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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 2, mars/avril 2005
des maladies endocriniennes
Tests génétiques
Génétique des néoplasies endocriniennes multiples
de type 1
Genetics of multiple endocrine neoplasia type 1
A. Calender*
L
es néoplasies endocriniennes
multiples de type 1 (NEM1,
syndrome de Wermer, OMIM
131100) représentent un ensemble
de tumeurs affectant principalement
les glandes endocrines et survenant
dans un contexte héréditaire avec
une transmission autosomique domi-
nante. Les critères majeurs d’inclu-
sion diagnostique sont fondés sur les
critères de la conférence de consen-
sus de Gubbio, publiés en 2001 (1)
(tableau). Le syndrome se caracté-
rise par cinq atteintes cardinales, et
par ordre de fréquence, hyperplasies
et/ou adénome ou tumeur des glandes
parathyroïdes, du pancréas dans son
secteur endocrine, de l’antéhypo-
physe, du cortex surrénalien et des
* Unité de génétique, hôpital Édouard-Herriot, Lyon.
La néoplasie endocrinienne multiple de type 1 (NEM1,
syndrome de Wermer, OMIM 131100) est une patho-
logie héréditaire à transmission autosomique domi-
nante qui prédispose au développement de tumeurs
endocrines dans les glandes parathyroïdes, pancréa-
tique, hypophysaire, surrénale et les contingents épi-
théliaux thymique et bronchique.
La NEM1 se développe chez des patients présentant
une mutation constitutionnelle le plus souvent inacti-
vatrice du gène MEN1, situé sur le chromosome 11q13,
et codant la ménine, une protéine appartenant à la
catégorie des régulateurs négatifs de la prolifération
cellulaire ou gènes suppresseurs.
Les mutations pathogènes du locus MEN1 (multiple
endocrine neoplasia type 1) se situent sur l’ensemble de
la partie codante du gène et dans les régions introniques,
affectant alors l’épissage de l’ARN messager. Il n’existe
aucune corrélation génotype-phénotype, et on estime
que 10 à 15 % des patients résultent de néomutations
germinales dans les gamètes de l’un de leurs parents.
La ménine, produit du gène MEN1, est une protéine
de 610 acides aminés capable d’interagir avec de
nombreux facteurs de la vie cellulaire, intervenant
dans la régulation de la transcription, de la réplication
et de la réparation de l’ADN, du maintien des extrémités
télomériques et de la survie cellulaire, de l’organisation
fonctionnelle du cytosquelette, de la signalisation en
aval du récepteur TGF, des complexes de régulation,
déacétylation et méthylation des histones, de nom-
breux promoteurs géniques par interaction directe
avec l’ADN et certaines voies d’activation du cycle
cellulaire et des petites protéines G.
La recherche d’une mutation germinale du locus MEN1
est indiquée chez tout patient présentant deux atteintes
cardinales du syndrome et/ou l’existence d’un cas
apparenté au premier degré.
On estime que 5 à 8 % des patients se présentant avec
une atteinte isolée et sporadique des glandes para-
thyroïdes et du pancréas endocrine ont une altération
moléculaire confirmant le diagnostic de NEM1, alors
que les sujets atteints de lésions hypophysaire ou
surrénalienne sporadique et unique rentrent rarement
dans ce contexte syndromique.
Le diagnostic préclinique de la NEM1 par une étude
génétique du locus MEN1 permet une meilleure prise
en charge du suivi clinique, adapté aux organes
concernés par le syndrome et une approche théra-
peutique raisonnée en raison du caractère multifocal
et diffus de la maladie, notamment pour les para-
thyroïdes et le pancréas endocrine.
La recherche d’une mutation germinale du gène MEN1
chez les sujets asymptomatiques dans une famille
prédisposée au syndrome permet d’exclure le dia-
gnostic chez les non-porteurs et d’envisager un suivi
clinique non invasif adapté à l’âge chez les personnes
génétiquement à risque.
Les recommandations actuelles pour les sujets jeunes
asymptomatiques et porteurs d’une mutation du gène
MEN1 se limitent à un bilan phosphocalcique et un
éventuel dosage de la parathormone tous les 2 ans
jusqu’à 15-18 ans, puis la réalisation d’une imagerie
non invasive de l’hypophyse (RMN) et du thorax et
de l’abdomen (TDM) tous les 3 à 5 ans.
points FORTS
Mots-clés : Ménine – Hyperparathyroïdie – Tumeurs endocrines – MEN1.
