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Publiépar La BanqueRoyaledu Canada
Une questionde confiance
La confianceest,dit-on,une planteà
croissance
lente,qui se fane aisémentdans
un climatde faibleprogression
économique.
Il en existeplusieurs
variétés,
dontla
plus résistante
est issued’un croisement
entrela foi et l’espérance.
Nousvoulons
ici analyser
cettenotionet examiner
la questionque tout le mondese pose ces
temps-ci,savoirquellessontnos raisons
d’avoirconfiance?
pourécrire
le mot« crise
».L’un
[] En cesjoursplutôt
sombres,
c’estpresque
une dedeuxcaractères
danger
et l’autre,
possibilité.
Si nousnous
habitude
chezles commentateurs
politiques
et signifie
la crisedecettemanière,
un filet
de
économiques
de parler
de « crisede confiance
». représentons
apparaît.
Ceuxquisontcapables
de saisir
L’expression
rendun sonde circonstance,
grave lumière
de possibilité
se trouveront
peut-être
commela trompette
du jugement
dernier.
Elleoffre cetélément
l’avantage
de fournir
uneexplication
satisfaisante
en meilleure
posture
quejamais
unefoisle danger
à desproblèmes
quin’enontpasd’autres
à pre- passéou surmonté.
mière
vue.C’est
unerengaine
quia lemérite
d’être La question
estde savoir
si cetteencourageante
aussivaguequeronflante.
idées’applique
à l’état
particulier
qu’onappelle
Lestermes
en sontparfois
déroutants
pourqui crisede confiance.
La réponse
dépend
du genrede
ne l’ajamais
entendue.
Ellesignifie
en faitle confiance
donton parle.
Lesdictionnaires
donnent
contraire
de ce qu’elle
dit;elleévoque
nonpasla de ce termeplusieurs
définitions,
dontla plupart
confiance,
maisson absence.
Ce manquede con- se rapportent
à unesituation
individuelle,
par
fiance
dansl’avenir
économique
faitobstacle
aux opposition
auxétats
d’esprit
de masse
quiinfluendu public.
Maisil estfacile
de
efforts
nécessaires
pourtirer
l’économie
canadiennecentla mentalité
de sonmarasme
actuel.
lestransposer
surleplancollectif.
De même,le mot « crise», employédansce
La première
desdéfinitions
quel’ontrouve
estle
contexte,
prête
à confusion.
Lestéléspectateurs
qui « sentiment
d’assurance
de celuiquise fieà une
entendent
ce motdeuxoutrois
foisparsoirée,
dans personne
ou à unechose». Pourl’adapter
à la
collective,
il suffit
de mettre
le mot
lesémissions
d’information,
sontexcusables
de psychologie
croire,
à tort,qu’une
criseestun problème
qui personne
aupluriel
etdedirequ’il
représente
alors
ne disparaîtra
pas.Maisce n’estpasl’idée
que nosdirigeants
politiques
et économiques.
Puisde
paraissent
s’enfaire
lesjournalistes.
Unecrise
est supposer
queles« choses
» en question
sontnos
un momentdécisif
d’unemaladie
caractérisé
par institutions
politiques,
sociales
et commerciales.
un changement
en bienou en mal.Les médecins Autrefois,
c’est
dansleurs
chefs
etleurs
institutions
emploient
le termeà bonescient.
Un maladeen quelescitoyens
mettaient
leurconfiance.
criseserasauvéou mourra.
Maisnotreépoque
n’estpasà la confiance.
On
LesChinois,
à causedeleurlexigraphie,
ontune dirait
parfois
quele principe
directeur
dujournaidéeclaire
de la nature
dela crise.
Ilsdisposentlisme,
de la littérature
etde l’enseignement
supé-
reproduisait
récemment
rieurdestempsmodernes
estquetoutepersonne Unerevueindustrielle
Le marchandde
estcoupable
tantqu’elle
n’estpasdéclarée
inno- une petiteanecdoteintitulée
cente.
Le scepticisme
implacable
aveclequel
les hot dogs.Mêmesi elledatedesannéestrente,
historiette,
encore
d’actualité,
illustre
bien
médias
regardent
lemondeenestvenuà serefléter cette
notre
propos.
danslesvuesdu public.
