Les doubles jeux turcs et kurdes dans la guerre de Syrak

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Nicolas Ténèze
Professeur certifié Histoire et Géographie, Docteur en science politique1
Les doubles jeux turcs et kurdes
dans la guerre de Syrak
Cet article révèle un trouble jeu de la part d’Ankara : « tête de Turc » de l’Otan, alors que le
Salafisme turco-qatari est là pour contrer le wahhabisme saoudien. La Turquie présentée en électron libre de l’Otan se révèlerait en réalité un élément de langage pour dissimuler le jeu réel entre
Ankara et ses alliés. Il s’agit d’autre part d’évoquer la question kurde avec son peuple, des factions
et autant d’intérêts. Il apparaît en effet que la victimisation kurde est une des composantes du
just ad bellum et que ce peuple sans terre, est souvent le supplétif d’États opposés. La recherche
de l’Autonomie s’apparente le plus souvent à une authentique guerre civile dont l’enjeu est la
construction ou non d’un Kurdistan indépendant mais riche en pétrole.
Le théâtre de guerre syro-irakien, protracted conflict (conflit larvé) oublié
provisoirement par lassitude, fait une nouvelle irruption sur la scène politico-médiatique depuis juillet 20142. Jusque là, les attentats quotidiens en Irak, (une des
conséquences de l’invasion anglo-américaine de 2003), et la guerre civile syrienne
(conséquence des « printemps arabes »), devenaient hélas banals. Les deux crises,
liées selon certains, à dissocier selon d’autres, sont aujourd’hui deux composantes
de la « guerre de Syrak ».
Or, il se trouve que l’actuel trait d’union entre ces deux États se nomme Daesh,
une force rebelle terroriste dont les potentialités et les objectifs apparaissent a
priori comme inédits. Cette entité islamique, née de différents facteurs, étend aujourd’hui son influence sur l’est de la Syrie et la moitié Nord de l’Irak. Elle dispute
la domination de la région avec d’autres groupes terroristes comme Al-Nosra. En
conséquence, une coalition internationale intervient dès le 8 août en Irak et dès le
23 septembre en Syrie, avec pour cible tout à la fois Daesh et al-Nosra, bien qu’en
réalité, ces objectifs soient moins clairs qu’ils n’y paraissent. L’intervention militaire
internationale contre Daesh porte un nom, Détermination Absolue3 dans laquelle
s’inscrit l’opération française Chammal.
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Sans être directement identifiés comme membres de la coalition, Turcs et Kurdes
s’avèrent être pourtant parmi les acteurs principaux de la crise, qui plus est aux premières loges des théâtres d’opérations. Or, ces derniers se présentent comme tantôt
victimes du Daesh, tantôt plus ou moins complices. C’est pourquoi il s’avère nécessaire d’opérer ici une mise au point sur ces différentes contradictions et de déterminer la place qu’occupe la Turquie, membre de l’Otan et paradoxalement premier
soutien du Daesh, pour ensuite comprendre en quoi la problématique kurde s’avère
plus complexe qu’il n’y paraît, circonscrite entre les intérêts proprement turcs et
ceux de ces voisins au Moyen-Orient.
Le trouble jeu de la Turquie
Intermédiaire, dans tous les sens du terme, entre l’Union Européenne et le
Moyen-Orient, la Turquie est accusée d’être l’un des boutefeux de la crise syrakienne, en soutenant avec le Qatar notamment, le Daesh, et cela contre « les
Kurdes ». Mais peut-on réellement présenter les choses ainsi ?
Ankara : la « tête de Turc » de l’Otan ?
Depuis la création des Nations-Unies, la Turquie ambitionne d’obtenir un siège
permanent au CSNU, au motif qu’elle représente les populations turcophones ou
ethniquement assimilées. Pour cela, Ankara adopte depuis une vingtaine d’année
la « doctrine Davutoğlu », du nom de l’actuel Premier ministre et ancien ministre
des Affaires étrangères, nommé le « Kissinger turc ». Elle prône une politique de
« bon voisinage », surtout dans sa zone d’influence de la Bosnie à l’Asie Centrale
en passant par l’Albanie et l’Azerbaïdjan. Pour cela est privilégié le soft power. Des
organismes, comme la Fondation pour l’aide humanitaire et l’Institut du Bosphore,
promeuvent à ce titre le « modèle turc ». Cette politique étrangère épouse souvent
celle de l’Otan, dont la Turquie est membre, mais s’en éloignent parfois comme les
derniers appels du pied d’Erdogan à la Russie autour de projets gaziers et pétroliers.
Paradoxe, Ankara travaille aussi à réduire l’influence russe en Syrie.
Mais la Turquie concentre aussi des critiques au regard des nombreux « dysfonctionnements »4. Elles s’exacerbent depuis l’accès au poste de Premier ministre
puis de Président (depuis août 2014) de Recep Tayyip Erdogan5, en raison d’un
exercice du pouvoir autocratique (construction d’un palais de plusieurs centaines
de millions d’euros) et de plus en plus islamiste à direction de l’enseignement, la
politique et l’économie. Par la dimension religieuse, Erdogan souhaite acquérir une
posture plus rassembleuse. Aussi, des éléments de la société civile entretiennent
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contre lui une fronde sociale, dont la confrérie Gülen6 est le fer de lance. Erdogan
est aussi vilipendé en raison de la corruption de son administration. Le 17 octobre
2014, plusieurs membres de son parti AKP et quelques-uns de ces proches, accusés
de corruption, sont blanchis par une justice sous pression7. Enfin, le Président serait
trop proche, dixit le ministre israélien de la Défense Moshe Yaalon, des Frères musulmans, dont il fut membre jusqu’en 1998, mais dont l’influence dans ce groupe
resterait intact8.
Evidemment, l’élément principal cristallisant les reproches envers lui reste son
traitement de la question Kurde. Les relations exécrables avec les 18 millions de
Kurdes de son territoire, expliquent qu’Ankara a probablement sinon crée, du
moins encouragé Daesh9 à s’étendre en Syrak, afin de mener une guerre contre le
PKK, par procuration, en dehors de ces frontières. Il s’agit aussi, pour la Turquie,
de s’emparer d’une partie des bassins versants des fleuves Tigre et Euphrate dont
la Turquie revendique le contrôle pour sécuriser ses barrages hydrauliques, mais
également de gisements d’hydrocarbures.