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 2, mars/avril 2005
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Tests génétiques
des maladies endocriniennes
tissus endocrines diffus à localisa-
tion thymique et bronchique. La
sémiologie peut se compliquer par
des atteintes dites mineures, dont les
plus fréquentes concernent la peau,
angiofibrome, lipome, lentiginose,
mélanose et autres lésions prémélano-
cytaires pouvant se compliquer en
mélanome évolutif. Plus rarement
sont observées des tumeurs du sys-
tème nerveux central, épendymome
et méningiome ou des proliférations
astrocytaires de bas grade (2). Sont
décrits également chez des patients
NEM1 des tumeurs des tissus conjonc-
tifs, léiomyomes et sarcomes, et de
rares cancers du rein. Le syndrome
de Wermer a donc une expressivité
très variable, mais sa pénétrance est
forte, puisque l’on estime que plus
de 80 % des personnes prédisposées
génétiquement à la maladie vont
développer une ou plusieurs des
lésions caractéristiques des NEM1
après l’âge moyen de 50 ans. Le dia-
gnostic inclut naturellement le bilan
des atteintes lésionnelles endocrines,
mais aussi et surtout l’existence de plu-
sieurs lésions chez un même patient
ou deux sujets liés au premier ou
second degré dans une même famille.
Comme cela a été suggéré dès 1991,
avant même le clonage du gène majeur
de prédisposition, le sujet atteint par
la NEM1 ne se présente que rare-
ment avec des atteintes multiples, et
l’on estime que ces patients, dans
plus de deux tiers des cas, se pré-
sentent en consultation initiale avec
une lésion endocrine unique. Le gène
majeur (MEN1) de prédisposition
aux lésions endocrines de la NEM1
a été cloné en 1997 et se localise sur
le chromosome 11, en position q13
(3). Il code une protéine dénommée
ménine dont les interactions fonc-
tionnelles, bien que nombreuses,
n’ont pas permis à ce jour d’identi-
fier une voie physiopathologique
précise expliquant le ciblage endo-
crine des atteintes cliniques. L’ana-
lyse génétique des personnes atteintes
par le syndrome permet d’identifier
une mutation germinale pathogène
dans la majorité des cas, mutations
très variables en nature, faux-sens,
non-sens, microdélétions ou inser-
tions avec ou sans décalage du cadre
de lecture, mutations des sites d’épis-
sage, réarrangements de grande taille.
Une fois la mutation identifiée chez
le cas index d’une famille, un dépis-
tage chez les apparenté(e)s permet
d’envisager un dépistage préclinique
qui, dans le cas de la NEM1, contri-
bue à une meilleure prise en charge du
suivi et des actions thérapeutiques.
Les données actuelles suggèrent que
10 à 15 % des patients se présentant
avec un tableau clinique évocateur
de la NEM1 résultent d’une néomu-
tation germinale survenue chez l’un
ou l’autre des parents, présentation
a priori sporadique (4).
Génétique de la NEM1
et approche
physiopathologique
Le gène MEN1 (multiple endocrine
neoplasia type 1) représente une
séquence génomique d’environ
10 kilobases sur le chromosome
11q13 et contient dix exons, le pre-
mier exon et la partie distale de
l’exon 10 étant transcrits mais non
traduits. L’ARN messager princeps
de 2,8 kilobases code une protéine
de 610 acides aminés, la ménine.
Plusieurs études ont mis en évidence
un ARN messager de grande taille,
estimé à 4 kilobases, dont l’expression
est spécifiquement retrouvée dans le
pancréas, le thymus et l’estomac (3).
Les séquences géniques codantes de
ce messager ne sont pas identifiées
à ce jour. Le gène MEN1 est classé
dans la catégorie des régulateurs néga-
tifs de la prolifération cellulaire ou
gènes suppresseurs, selon la théorie
établie par Knudson en 1971, selon
laquelle la perte de fonction des deux
allèles de ces gènes conduit à une
levée du contrôle négatif de la pro-
lifération cellulaire. Dans les formes
héréditaires de cancer, la mutation
du premier allèle est héritée, l’alté-
ration du second allèle survient au
niveau somatique dans le(s) tissu(s)
concerné(s) par la maladie, et il s’agit
le plus souvent d’une délétion ou
d’une perte d’hétérozygotie (LOH,
ou Loss of Heterozygosity). Rien ne
prouve, mais tout suggère, que le
second événement n’est pas aléa-
toire, mais favorisé par le fait que la
mutation du premier allèle conduit les
cellules concernées dans un certain
état de déstabilisation, ou d’hyper-
plasie, propice au développement
d’anomalies structurales et/ou de
mutations affectant inéluctablement
l’allèle sain du gène concerné.
