Prise en charge psychologique des enfants avec - chu

Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence (2013) 61, 259—266
Disponible en ligne sur
www.sciencedirect.com
MISE AU POINT
Prise en charge psychologique des enfants avec une
maladie héréditaire du métabolisme
Psychological management of the children with an inborn disease of
metabolism
T. Cascalesa,, J. Baruteaub
aÉquipe mobile de psychiatrie de liaison, SUPEA, hôpital des enfants, 330, avenue de
Grande-Bretagne, 31059 Toulouse cedex 9, France
bMetabolic Medicine Department, Great Ormond Street, Hospital for Children, Londres,
Royaume-Uni
MOTS CLÉS
Maladies héréditaires
du métabolisme ;
Psychologie ;
Pédiatrie ;
Hôpital ;
Prise en charge
Résumé Les maladies héréditaires du métabolisme (MHM) sont des maladies génétiques rares
dont l’âge de révélation est fréquemment la petite enfance. Ces pathologies sont souvent
associées à un pronostic sévère. Les consultations et/ou hospitalisations multiples, l’angoisse
parentale de décompensations brutales, les traitements quotidiens, parfois un régime diété-
tique contraignant influent sur la qualité de vie et la relation de l’enfant à son entourage et au
monde extérieur. La prise en charge psychologique d’un enfant avec une MHM peut constituer
une aide substantielle au suivi médical et au vécu des familles. Elle peut améliorer l’observance
du régime, la tolérance aux soins somatiques, l’acceptation de la maladie et la compréhension
des enjeux relationnels entre les enfants et les parents.
© 2013 Publié par Elsevier Masson SAS.
KEYWORDS
Inborn metabolic
diseases;
Psychology;
Pediatrics;
Hospital;
Management
Summary The inborn diseases of metabolism (MHM) are rare genetic diseases whose age of
onset is usually early ingancy. These conditions are often associated with severe prognosis.
Multiple outpatient clinics and/or hospitalisations, parental anxiety of acute decompensations,
daily medications, and sometimes a restrictive diet modify quality of life and relationship from
the child to his entourage and his environment. Psychological management of a child with
MHM can provide a considerable help for daily care and families’ feeling. We aim to highlight
how psychological support can help in daily practice for therapeutic observance, improve child
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (T. Cascales).
0222-9617/$ — see front matter © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS.
http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2013.02.002
260 T. Cascales, J. Baruteau
coping with invasive care, acceptance of the disease and better understanding of interferences
and stakes between children and parents.
© 2013 Published by Elsevier Masson SAS.
Introduction
Les maladies héréditaires du métabolisme (MHM) sont des
maladies génétiques rares dont l’âge de révélation est fré-
quemment la petite enfance. Ces pathologies sont souvent
associées à un pronostic sévère. Les consultations et/ou
hospitalisations multiples, l’angoisse parentale de décom-
pensations brutales, les traitements quotidiens, parfois un
régime diététique contraignant, influent sur la qualité de
vie et la relation de l’enfant à son entourage et au monde
extérieur.
La prise en charge psychologique d’un enfant avec une
MHM peut constituer une aide substantielle au suivi médical
et au vécu des familles. Elle peut améliorer l’observance
du régime, la tolérance aux soins somatiques, l’acceptation
de la maladie et la compréhension des enjeux relationnels
entre les enfants et les parents.
Les principaux éléments à considérer dans la prise
en charge psychologique de ces familles sont l’âge du
patient et ses capacités d’élaboration, de compréhension,
d’acceptation de la maladie, de tolérance aux soins soma-
tiques, la compliance au traitement, le retentissement
psychologique sur la famille, la faisabilité d’une socialisa-
tion et la qualité de l’alliance thérapeutique. Nous décrirons
chacun de ces facteurs en précisant l’intérêt d’une prise en
charge psychologique à condition qu’elle soit inscrite dans
un suivi pluridisciplinaire pédiatrique et spécialisé.
Maladies héréditaires du métabolisme : de
quoi parle-t-on ?
