médicaux et rendaient
visite quotidiennement aux hospitalisés. En outre,
les coûts plus élevés de nourriture normale chez les
accompagnants reflétaient les charges encourues
pour fournir la nourriture aux patients hospitalisés
ou qui venaient de l’extérieur pour se faire soigner
à Lusaka. Dans 30% des cas, les accompagnants
ont perdu du temps de travail pour pouvoir aider le
patient. Bien que le nombre de jours de travail
perdus fut faible, les patients ont signalé que des
problèmes financiers sont survenus pour environ la
moitié des accompagnants considérés.
Facteurs influençant les coûts
Les patients indépendants subissent un coût total
combiné (patient et accompagnant) plus élevé que
les patients employés (£81 [$120] vs £47 [$69],
P=0,02), avec une perte de revenu pour le patient
plus importante (£57 [$85] vs £14 [$21], P<0,001).
Aucun autre facteur démographique, y compris le
statut hospitalisé versus externe ne fut associé à
des différences significatives dans le «coût total
combiné ». L’on a observé un certain nombre de
relations significatives entre les coûts individuels
et les facteurs démographiques. Les pertes de
revenus furent plus importantes chez les femmes
que chez les hommes (£44 [$65] vs £29 [$44],
P<0,008), peut être en raison du plus grand nombre
de jours de travail perdus (51 vs 32, P=0,115).
Comme il fallait s’y attendre, les patients vivant en
dehors de Lusaka ont eu des dépenses de transport
(£10 [$14] vs £5 [$7], P<0,001), et des coûtspatient totaux (£46 [$68] vs £39 [$58], P<0,04)
plus élevés que les habitants de Lusaka. Finalement, les patients hospitalisés ont eu des coûts-
5
accompagnants plus élevés que les patients
externes (dépenses directes pour l’accompagnant :
£13 [$19] vs £9 [$13], P<0,001 ; coûts totaux des
accompagnants : £16 [$24] vs £11 [$16], P<0.001.
DISCUSSION
Les seules données-patient publiées, disponibles
pour la comparaison, sont l’étude de Saunderson
chez 34 patients dans l’Uganda rural.3 A un niveau
de £24 ($36) (marge inter-quartile £5-£33 [$7$49]), les dépenses directes du patient,préalables
au diagnostic, déterminées par notre étude sont
comparables aux £19 ($49), et £16 ($24) déterminées respectivement par Saunderson3 et par notre
étude pilote antérieure.10 Une limitation de notre
étude réside dans le fait que les patients incapables
de recourir aux soins du Dispensaire Thoracique
ont été exclus. Il est possible qu’à la suite de barrières économiques retardant leur diagnostic, ces
patients soient décédés de tuberculose, soit à leur
domicile, soit dans un autre hôpital avant l’enregistrement au Dispensaire Thoracique ; c’est ce qui
pourrait intervenir pour sous-estimer la charge
économique de la TB pour les patients.
Impact économique et charges
En Afrique sub-saharienne, la TB a un impact
économique significatif, du au fait qu’elle affecte
un segment productif de la société. Dans notre
étude, 44% des patients étaient la source principale
de revenus du ménage. Les coûts liés au patient,
encourus au cours des deux premiers mois de
maladie précédant le diagnostic, sont significatifs.
Les dépenses directes représentant plus de la
moitié du coût-patient (76% du MMI) ont été encourues par pratiquement tous les patients. Celles
ci étaient constituées par la perte de revenus des
patients : la TB a provoqué en moyenne la perte de
18 jours de travail. Les patients indépendants
encourent un risque économique plus important
puisque la plupart d’entre eux ne gagnent rien lorsqu’ils ne travaillent pas. L’impact et la charge de la
TB concernent également les accompagnants qui
sont recrutés virtuellement par tous les patients.
Ces accompagnants encourent des dépenses directes significatives(24% du MMI) et rencontrent des
difficultés financières liées à leur perte de travail.
Barrières économiques
Les données concernant les coûts-patient illustrent
la charge économique de la TB. Comme résultat de
cette charge, la plupart des patients ont besoin
d’une assistance financière significative lorsqu’ils
recourent aux soins pour les symptômes liés à leur
maladie. En outre, les patients admettent faci-
6
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
lement l’existence de délais dans le recours aux
soins. Toutefois, il est clair que des facteurs non
économiques sont également responsables du
délai- patient, puisque l’argent n’est cité comme la
cause principale du délai que chez 38% des
patients avec délai. Ces délais comportent un
risque important pour la santé publique, puisqu’un
patient à bacilloscopie positive non traité peut
infecter 10 à 14 autres sujets par an.11 Donc, des
barrières économiques et non économiques au
recours aux soins sont importantes et méritent de
retenir l’attention, à la fois au bénéfice des patients
et de la collectivité.
Une revue des données de coût révèle les facteurs individuels qui représentent les barrières économiques les plus significatives. Comme décrit
antérieurement, la majorité des patients ne disposaient pas de la couverture « schema ». Bien que
les soins médicaux pour la TB soient gratuits, la
couverture « schema » (ou le payement d’un
honoraire de consultation plus important) est
exigée pour la consultation externe et pour la
référence au Dispensaire Thoracique. Donc, ceci
représente la première barrière que les patients
tuberculeux rencontrent fréquemment lorsqu’ils
recourent aux soins dans le système de santé du
secteur public.