La présence de deux ou plus de ces signes suggère le diagnostic de NEM1
Hyperparathyroïdie primaire avec une hyperplasie et/ou un adénome multiglandu-
laire ou récurrence d’une hyperparathytroïdie après chirurgie primaire.
Les tumeurs endocrines du pancréas et duodénum, fonctionnelles (gastrinome,
insulinome, glucagonome, VIPome, somatostatinome, autres) ou non fonctionnelles,
avec ou non multisécrétion hormonale en immunohistochimie, carcinoïdes gastriques
à cellules ECL (enterochromaffin-like).
Tumeurs antéhypophysaires fonctionnelles (GH, prolactine, FSH/LH, TSH, ACTH)
ou non fonctionnelles, avec ou non multisécrétion hormonale en immunohistochimie.
Tumeurs du cortex surrénalien, fonctionnelles (cortisol, aldostérone) ou non fonc-
tionnelles.
Tumeurs endocrines du thymus et des bronches.
Une lésion endocrine de la NEM1 chez un patient lié au premier degré (parents,
frères ou sœurs, enfants) suivant les critères définis ci-dessus.
Tableau. Critères diagnostiques du syndrome NEM1 établis lors de la conférence de
consensus de Gubbio (1).
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 2, mars/avril 2005
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des maladies endocriniennes
Tests génétiques
Expression tissulaire
et cellulaire de la ménine
La protéine codée par le gène MEN1
a une expression ubiquitaire dans
tous les tissus avec la possibilité
d’isoformes de grande taille, notam-
ment dans la surrénale et le cerveau.
La ménine est facilement détectée
par Western-Blot et se révèle à un
poids moléculaire de 67 kilodaltons.
Son expression est essentiellement
nucléaire et les expériences de délé-
tion et d’expression in vitro couplée
avec un gène reporter fluorescent
indiquent la présence de deux signaux
de localisation nucléaire (NLS, ou
Nuclear Localization Signal), NLS-1
et NLS-2 situés dans la partie codante
distale de l’exon 10 (5). La ménine
est donc une protéine nucléaire, mais
se retrouve également dans le cyto-
plasme avec un trafic nucléocyto-
plasmique dépendant du cycle cellu-
laire. L’analyse de la séquence de la
ménine ne délivre que peu d’infor-
mations : 28 sites potentiels de phos-
phorylation, un motif “leucine zipper”
dans sa partie N terminale, dont on
ne sait aujourd’hui s’il relève d’une
fonction biologique, mais pas de
séquence consensus déjà décrite
ou d’homologie avec une protéine
connue. Les versions animales du
gène MEN1 ont été clonées depuis
1997 et l’on retrouve ainsi de fortes
homologies génomiques et pro-
téiques, respectivement avec les
représentants de la souris (Men1,
84 % et 97 %), du rat (Men1, 84 %
et 97 %), du poisson zèbre (Zebra
fish) (Men1, 76% et 75 %), de Dro-
sophila melanogaster (Men1, 46 %
et 56 %) et d’un mollusque dulça-
quicole, Lymnaea stagnalis (L-Men1,
<40% et 49 %) (6). Le gène MEN1,
et son expression ubiquitaire dans
des tissus endocrines et non endo-
crines, sont donc bien conservés au
cours de l’évolution, bien que celle-ci
soit relativement récente, l’équivalent
de MEN1 n’étant pas retrouvé chez
Caenorhabditis elegans. La plupart
des domaines conservés de la pro-
téine dans ces différentes espèces sont
celles où se localisent nombre des
mutations de type faux-sens identi-
fiées chez les malades, ce qui conforte
le rôle fonctionnel crucial de ces
séquences en termes physiopatho-
logiques.
