La curiethérapie dans le traitement curatif du cancer de

ARTICLE DE REVUE Progrès en Urologie (2000), 10, 3-13
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La curiethérapie dans le traitement curatif
du cancer de la prostate localisé
Thierry FLAM (1), Laurent CHAUVEINC (2), Vincent SERVOIS (3), Jean-Claude ROSENWALD (4)
Jean-Marc COSSET (2) Nicolas THIOUNN (1) Bernard DEBRÉ (1)
(1) Clinique Urologique, Hôpital Cochin, Paris, France
(2) Départements de Radiothérapie, (3) de Radiologie, (4) de Physique Médicale, Institut Curie, Paris, France
L'incidence du cancer de la prostate a considérable-
ment augmenté depuis 10 ans, avec l'utilisation du
PSA, mais uniquement par l'augmentation des cancers
de stade cliniquement localisé [32]. De fait, les cancers
de stade Tlc représentent 45 % des cas dans certaines
séries, ce qui souligne avec acuité la question de la
signification clinique de ces cancers et de l'agressivité
des traitements proposés dans ces formes.
Les traitements à visée curatrice ne sont indiqués que
dans les stades localisés [45], et la rigueur de la stadi-
fication est donc cruciale dans l'indication thérapeu-
tique Le traitement du cancer de prostate cliniquement
localisé repose actuellement sur la prostatectomie tota-
le, la radiothérapie (externe ou curiethérapie) ou la sur-
veillance. Chez les patients ayant un cancer de prosta-
te cliniquement localisé, il y a statistiquement peu de
différence entre ces différentes options qui, adaptées à
certaines catégories de patients, peuvent chacune per-
mettre d'obtenir des taux de survie comparables au taux
de survie théorique de la population générale [21].
Cette faible différence de résultat entre des attitudes
fort différentes pourrait s'expliquer par plusieurs fac-
teurs : l'histoire naturelle souvent favorable de cancers
de prostate peu agressifs, la détection précoce et le trai-
tement efficace des cancers agressifs, l'existence
d'autres causes de décès chez ces patients dont 80% ont
plus de 65 ans [38].
La prostatectomie totale est considérée comme le trai-
tement de référence pour les cancers localisés chez les
patients ayant une espérance de vie supérieure à 10 ans
et le nombre d'interventions a augmenté ces dernières
années avec l'augmentation du nombre de nouveaux
cas de cancers de prostate découverts à un stade préco-
ce. Cette intervention a cependant des effets secon-
daires non négligeables (incontinence, impuissance et
complications chirurgicales), et ces complications fré-
quentes et invalidantes ont fait naître un intérêt crois-
sant pour des alternatives thérapeutiques moins agres-
sives et à la morbidité réduite.
Ainsi, aux Etats Unis, le nombre des prostatectomies
totales a quadruplé entre 1990 et 1995, mais a très net-
tement diminué ensuite [38]. Cette diminution s'est
faite parallèlement à une augmentation considérable
des traitements par curiethérapie, qui vont atteindre
30.000 implantations en 1999. On estime que d'ici
2005, le pourcentage de patients ayant un cancer de
Manuscrit reçu : juin 1999, accepté : novembre 1999.
Adresse pour correspondance : Pr.T.Flam, Clinique Urologique, Hôpital Cochin,
27, rue du Faubourg Saint-Jacques, 75014 Paris.
RESUME
Le traitement du cancer de prostate cliniquement localisé repose sur la prostatecto-
mie totale, la radiothérapie ou la surveillance. Les ef
fets secondaires des traitements
ont suscité un intérêt croissant pour des alternatives à la morbidité réduite.
La curiethérapie consiste à placer des sources radio-actives dans le tissu prostatique.
Des doses élevées peuvent ainsi être délivrées au cancer tout en évitant une irradia-
tion excessive de la vessie et du rectum.
La curiethérapie utilise le plus souvent des implants permanents (iode 125 ou palla-
dium 103). La technique dite «de Seattle» nécessite une planification faite avant l'im-
plantation; tandis que dans la technique "Pr
oSeed", la position des grains est déter
-
minée au moment même du traitement grâce à un logiciel qui détermine la dosimé-
trie en temps réel.
La curiethérapie est une technique fiable et reproductible dont la morbidité est mini-
me, et dont les résultats à 10 ans sont comparables à ceux de la prostatectomie totale.
Mots clés : Cancer de la prostate, curiethérapie, iode 125, prostatectomie totale, radiothérapie.