Lescepticisme
a sansdoute
sesbonscôtés,
mais
Un homme,
habitant
prèsd’uneroute,
vendait
s’ildevient
un étatd’esprit
dominant,
il peut
deshotdogs.Comme
il était
durd’oreille,
il
dégénérer
en purcynisme.
Selonle grecancien,
n’avait
pasderadio.
Faible
devue,ilnelisait
dontil dérive,
lemotcynique
évoquait
l’image
d’un
chien
hargneux
grognant
contre
toutcequ’il
voyait.
paslesjournaux.
Maisseshotdogsétaient
Un cynique
estceluiquine voitpaslesqualités
bons.Du bordde la route,
il criait
sa marchandise:
« Un hotdog,monsieur?
» « Un hot
d’unhomme,maisqui ne manquejamaisde voir
dog,monsieur?
» Et lespassants
en achesesdéfauts.
taient.Il augmenta
doncses commandes
de
S’ilne règne
pasencore
dansl’esprit
du public,
viande
et de pain.Poursuffire
à la demande,
le cynisme
y estassezrépandu
pouraffaiblir
la
confiance
en tantquesentiment
quifaitqu’on
sefie
il achetaun plusgrandréchaud.
Enfin,il
retira
sonfilsducollège
poursefaire
aider.
à quelqu’un
ou à quelque
chose.
A un moment
où la
Maisalorsleschoses
changèrent.
moindre
de leursactions
estmiseen doute,
il est
difficile
pourleschefs
delasociété
deconserver
la
Sonfilsluidit:« Père,avez-vous
écouté
la
confiance
du public.
Le problème,
c’estquemoins
radio?
Avez-vous
lu lesjournaux?
La situation
leschefsjouissent
de confiance,
moinsilssont
estterrible
enEurope.
Cheznous,
elleestpire
capables
degouverner..,
et moins
ilssontcapables encore.
» Surquoilepèrepensa:
« Monfilsa
de gouverner,
moinson leurfaitconfiance.
Il en
faitdesétudes,
illitlesjournaux,
ilécoute
la
résulte
un cercle
vicieux:
le manque
de confiance radio,
il doitsavoir.
» Alors
lepèreréduisit
sapelesmotifs
deconfiance,
etainsi
desuite.
sescommandes
de viandeet de pain,enleva
sesenseignes
etnesesoucia
plusdesortir
sur
S’ilnevoitpasl’horizon,
laroute
pouroffrir
seshotdogs.
Etsesventes
tombèrent
presque
du jourau lendemain.
ilsaitqu’il
estlà
« Tu as raison,
monfils,ditlepèreau jeune
Sil’onn’apasconfiance
enquelque
chose,
il est
homme.Nous sommesassurément
en pleine
difficile
d’être
sûrdecette
chose.
Parexemple,
ilest
dépression.
»
malaisé
d’être
assuré
d’unavenir
économique
stable
à quinefaitpasconfiance
à l’administration
deson
Dansuneatmosphère
aussimenaçante,
lesgens
paysou desaffaires
mondiales.
Et noustouchons ne savent
pluscequiva arriver.
Ilshésitent
natuicià undeuxième
sensdumotconfiance:
celui
de la rellement
à s’aventurer
dansl’inconnu.
Ilsveulent
certitude,
de l’assurance,
de la fermeespérance êtrerassurés
qu’ils
netrébucheront
pas--ou qu’ils
d’unfaitou d’unrésultat.
Ilsemble
quecette
sorte ne se casseront
pasle cou-avantde s’engager.
deconfiance
soiten baisse
à l’heure
actuelle.
La population,
etl’économie,
souffrent
lesaffres
Encesjours
d’instabilité,
ilestpresque
impossible
de l’incertitude.
L’incertitude
estreliée
au manque
d’être
certain
de quoiquece soit.Lesseulsqui
soient
sûrsdecequ’ils
pensent
sontlespessimistes
obstinés,
selon
quila situation
nepeutqu’empirer.
Cette
prophétie
porte
peut-être
en ellesaréalisation,carle négativisme
estcontagieux.
« Si l’on
croitqu’uneaffaire
estimpossible,
ditJeremy
Collier,
elleledevient.
»
de confiance,
maisles deuxne sontpas nécessairementsynonymes.
L’incertitude
arrêtecertaines
personnesdans leur course,alorsque d’autres
l’enjambent,sans ralentir,comme un obstacle
normal.
De fait,on peutfortbienêtredansl’incertitudeet avoirconfiance
en mêmetemps.