Les interactions protéiques
de la ménine et les hypothèses
fonctionnelles
L’étude in vitro de la ménine et la
recherche de ses partenaires ont per-
mis la caractérisation de domaines
d’interaction protéique (figure 1) et
la découverte de propriétés biochi-
miques. Les partenaires protéiques de
la ménine sont nombreux et doivent
être schématiquement regroupés dans
plusieurs fonctions basiques de la vie
cellulaire (6). La ménine intervient
dans la régulation de la transcrip-
tion, et notamment par son inter-
action avec JunD, un composant
régulateur du complexe AP-1 de
régulation transcriptionnelle. Par
cet intermédiaire, MEN1 pourrait
contrôler sur un mode négatif
l’expression de nombreux gènes du
contingent endocrine, tels ceux de
la prolactine, l’insuline, l’activine,
et de gènes impliqués dans la diffé-
renciation et la prolifération comme
IGFBP2 (Insulin Like Growth Fac-
tor Binding Protein2), Pit1, hTERT
(Human Telomerase Reverse Trans-
criptase), PCNA (Proliferating Cell
Nuclear Antigen), Hoxc6 et Hoxc8.
La répression de l’activité transcrip-
tionnelle du facteur de transcription
JunD par la ménine est abolie en
présence d’un inhibiteur des histones
déacétylases, la trichostatine A. Cela
suggère que la protéine MEN1 inhibe
l’activité de JunD par un mécanisme
impliquant les histones déacétylases
et qui mettrait en jeu une interaction
de la ménine par sa région centrale
(SID ou mSin Interaction Domain),
avec des corépresseurs des histones
déacétylases, mSin3a et HDAC1. De
ce fait, la ménine pourrait interagir
directement avec la grande sous-unité
de l’ARN polymérase II dans la régu-
lation de nombre de gènes, dans le
remodelage de la chromatine pour
l’ouverture à l’expression de certains
loci et via son interaction avec JunD
mais aussi NFB, avec l’activité de
facteurs de transcription ubiquitaires
dans la cellule eucaryote. L’interac-
tion avec le facteur de transcription
Pem, également lié à la chromatine,
n’a à ce jour été décrite que dans le
système murin. Parmi les nombreuses
autres interactions décrites dans la
littérature, il faut retenir cette capa-
cité de la ménine de disposer d’une
activité enzymatique intrinsèque de
type GTPase, régulant la boucle de
Figure 1. Domaines d’interaction de la ménine avec ses principaux partenaires protéiques.
motifs GTPase
Ménine
JunD
Smad3
NFB
PEM
RPA2
NMHC IIA
FANCD2
ASK
domaine SID NLS1 NLS2
610 aa
GTPase : domaines de la ménine possédant la propriété enzymatique d’hydrolyse
du GTP après liaison avec la protéine nM23.
SID : Sin3A Interaction Domain ou domaine d’interaction avec les complexes des histones.
NLS : Nuclear Localization Signals.
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 2, mars/avril 2005
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Tests génétiques
des maladies endocriniennes
stimulation des petites protéines G,
après liaison au facteur nM23, une
protéine impliquée dans la régula-
tion de la réplication de l’ADN. La
ménine semble jouer un rôle crucial
dans la voie de signalisation en aval
du récepteur TGFpar interaction
avec ses corécepteurs de la famille
Smad. En contribuant à cette signa-
lisation, la ménine interviendrait
directement dans des voies de diffé-
renciation cellulaire de différents
tissus fonctionnels, comme cela a été
démontré pour les ostéoblastes par
la modulation de l’activité des BMP
(Bone Morphongenetic Proteins).
De manière inattendue, la protéine
MEN1 interagit avec deux compo-
sants essentiels des complexes de
réparation des cassures par recom-
binaison de l’ADN, les protéines
RPA2 (Replication Protein A) et
FanCD2, cette dernière étant impli-
quée, par ailleurs, après mutation
dans l’anémie de Fanconi. Ces inter-
actions suggèrent que la ménine inter-
vient dans le contrôle de la répara-
tion de l’ADN, donnée confortée
par d’anciennes observations selon
lesquelles les patients prédisposés
à la NEM1 présentent un taux de
cassure chromosomique anormal en
comparaison aux témoins. La ménine
est capable de s’associer à des pro-
téines du cytosquelette telles les
chaînes IIa de la myosine des cel-
lules non musculaires, la GFAP (Glial
Fibrillary Acid Protein) et la vimen-
tine, de préférence dans les cellules
gliales. Elle se fixe aussi directement
avec l’ADN simple ou double brin
et cette interaction directe, dont le
sens fonctionnel n’est pas connu,
fait intervenir la région C-terminale
et les séquences NLS. La liaison de
la ménine à l’ADN génomique pour-
rait se faire préférentiellement au
niveau des séquences télomériques,
et il a été suggéré que la ménine
pourrait être un régulateur direct du
complexe de la télomérase, impliqué
dans le maintien de l’intégrité de
ces régions chromosomiques, et, de
ce fait, la survie cellulaire. Enfin, et
au-delà de nouvelles interactions à
venir, la ménine est non seulement
capable de se lier à des protéines de
régulation de l’ouverture de la chro-
matine, impliquées dans la déacéty-
lation des histones, mais aussi des
régulateurs directs de la phase S du
cycle cellulaire, comme le facteur
ASK (activator of S-phase kinase).