Les MHM constituent un large groupe de pathologies très
différentes. Bien que chacune considérée individuellement
intéresse un faible nombre de patients, leur nombre consi-
dérable évalué à cinq à 8000 fait que le nombre de patients
atteints par ces maladies représenterait 4 à 6 % de la popu-
lation franc¸aise [1].
Le métabolisme comprend l’ensemble des réactions bio-
chimiques qui permettent la synthèse (ou anabolisme)
et la dégradation (ou catabolisme) de composés biochi-
miques essentiels au bon fonctionnement de l’organisme.
Différentes voies métaboliques existent, parfois spécifiques
d’un organe ou d’une partie de la cellule (localisée à un
organelle). Lorsqu’une mutation génétique entraîne la syn-
thèse d’une protéine enzymatique défectueuse, la réaction
biochimique catalysée ne peut s’effectuer et la voie méta-
bolique s’interrompt, à l’origine de l’accumulation d’un
substrat toxique, en amont du blocage ou de la carence d’un
produit essentiel en aval de celui-ci.
Ces maladies génétiques condamnent le patient à vivre
avec sa maladie sa vie durant. Le mode de transmission le
plus fréquent est un mode autosomique récessif ; il n’est
donc pas rare que le patient soit la première personne
identifiée comme malade au sein de sa famille. Le risque de
récurrence lors d’une future grossesse est de 25 %. Plus rare-
ment, d’autres modes d’hérédité liée à l’X, mitochondriale,
mosaïcisme sont possibles.
Ces pathologies sont très hétérogènes selon :
l’âge de révélation : bien que la plupart se révèle dans
l’enfance (60 % avant deux ans, 75 % avant 18 ans) [1],
certaines d’entre elles présentent des symptômes anté-
nataux (exemple des maladies lysosomales). D’autres se
révèlent à l’âge adulte, voire au troisième âge [2,3]. Cer-
taines sont désormais considérées comme des facteurs
de risque de maladies neurodégénératives ou cancéreuses
(exemple de la maladie de Gaucher facteur de risque de
la maladie de Parkinson ou de tumeurs) ;
la physiopathologie : certaines sont dues à une intoxica-
tion aiguë ou chronique par des composés que l’organisme
ne parvient pas à dégrader (exemple des déficits du cycle
de l’urée). D’autres sont dues à des défauts de synthèse
de composés essentiels (exemple des déficits de synthèse
des acides biliaires). D’autres encore sont dues à des défi-
cits de transporteurs (exemple de la maladie d’Imerslünd
Grasbeck par déficit d’absorption de la vitamine B12 ou de
la maladie de De Vivo par déficit du transporteur neuronal
du glucose GLUT1). Certaines sont dues à des anoma-
lies de modifications post-traductionnelles par déficit
de glycosylation des protéines néoformées (exemple des
Congenital Disorder of Glycosylation [CDG] syndromes) ;
les symptômes observés : tous les organes ou sys-
tèmes peuvent être atteints : cardiaque, respiratoire,
ORL, ophtalmologique, endocrinologique, ostéoarticu-
laire, musculaire, neurologique central et périphé-
rique, hématologique et immunitaire, digestif, néphro-
urologique, hépatique, dermatologique. Selon chaque
pathologie, un ou des organes peuvent être préférentiel-
lement atteints et qui diffèrent selon l’âge d’apparition
(exemple de l’atteinte cardiomyopathique quasi systé-
matique de la maladie de Pompe infantile, inexistante
dans la forme adulte), selon les stades d’évolution de
la maladie (exemple de l’apparition quasi systématique
de carcinomes hépatocellulaires chez les patients tyro-
sinémiques de type 1 diagnostiqués tardivement ou de
l’atteinte du système nerveux central dans la citrulliné-
mie de type 2). Certaines pathologies ont une atteinte
d’un ou plusieurs organes spécifiques comme l’atteinte
élective du système nerveux central dans la mucopoly-
saccharidose de type III ou l’atteinte hépatique, rénale et
parfois neurologique de la tyrosénime de type 1. Enfin,
certaines pathologies mitochondriales sont évoquées
devant «une atteinte inappropriée de multiples organes »
ne correspondant pas à une association «classique »d’un
phénotype clinique ;
le traitement : certaines pathologies bénéficient d’un
traitement permettant de stabiliser la maladie ou de
récupérer des défaillances d’organe système nerveux
Prise en charge des enfants avec une maladie héréditaire du métabolisme 261
central, foie, myocarde, muscle squelettique avec un
pronostic favorable (exemple de la phénylcétonurie, du
déficit primitif en carnitine). D’autres traitements per-
mettent de ralentir la progression de la maladie (exemple
de la maladie de Niemann Pick C). Certains traitements
agressifs (exemple de la greffe hépatique, de la greffe de
cellules souches hématopoïétiques) permettent un succès
thérapeutique, au prix d’un traitement dont la mortalité
et la morbidité restent une limitation certaine. Enfin, un
grand nombre de pathologies ne bénéficient pas de trai-
tements curatifs et font l’objet de soins symptomatiques
ou de confort (exemple des mitochondriopathies) ;
le pronostic : certaines maladies se révèlent comme un
«coup de tonnerre dans un ciel serein »avec l’apparition
de symptômes bruyants qui menace le pronostic vital.