Ainsi,quelqu’un
peutavoirdes doutessur ses
chancesde succèsimmédiates,
maisresterassuré
d’atteindre
lesbutsqu’ils’estfixésà longterme.
Si le brouillard
dominantl’empêche
d’apercevoir
l’horizon,
il estsûr qu’ilesttoujours
là. Il ne
demandepas la certitude,car il sait que les
« chosescertaines
» n’existent
pasplusdansla vie
réelleque dans le stade.Commeil n’y a pas de
certitudes,
mais seulementdes probabilités,
il
supposeque ces probabilités
tourneront
avec le
tempsà son avantage.
C’estlà un signede confiance
selonun troisième
sens du terme:« assurance,
hardiesse,bravoure
quirésulte
de la croyance
en sa proprevaleur,
dans
lescirconstances,
l’aidede Dieu,etc.» Noterla
différence
entrecetteacception
et lesdeuxautres.
Dansce cas,on ne se fie pasà quelquechoseni à
quelqu’un
d’autre;
on ne comptepas sur unegarantiede sécurité.
On se fieà soi-même,
à son entourage ou aux chosesdans lesquelles
on croit.On
frayesoi-même
sa voie.
Il nousarriveà tousde douterde notrepouvoir
de fairefaceà la vie,surtout
lorsque
ça ne va pas.
Pourceuxqui sonthabitués
à menerune vieactive,
la pertesoudaine
desforcesdueà la maladie
estun
chocnotable.
Ilssontportésà se demander
si leur
vigueur,
ou unegrandepartiede celle-ci,
ne les a
pas abandonnésdéfinitivement.
Leur médecina
beauleurdirequ’ils’agitd’unétatpassager,
ils
gardentle sentiment,
dansleursmomentssombres,
qu’ilsne serontplusjamaiscommeavant.
Uneforcesi profonde
qu’elle
est presque
imperceptible
Les problèmeséconomiquessont souventcomparésaux maladies
physiques
(lesanalystes
financiersne qualifient-ils
pasde « malade» un marché
à la baisse?),
et il fautdirequ’ils
ontà peuprèsle
mêmeeffetpsychologique
sur les gens.Ils engendrentdespériodes
de dépression
quandtoutsemble
perdu.A entendrecertainsCanadiens
parlerde la
criseactuelle,
on croirait
quelesréserves
d’énergie
de notrejeuneet foncièrement
solidenationsont
presqueépuisées.
Il n’enestabsolument
pasainsi;
nos forcesde basesontintactes,maisellesont
besoind’êtremisesen uvre.
Pourtant,
devanttouslessignesde faiblesse
qui
nousentourent,
il estassezlégitime
de se demander
quellessontexactement
ces forces?Notreniveau
Il est naturelde se demander
de
vie
par
rapport
aux
autres
paysa baisséquelque
si l’onretrouvera
sa vigueur
peu ces dernières
années;une forteproportion
de
A la croisée
de la possibilité
offerte
et du danger, notremain-d’oeuvre
est en chômage;notredollar
le dangerse reconnaît
clairement.
Maison se rend n’estcertesplusce qu’ilétait.La réponse
estque
qu’elles
ne sont
compteen mêmetempsqu’ilvautla peinede lutter cesforcesgisentsi profondément
contrele danger.Pourles sociétés
commepourles
pas immédiatement
apparentes.
Ellesrésidenten
individus,
le piredes dangersest de perdrecette grandepartiedansdes chosesquenoustenonspour
maisqui sonttrèsenviéesdansd’autres
calmeassurance.
En termesmilitaires,
c’estce qui acquises,
changeun repli en bon ordre en une sanglante régionsdu monde.
Par exemple,nous sommesaccoutumésà vivre
débâcle.
« La méfiance
de soi-même,
écritChristian
et de
Bovey,est la causede la plupartde nos échecs. avec un hautniveaugénérald’instruction
dansla stabilité
politique
et au
L’assurance
de la forcedonnede la force,
et lesplus soinshygiéniques,
démocratiques.
On peut,du point
faibles,
si fortssoient-ils,
sontceuxquin’ontpas seind’institutions
de vue strictementéconomique,considérerces
foi en eux-mêmes
ni dansleursressources.