Rôle pléiotrope, facteur d’adaptation,
les hypothèses vont bon train quant
à une fonction ubiquitaire et anti-
proliférative de la protéine MEN1,
point essentiel pour les réflexions
pharmacogénomiques. Une vision
intégrée de ces fonctions est résu-
mée sur la figure 2.
Les mutations germinales
du gène MEN1
et les modèles murins
Toutes les études publiées à ce jour,
et parmi les plus grandes séries
de patients prédisposés à la NEM1,
montrent que les mutations consti-
tutionnelles identifiées – plus de 400
connues à ce jour – se répartissent
dans tous les exons codants du gène
et représentant pour 60 % environ
d’entre elles des altérations de type
non-sens, soit par substitution ponc-
tuelle, soit par délétion ou insertion en
décalage de cadre de lecture (frame-
shift). Près de 20 % des mutations
modifient un acide aminé (faux-sens),
et 10 % concernent les séquences
consensus, sites donneur et accepteur,
régions introniques, de l’épissage de
l’ARN messager (7). On estime à ce
jour que 10 % des patients/familles
présentant les signes cardinaux du
syndrome n’ont pas de mutation iden-
tifiée dans les régions codantes et
introniques du locus MEN1 et qu’une
proportion de ces cas présente des
réarrangements de grande taille, en
particulier des délétions larges du gène
ou d’une partie du gène identifiées
par des méthodes de dosage génique
semi-quantitatives. Au total, plus
de 95 % des patients présentant une
sémiologie pathognomonique du
syndrome ont une mutation identi-
fiée. Les mutations sont réparties sur
l’ensemble de la séquence génique et
il n’existe pas de corrélation génotype-
Figure 2. Une vision intégrée des fonctions potentielles de la ménine à travers ses interactions.
Régulation transcriptionnelle
JunD-AP1
Smad’s3-5, Runx2-TGFß-R
NF kappaB, Pem murin
Réparation de l’ADN
réplication
et recombinaison
FAN-CD2, RPA2
Organisation
du cytosquelette
et transport cytoplasmique
GFAP, vimentine,
MYOSIN IIa
Complexe histone
méthyltransférase
MLL2, Ash2L, Rbbp5,
WDR5
Régulation de promoteurs
géniques et de l’activité
“télomérase”
L’ADN génomique
Complexe histone déacétylase
mSin3A
HDAC1, HDAC2
Régulation
du cycle cellulaire –
transition G1-S
Activator of S-phase
kinase
Régulation
des protéines G
et réplication de l’ADN
Nm23
Apoptose et réponse
au stress
Partenaires
en cours d’identification
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 2, mars/avril 2005
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des maladies endocriniennes
Tests génétiques
phénotype. Comme pour nombre
de gènes en pathologie humaine, la
définition fonctionnelle des muta-
tions faux-sens exige l’analyse de
base de données pour exclure un
éventuel polymorphisme, même rare,
et une éventuelle approche fonction-
nelle encore balbutiante. Des travaux
récents suggèrent que la plupart
des altérations faux-sens pourraient
conduire à une dégradation accélérée
de la protéine mutée par les voies de
catabolisme protéique actives, dénom-
mées ubiquitination. Pour les muta-
tions entraînant une protéine tron-
quée, les études convergent vers l’idée
que la ménine mutée est rapidement
déstabilisée et, de ce fait, non détectée
par les techniques de Western-Blot.
Cette description structurale a une
implication clinique, puisque l’on
peut considérer que chaque patient
index, chaque famille, aura sa muta-
tion propre. Il n’existe pas de point
chaud des mutations, hormis certaines
zones d’instabilité dans les régions
riches en G/C de l’exon 10. Curieu-
sement, aucune mutation n’a été
retrouvée à ce jour dans les séquences
NLS, ce qui suggère que leur altéra-
tion, induisant une délocalisation
intracellulaire de la ménine, pourrait
être létale.
L’inactivation complète du gène
MEN1 a été réalisée chez deux
espèces : la souris et la drosophile.