Malgré l’importance des barrières d’ordre médical, les données démontrent que les coûts non
médicaux posent des barrières économiques plus
importantes encore. Les dépenses de transport pour
le patient et l’accompagnant représentent 27% du
MMI, ce qui est dû principalement au grand
nombre de rencontres de soins et aux distances de
transport qui y sont associées. Dans le contexte du
traitement des patients, atteints de TB, les coûts de
transport ont également été identifiés dans d’autres
études comme étant significatifs pour le patient.5
Les dépenses pour l’alimentation spéciale encourues par le patient et l’accompagnant représentent
un coût encore plus important, qui n’avait pas été
reconnu antérieurement dans la littérature. Au sein
du pool limité de ressources des patients, les
dépenses pour l’alimentation spéciale peuvent
créer un manque de ressources pour les consultations médicales et les transports, qui sont finalement requis pour arriver à un diagnostic. Les
dépenses pour l’alimentation spéciale augmentent
avec la durée de la maladie qui précède le diagnostic, ce qui fait ressortir l’importance du raccourcissement du processus de recours aux soins.
La perte immédiate de salaire et la perte potentielle de travail résultant de la cessation du travail
créent également une barrière économique aux patients recourant aux soins. La durée de la maladie
est associée avec une plus longue période de chô-
mage, à la fois pour les patients employés et indépendants. La perte économique résultant de ce
chômage est particulièrement importante pour les
patients indépendants. Par voie de conséquence, un
diagnostic et un traitement rapide sont importants
du point de vue du patient.
Interventions pour réduire les barrières au
recours aux soins
La compréhension de l’impact économique en
rapport avec le patient, des charges et des barrières
au diagnostic est importante pour reconnaître
l’impact réel de la TB et pour élaborer des interventions appropriées afin de maximiser le recours
du patient aux soins. Le recours aux soins est
également influencé par des facteurs sociaux, culturels et cliniques; donc les coûts économiques
doivent être considérés à l’intérieur d’un contexte
plus large. Deux modifications pertinentes de
l’organisation des programmes de tuberculose en
Afrique sub-saharienne sont la décentralisation et
l’utilisation de moyens de diagnostic alternatifs.
La décentralisation de l’administration des
soins depuis le CHU vers des formations de santé
gouvernementales améliorées a commencé depuis
1996 au cours des réformes de santé subventionnées par les donateurs en Zambie. Cette décentralisation a de nombreuses ramifications, mais spécifiquement, on peut s’attendre à ce qu’elle affecte les
coûts-patient pour le recours aux soins. Vu la
disponibilité de moyens de diagnostic dans les dispensaires locaux, le nombre de rencontres de santé
et les distances à parcourir peuvent être réduits.
Comme conséquence, la durée de la maladie préalable au diagnostic peut également décroître. On
s’attend à ce que ces modifications bénéficient aux
patients en réduisant les barrières économiques
pour eux-mêmes et leurs accompagnants, en ce qui
concerne les dépenses de transport, les dépenses
pour les aliments spéciaux et la perte de revenus.
Une étude Sud-africaine de stratégies de traitement
a également démontré le bénéfice économique significatif pour les patients que représente le recours
à des dispensaires proches pour l’administration
des médicaments.5 Ces avantages pour les patients
doivent toutefois être pondérés avec d’autres risques et bénéfices de la décentralisation avant
qu’une conclusion ne puisse être tirée en ce qui
concerne l’impact final sur la lutte contre la tuberculose.
Des recherches sont actuellement en cours en
Zambie pour investiguer la faisabilité et le rapport
coût-efficacité des techniques d’amplification de
l’acide nucléique (NAA) dans le diagnostic de la
tuberculose.12 L’on espère que le NAA fournira un
diagnostic plus précis et plus rapide, particulière-
Barrières économiques à la lutte contre la tuberculose en Zambie
ment quand le diagnostic par l’examen microscopique direct de l’expectoration est plus difficile
en raison d’une haute prévalence du VIH.12 Le
NAA, s’il est possible et qu’il a un bon rapport
coût-efficacité, pourrait réduire le nombre de rencontres de santé pour les patients et la durée de la
maladie avant le diagnostic. Comme discutées
antérieurement, ces modifications pourraient à leur
tour réduire pour le patient les barrières au diagnostic.
CONCLUSION
L’impact économique de la tuberculose est significatif. Le coût qui en résulte pour les patients et les
accompagnants est un facteur contributif important
au délai de diagnostic et à la prolongation de la
transmission de la maladie. Les barrières économiques importantes incluent les pertes de revenus,
les frais de transport et les dépenses pour les
aliments spéciaux. La réduction de ces barrières,
en diminuant le nombre de rencontres de santé et
les distances à parcourir et par voie de conséquence en minimisant la durée de la maladie
précédant le diagnostic, est une considération-clé
pour les planificateurs de santé dans l’élaboration
d’un programme effectif de lute contre la
tuberculose.
Remerciements
Les auteurs sont reconnaissants à Maria Quigley, London
School of Hygiene and Tropicale Medicine pour son avis sur
l’analyse des données et à David Feeny, Center for Health
Economics and Policy Analysis, McMaster University pour la
revue d’un premier jet précédent de cet article.
Nous sommes également reconnaissants à tous ceux qui
ont rendu cette recherche possible : le Professeur J O B Pobee
pour avoir réglé le rattachement électif, Ms Violet Mwakamui
et Ms Gorrett Tembo pour leur aide dans la traduction, Mr
Given Kashina pour un support logistique exemplaire et les
patients et les accompagnants qui ont accepté d’être
interviewés.
Dale Needham est reconnaissant pour l’assistance
financière fournie par Ernst & Young Chartered Accountants,
7
le Bureau AIDS (Ministère de la Santé de l’Ontario),
Farquharson Research Award (Medical Research Council,
Canada), Glaxo Wellcome et the Commonxealth Foundation
ainsi que le Lennox-Boyd Memorial Trust.
Peter Godfrey-Faussett est un Beit Memorial Medical
Fellow.
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