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prostate cliniquement localisé traité par prostatectomie
totale va passer de 85% à 33% alors que le nombre de
patients traités par curiethérapie va passer de 4% à 36%
[38].
A la lumière de l'expérience acquise par notre groupe
depuis deux ans, nous présentons ici une revue des dif-
férents aspects de la curiethérapie utilisée dans le trai-
tement à visée curatrice du cancer de la prostate locali-
sé.
LE DEVELOPPEMENT DE LA CURIETHERAPIE
La curiethérapie consiste à placer des sources radio-
actives dans le tissu prostatique lui-même. Du fait de la
faible portée de l'irradiation, des doses élevées peuvent
ainsi être délivrées au cancer tout en évitant une irra-
diation excessive de la vessie et du rectum [38]. On sait
que le cancer de la prostate étant par nature multifocal
dans plus de 50% des cas, tout le volume de la glande
doit être traité de façon efficace [10], et la curiethéra-
pie réalise cet objectif.
La curiethérapie «historique»
La première utilisation d'une source radioactive pour le
traitement du cancer de prostate localisé a été faite par
PASTEAU en 1911 [25], avec une source de radium
intra-urétrale, puis par BARRINGER en 1917, utilisant
des aiguilles de radium [4].
Dans les années 70, sous l'impulsion de WHITMORE,
l'implantation d'iode radioactif a été faite en utilisant
une approche rétropubienne associée à un curage lym-
phatique, avec exposition chirurgicale de la prostate et
insertion manuelle de trocards permettant le placement
des grains. La difficulté était de placer ces grains de
façon homogène et il y avait donc très fréquemment
une juxtaposition de zones de sous-dosage ou de sur-
dosage. Cette hétérogénéité de la dose a abouti à un
taux élevé de complications et de récidives locales, ce
qui a fait abandonner la technique.
Ainsi, dans la série de WHITMORE portant sur 1078
patients traités par implantation à ciel ouvert, le taux de
survie sans récidive locale chez les patients N- a été de
69, 44 et 24% à 5, 10 et 15 ans respectivement. La sur-
vie sans signe de métastase à distance pour les patients
N- a été de 59, 36 et 21% à 5, 10 et 15 ans respective-
ment [44].
La curiethérapie actuelle
En 1983, HOLM a utilisé l'échographie endorectale pour
positionner les aiguilles dans la prostate [19] et la
curiethérapie, abandonnée depuis des années, est reve-
nue comme une alternative à la prostatectomie totale et
à la radiothérapie externe.
La curiethérapie actuelle associe de nouvelles techno-
logies qui améliorent les calculs de distribution des
doses et intègrent de nouvelles données concernant la
physique, la radio-biologie et l'histoire naturelle du
cancer de la prostate, permettant de mieux sélectionner
les candidats au traitement.
Parmi les innovations apparues dans les années 80, qui
ont permis la renaissance de la curiethérapie, il faut
citer l'échographie endorectale, les systèmes de guida-
ge par grille périnéale, l'existence de logiciels sophisti-
qués pour la reconstruction de la prostate en 3-D, le
calcul de doses et la planification du traitement.
La curiethérapie utilise soit des implants temporaires
où la source radioactive est appliquée pour une période
donnée et retirée, soit des implants permanents où les
sources sont implantées définitivement dans la prosta-
te et perdent progressivement leur radio-activité.
Les implants permanents sont les plus utilisés : les
radio-isotopes ont une demi-vie relativement courte et
une activité faible par rapport aux sources temporaires.
L'iode 125 et le palladium 103 sont les deux isotopes
utilisés le plus souvent en implantation permanente.
Ces sources sont le plus souvent utilisées en monothé-
rapie, mais peuvent également être utilisées en associa-
tion avec une radiothérapie externe.
La faible énergie moyenne de l'iode 125 (21 kV) et du
palladium 103 (28 kV) permet une radioprotection
facile du personnel. Le palladium 103 a une courte
demi-vie, de 17 jours; à dose égale (160 Gy à la péri-
phérie de la prostate), il faut donc un débit initial plus
élevé, de 24 cGy/h, contre 8 cGy/h avec l'iode 125 qui
a une demi-vie de 60 jours.
Le débit initial plus élevé du palladium un avantage
théorique dans les tumeurs peu différenciées qui ont un
cycle cellulaire plus court [5], tandis que le faible débit
de l'iode 125 serait plus efficace sur les tumeurs bien ou
modérément différenciées et moins efficace dans les
tumeurs peu différenciées de croissance rapide [6, 27,
40]. L'iode 125 n'est donc pas recommandée pour les
tumeurs de score de Gleason 6-7 [5].