D’autres apparaissent comme «le nuage noir qui annonce
la tempête »où la maladie apparaît sous la forme de symp-
tôme modeste qui progresse sans que l’on puisse modifier
le cours d’une dégénérescence vers une issue fatale. Le
pronostic de ses maladies est sévère puisque l’on estime
que 50 % d’entre elles évoluent vers un décès (dont 35 %
avant un an) et 50 % des patients présentent un déficit
neurologique—intellectuel, moteur ou neurosensoriel [1].
Ces maladies si différentes reflètent des réalités très
diverses, auxquelles se rajoutent comme pour toute mala-
die chronique, l’environnement familial, socio-économique,
religieux.
Accompagnement psychologique dans les
maladies héréditaires du métabolisme :
quand ? où ? comment ?
L’annonce diagnostique
De nombreuses recommandations concernant l’annonce
diagnostique ont fait l’objet de publications [4,5]. Nous
nous intéresserons plus spécifiquement à l’utilité d’une aide
tierce psychologique.
L’âge du patient
Puisque la maladie peut se diagnostiquer à tout âge, les
soignants devront s’adapter aux particularités de chaque
tranche d’âge. On ne rencontre ainsi pas une mère et son
nourrisson comme on rentre en relation avec un enfant et
ses parents. On n’accueille pas la détresse parentale suite
à l’annonce de la maladie comme on écoute un adolescent
dans des postures de prestance et d’indifférence vis-à-vis du
suivi médical et ses contraintes. La prise en charge dépendra
donc du vécu subjectif de chaque patient mais aussi de l’âge
du patient concerné. La nature de l’intervention du psycho-
logue est donc conditionnée par de nombreux paramètres.
L’âge du patient est déterminant, le degré de compréhen-
sion et d’acceptation de la maladie tout autant.
Le degré de compréhension
Pour comprendre, il est important de connaître son sujet.
L’annonce d’une MHM peut devenir un véritable casse-
tête sémantique et dérouter les enfants et parents à qui
l’information est donnée. Parler de phénylcétonurie, de
leucinose ou d’acidurie méthylmalonique relève du jargon
médical d’initiés et peut paraître incompréhensible pour le
patient atteint par ses maladies. Le nom de la maladie, la
voie métabolique atteinte, le nom des principaux composés
biochimiques et des paramètres de surveillance : un univers
apparaît. La tâche pédagogique d’explication aux parents
et/ou aux patients relève d’une véritable gageure tant les
termes énoncés sont inconnus et échappent totalement au
patrimoine langagier médical courant. Par exemple, cer-
tains pédiatres ou médecins généralistes découvrent ces
pathologies avec l’enfant et sa famille. Lorsqu’un traite-
ment existe, l’observance du traitement est incontournable
pour éviter l’aggravation des symptômes. Même s’il est pos-
sible d’accepter un traitement médical sans en comprendre
l’intérêt, dans la majorité des cas, la compréhension de
la maladie conditionne la compréhension des risques de
complication, de la dangerosité de celle-ci. Nous faisons
l’hypothèse que plus un sujet est informé sur les risques
de sa maladie, plus le degré d’acceptation de la maladie
sera important et plus la compliance au traitement sera res-
pectée. D’autres vecteurs ou acteurs d’information existent
et parfois concurrencent le médecin spécialiste. Internet
et son accès aux informations immédiates, sans le filtre
de la rationalité ou les explications adaptées, sont à la
fois une réassurance pour certaines familles de trouver des
associations de parents ou des forums d’échange, mais éga-
lement l’exposition de formes graves, sources d’angoisse
terrible. Une des missions du psychologue est de faciliter la
compréhension de la maladie par la famille et/ou le patient
en interrogeant leur degré de compréhension des termes
employés. Une reprise dans un cadre et par un interlocu-
teur différent permet souvent de mettre du sens sur les
mots et d’appréhender le poids psychologique du vocabu-
laire employé.