Effectivement, l’armée turque est accusée de laisser massacrer les Kurdes, notamment lors du siège de Kobané. Une célèbre photo l’illustre, celle d’un char turc,
assistant passif au martyr de la forteresse urbaine. Un parallèle s’impose à l’esprit,
celui des alliances de raison entre 2 ennemis en vue de certains intérêts. Exemple,
exactement 70 ans en arrière, les Nazis exterminent les résistants de Varsovie avec
la complicité de Staline, lequel avait stoppé exprès l’avancée de son armée pour se
débarrasser de futurs opposants. Mais surtout, les jihadistes du Daesh s’entraînent
sans discrétion en Turquie dans les camps de Şanlıurfa, Osmaniye et Karaman, tandis que transitent, au su du chef d’État-major turc Ismet Yilmaz, les Brigades internationales du jihadisme. Le quotidien français Le Monde explique ainsi : « C’est
aussi par cette frontière qu’ont été acheminés une grande partie des armes, des
équipements et du ravitaillement destinés à l’EI et à d’autres groupes radicaux. La
Turquie a, pour le moins, servi de lieu de transit aux pays alliés des États-Unis dans
la région qui ont ‘déversé’, toujours selon Joe Biden, des centaines de millions de
dollars, et des dizaines de centaines de tonnes d’armes » sur « n’importe qui pour
autant qu’il combattrait Assad’»10.
La présence de 49 diplomates turcs dans la zone défendue par Daesh en septembre vient confirmer cette collusion entre la Turquie et le groupe terroriste. Pour
donner le change, Ankara monte alors un stratagème. Début septembre (début
des frappes massives de la coalition), la Turquie organise un faux enlèvement de
ses diplomates, attribué à Daesh, puis les fait libérer, pour prouver que Daesh est
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aussi son ennemi. Mais cela ne trompe personne. Le double jeu turc est notamment dénoncé par la journaliste libano-américaine Serena Shim (Press TV, agence
iranienne), tuée « accidentellement » le 26 octobre par un camion roulant à contresens. Selon Fox News, la Turquie l’aurait fait assassiner11.
Le Salafisme turco-qatari pour contrer le wahhabisme saoudien
Au sein du sunnisme (de sunna), il est peu commode de distinguer les différents
courants religieux. Dans la région, deux d’entre aux s’opposent plus que d’autres :
d’une part le wahhabisme, idéologie sublimée par l’Arabie Saoudite, et de l’autre le
salafisme, fer de lance du Qatar et de la Turquie.
La première doctrine s’inspire des écrits de Muhammad ibn Abd al-Wahab (1741-1818). Le prophète bénéficie de la protection des Séoud, et en échange leur
prodigue de s’enrichir par des razzias et des conquêtes autour de leur territoire, que
seul le jihad armée pourrait excuser. La pensée d’Al Wahab s’articule en 3 points:
« Un seul chef, un seul pouvoir, une seule mosquée, ce qui sera transformé ainsi:
le roi d’Arabie Saoudite impose une religion d’État et en contrôle le dogme, cela
contre les chiites et les sunnites hérétiques. Grâce à ce que l’histoire nomme « pacte
de Nadjd », les Séoud s’arrogent donc le monopole religieux dans les mondes musulmans et le droit d’y imposer leurs intérêts. Par la suite, le contrôle des lieux saints
La Mecque et Médine les y aident.
Aussi, au XIXe et XXe siècle, la famille princière reprend la doctrine pour assoir
son autorité sur les autres tribus bédouines, accusées de paganisme. Lorsque l’Arabie est unifiée, le wahhabisme devient une sorte de panislamisme séoudien prosélyte, en soit tous les musulmans doivent désormais respecter l’autorité théocratique
des Séoud.
Les rentrées financières dues aux conquêtes, aux tribus et au pèlerinage assoient
le pouvoir de la Dynastie, que le pétrole, au XXe siècle, viendra puissamment renforcer. Ryad devient la banque du panislamisme (mais pas du panarabisme) et
fédèrent les moudjahidine étrangers en Afghanistan et plus tard les combattants
étrangers d’Al Qaida dans le monde. États-Unis (EU) et Union Européenne (UE)
ne dénonceront jamais le Wahhabisme car il sert leur intérêt.
Or, par réaction et jalousie, des États à majorité musulmane, menés par le Qatar
et la Turquie, refusent cette domination séoudienne, sans pour autant succomber
au chiisme. Cette rupture s’amplifie lorsque l’Irak, première opposant à l’Arabie
Saoudite, succombe en 2003, laissant les Séoud en passe de devenir les maîtres au
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Moyen-Orient. Doha et Ankara en profitent pour parrainer, à l’échelle planétaire,
des groupes terroristes contre les intérêts séoudiens. Ce schisme est visible dans
l’éclatement de la nébuleuse Al-Qaida, avec d’un côté les pro-Séoud, de l’autre les
pro-Al-Thani (Qatar).
Pour contrer les wahhabites, le Qatar et la Turquie créent leur propre perception
du wahhabisme, en instrumentalisant l’héritage des salaf (« ancêtres prestigieux »
c’est-à-dire les compagnons de Mahomet et les grands califes) pour refonder le salafisme. Leurs disciples refusent les divertissements et imposent une apparence stricte :
barbe pour les hommes et niqab pour les femmes. Les salafistes sont aussi hostiles
aux autres écoles de droits coraniques hanéfites, malékites, chaféites et hanbalites,
et bien sûr les branches du chiisme. Vision régulière de l’islam sunnite, le salafisme
peut se comprendre comme une réaction à la corruption et les déviances des bourgeoisies des sociétés musulmanes, peu respectueuses du Coran, à l’instar des protestants face aux dérives ultramontaines. Les salafistes souhaitent un retour au Coran,
à la sunna (la tradition du Prophète), à la charia (loi islamique), et cela contre les
apports culturels occidentaux. Le Qatar finance des organisations terroristes dont
la Jamah Islamiyya, Daesh et Al-Qaida entre autre. Plusieurs intermédiaires officieraient entre le Daesh et al Nosra d’une part, et le Qatar de l’autre tels Tariq bin
al-Tahar al-Harzi, Abd Al-Rahman ben Umayr Al-Nuaymi (« fund-raiser » d’Al
Qaida, conseiller pour la Fondation caritative d’Al-Thani, Hajjaj Al-Ajmi (« fundraiser » et intermédiaire entre le Qatar et le Koweït), l’imam Mohammed Al-Arifi
(recruteur de jihadistes au Royaume-Uni pour le Qatar)12 et Ashraf Muhammad
Yusuf ‘Uthman ‘Abd al-Salam (al-Nosra).