L'utilisation de grains d'or (l98Au) a été abandonnée en
raison des problèmes de radioprotection causés par le
rayonnement gamma à haute énergie, et la demi-vie
très courte.
Les implants temporaires
On utilise des gaines positionnées dans la prostate par
voie transpérinéale, sous contrôle échographique, et
l'introduction, dans chacune des gaines, d'une source
radioactive dont l'introduction est pilotée par ordina-
teur [16]. Le débit de dose peut-être faible (environ 1
Gy/h) avec de l'iridium, ou élevé (environ 1 Gy/mn)
avec des sources d'iridium ou de cobalt. Les implants
temporaires nécessitent le maintien des gaines pendant
T.Flam et coll., Progrès en Urologie (2000), 10, 3-13
plusieurs jours, et le patient est alors exposé au risque
de complications de décubitus, et de douleurs. Cette
curiethérapie est généralement utilisée pour obtenir un
surdosage prostatique, en association avec la radiothé-
rapie externe [36], dans le traitement de cancers ayant
un risque élevé d'extension extraprostatique.
LA TECHNIQUE DE LA CURIETHERAPIE A
IMPLANTS PERMANENTS
L'inconvénient essentiel des implants permanents est
l'impossibilité de modifier leur position après la mise
en place. La technique d'insertion est donc particulière-
ment importante pour éviter la création de zones de sur-
ou de sous-dosage.
Il y a deux techniques pour l'implantation permanente
de grains d'iode : la première, la technique dite «de
Seattle», a été développée par BLASKO et RAGDE et
nécessite une planification faite avant l'implantation,
tandis que la seconde, la technique "ProSeed", déve-
loppée par STONE et STOCK est une technique où la posi-
tion des grains est décidée au moment même du traite-
ment en fonction d' abaques pour déterminer la distri-
bution des grains, de l'image échographique de la glan-
de et d'une dosimétrie en temps réel [34]. Les résultats
des deux techniques semblent équivalents, mais la
seconde est évidemment plus simple à mettre en
oeuvre.
Dans la première méthode, une planification conforma-
tionnelle faite quelques semaines avant l'implantation
est la première étape. Elle détermine la distribution des
grains optimale pour une bonne couverture prostatique,
en se basant sur l'imagerie de la prostate par échogra-
phie endorectale. La sonde étant solidarisée à la table,
des images transverses de la prostate sont obtenues tous
les 5 mm, de la base à l'apex. Sur chaque image se
superpose une grille qui représente les coordonnées de
la grille d'implantation qui sera attachée à la sonde
d'échographie au moment de l'implantation.
Le calcul de dose
La prostate est contourée sur chacune des images et le
volume prostatique ainsi reconstitué sert à déterminer
le volume cible. Le calcul de dose est réalisé en fonc-
tion du radio-élément utilisé et de l'activité de chaque
grain, de façon à délivrer la dose adéquate de radiation
tout en préservant le rectum et l'urètre.
La dose de radiation nécessaire pour le traitement d'un
cancer de la prostate utilisant une curiethérapie par des
sources permanentes n'est pas déterminée précisément.
C'est la tolérance des tissus normaux plus que la répon-
se des cellules cancéreuses qui a permis de définir la
dose d'irradiation. Les doses minimales dans le volume
prostatique utilisées
habituellement sont de 140 à 160 Gy pour l'iode 125 en
monothérapie; 125 Gy pour l'iode 125 après radiothé-
rapie externe; 115 à 120 Gy pour le palladium 103 en
monothérapie; et 80 à 90 Gy pour le palladium 103
après radiothérapie externe.
On détermine ainsi la place de chaque grain, et donc à
la fois la position idéale pour chaque aiguille d'implan-
tation et le nombre de grains par aiguille. (18).
L'activité implantée dépend du volume de la prostate.
Pour une prostate de 40 cm3une activité de l'ordre de
1500 MBq (40 mCi) est préconisée, soit 100 grains de
15 MBq (0,4 mCi) ou 115 grains de 13 Mbq (0,35
mCi). Le principe est généralement d'avoir jusqu'à 70%
de l'activité en périphérie de la prostate.
L'implantation
Elle se fait sous rachi-anesthésie ou anesthésie généra-
le, sous contrôle échographique transrectal et fluoro-
scopique.