Le degré d’acceptation
Accepter la maladie passe donc par la compréhension des
termes employés par les médecins et par l’incidence de
cette compréhension sur les représentations engagées au
sujet de la santé de l’enfant. Cependant, l’explication
de la sémiologie ne suffit pas. Connaître ne veut pas
dire comprendre. Pour comprendre, il faut aussi être
préparé émotionnellement. Il faut également du temps
pour comprendre. Parfois, le parcours de soin de ces
patients a été jalonné de décompensations somatiques
graves qui ont mis en péril la vie de l’enfant. À l’intérieur
de ce parcours, les parents témoignent de la force de
déflagration psychique de la première décompensation.
Les éventuels convulsions, coma, arrivée aux urgences,
séjour en réanimation sont autant de souvenirs trau-
matiques dont les parents reparlent dans un état de
sidération ou d’agitation synonyme de reviviscence à la
mesure de l’effraction psychique. La simple évocation
du drame peut faire ressurgir un ensemble d’images et
d’affects extrêmement envahissants et désagréables. On
peut comprendre également que rencontrer un psychologue
pour les parents et/ou l’enfant puisse être anxiogène à
l’idée de devoir reparler d’un événement traumatisant.
Ainsi, pour comprendre et accepter la maladie, il est
nécessaire de permettre l’élaboration du traumatisme. Les
pédiatres peuvent témoigner d’exemples de parents sans
262 T. Cascales, J. Baruteau
réaction face à l’annonce ou d’autres complètements effon-
drés et incapables d’entendre le message médical. Pendant
ce temps précis, accepter la maladie n’est pas possible,
ils ne sont pas disponibles psychiquement pour compren-
dre. Les parents comprennent intellectuellement, mais ils
ne comprennent pas psychiquement. On peut comprendre
théoriquement un événement «une histoire »— sans pour
autant qu’il devienne «son histoire ». Finalement, seule
l’expérience peut permettre l’acceptation de la maladie
parce qu’il est nécessaire de «vivre »pour comprendre vrai-
ment. S’il faut du temps, la médecine, à travers l’analyse
successive des bilans biologiques, de contrôle, génétiques ou
enzymatiques de confirmation diagnostique, en offre parfois
à satiété. En effet, entre la première décompensation et le
diagnostic, du temps peut s’être écoulé. Les parents s’en
souviennent comme d’une attente insupportable.
La différence entre le diagnostic et le pronostic est un
autre écueil. L’expression de la maladie peut être variable ;
le diagnostic n’est pas systématiquement corrélé à un pro-
nostic précis. Cette incertitude peut être une souffrance
supplémentaire. L’espoir de nommer la maladie et la quête
du diagnostic sous-entendent le «pourquoi ? »mais aussi «
allons nous ? ». Ce futur non caractérisé est ambivalent,
source d’inquiétudes légitimes mais également d’un champ
de possible qui rend confiance et peut motiver l’entourage.