Il ressort de la comparaison des
knock-out (Men1-/Men1-) entre ces
deux espèces, que le gène MEN1 a
probablement acquis des fonctions
indispensables au développement
au cours de l’évolution. En effet,
alors que les drosophiles sont viables
et qu’elles ne semblent pas présen-
ter de troubles au cours du dévelop-
pement, les souris meurent in utero
entre 10,5 et 13,5 jours postcoïtus (pc)
et présentent diverses anomalies du
développement, fermeture anormale
du tube neural, hypotrophie cardiaque,
anomalies du foie (8, 9). Les souris
hétérozygotes Men1+/Men1- repro-
duisent la situation génotypique
des patients humains. Elles présen-
tent un spectre de lésions globale-
ment comparable à celui observé en
clinique avec les principales atteintes
endocriniennes, adénomes para-
thyroïdiens, tumeurs pancréatiques,
adénomes hypophysaires tumeurs
des corticosurrénales, mais aussi dans
certains modèles des carcinomes
des glandes mammaires, des hyper-
plasies et tumeurs épithéliales thyroï-
diennes, des tumeurs testiculaires à
cellule de Leydig et des tumeurs
stromales de l’ovaire. Les atteintes
thymiques et nerveuses ne sont pas
décrites à ce jour dans ces modèles
animaux, mais la comparaison cli-
nique, histopathologique et molécu-
laire des lésions humaines et induites
par l’inactivation KO chez la souris
sont loin d’être finalisées. Quelques
particularités intéressantes sont à
noter, variables suivant les modèles
développés telles la survenue de gas-
trinomes pancréatiques et duodénaux
anatomiquement comparables à ce
qui est observé chez l’homme, une
fréquence importante des insuli-
nomes métastatiques chez la souris
alors que la prévalence est faible
(< 10 %) chez l’humain, et la pré-
valence majeure des prolactinomes
dans les deux espèces. Les modèles
murins de la NEM1 sont exemplaires
en termes de potentiel futur pour
des études pharmacologiques sur
les tumeurs les plus agressives, en
particulier pancréatiques. La modé-
lisation des mutations faux-sens par
transgenèse est en cours et représente
un objectif passionnant pour l’éva-
luation des effets pathogènes des
domaines fonctionnels d’interaction
de la ménine et la recherche d’une
corrélation entre le phénotype et
une voie de signalisation spécifique
endocrine dans chaque site anato-
mique concerné par le syndrome.
Applications cliniques
des études génétiques
du locus MEN1
La présentation clinique du syn-
drome NEM1 peut être composite,
d’emblée évocatrice ou de nature
plus complexe, notamment chez un
patient se présentant en cas isolé, ou
a priori sporadique. Les indications
d’une analyse génétique seront donc
mesurées en fonction du bénéfice
clinique et thérapeutique pour le
patient, mais aussi de ses collatéraux
(1, 7, 10).
Quand doit-on rechercher
une mutation germinale
du gène MEN1 ?
Même si elles peuvent paraître encore
imprécises, les recommandations
actuelles se fondent sur l’observation
de larges séries cliniques et des argu-
ments moléculaires. Un schéma de
stratégie diagnostique est proposé
sur la figure 3. Comme indiqué pré-
cédemment, la recherche d’une muta-
tion est impérative dès lors que les
critères consensuels sont remplis, un
minimum de deux atteintes cardi-
nales endocrines parmi les cinq sites
anatomiques (parathyroïde, pancréas,
hypophyse, surrénale et bronches ou
thymus) chez un même patient ou
chez deux sujets liés au premier
degré dans une même famille. La
situation peut être plus difficile
lorsqu’il n’existe que deux atteintes
sans histoire familiale, car même si
l’étude génétique est justifiée, on ne
retrouvera une mutation que dans
20 à 40 % des cas environ. L’hyper-
parathyroïdie est la principale lésion
de la NEM1 et concerne plus de 95%
des patients. L’association d’une
hyperparathyroïdie et d’un gastri-
nome conduit le plus souvent à la
détection d’une mutation pathogène
alors que la situation semble plus
difficile dans une association hyper-
parathyroïdie – lésion surrénalienne,
en raison de la fréquence des inci-
dentalomes. Dans nombre de cas,
des histoires familiales atypiques
d’hyperparathyroïdie associant chez
un même patient ou des membres
collatéraux une atteinte hypophysaire
n’ont pas permis de détecter une muta-
tion causale. Cela ne s’oppose pas à
l’indication génétique qui doit rester
maximaliste. Dans les situations d’un
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