Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 2, mars/avril 2005
24
des maladies endocriniennes
Tests génétiques
phénotype. Comme pour nombre
de gènes en pathologie humaine, la
définition fonctionnelle des muta-
tions faux-sens exige l’analyse de
base de données pour exclure un
éventuel polymorphisme, même rare,
et une éventuelle approche fonction-
nelle encore balbutiante. Des travaux
récents suggèrent que la plupart
des altérations faux-sens pourraient
conduire à une dégradation accélérée
de la protéine mutée par les voies de
catabolisme protéique actives, dénom-
mées ubiquitination. Pour les muta-
tions entraînant une protéine tron-
quée, les études convergent vers l’idée
que la ménine mutée est rapidement
déstabilisée et, de ce fait, non détectée
par les techniques de Western-Blot.
Cette description structurale a une
implication clinique, puisque l’on
peut considérer que chaque patient
index, chaque famille, aura sa muta-
tion propre. Il n’existe pas de point
chaud des mutations, hormis certaines
zones d’instabilité dans les régions
riches en G/C de l’exon 10. Curieu-
sement, aucune mutation n’a été
retrouvée à ce jour dans les séquences
NLS, ce qui suggère que leur altéra-
tion, induisant une délocalisation
intracellulaire de la ménine, pourrait
être létale.
L’inactivation complète du gène
MEN1 a été réalisée chez deux
espèces : la souris et la drosophile.
Il ressort de la comparaison des
knock-out (Men1-/Men1-) entre ces
deux espèces, que le gène MEN1 a
probablement acquis des fonctions
indispensables au développement
au cours de l’évolution. En effet,
alors que les drosophiles sont viables
et qu’elles ne semblent pas présen-
ter de troubles au cours du dévelop-
pement, les souris meurent in utero
entre 10,5 et 13,5 jours postcoïtus (pc)
et présentent diverses anomalies du
développement, fermeture anormale
du tube neural, hypotrophie cardiaque,
anomalies du foie (8, 9). Les souris
hétérozygotes Men1+/Men1- repro-
duisent la situation génotypique
des patients humains. Elles présen-
tent un spectre de lésions globale-
ment comparable à celui observé en
clinique avec les principales atteintes
endocriniennes, adénomes para-
thyroïdiens, tumeurs pancréatiques,
adénomes hypophysaires tumeurs
des corticosurrénales, mais aussi dans
certains modèles des carcinomes
des glandes mammaires, des hyper-
plasies et tumeurs épithéliales thyroï-
diennes, des tumeurs testiculaires à
cellule de Leydig et des tumeurs
stromales de l’ovaire. Les atteintes
thymiques et nerveuses ne sont pas
décrites à ce jour dans ces modèles
animaux, mais la comparaison cli-
nique, histopathologique et molécu-
laire des lésions humaines et induites
par l’inactivation KO chez la souris
sont loin d’être finalisées. Quelques
particularités intéressantes sont à
noter, variables suivant les modèles
développés telles la survenue de gas-
trinomes pancréatiques et duodénaux
anatomiquement comparables à ce
qui est observé chez l’homme, une
fréquence importante des insuli-
nomes métastatiques chez la souris
alors que la prévalence est faible
(< 10 %) chez l’humain, et la pré-
valence majeure des prolactinomes
dans les deux espèces. Les modèles
murins de la NEM1 sont exemplaires
en termes de potentiel futur pour
des études pharmacologiques sur
les tumeurs les plus agressives, en
particulier pancréatiques. La modé-
lisation des mutations faux-sens par
transgenèse est en cours et représente
un objectif passionnant pour l’éva-
luation des effets pathogènes des
domaines fonctionnels d’interaction
de la ménine et la recherche d’une
corrélation entre le phénotype et
une voie de signalisation spécifique
endocrine dans chaque site anato-
mique concerné par le syndrome.
Applications cliniques
des études génétiques
du locus MEN1
La présentation clinique du syn-
drome NEM1 peut être composite,
d’emblée évocatrice ou de nature
plus complexe, notamment chez un
patient se présentant en cas isolé, ou
a priori sporadique. Les indications
d’une analyse génétique seront donc
mesurées en fonction du bénéfice
clinique et thérapeutique pour le
patient, mais aussi de ses collatéraux
(1, 7, 10).
Quand doit-on rechercher
une mutation germinale
du gène MEN1 ?
Même si elles peuvent paraître encore
imprécises, les recommandations
actuelles se fondent sur l’observation
de larges séries cliniques et des argu-
ments moléculaires. Un schéma de
stratégie diagnostique est proposé
sur la figure 3. Comme indiqué pré-
cédemment, la recherche d’une muta-
tion est impérative dès lors que les
critères consensuels sont remplis, un
minimum de deux atteintes cardi-
nales endocrines parmi les cinq sites
anatomiques (parathyroïde, pancréas,
hypophyse, surrénale et bronches ou
thymus) chez un même patient ou
chez deux sujets liés au premier
degré dans une même famille. La
situation peut être plus difficile
lorsqu’il n’existe que deux atteintes
sans histoire familiale, car même si
l’étude génétique est justifiée, on ne
retrouvera une mutation que dans
20 à 40 % des cas environ. L’hyper-
parathyroïdie est la principale lésion
de la NEM1 et concerne plus de 95%
des patients. L’association d’une
hyperparathyroïdie et d’un gastri-
nome conduit le plus souvent à la
détection d’une mutation pathogène
alors que la situation semble plus
difficile dans une association hyper-
parathyroïdie – lésion surrénalienne,
en raison de la fréquence des inci-
dentalomes. Dans nombre de cas,
des histoires familiales atypiques
d’hyperparathyroïdie associant chez
un même patient ou des membres
collatéraux une atteinte hypophysaire
n’ont pas permis de détecter une muta-
tion causale. Cela ne s’oppose pas à
l’indication génétique qui doit rester
maximaliste. Dans les situations d’un