Entre les deux obédiences oscillent les Frères Musulmans, un groupe politicoreligieux prônant le retour aux fondamentaux coraniques par l’intermédiaire des
élites et non du peuple. Sa doctrine, dont Erdogan, nous l’avons dit, se réclamait,
se distingue du wahhabisme par le refus du monopole religieux par un seul État
et la lutte contre les nationalismes arabes. Le mouvement est fondé en Égypte en
1928 par l’instituteur Hassan al Banna et Abul Al-Maududi. Sayyid Qutb, penseur et militant radical des Frères musulmans, exécuté par Nasser en 1966.
La Turquie en électron libre de l’Otan : un élément de langage
Officiellement donc, alors que la coalition apporte son aide aux Kurdes, la
Turquie, soutiendrait sans leur consentement Daesh, et laisserai passer sur son territoire les jihadistes occidentaux désireux de lui porter assistance, ainsi qu’à Al-Nosra.
C’est pourquoi le 22 novembre, le vice-président américain Joe Biden s’envole vers
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Ankara, afin de convaincre son homologue que la chute de Daesh est prioritaire
sur celle d’Assad et sur celle du PKK. En conséquence, la conseillère à la sécurité
nationale des États-Unis, Susan Rice, explique: « [Les autorités turques] ont dit que
leurs installations pourraient être utilisées par les forces américaines ou autres pour
mener des opérations en Irak et en Syrie. C’est un nouvel engagement, et c’est un
engagement que nous apprécions beaucoup »13. Car auparavant nous dit-on, les
avions américains décollaient de bases situées au EAU, au Koweït, et au Qatar, en
raisons du refus de la Turquie. Aujourd’hui encore pourtant, Ankara refuse toujours
d’ouvrir ses bases les plus importantes.
Toutefois, la thèse d’une Turquie mettant devant le fait accompli l’Occident,
relève de l’élément de langage qu’il convient de nuancer. Car comme croire que
Washington, qui lui vend des armes et forme son armée, n’oblige pas Ankara à
ouvrir des bases qui appartiennent de surcroît à l’OTAN ? En réalité, il s’agit d’un
élément de langage qui permet de disculper les États du Golfe, les États-Unis (EU)
et l’Union Européenne (UE) dans l’ancien soutien qu’ils apportaient au Daesh, au
dépens de la Turquie endossant volontairement le rôle de la « tête de Turc ». En
faisant mine de ne pas suivre les Américains, le pays s’évite aussi des représailles
terroristes. Heureusement, des experts remettent les pendules à l’heure, comme
D. Billon14.
Pour étayer cette hypothèse, esquissons les grandes dates des rapports entre la
Turquie et l’Occident. Dans les années 1920, Mustafa Kemal Atatürk, nationaliste,
occidentalise la société turque. Il repousse les Soviétiques dans le Caucase ce qui lui
vaut la sympathie des États-Unis et du Royaume-Uni. Puis il expulse les Français de
la Cilicie et du Sandjak d’Alexandrette (à la satisfaction de l’Italie et du RoyaumeUni). Le traité de Lausanne en 1923 entérine ces bouleversements territoriaux.
Pendant la Seconde Guerre Mondiale, la Turquie se tient prudemment à l’écart de
l’Axe, récupérant au passage les îles Dodécanèse italiennes en 1947. Washington
« l’invite » à rejoindre l’OTAN en 1952. En 1957, il est déjà envisagé que la Turquie
et ses alliés interviennent contre la Syrie. Dès 1963, Ankara est signataire de nombreux traités de pré-adhésion à la CEE. L’occident forme en retour ses hommes
politiques et ses militaires.
Pendant la Guerre Froide, la Turquie joue les intermédiaires entre un certain
monde musulman et l’occident, tout en empêchant le Pacte de Varsovie de s’emparer
des détroits. Washington sous-traite à Ankara de nombreuses actions à l’étranger,
dont l’aide à Israël. Les États-Unis font même stationner sur son sol des bombardiers équipés d’ogives nucléaires sur la base aérienne d’Incirlik, afin de dissuader
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l’URSS. Ils y demeurent toujours. Toutefois, la Turquie écope d’embargos formels
de la part de la CEE et des États-Unis, reconduits en 1995 à cause des questions
kurde et chypriote, mais ces mesures sont volontairement peu contraignantes au
point que l’historien turc Murat Hakki y voit à juste titre une mesure visant à pousser la Turquie à importer en compensation de la technologie israélienne.
Après 1991, au bonheur de Washington, la Turquie soutient les Bosniaques
musulmans puis les Albanais et les Kosovars contre la Serbie, dont la présence en
Europe est le dernier reliquat de l’ancienne puissance ottomane. Depuis 1992 au
moins, Tel-Aviv et Ankara signent de nombreux accords économiques et militaires.