La sonde endorectale permet la visualisation directe de
la position des aiguilles par rapport à la prostate et aux
coordonnées de la grille périnéale qui sont reproduites
sur l'écran. Les aiguilles sont introduites à travers la
grille périnéale. La position de chacune est déterminée
par la dosimétrie préimplantation.
La sonde d'échographie peut être avancée et reculée
pour identifier chacun des trocards. La sonde biplan
permet d'obtenir une visualisation des aiguilles dans les
plans axial et longitudinal, permettant un placement et
un parallèlisme précis des aiguilles.
En cas de planification préalable, le patient étant remis
dans la même position, la sonde d'échographie et la
grille d'implantation sont positionnées pour retrouver
la même imagerie.
Dans la méthode «Pro Seed», l'implantation se fait sans
planification préalable, en suivant des règles géomé-
triques précises en fonction des dimensions de la pros-
tate mesurées par échographie, au moment même de
l'implantation. Le calcul de dose est fait au fur et à
mesure, en temps réel, avec un logiciel qui permet
d'adapter la position des aiguilles et des grains en fonc-
tion de l'aspect des courbes isodoses [34].
Une fois tous les grains implantés, on fait une cysto-
scopie pour vérifier l'absence de grains intravésicaux.
L'implantation dure une à deux heures. Une sonde de
Foley est laissée pour 24 heures et le patient sort avec
un traitement anti-inflammatoire pour quelques jours et
un traitement par alpha bloquant pour trois mois. On
conseille au patient de ne pas avoir de contacts phy-
siques prolongés avec une femme enceinte ou un jeune
enfant pendant une période de deux mois. En cas d'im-
plantation de grains libres, il est conseillé au patient
d'avoir des rapports protégés pendant deux mois [18].
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T.Flam et coll., Progrès en Urologie (2000), 10, 3-13
Si la prostate est volumineuse (plus de 60 cc) elle
déborde fréquemment en avant et latéralement, de sorte
que l'implantation des aiguilles est bloquée par l'arche
pubienne. Cette interférence pubienne peut être prévue,
en cas de doute, par l'analyse d'un scanner pré-opéra-
toire, montrant que la portion la plus large de la prosta-
te se superpose à la portion la plus étroite de l'arche
pubienne. Dans ce cas, un traitement hormonal sur trois
mois peut diminuer suffisamment le volume de la pros-
tate pour permettre l'implantation [18].
La dosimétrie post-implantation
Le contrôle définitif de la qualité technique de l'im-
plantation est rétrospectif car la position de grains ne
peut être modifiée, mais il permet de documenter et
d'évaluer la technique. L'évaluation est habituellement
faite par une dosimétrie basée sur les images d'un scan-
ner pratiqué un mois après l'implantation. Après identi-
fication des sources dans la prostate, la distribution des
doses est calculée avec superposition des courbes iso-
doses sur chaque image de scanner, ce qui permet d'ob-
tenir une analyse détaillée de la distribution de dose par
rapport au volume prostatique.
La dosimétrie post-implantation basée sur les données
du scanner peut permettre de prédire quels sont les
patients ayant un risque élevé de morbidité. La diminu-
tion de la morbidité à long terme est significative si la
dose au centre de l'urètre reste au-dessous de 240 Gy et
celle à la surface du rectum au-dessous de 100 Gy [40].
Le contrôle de la dosimétrie post-implantation peut
également être fait par IRM, la position des grains étant
identifiée sur les images en Tl, ou après fusion scanner-
IRM [2]. L'écart entre la dose théorique prescrite et la
dose effectivement délivrée est habituellement causé
par la sous-estimation du volume prostatique dûe à l'ap-
proximation ellipsoïdale, à l'œdème prostatique présent
sur les images précoces après évaluation, au mauvais
positionnement des grains [22].
LES RESULTATS
Il faut distinguer les séries de patients traités par la
technique ancienne d'implantation de grains à ciel
ouvert d'une part, et la technique transpérinéale d'im-
plantation sous contrôle échographique d'autre part. La
première technique étant obsolète, nous ne considére-
rons que les résultats de la seconde [42].
Résultats en fonction du PSA
Le dosage du PSA permet d'évaluer de façon objective
et rapide le résultat des différents traitements [29], sans
dépendre de l'évolution clinique qui peut-être particu-
lièrement longue dans le cancer de la prostate localisé.
