Médicament Enquête sur les besoins médicaux Le SNIP et le LIR (Laboratoires internationaux de recherche) viennent de rendre publique une étude portant sur “l’évaluation des besoins médicaux liés à dix-huit pathologies majeures*”. Celles-ci correspondent à des priorités gouvernementales affirmées. L’ étude est transversale (cabinets JNB-Développement et ACE) et rassemble des données nationales sur 5 à 10 ans. Ce qui ressort en premier lieu, c’est l’importance des besoins médicaux non couverts concernant certaines pathologies sévères et en fort développement. Ainsi, les maladies cardio-vasculaires sont une première cause de mortalité en France. Ce sont pourtant des maladies insuffisamment dépistées. Et, lorsque les patients sont diagnostiqués, ils ne sont pas tous traités : 70 à 80 % des patients hypertendus sont insuffisamment contrôlés ; plus de 40 % des patients hypercholestérolémiques traités n’atteignent pas les objectifs thérapeutiques ; 60 % des patients diabétiques de type 2 ne sont pas contrôlés de façon satisfaisante. La prise en charge aujourd’hui bien codifiée repose principalement sur des règles hygiéno-diététiques associées ou non à des traitements médicamenteux. Autre exemple : l’asthme. Plus de 3,5 millions de Français sont asthmatiques, parmi lesquels 700 000 enfants dont la population augmente de 10 %. Un patient sur 2 ne recourt pas au traitement de fond alors qu’on enregistre annuellement 2 000 décès. L’insuffisance de la prise en charge, qui passe par l’éducation du patient mais aussi par des médicaments efficaces, génère des conséquences lourdes sur le pronostic et le coût pour la collectivité, ne serait-ce que par la fréquence des hospitalisations. L’ostéoporose, quant à elle, touche 2,8 millions de femmes ménopausées et 1,5 million de femmes pré- sentant une fracture vertébrale ne bénéficient pas de traitement. Seules 1,5 million de femmes dans la population des 5 millions de femmes âgées de 45 à 65 ans bénéficient d’un traitement hormonal substitutif et les femmes ostéoporotiques sans fracture ne bénéficient d’aucun traitement préventif remboursable. En matière de sida, pathologie pourtant bien évaluée, 47 % des cas diagnostiqués concernent des personnes qui découvrent leur séropositivité au moment du passage au stade sida d’où une prise en charge thérapeutique tardive. La déclaration obligatoire du sida, depuis 1986, a pourtant permis d’évaluer de façon précise l’évolution de la pathologie. La dépense publique liée à la consommation des antirétroviraux, qui ont modifié considérablement l’histoire de la maladie, est en croissance importante ces dernières années. Le médicament joue là un rôle fondamental. Quant aux dépressions, 50 à 70 % ne font l’objet d’aucune prise en charge thérapeutique. Pourtant, en termes d’impact fonctionnel, la dépression est considérée comme l’une des pathologies engendrant le plus d’incapacités. Évaluation et anticipation Même si nombre de ces pathologies connaissent une baisse de mortalité, grâce notamment aux nouvelles molécules, le nombre d’individus atteints augmente pour chacun des facteurs de risque en raison de l’accroissement de l’espérance de vie et de l’évolution du mode de vie. Dans la majorité des cas, les médicaments restent la pierre angulaire des traitements, ou une composante incontournable, qu’ils soient préven- tifs ou curatifs. En France, les études épidémiologiques et les outils fiables pour l’évaluation et l’appréciation des besoins médicaux sont insuffisants. Cela est notamment vrai pour le cancer, affiché comme une priorité de façon constante par les gouvernants, mais dont les besoins en soins non couverts et les disparités régionales sont flagrants. Trente pour cent des cancéreux ne bénéficient pas encore de traitements contre la douleur ! La Cour des comptes a récemment dénoncé le manque de données pour établir une stratégie nationale cohérente afin de corréler les besoins de santé et l’offre de soins. Le manque d’anticipation se révèle aussi pour ce qui concerne la croissance de la population. Natalité en hausse, qui entraîne une augmentation des besoins médicaux, mais, parallèlement, croissance de la population des plus de 60/75 ans, avec la corollaire de pathologies lourdes comme Parkinson ou Alzheimer, maladie qui va doubler, en nombre de patients, d’ici 20 ans. Aujourd’hui, la France est en porteà-faux avec les objectifs annoncés et la prise en compte des facteurs d’évolution naturelle de la croissance des dépenses pharmaceutiques. Le décalage observé entre les objectifs comptables et les besoins réels connaît ses limites, déjà signalé dans l’étude récemment réalisée par Claude Le Pen et Fabienne Bartoli (LEGOS, 2000) . Cette nouvelle étude ne fait que rappeler la justification des moyens à mettre en œuvre pour couvrir les besoins médicaux d’un pays développé. Andrée-Lucie Pissondes * Assistance médicale à la procréation, asthme, cancer, risque cardiovasculaire, douleur chez l’enfant, hépatite C, ostéoporose, arthrose, polyarthrite rhumatoïde, infection par le VIH, maladie d’Alzheimer, dépression, épilepsie, maladie de Parkinson, schizophrénie, sclérose en plaques, transplantation, vaccinations contre les méningites bactériennes chez l’enfant. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 27-28 - juin-juillet-août 2001 5