Le 31 mars 1994, un accord, le premier d’une série de treize, est signé dans le
domaine de la défense. Il autorise, entre autres, les avions de Tsahal de s‘entraîner
librement sur les vastes espaces anatoliens15. Le 23 avril 1996, la Turquie et Israël
tissent une nouvelle alliance militaire par l’intermédiaire du général Cevik Bir et du
général David Ivry. Elle est suivie par un accord de libre-échange, le 23 décembre
et par deux autres accords en février et août sur les hautes-technologies. En 1998,
la Turquie encadre l’UÇK, groupe terroriste albanophone allié à la mafia. En 2011,
Hakan Fidan, responsable du MIT (renseignement turc) entraîne des jihadistes
au Kosovo pour être envoyés contre les Kurdes et les Syriens. En 2002, le gouvernement de l’AKP (Parti de la Justice et du Développement) de Tayyip Erdogan se
rapproche des islamistes qui remportent les élections. La Turquie fournit alors à la
FIAS (Force internationale d’assistance à la sécurité), autour de Kaboul, plus d’un
millier de soldats.
Pour autant, l’alliance américano-turque n’est pas monolithique, en ce sens
qu’elle peut s’alterner de crises. À partir de 2003, lorsque Damas accepte de cesser
son soutien aux Peshmergas et renonce temporairement à réclamer la rétrocession
de la province du Hatay (Sandjak d’Alexandrette), Ankara règle le dossier de l’eau
fluviale. La Syrie, en échange, livre des informations sur la politique israélienne au
Kurdistan : Le Pejak opérant à l’Ouest de l’Iran, reçoit des armes américaines par
Israël dont certaines sont revendues par des trafiquants acquis à la cause du PKK.
Après le raid sur Deir Ezzor (centre de recherche nucléaire syrien) en septembre
2007, par des avions israéliens, violant en chemin l’espace aérien turc, Israël accepte
le 28 octobre 2007, de livrer à Ankara 10 drones Heron pour afin de lutter contre
le PKK. Mais en juin 2010, l’armée turque accuse le PKK d’avoir rendu inopérants
ces drones par des hackers formés en Israël et en Grèce16. Israël rétorque que l’objectif est de laisser les Kurdes fonder un État en Irak pour éviter qu’il en créer un en
Turquie. La vérité, c’est qu’à partir du moment où l’Irak est désarmée, la Turquie
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est moins utile à Israël et Tel-Aviv va aider les Kurdes d’Irak contre la Turquie. C’est
pourquoi la Turquie signe des accords de défense avec le Qatar, l’Égypte, l’Irak
et la Syrie, s’engage à moderniser l’armée libanaise, à négocier sur l’eau syrienne
(Great Anatolian Project)17 et condamne la politique israélienne en Palestine comme
terroriste.
Si depuis 2011, ces rapports sont encore plus erratiques, c’est en raison de la
posture turque récente. Quand Ankara est trop entreprenante, Washington réagit.
Depuis 2005 environ, la Turquie accepte de devenir l’un des débouchés du gaz
et du pétrole russe et devient, l’un des carrefours d’oléoducs et de gazoducs au
monde. Envers l’Irak, la Turquie entend négocier, considérant l’Irak comme « un
allié possible à la rationalité satisfaisante » et la Syrie comme « un ennemi dangereusement irrationnel »18. La Turquie investit aussi massivement dans les champs
d’hydrocarbures d’Asie centrale, de mer Noire et de Méditerranée, en partenariat
avec la Russie. Autrement dit, Ankara devient de plus en plus importante sur le
marché de l’énergie dans la région. Le contrôle de champs pétroliers syrakiens
exacerbent ce leadership, qui ne peut que nuire aux intérêts des pétromonarchies.
Aussi, début 2012, réagissant au rapprochement avec la Russie et l’Iran, Obama et
Sarkozy reconnaissent le caractère génocidaire de l’extermination des Arméniens,
et bloquent le dossier d’adhésion turc à l’UE. En représailles, la Turquie modère
ses actions contre la Syrie baasiste. En février 2013, la France consent à lever son
veto à l’adhésion de la Turquie, et prône avec Ankara le bombardement massif de
la Syrie. Obama, lui, reste plus circonspect, sans que cela altère les envois d’armes
américaines en Turquie.
Les kurdes : un peuple, des factions et autant d’intérêts
Ce n’est qu’après les premiers bombardements américains que l’ONU encadre
l’adoption par le Conseil de Sécurité des Nations-Unies de la résolution 2170, au nom
de la défense des droits de l’homme, de la lutte contre le terrorisme19, et du devoir
d’ingérence humanitaire, afin de sauver des minorités religieuses et ethniques d’un
« nouveau totalitarisme »20 incarné par Daesh. Parmi les minorités en question se
trouvent les Kurdes. Le professeur Olivier Roy, de l’Institut Européen de Florence,
affirme cependant à ce propos « Derrière le discours de soutien aux hautes luttes
d’émancipation du peuple, il y a toujours un imaginaire romancé »21. Efforçonsnous donc de minorer l’imaginaire romancé à l’égard des Kurdes au profit d’une
analyse plus objective.
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La victimisation kurde comme composantes du justum bellum
35 millions de Kurdes sont répartis sur un vaste espace de 530 000 km² (à peu
près la France), à cheval sur plusieurs États : la Turquie (1/5ème de la population), la
Syrie, l’Irak (40 000 km²), l’Azerbaïdjan, le Turkménistan et l’Iran, sans compter
ceux de la diaspora (Allemagne, France, Suède, Royaume-Uni). Ce sont des Perses22
mais qui ne constituent pas un bloc fédéré par une politique commune, une langue
(le Kurde, le Farsi, l’Arabe)23 ou une religion (majoritairement soufis [islam sunnite
modéré] mais aussi chiite et chrétiens sans compter les Yésidis), ce qui explique la
difficulté de construire un État homogène. Certes, si la langue kurde est parlée par
une grande partie des Kurdes, tous ne la comprennent pas et d’autre part, d’une
région à l’autre, des variantes subsistent.