»
chosescommede simplesagrémentssociaux.Mais
il faut songerà ce que seraitsans ellesnotre
économie:
si notremain-d’oeuvre
n’étaitni adap- pu dansun paysaussiâpreet isolé,sousun climat
table ni formable;si nous étions constamment aussicruel,devantdes espacesaussivastesà
Ils possédaient
à profusion
ce mélange
victimesde la violencecivile;si les citoyens conquérir?
n’avaient
pasle sentiment
d’avoir
desintérêts
dans de foi et d’espoirqui constitue
la confiance.
Et
se sontunispour formerun pays,les
le régime.
C’estde toutceladontesttisséle corps lorsqu’ils
y ontvu le triomphe
de la confiance
surle
socialfoncièrement
robuste,
celuiquiest capable censeurs
de se ressaisir
et de se remettre
des mauxpério- sens commun.
diquesde son économie.
« Reconnaissons
la vérité,écrivaitBruceHutdu Canada:c’estnotre
Au sens rigoureusement
économique,le Canada chisonlorsdu centenaire
en nous-mêmes,
et elleseule,quia décliné
jouitde forcessous-jacentes
remarquables.
C’est confiance
un pays techniquementévolué.Son équipement depuis1867,» Il est étonnantque les citoyens
l’espéindustrielest,sommetoute,assezmoderne.Son d’unenationquia été fondéesurl’audace,
parfoisun
agriculture
esthautement
productive,
son système ranceet guèreautrechosemanifestent
financier
fonctionne
bien,sesservices
de transport aussisérieuxmanquede fo1 dansleurvaleur.
Il est vraiqu’auCanadala confiance
a toujours
et de communication
sontexcellents.
Il jouit,en
Uneétudepar décend’autrestermes,d’une solide infrastructure connude vastesfluctuations.
économique.
niesde l’étatd’âmedu publicdepuisla ConfédéIl possède
en outred’abondantes
ressources
natu- rationrévèleune tendancepresquemorbideà la
relles,
quicontinuent
d’offrir
un immense
potentiel déprime.Les Canadiensont été trop confiantsà
époqueset pasassezà certaines
autres.
pour l’avenir.Historiquement,
la découverteet certaines
exagérée,nous
l’exploitation
des richesses
naturelles
de notre Pendantnos périodesde confiance
plusqu’elle
territoire
sauvageet inhospitalier
comptent
parmi avonstentéde tirerde notreéconomie
ne pouvaitdonner.Le manque de confianceest
nos exploitsles plus extraordinaires.
Nous ne
devonsjamaisoublierque l’héritage
national
dont venulçrsque,
aprèsl’avoirtemporairement
épuisée,
nous sommes tous indirectementbénéficiaires nousavonsdoutéde sa capacitéde se redresser.
Mais,comme le remarquaitEdwardBlake,chef
serait
restéenfoui
danslesolet sousleseauxsi nos
du
Partilibéral
au siècledernier,
« ce paysa belle
pionniers
n’avaient
pas risquéleurpeauet leurs
apparence
et
il
est
doué
d’une
énorme
facultéde
bienspourl’arracher
à la durepoignede la nature.
rétablissement
».
Dans
les
meilleurs
moments
La bonnefortunedu Canadaà cetégardn’a pas été
comme
dans
les
pires,
le
Canada
a
toujours
trouvé
un don gratuit;ellea été gagnéede hautelutte.
moyende fairedesprogrès,
le progrèsétant,selon
l’expression
mémorable
de WillDurant,« la domiUne nationfondéesur l’audace,
nationdu chaosparl’esprit
et la résolution,
de la
l’espoir
et guèreautrechose
matièreparla formeet la volonté.
» A la longue,
récompensé
la foiet l’espoir
Pourdécouvrir
lesréserves
de forcesqu’ils
onten notrepaysa largement
qu’y
ont
semés
les
Canadiens
de
générationen
eux-mêmes,
lesCanadiens
d’aujourd’hui
ne seraient
génération.
Sans
doute
en
sera-t-il
ainsitantque
pas malavisésde se tournerversceuxqui lesont
les
Canadiens
croiront
en
lui..,
et
en eux-mêmes.
précédéssur nos bords.Voilàles gens qui ont
franchilesrapides,
escaladé
lesmontagnes,
défriché les forêts,creuséles mines,construitles
barrages.Ils ne se sontpas laisséabattrebien
longtemps
par l’adversité;
commentl’auraient-ils
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