Prise en charge des enfants avec une maladie héréditaire du métabolisme 263
qui n’observe plus son traitement est souvent un adolescent
qui tente de reprendre le contrôle de l’avenir quitte à y lais-
ser la vie. Parfois, la maîtrise de soi-même devient un enjeu
absolu. La parole du pédiatre spécialiste, soit-elle compé-
tente et experte, n’a plus la valeur rassurante du discours
des ainés. Elle n’éclaire pas l’avenir, elle se résume à des
mesures de contrainte pour éviter le pire. D’une certaine
manière «plutôt qu’attendre le pire autant l’anticiper et le
provoquer ». La plupart du temps, l’adolescent qui refuse
son traitement redevient acteur du soin en le refusant.
D’autres fois, les comorbidités sont possibles, des troubles
psychosomatiques peuvent alourdir le tableau et compli-
quer la prise en charge. Dans tous les cas, au moment de la
rencontre avec le psychologue, l’élaboration des éléments
d’emprise (maîtrise du traitement et des soignants, contrôle
de soi) permet la reprise du processus de subjectivation.
Mettre au jour les mobiles inconscients (agressivité contre
les parents, culpabilité, haine du sujet sain...) encourage
l’adolescent à chercher en lui les mobiles de son agressivité.
Le gain subjectif obtenu est souvent porteur d’un soulage-
ment et dégage le sujet des pensées les plus mortifères.
Malheureusement, dans certains cas, cette élaboration n’est
pas possible et le contrôle (par le refus ou l’autogestion
selon ses propres règles) du traitement reste la priorité
pour l’adolescent. Dans ce cas, le refus d’observance d’un
régime diététique peut être assimilé à un passage à l’acte
ou un équivalent suicidaire [10]. Il est donc nécessaire de
comprendre le geste comme une tentative de suicide. La
prise en charge doit donc s’ajuster à cette nouvelle moda-
lité. Un traitement psychotrope et/ou une hospitalisation
dans un service de pédopsychiatrie peut être envisagée pour
permettre l’amélioration de l’adolescent. L’hospitalisation
dans un hôpital pour enfants avec une prise une charge
pédopsychiatrique (par une équipe de liaison pédopsychia-
trique) peut être une alternative à l’hospitalisation en
milieu pédopsychiatrique. Ce cadre thérapeutique peut
devenir une option qui ouvre la prise en charge aux aspects
somatiques (l’équipe pédiatrique), aux aspects intriqués
(l’équipe pédopsychiatrique) et aux aspects purement réac-
tionnels (l’équipe pédiatrique et pédopsychiatrique qui
intervient conjointement) à la maladie. Finalement, dans la
majorité des cas, qu’il y est velléité suicidaire ou opposition
au traitement, l’intervention conjointe des équipes pédia-
trique et pédopsychiatrique permet de globaliser la prise en
charge et d’optimiser la qualité sur soin.
Le soin somatique à l’hôpital
Le soin somatique nécessite du temps, de la disponibi-
lité et une implication émotionnelle conséquente. Une
consultation, un prélèvement sanguin, le changement ou la
vérification du bon fonctionnement d’une prothèse (cathé-
ter central à demeure, bouton de gastrostomie) sont des
actes obligatoires et habituels pour nombre d’enfants. Cer-
tains d’entre eux peuvent refuser les soins somatiques sans
pour autant être toujours en capacité d’expliquer les rai-
sons du refus. Pour ceux qui arrivent à l’exprimer, la douleur
est facilement évoquée, comme si un seuil de tolérance
était dépassé au point de bloquer définitivement tout accès
au corps de l’enfant Les parents témoignent de la bataille
pour monter dans la voiture, de stratégies pour détour-
ner l’attention, de récompenses et même de mensonges
pour réussir à conduire l’enfant jusqu’à l’hôpital. Dans ce
cas, l’expérience du suivi psychologique avec ces enfants
permet de dénouer des situations compromises. Le travail
porte sur le propre ressenti des parents et les schémas
d’appréhension qui s’actualisent à chaque venue à l’hôpital.
Lorsque des bilans ou des soins sont programmés, c’est fré-
quemment l’histoire médicale qui resurgit. Les passages
les plus traumatiques sont souvent les moins évoqués — les
premiers symptômes, la décompensation, l’annonce du
diagnostic — et sont ceux qui perturbent le plus les inter-
actions avec l’enfant. Non pas que le trouble parental soit
à l’origine de la vulnérabilité émotionnelle de l’enfant mais
simplement le besoin d’étayage de l’enfant ne trouve pas
toujours le recours affectif parental au moment néces-
saire. En quelque sorte, deux vulnérabilités se rencontrent
à l’hôpital. L’évocation dans des conditions adéquates et
l’élaboration des ressentis subjectifs parentaux permettent
la liquidation des appréhensions ou tout au moins leur atté-
nuation lors des moments de soins. Le psychologue se devrait
de rencontrer l’enfant et les parents avant que ne soient
réalisés les soins somatiques.
L’organisation concrète du quotidien
La complexité du traitement (régime, polymédication)
et du suivi (consultations multiples, hospitalisations pro-
grammées, bilan sanguins intermédiaires), l’inquiétude
liée au pronostic et la méconnaissance de l’entourage
(familial, scolaire, médical...) n’ont rien d’une sinécure.
L’organisation familiale est un maître mot. Les familles
décrivent la nécessité de tout planifier et de ne rien laisser
au hasard. Il n’y a pas de spontanéité permise. Tout dépla-
cement, même une soirée au restaurant ou chez des amis
s’organise. Quel sera le menu ? Quels médicaments et pro-
duits spécifiques alimentaires dois je prendre ? Les vacances
familiales nécessitent de contacter par l’intermédiaire du
spécialiste traitant, le spécialiste de l’hôpital local, de pré-
voir les quantités de drogues et produits diététiques en
cas de régime normal et d’urgence, et l’assurance rapa-
triement. Un certificat médical pour autoriser la prise du
repas diététique adapté confectionné par la famille et les
médicaments est un impératif avant tout long vol.
Confier son enfant et l’aider à le socialiser lorsqu’il
est dépendant de mesures thérapeutiques aussi élémen-
taires qu’un repas et qu’une infection banale peut le faire
décompenser et entrainer une hospitalisation rendent les
parents initialement réticents à confier leur enfant à un
tiers. Confier les enfants à d’autres adultes, même par-
fois aux grands-parents reste difficile car l’apprentissage du
régime et le risque de décompensation effraye l’ensemble
de la famille. Pour la même raison, les refus des crèches ou
structures de gardes est fréquents. Ainsi, l’environnement
familial et l’attitude de celui-ci face à la maladie, au trai-
tement, à l’équipe soignante conditionnent l’observance et
le pronostic [11—13].
Malgré l’incertitude du pronostic ou un pronostic écourté
et attendu, l’enfant avec une MHM est un enfant en devenir
et sa scolarisation est obligatoire. Après la famille, l’école
est souvent le lieu où se continue cette socialisation. Le pro-
jet pour l’enfant doit être personnalisé. La rentrée en milieu
scolaire s’effectue sous couvert d’un plan d’accueil indivi-
dualisé qui définit les médicaments à donner à l’école, les