L'utilisation du taux de PSA comme critère d'efficacité
du traitement, et surtout dans la sélection des patients,
peut cependant induire des biais classiques. En parti-
culier, les résultats du traitement peuvent paraître supé-
rieurs à ceux des séries historiques simplement du fait
d'un diagnostic plus précoce, avec une amélioration de
la survie sans signe de progression, indépendante de
l'efficacité réelle du traitement.
Le taux idéal du PSA post-thérapeutique n'est pas
encore déterminé, et la définition de la survie sans
signe de récidive biologique après radiothérapie reste
controversée. Le seuil du taux de PSA total habituelle-
ment utilisé pour définir la récidive varie de 0,5 à 4
ng/ml.
Si le taux de PSA total est inférieur à 0,5 ng/ml après
radiothérapie, l'incidence d'un cancer résiduel est très
rare avec 95% des patients ayant une survie sans signe
de récidive à long terme. En cas de taux de PSA total
supérieur à 2 ng/ml, la plupart des patients présentent
une augmentation progressive du taux de PSA, qui est
le reflet d'une récidive soit locale soit à distance [39].
Dans la série de CRITZ, portant sur 354 patients sans
signe de récidive avec un recul minimum de 5 ans, le
nadir du taux de PSA a été inférieur ou égal à 0,5 ng/ml
chez 98% des patients n'ayant aucun signe de progres-
sion, et inférieur ou égal à 0,2 ng/ml chez 87%. Les 27
patients avec un recul minimum de 10 ans avaient un
nadir du PSA égal à 0,5 ng/ml. [13]. Les auteurs ont
donc considéré que l'absence de progression après
radiothérapie peut être définie par l'obtention et le
maintien d'un nadir du taux de PSA inférieur ou égal à
0,5 ng/ml.
Plusieurs équipes ont publié des résultats de la curie-
thérapie basés sur le taux de PSA à 5 ans. Toutes ces
études sont rétrospectives, provenant chacune d'un
6
Tableau 1. Résultats de la curiethérapie : survie sans signe de
progression biologique.
5 ans 7 ans 10 ans
Blasko [6] 93%
PSA > 20 ng/ml = 80%
PSA < 4 ng/ml = 98%
4 < PSA < 10 ng/ml = 90%
Critz [13] 98*
87%**
Kaye [20] 97,7%
Ragde [29] 71% 89%*** 60%
Ramos [30] 79%
Wallner [39] 89%
(30 mois)
* Seuil du PSA < 0,5 ng/ml.
** Seuil du PSA < 0,2 ng/ml.
*** Sous groupe de patients (26) candidats à la prostatectomie totale.
T. Flam et coll., Progrès en Urologie (2000), 10, 3-13
centre, mais leurs résultats sont suffisamment cohé-
rents pour évaluer la curiethérapie (Tableau 1).
En 1995, BLASKO (6) a rapporté le taux de survie sans
signe de récidive biologique après implantation d'iode
125 chez 197 patients ayant une tumeur de stade cli-
nique Tl-T2 avec un suivi de 1 à 7 ans (médiane = 3).
Parmi les 138 patients ayant une augmentation du taux
de PSA avant traitement, 98 % ont eu une normalisa-
tion du PSA, et 82 % une diminution au-dessous de 1
ng/ml dans les deux ans suivant le traitement. Dans 97
% des cas, le taux de PSA est descendu au-dessous de
1 ng/ml 4 ans après le traitement. Le taux actuariel de
survie sans récidive biologique a été de 93% à 5 ans.
Toutes les récidives sont survenues 10 à 40 mois après
l'implantation. Le taux de survie sans signe de récidive
à 5 ans a été de 100%, 92% et 95% pour les tumeurs de
stade Tlb, Tlc et T2a respectivement, contre 81 % pour
les stades T2b. Les patients ayant un taux de PSA
supérieur à 20 avaient un taux de survie sans récidive
de 80% à 5 ans, contre 98%, 90% et 89% pour les
patients ayant un taux de PSA avant traitement infé-
rieur à 4 ng/ml, de 4 à 10 ng/ml et de 10 à 20 ng/ml res-
pectivement.
Dans la série de KAYE, la survie sans signe de progres-
sion biologique a été de 97,7% dans le groupe traité par
implantation d'iode 125 en monothérapie. Ce résultat
était supérieur à celui de la radiothérapie externe [20].
Le taux de PSA initial a été un facteur pronostique
important et le risque de récidive a été corrélé au taux
de PSA avant traitement.