Parmi les peuplades Kurdes se trouvent les Yésidis, qui focalisent la communication des membres de la coalition sur l’urgence d’imposer le devoir d’ingérence
humanitaire pour les protéger. La députée irakienne Vian Dakhil, récipiendaire
du prix Politovskaïa le 10 octobre, a révélé en Occident le drame véridique de ce
peuple, éclaté entre la Turquie, l’Arménie, la Géorgie et la Syrie. Leur nombre reste
très mal évalué, « 100 000 à 600 000 Yésidis »24, dont 40 000 fuient l’Irak depuis
juillet 2014 et autant résident en Arménie. Leur religion monothéiste et panthéiste
résulte d’un syncrétisme mêlant judaïsme, christianisme, islam, zoroastrisme. Les
Yésidis disposent d’un sanctuaire à Lalech (extrême nord, à l’ouest de l’Irak) dévoué
au dieu Paon, l’ennemi d’Adam qui le chassa du Paradis selon les textes sacrés. Mais
cette particularité spirituelle leurs aliènent les autres populations de la région. Aussi,
l’EIIL les traque, afin de gagner la sympathie des populations alentour. Car depuis
toujours, les Yésidis subissent des pogroms.
Une autre idée reçue circule. Les Kurdes seraient très attachés à la démocratie et aux droits de l’homme. Pourtant, le Kurdistan irakien subit le népotisme
de la dynastie Barzani qui verrouille les principaux postes de l’administration.
La population déplore aussi la corruption exacerbée par le commerce des hydrocarbures, les trafics (drogue, armes, marchandises). De même, parmi les fameux
Peshmergas, certains appartiennent à des entités politiques et militaires désignées
comme groupes terroristes par les EU et l’UE : al-Qaida Kurdish Battalions (5 janvier 2012), Teyrebazen Azadiya Kurdistan (10 janvier 2008), ou PKK (31 octobre
2001)25, entre autres.
Enfin, si les pouvoirs de la coalition construisent ex nihilo des portraits de héros
fédérateurs, afin de dissimuler le « Fog of war », les héroïnes de guerre kurdes,
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vendues comme de passionaria à la presse afin d’imposer dans les esprits que les
Kurdes sont porteurs d’une des principales valeurs de la démocratie occidentales
(en principe), il s’avère que l’égalité hommes-femmes n’est pas si évidente. Plusieurs
exemples médiatiques ont été depuis remis en cause : Sharmin Omar, 24 ans, combattante enceinte de 4 mois26 défend les droits des femmes ; la chanteuse Helly Luv
(Helan Abdulla) appelle dans ses chansons la mobilisation internationale, la sniper
Rehana dite « l’ange de Kobané » (en fait une policière n’ayant jamais combattu)27
est présentée comme la Jeanne d’Arc du Kurdistan. Deux mois après ces reportages,
les langues se délient enfin sur la place réelle des femmes au Kurdistan28. Il existe
certes des policières et des combattantes, mais surtout chez les kurdes syriens qui
s’avèrent les plus laïques, afin de déstabiliser les jihadistes. Ces derniers croient en
effet qu’être tués par une femme leur interdit l’accès au paradis. Autrement, les
femmes sont souvent utilisées pour des tâches subalternes, et bien peu combattent
réellement au front.
Pourtant, dans la présentation subjective qui nous ait faites, les Kurdes formeraient un peuple uni, déterminé à fonder un État démocratique. Ce mantra
constitue la matrice principale de la propagande kurde : « Le Kurdistan est un
exemple pour le monde libre »29, prétend le ministre des Affaires étrangères du gouvernement régional du Kurdistan irakien. En visite officielle à Astana (Kazakhstan),
le président de la République française François Hollande, reprend cette idée reçue
dans son hommage aux Peshmergas : « ce sont les forces de l’opposition démocratique »30. Les anciens Premiers ministres socialistes, Michel Rocard et Lionel Jospin,
se font aussi l’écho de cette partialité : « Le Kurdistan est une jeune démocratie
en marche qui respecte et défend les valeurs universelles de liberté, des droits de
l’homme et de la protection des minorités »31. Même l’hebdomadaire Le Canard
Enchaîné 32, qui parle du PYD (kurdes de Syrie) comme l’allié du PKK, fait preuve
d’amalgame, PYD et PKK étant dans les faits souvent rivaux.
Pourtant, une connaissance élémentaire de la région prouve que le Kurdistan
interétatique n’est pas uni en ce sens qu’il est fractionné en factions : Conseil national kurde, PDK (Parti démocratique du Kurdistan d’Irak), PDKI (Parti démocratique des Kurdes d’Iran), PKK (Parti des Kurdes en Turquie), PYD (Parti de
l’union démocratique des Kurdes de Syrie) ou encore UPK (Union patriotique du
Kurdistan d’Irak). Ces factions souvent rivales, occupent des territoires différents
ci-dessous schématisés :
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Un peuple sans terre, supplétif d’États opposés
Comment déterminer la place des Kurdes dans la crise actuelle. Car contrairement aux apparences, le Kurdistan n’est pas autonome depuis 2003 ou depuis
199133, mais a toujours su ménager son autonomie territoriale fluctuante au gré de
l’extension et de la chute des empires, et à l’intérieur d’eux-mêmes.
Un peu d’Histoire s’impose. Pendant plus de quatre siècles, la majorité des
Kurdes vivent au sein de l’empire Ottoman qui les considère comme des « turcs
des montagnes » (car résidant surtout dans les reliefs tourmentées de l’Anatolie
et du Caucase). Ils savent se rendre utile jusqu’à parfois devenir de hauts cadres
de l’empire. Pendant la Grande Guerre, Paris et Londres, déterminées à disloquer
l’empire Ottoman, prennent contact avec des activistes Kurdes et leurs promettent,
lors des accords de sykes-Picot de 1916, une indépendance après la victoire. La
même promesse est faite aux Arabes, aux Juifs et aux Arméniens, selon la doctrine
du leadership par l’arrière. Mais si quelques factions kurdes luttent contre Istanboul,
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la plupart aident l’Empire Ottoman à raser des villages arméniens durant les génocides.
En 1919, les accords promis par les vainqueurs sont modifiés en ce sens que
l’indépendance des Kurdes n’est plus à l’ordre du jour. Les Kurdes se retrouvent
alors abandonnés face aux nationalismes turcs et arabes. Atatürk reconquiert l’Est
de la Turquie contre les Bolchevicks et les Français, et en profite pour opérer une
intégration forcée des Kurdes. Les Britanniques laissent se créer alors un Kurdistan
autonome comme glacis défensif au nord de leur mandat irakien. En novembre
1922, le cheikh Barzandji s’en couronne roi. Trop entreprenant, il est déchu par
les Britanniques. Mais la lutte s’intensifie en 1925, à la fois en Irak et en Turquie,
sous les ordres du Cheick Saïd de Pirane et Ihsan Noury Pacha. Du côté du mandat
français de Syrie et du Liban, les Kurdes sont privilégiés pour contrer les autres
communautés de la région, sans pour autant obtenir l’indépendance.