Cet espace d’incertitude lié à l’individualité de l’enfant en
tant que sujet peut être présenté comme un enjeu de dyna-
mique positive dans la discussion pronostique : en effet,
cela remet en lumière l’importance de l’environnement
chez un sujet génétiquement déterminé. Réintroduire en
partie le «sujet comme auteur de son propre devenir »per-
met une revanche partielle pour des parents culpabilisés
par une sanction d’un diagnostic génétique. «Le destin,
c’est le sujet qui le constitue comme tel »comme le rap-
pelle P. Duverger [6]. Cette incertitude, si elle peut paraître
initialement angoissante car tout n’est pas maîtrisé, est
également véhicule d’espoir et aide l’entourage à porter
son enfant vers une optimisation des apprentissages, des
rééducations, de la qualité du quotidien en fonction de la
tolérance de celui-ci [7]. L’adaptation au handicap ou à
l’évolution d’une maladie nécessite un réajustement régu-
lier. Prendre en compte de fac¸on empathique l’histoire
de la maladie et évoquer dans la mesure du possible le
retentissement émotionnel des premiers événements aident
les parents à traverser cette expérience afin d’adopter un
comportement pragmatique plus adéquat avec les réali-
tés pratiques d’un suivi médical. Ainsi, certaines de ces
maladies nécessitent l’instauration d’un régime diététique
[3] dont l’observance doit être stricte et la mobilisation
des parents indéfectible. Des enjeux relationnels nouveaux
apparaissent et prennent très souvent une place essentielle
dans la relation entre l’enfant et ses parents.
Le quotidien : soins et thérapeutique
Le degré de compliance au traitement
Pour adhérer à une démarche de soin, nous avons vu qu’il est
nécessaire d’avoir une bonne compréhension de la maladie.
Chez le nourrisson, la question de l’observance du régime
se pose moins que la crainte parentale d’oublier, de méfaire,
de se tromper qui peut dominer les interactions avec le
nourrisson. Le risque majeur est d’observer une transforma-
tion des interactions en actes plus opératoires au détriment
de la dimension affective et hédoniste du soin alimentaire
(se faire plaisir en cuisinant, confectionner des purées, allai-
ter) lors de pathologies à régime diététique. Par exemple,
certains nourrissons avec des troubles alimentaires sévères
dus à la maladie métabolique sont sous assistance nutri-
tionnelle (alimentation entérale par sonde nasogastrique ou
gastrotomie) ce qui peut majorer d’autant plus le déficit
relationnel lié à la pathologie [8].
Le régime diététique peut également devenir un enjeu
chez l’enfant plus âgé. Certains développent des aver-
sions ou des refus alimentaires qui révèlent une attitude
d’opposition. Le refus de manger peut entraîner une
carence calorique susceptible de décompenser la maladie.
La volonté de braver l’interdit et de manger à l’instar
de la fratrie ou des camarades de classe se manifeste
fréquemment à l’âge scolaire. Cela peut déconcerter les
parents. Les consignes transmises par l’équipe diététique
spécifient exactement la quantité à peser pour chaque
aliment que l’enfant doit manger par jour et soulignent
les aliments interdits. Les garants du régime au quoti-
dien sont les parents. Ils savent que le moindre écart peut
être lourd de conséquences ; la vigilance parentale est
accrue et la culpabilité est majeure si apparaît un écart
de régime. Le pédiatre spécialiste et l’équipe diététique
restent en soutien pour conseiller et reprendre les expli-
cations, encourager les parents ou négocier avec l’enfant.
Mais les parents restent en première ligne et constatent sou-
vent l’accentuation de la tension entre eux et l’enfant avec
la désagréable impression que la situation leur échappe. La
prise d’un complément alimentaire peut ainsi devenir un
moment quotidien redouté pour l’ensemble de la famille.
Introduire un tiers grands-parents, voisin, infirmière, psy-
chologue dans la pratique ou la discussion est parfois une
aide précieuse.
Chez l’adolescent s’ajoutent l’augmentation de la pres-
sion sociale et le désir de conformisme qui en découle
(fréquentation des fast-foods, fragmentation et horaires
aléatoires des repas, consommation d’alcool...). Dans
toutes ces situations, la prise en charge psychologique per-
met l’élaboration des enjeux relationnels et une meilleure
compréhension des rapports de force entre les générations.