Dans la série de STOKES [33], le risque de récidive a été
de 0% (0/23), 14% (9/63), 21% (8/39) et 58% (7/12)
selon que le PSA était inférieur à 4, entre 4,1 et 10,
entre 10,1 et 20, entre 20,1 et 50 respectivement. Les
patients ayant un taux de PSA supérieur à 20 ont un
risque élevé de récidive et ne doivent pas être traités
par curiethérapie seule. Le taux de PSA un an après
l'implantation a été également un important critère pro-
nostique: le taux de récidive clinique ou de progression
biologique a été de 3%, 50% ou 100% selon que le
taux de PSA à un an était inférieur ou égal à 1 ng/ml,
entre 1 et 4, ou supérieur à 4 ng/ml, respectivement.
Avec un suivi médian de 30 mois, le taux de contrôle
local était de 97 % et la survie sans signe de maladie de
76 % [33].
Dans la série de WALLNER, le taux de PSA est retourné
à la normale dans les 24 mois suivant l'implantation
chez 96% des patients. Dans 85% des cas, le PSA est
descendu au-dessous de 2 ng/ml et dans 74% des cas
inférieur à 1 ng/ml. Le taux actuariel d'échec biolo-
gique ou clinique a été de 17% à 3 ans après l'implan-
tation [39].
Dans la série de CRITZ (12), 536 patients ayant un can-
cer de la prostate cliniquement Tl-2 N0 ont été traités
par une curiethérapie par implantation de grains d'iode
125, suivi d'une radiothérapie externe. La durée média-
ne de suivi a été de 40 mois (12 à 138). Les patients
atteignant un nadir supérieur à 0,5 ng/ml avaient un
taux de survie sans signe de maladie de 95% à 5 ans et
de 84% à 10 ans, contre 29% à 5 ans pour ceux attei-
gnant un nadir compris entre 0,6 et 1 ng/ml. Tous les
patients atteignant un nadir supérieur à 1 ng/ml ont
finalement récidivé. Au total, 80% des patients ont
atteint un nadir inférieur ou égal à 0,5 ng/ml, et 90%
des patients qui ont atteint ce nadir l'ont fait dans les 48
mois suivant le traitement (médiane = 18 mois).
Ainsi, le nadir de PSA a été le facteur prédictif le plus
significativement associé à la survie sans signe de
maladie, et un nadir de PSA inférieur ou égal à 0,5
ng/ml peut être regardé comme un indicateur de la sur-
vie sans signe de récidive à 10 ans.
Resultats selon le résultat des biopsies
Dans la série de Seattle, 201 patients ont eu une biop-
sie au moins 12 mois après l'implantation, avec une
durée médiane de suivi de 40 mois (12-83). Au
moment de la dernière biopsie, 161 (80%) étaient néga-
tives, 34 (17%) douteuses et 6 (3%) positives. Le taux
de contrôle local confirmé par la biopsie a donc atteint
80% après curiethérapie par des implants permanents
dans le traitement du cancer de la prostate à un stade
précoce [27]. Dans cette série de patients, 71% des
patients ont eu au moins deux biopsies après traite-
ment, mais le critère biologique basé sur le PSA a été
plus fiable que le résultat des biopsies pour juger du
résultat de la radiothérapie [29].
Résultats cliniques a long terme
Les résultats à 10 ans de la série "pilote" de Seattle ont
été publiés en 1998 par RAGDE [29] : 152 patients
consécutifs avec un cancer de prostate de stade clinique
Tl-T3 ont été traités par curiethérapie (iode 125) entre
1987 et 1988; avec un groupe (groupe 1) comportant
98 patients recevant 160 Gy selon un volume cible
incluant la prostate et une marge de 2-3 mm, et 44
patients (groupe 2) traités par une radiothérapie exter-
ne de 45 Gy suivie d'un surdosage de 120 Gy par
implantation d'iode 125. Le type de traitement était
déterminé essentiellement par le stade clinique et le
grade de Gleason, les patients de risque faible étant
dans le groupe 1 et ceux ayant un risque plus élevé
dans le groupe 2. L'échec biologique était défini par un
taux de PSA supérieur à 0,5 ng/ml. La lésion était pal-
pable dans 82 % des cas. Le taux de PSA initial était en
moyenne de 8,5 ng/ml dans le groupe 1 et de 15,6
ng/ml dans le groupe 2. Le taux de survie sans signe de
récidive observé à 5 ans pour le groupe 1 a été de 71%
et pour le groupe 2 de 80%. A 10 ans, le taux de survie
sans signe de maladie a été de 60% pour le groupe 1 et
7
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