Entre 1918 et 1922, suivant l’exemple de leurs frères, les Kurdes de Perse, sous
le commandement de leur chef Simko, s’autonomisent. Ironie de l’Histoire, un
Kurde, Reza Pahlavi, deviendra Shah de Perse et à ce titre combattra cette autonomie. En 1941, le Shah s’avère si séduit par Hitler que les alliés favorisent l’ascension
de son rival kurde Qazi Mohamed. Ce dernier instaure ensuite une république du
Mahabad en 1946, avec l’appui de Staline, sous le couvert du PDK. Staline espère
alors parrainer un État Kurde qui lui ouvrirait l’accès aux mers chaudes. La république crée pour sa défense les peshmergas (ceux qui n’ont peur de la mort). Mais
le jeune État est détruit par l’Iran pro-américaine en 1947 et son chef s’enfuit à
Moscou.
Durant la Guerre Froide, les Kurdes servent les intérêts divergents des superpuissances et puissances régionales. Chacun des États soutient la communauté kurde de
son voisin. Trois ans après départ des Français de la Syrie, le général Kurde Hosni
Zaim prend le pouvoir à Damas. Mais en 1958, le parti Baas syrien entreprend
l’arabisation contre les Kurdes. De leur côté, en 1961, Mustapha Barzani puis son
fils Massoud, chefs du PDK (parti démocratique kurde en Irak), organisent des
révoltes contre l’Irak. Des armes et des conseillers militaires leurs sont envoyés dès
1958 depuis Israël et l’Iran.
En 1962, Damas exproprie un grand nombre des 2 millions de Kurdes dans
le pays, pour sécuriser ses frontières. En conséquence, en 1967, Tel-Aviv34 incite
les Kurdes à se révolter, à la fois contre la Syrie et l’Irak pendant la Guerre des Six
Jours, afin de faire diversion. En 1971, le durcissement du régime turc engendre
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un nouveau soulèvement kurde, exacerbé par une nouvelle livraison d’armes depuis
Israël. Il n’est pas exclu que les États-Unis et l’URSS se servent aussi du levier de
factions kurdes opposées pour forcer la main aux Turcs. Cependant, plusieurs députés de l’AKP et du HDP-DBP/BDP défendent aussi l’identité kurde, à condition
qu’elle s’insère dans la république turque. C’est pourquoi beaucoup de Kurdes de
Turquie sont même hostiles au PKK.
Au gré des évènements, les alliances se défont. Barzani (PDK), lâché une première fois en 1975 par l’Iran, les EU, l’UE et Israël, accepte la paix avec les Irakiens.
Mais l’UPK de Jalal Talabani, un autre parti Kurde d’Irak ne l’entend pas de cette
oreille, et relance la guerre en 1976, avec un nouvel appui occidental et iranien35.
C’est dans ce contexte troublé que le PKK est fondé en 1978. Le PKK possède son
QG dans les monts Qandil en Irak et reçoit à l’époque l’aide de la Syrie et de la
Libye. Le PKK prône « l’établissement d’une république kurde marxiste au SudEst de la Turquie, avec le but ultime de créer un Kurdistan indépendant qui unit
toutes les régions kurdes du Moyen-Orient », un programme qui ne fédère pas tous
les Kurdes de Turquie. Le PKK dirigé par Abdullah Ocalan et le PDK de Barzani
deviennent, suivant les circonstances, parfois alliés, mais souvent hostiles.
Pendant la guerre Iran-Irak entre 1980 et 1988, la Révolution Islamique poursuit la lutte contre le Parti démocratique du Kurdistan iranien (PDKI) et les révolutionnaires gauchistes kurdes du Komala, tout en soutenant… les kurdes d’Irak.
En représailles, Saddam Hussein soutient le PDKI. En Syrie, Hafez el-Assad utilise
des combattants kurdes contre ses opposants, notamment à Hama en 1982, ce qui
alimente leur image de traîtres. Damas leur offre même des camps, en Syrie et au
Liban dans la plaine de la Beeka, dans lesquels l’ERNK (front de libération kurde
PKK crée en 1985) et l’ARGK (‘armée de libération populaire kurde en 1986)
s’entraînent. Assad héberge également à ses frais Öcalan (PKK) entre juillet 1979 et
novembre 1988, à condition qu’il aide à la déstabilisation de l’Irak et de la Turquie.
Les conséquences sont terribles dans ces deux pays. Entre 1984 et 1995, les
répressions des Kurdes par les Turcs et les affrontements entre factions feront plus
de 20 000 morts dont un quart de civils, et 40 000 morts jusqu’en 2014. Paradoxe
qui n’en est pas un en Orient, le PKK (et son parti l’Union des communautés
du Kurdistan [KCK]), affronte parfois le PYD (kurdes syriens dont la branche armée est le YPG), dont l’hostilité à l’égard d’Assad est grandissante. En représailles,
Saddam Hussein s’inspire des méthodes staliniennes de massacres de communautés autonomes, et emploie des armes chimiques (occidentales) en 1988 contre les
Kurdes à Halabja.
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Autonomie et guerre civile
Jusqu’ici, les Kurdes n’ont pu tirer leur épingle du Kriegspiel. Mais plusieurs évènements inversent la tendance. En 1990, la Turquie reconnaît pour la première fois
l’existence d’une culture kurde. En 1991, la coalition incite les Kurdes d’Irak à se révolter contre Saddam Hussein pendant l’opération Desert Storm. Mais sitôt les combats terminés, ils sont abandonnés à la répression irakienne (2 millions de réfugiés).
Pourtant, à la suite de la résolution 688, le Kurdistan irakien devient un État autonome avec pour capitale Erbil où réside Cemil Bayik, membre fondateur du PKK.