Le conseil ne relève pas d’une loi ce qui se fait, ce qui
ne se fait pas mais d’une mise en sens d’un vécu sin-
gulier et de la prise en compte de l’intérêt subjectif des
transgressions ou des oublis. Pourquoi cet adolescent qui
sait très bien que tel aliment est dangereux pour lui, le
mange-t-il avec ses amis ? Pourquoi cet enfant qui a besoin
de prendre impérativement ses vitamines, les refuse-t-il sys-
tématiquement depuis un mois alors qu’il a très bien compris
pourquoi la nécessité de cette supplémentation ? Pourquoi
tel parent a servi de la charcuterie à son enfant lors d’un
repas alors que celui-ci a depuis un an un régime hypo-
protidique dans le cadre du suivi d’une phénylcétonurie ?
Toutes ces questions peuvent être abordées lors des consul-
tations avec le psychologue afin d’aborder l’ambivalence des
enjeux relationnels et améliorer la compliance au traite-
ment [9]. La maladie s’impose à l’adolescent et ses parents.
Ils sont soumis aux aléas du traitement et aux injonctions
médicales. Dans les cas les plus mortifères, le refus du trai-
tement est «une reprise en main »du destin. L’adolescent
Prise en charge des enfants avec une maladie héréditaire du métabolisme 263
qui n’observe plus son traitement est souvent un adolescent
qui tente de reprendre le contrôle de l’avenir quitte à y lais-
ser la vie. Parfois, la maîtrise de soi-même devient un enjeu
absolu. La parole du pédiatre spécialiste, soit-elle compé-
tente et experte, n’a plus la valeur rassurante du discours
des ainés. Elle n’éclaire pas l’avenir, elle se résume à des
mesures de contrainte pour éviter le pire. D’une certaine
manière «plutôt qu’attendre le pire autant l’anticiper et le
provoquer ». La plupart du temps, l’adolescent qui refuse
son traitement redevient acteur du soin en le refusant.
D’autres fois, les comorbidités sont possibles, des troubles
psychosomatiques peuvent alourdir le tableau et compli-
quer la prise en charge. Dans tous les cas, au moment de la
rencontre avec le psychologue, l’élaboration des éléments
d’emprise (maîtrise du traitement et des soignants, contrôle
de soi) permet la reprise du processus de subjectivation.
Mettre au jour les mobiles inconscients (agressivité contre
les parents, culpabilité, haine du sujet sain...) encourage
l’adolescent à chercher en lui les mobiles de son agressivité.
Le gain subjectif obtenu est souvent porteur d’un soulage-
ment et dégage le sujet des pensées les plus mortifères.
Malheureusement, dans certains cas, cette élaboration n’est
pas possible et le contrôle (par le refus ou l’autogestion
selon ses propres règles) du traitement reste la priorité
pour l’adolescent. Dans ce cas, le refus d’observance d’un
régime diététique peut être assimilé à un passage à l’acte
ou un équivalent suicidaire [10]. Il est donc nécessaire de
comprendre le geste comme une tentative de suicide. La
prise en charge doit donc s’ajuster à cette nouvelle moda-
lité. Un traitement psychotrope et/ou une hospitalisation
dans un service de pédopsychiatrie peut être envisagée pour
permettre l’amélioration de l’adolescent. L’hospitalisation
dans un hôpital pour enfants avec une prise une charge
pédopsychiatrique (par une équipe de liaison pédopsychia-
trique) peut être une alternative à l’hospitalisation en
milieu pédopsychiatrique. Ce cadre thérapeutique peut
devenir une option qui ouvre la prise en charge aux aspects
somatiques (l’équipe pédiatrique), aux aspects intriqués
(l’équipe pédopsychiatrique) et aux aspects purement réac-
tionnels (l’équipe pédiatrique et pédopsychiatrique qui
intervient conjointement) à la maladie. Finalement, dans la
majorité des cas, qu’il y est velléité suicidaire ou opposition
au traitement, l’intervention conjointe des équipes pédia-
trique et pédopsychiatrique permet de globaliser la prise en
charge et d’optimiser la qualité sur soin.