Mais le jeune État se déchire entre le PDK, le PKK et l’UPK dans les 2 provinces
antagonistes créées. S’ensuit jusqu’en 1996, une guerre civile entre l’UPK, soutenu
par l’Iran et les États-Unis, et le PDK (soutenu par la Turquie), pour contrôler les
champs pétrolifères. De son côté, Saddam Hussein ne peut intervenir pour profiter
du chaos, à cause des deux « no-Fly Zones » imposées par les américano-britanniques, protégeant le PDK, mais Bagdad aide le PKK lorsqu’elle sabote les installations hydroélectriques en amont du Tigre et de l’Euphrate, barrages qui affectent
l’Irak. La Turquie profite de sa participation à l’opération « Provide Comfort », sur
la « no fly zone » au dessus du 36e parallèle pour frapper les bases-arrières du PKK,
alors que dans le même temps, elle reconnaît les partis kurdes irakiens de l’UPK et
du PDK. Entre temps, Assad promeut la création du Yekitî (unité) en 1992, tout en
prônant une autonomie au sein de la Syrie, mais pas davantage36.
1994 constitue l’acmé des « troubles » au Kurdistan turc. Les effectifs de l’armée
turque à « l’est » (c’est ainsi que l’on nomme le Kurdistan turc en Turquie) passe
de 160 000 à 300 000 alors que les Peshmergas ne revendiquent officiellement que
5 000 combattants (en fait bien plus). Ankara, soucieux du pouvoir de plus en plus
grandissant du PKK, intensifie sa répression. En 1998, lorsque la Turquie apprend
officiellement le soutien syrien au PKK, Ankara et Damas se préparent à la guerre.
Le satellite israélien Ofek-5 fournit alors des renseignements à Ankara sur la résistance kurde, ce qui permet de débusquer Ocalan. Contre le pardon international,
Damas expulse Ocalan lors de l’accord d’Adana le 20 octobre 1998, lequel s’enfuit
au Kenya, avant que Turcs et Israéliens ne l’y arrêtent le 15 février 1999. S’ensuit
une période plus pacifique durant laquelle les Kurdes se font discrets face aux États
occupants, et pour une fois coalisés contre eux.
Mais en mars 2003, débarrassé définitivement de Saddam Hussein, les Kurdes
recommencent à revendiquer. Bachar el-Assad marginalise le Yekiti avec le silence
tacite des autres Kurdes syriens, ravis de prendre leur revanche. Turcs et syriens
entreprennent même de combattre ensemble les Kurdes, devenus désormais trop
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puissants. En 2004, la révolte de Qamichli entre baasistes syriens et Kurdes, accusés
de constituer une cinquième colonne israélo-américaine, avec l’appui des Taliban du
Kurdistan/ Ansar al-Islam d’Abu Omar al-Kurdi, ensanglante de nouveau la région.
En mai 2005, le cheikh kurde Khaznawi est assassiné pour avoir défendu la nonviolence entre le PYD, le PKK, et le Conseil National Kurde Syrien anti-Assad. En
2007, le Parti pour une vie libre au Kurdistan (Pejak), organisation sœur du PKK en
Iran, est reçu en allié à Washington en août 2007, car combattant Téhéran37.
2011 est une autre année charnière, avec l’émergence des « Printemps Arabes »
et le désengagement relatif des États-Unis en Irak. Sur cet échiquier aux multiples
couleurs, monte en puissance Daesh. Face à la prolifération terroriste en Syrie et en
Irak, les factions kurdes veulent s’unir. En Syrie, ils en profitent pour s’émanciper,
et collaborent avec Damas pour contenir les jihadistes. En échange, El Assad leur
octroie davantage d’autonomie, et tolère la création d’un quasi État regroupant les
districts de Rojava, Kamechliyé et Hassetché. L’Otan renforce leurs forces en parachutant des armes, lesquelles sont curieusement refusées aux chrétiens d’Orient, les
premiers menacés par les jihadistes. L’aide aux Kurdes, nous explique t-on doctement, est destinée à « rééquilibrer les forces » face à des terroristes « qui ont des armes
extrêmement sophistiquées qu’ils ont prises aux troupes irakiennes et qui, à l’origine,
étaient américaines »38.
En juillet 2014, les Kurdes reculent face à Daesh. Cela s’explique par les intérêts divergents des factions kurdes, lesquelles vont s’exprimer lors de la bataille de
Kobané. En effet, en septembre 2014, Ankara charge Daesh de prendre Kobané,
trait d’union entre le PYD et le PKK. La ville héberge le QG du Comité supérieur des Kurdes, c’est-à-dire le gouvernement provisoire des Kurdes de Syrie, dont
les députés appartiennent au Conseil national kurde (KNS) et au Parti de l’union
démocratique (PYD) et de leur force (Unités de protection du peuple kurde, commandées par Saleh Muslim). L’enjeu est donc de taille.
Encerclés, les Kurdes ne parviennent pas à se mettre d’accord sur la stratégie.
Le PYD refuse l’intervention de la Turquie, quand le KNS la réclame. De plus,
le PYD n’accepte ni de passer sous la coupe du PKK, ni les travaux hydrauliques
de la Turquie en amont des fleuves Tigre et Euphrate. Des combattants du PYD
quittent alors la ville au moment où 9 000 hommes du Daesh l’assiègent39. Ce
départ explique alors l’acceptation de la Turquie de laisser le PDK allié secourir
Kobané. Devant le drame, des révoltes éclatent dans le Kurdistan turc, à l’appel de
l’Union des communautés du Kurdistan (KCK : branche urbaine du PKK). Elles se
soldent par la mort de 14 personnes… et le silence de l’Union Européenne (UE).
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Conclusion : Construire un Kurdistan indépendant et riche en pétrole
La communauté internationale, par son bras armé autoproclamé (États-Unis
(EU) et alliés), chercherait à réimposer dans la région une gouvernance globale par
l’intermédiaire d’un « State Building ». Or, désormais, depuis 2011, la constitution
d’un Kurdistan à cheval sur la Syrie et l’Irak fait désormais partie des possibilités,
dont l’échéance pourrait être proche, à condition que les factions s’entendent. Le
nouvel État serait facile à défendre en raison de son territoire montagneux. Les EU
ont déjà installé des bases militaires afin de profiter de la proximité relative du sud
de la Russie, du voisinage de l’Iran, de la Syrie et de l’Irak.