Le soin somatique à l’hôpital
Le soin somatique nécessite du temps, de la disponibi-
lité et une implication émotionnelle conséquente. Une
consultation, un prélèvement sanguin, le changement ou la
vérification du bon fonctionnement d’une prothèse (cathé-
ter central à demeure, bouton de gastrostomie) sont des
actes obligatoires et habituels pour nombre d’enfants. Cer-
tains d’entre eux peuvent refuser les soins somatiques sans
pour autant être toujours en capacité d’expliquer les rai-
sons du refus. Pour ceux qui arrivent à l’exprimer, la douleur
est facilement évoquée, comme si un seuil de tolérance
était dépassé au point de bloquer définitivement tout accès
au corps de l’enfant Les parents témoignent de la bataille
pour monter dans la voiture, de stratégies pour détour-
ner l’attention, de récompenses et même de mensonges
pour réussir à conduire l’enfant jusqu’à l’hôpital. Dans ce
cas, l’expérience du suivi psychologique avec ces enfants
permet de dénouer des situations compromises. Le travail
porte sur le propre ressenti des parents et les schémas
d’appréhension qui s’actualisent à chaque venue à l’hôpital.
Lorsque des bilans ou des soins sont programmés, c’est fré-
quemment l’histoire médicale qui resurgit. Les passages
les plus traumatiques sont souvent les moins évoqués les
premiers symptômes, la décompensation, l’annonce du
diagnostic et sont ceux qui perturbent le plus les inter-
actions avec l’enfant. Non pas que le trouble parental soit
à l’origine de la vulnérabilité émotionnelle de l’enfant mais
simplement le besoin d’étayage de l’enfant ne trouve pas
toujours le recours affectif parental au moment néces-
saire. En quelque sorte, deux vulnérabilités se rencontrent
à l’hôpital. L’évocation dans des conditions adéquates et
l’élaboration des ressentis subjectifs parentaux permettent
la liquidation des appréhensions ou tout au moins leur atté-
nuation lors des moments de soins. Le psychologue se devrait
de rencontrer l’enfant et les parents avant que ne soient
réalisés les soins somatiques.
L’organisation concrète du quotidien
La complexité du traitement (régime, polymédication)
et du suivi (consultations multiples, hospitalisations pro-
grammées, bilan sanguins intermédiaires), l’inquiétude
liée au pronostic et la méconnaissance de l’entourage
(familial, scolaire, médical...) n’ont rien d’une sinécure.
L’organisation familiale est un maître mot. Les familles
décrivent la nécessité de tout planifier et de ne rien laisser
au hasard. Il n’y a pas de spontanéité permise. Tout dépla-
cement, même une soirée au restaurant ou chez des amis
s’organise. Quel sera le menu ? Quels médicaments et pro-
duits spécifiques alimentaires dois je prendre ? Les vacances
familiales nécessitent de contacter par l’intermédiaire du
spécialiste traitant, le spécialiste de l’hôpital local, de pré-
voir les quantités de drogues et produits diététiques en
cas de régime normal et d’urgence, et l’assurance rapa-
triement. Un certificat médical pour autoriser la prise du
repas diététique adapté confectionné par la famille et les
médicaments est un impératif avant tout long vol.
Confier son enfant et l’aider à le socialiser lorsqu’il
est dépendant de mesures thérapeutiques aussi élémen-
taires qu’un repas et qu’une infection banale peut le faire
décompenser et entrainer une hospitalisation rendent les
parents initialement réticents à confier leur enfant à un
tiers. Confier les enfants à d’autres adultes, même par-
fois aux grands-parents reste difficile car l’apprentissage du
régime et le risque de décompensation effraye l’ensemble
de la famille. Pour la même raison, les refus des crèches ou
structures de gardes est fréquents. Ainsi, l’environnement
familial et l’attitude de celui-ci face à la maladie, au trai-
tement, à l’équipe soignante conditionnent l’observance et
le pronostic [11—13].
Malgré l’incertitude du pronostic ou un pronostic écourté
et attendu, l’enfant avec une MHM est un enfant en devenir
et sa scolarisation est obligatoire. Après la famille, l’école
est souvent le lieu où se continue cette socialisation. Le pro-
jet pour l’enfant doit être personnalisé. La rentrée en milieu
scolaire s’effectue sous couvert d’un plan d’accueil indivi-
dualisé qui définit les médicaments à donner à l’école, les
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