Rien ne s’oppose au financement d’un gouvernement kurde au Kurdistan irakien (il existe depuis 2005), d’une armée bien équipée, d’une capitale (Erbil, ou
résident nombre de consulats) et d’une administration efficace. En effet, l’Irak est
devenu officiellement depuis 2005 un État fédéral, toléré par l’ancien président
irakien Talabani, regroupant les trois provinces autonomes du Kurdistan, lesquelles
comprennent les deuxièmes réserves de pétrole et de gaz du pays.
Le Kurdistan syrakien, dans sa superficie maximum, représenterait la 10ème réserve
pétrolière au monde. Le Kurdistan Irakien exporte aujourd’hui 300 000 barils par
jour, 3 fois plus que les exportations pétrolières du Daesh…. Au point que le 12 novembre, le gouvernement irakien accepte de reprendre le versement des salaires
aux fonctionnaires kurdes du gouvernement régional du Kurdistan, que le ministre
du pétrole kurde, un membre de la famille Barzani, réclamait. En échange, Erbil
promet d’envoyer 150 000 barils par jour à Bagdad40. L’administration du nouvel
État du Kurdistan perçoit pour l’instant 17 % des revenus pétroliers et gaziers, le
reste étant partagé entre les majors étrangères, selon des accords biaisés, bradés en
échange du soutien américain (Exxon Mobil), israélien41, européen (Otal) et qatari.
Les Kurdes prélèvent aussi une taxe sur le pétrole et le gaz qui transitent, via des
oléoducs et des gazoducs, sur son territoire, et destinés au port turc de Ceyhan.
En effet, depuis 2004, Ankara entame la construction d’un pipeline vers Ashkelon
(Israël)42, passant par le Kurdistan turc, syrien et irakien. Le chantier est plusieurs
fois interrompu comme en 2007 et 2010 au gré des relations entre les deux pays.
En demandant aux Kurdes d’Irak et de Syrie de s’emparer des zones hydrocarburées en Syrie d’abord (en profitant de la lutte contre Daesh), la coalition prive
Damas de devises grâce auxquelles elle pouvait jusque-là survivre. Ce que l’on
ignore généralement, c’est que la majorité des derricks capturés en Syrak l’ont été
par les Kurdes. De plus, il affaiblit encore davantage le reste de l’Irak, finlandisé
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par l’Iran. enfin, la coalition, elle-même opposé à la Russie et ses alliés, accentue sa
domination sur les réserves hydrocarburées, ce qui lui permet ensuite d’en baisser le
prix et au final d’affecter l’économie russe. Or, la turquie, qui s’est rapproché de la
Russie, n’a pas intérêt à l’émergence d’une nouvelle puissance kurde à ses frontières,
ce qui explique son soutien au Daesh.
en conséquence, selon plusieurs analystes, la guerre de syrak va durer encore
pendant plusieurs années pour plusieurs raisons. D’une part, parce que les composantes religieuses et ethniques de la région n’ont pas terminé de solder le passif des
précédents affrontements. ensuite, parce qu’un Kurdistan trop puissant inquiète
les États limitrophes. D’autre part, les forces de la coalition sont trop faibles, précisément pour user la Russie et la syrie le plus longtemps possible, enfin parce qu’il
s’agit d’entretenir le marché des armes dans la région.
La défense des droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme, arguments
redondants des discours politiques et parfois géopolitiques, paraissent encore une
fois très éloignés de la realpolitik.
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Notes
1.Professeur certifié Histoire et Géographie, Docteur en science politique, Nicolas Tenèze est
spécialiste de la prolifération des ADM en Corée du Nord, au Pakistan, en Israël et en Syrie, et
du risque terroriste dans le monde globalisé.
2.Georges Malbrunot, Le nouvel Irak. Un pays sans État, Editions du Cygne, 2009 ; Les années
Saddam, Fayard, 2003 ; Saddam Hussein : portrait total, 2003
3.
La Presse.ca, 15 octobre 2014, « Détermination absolue» contre l’EI »
4.Notamment meurtre et emprisonnement de journalistes comme pendant le 14 décembre
(Ekrem Dumanli, directeur du Zaman ; Hidayet Karaca, directeur de la chaîne TV Samanyolu
pour « appartenance à une organisation terroriste », d’avocats et d’officiers supérieurs, massacres
par l’armée dans le Kurdistan, torture d’opposants, soutien au terrorisme international).
5.Créateur et chef de l’AKP, ancien maire d’Istanboul et ancien Premier ministre.
6.Fondé par le prédicateur Fetullah Gülen en 1970, elle est considérée selon ses opposants comme
une secte politico-religieuse prônant l’ouverture spirituelle et économique. Elle est présente en
Turquie, en Russie, en Azerbaïdjan et en Asie Centrale notamment. Chassé par Ankara en
1999, son leader dirige depuis les États-Unis plusieurs média hostiles aux cercles kémalistes
(militarisme bureaucratique emprunt de franc-maçonnerie locale) à l’aide de l’Asya Bank qui
lui appartient. Le président Abdullah Gül, le procureur anti-corruption d’Istanbul Zekerya Öz
et le vice-premier ministre Bülent Arinç sont les courroies de transmission entre l’obédience
et la société civile, pour critiquer la dérive autoritaire d’Erdogan. En représailles, Erdogan fait
pression pour fermer les relais de la confrérie, des établissements de soutien scolaire privés
(dershane). Le 19 décembre, Ankara ordonne un mandat d’arrêt contre lui, accusé d’être un
« dirigeant d’une organisation terroriste », journal Le Monde, 26 décembre 2013, « Scandale de
corruption en Turquie : quel rôle joue l’influente confrérie Gülen ? ».
7.Journal Le Monde, 17 octobre 2014, « Turquie : non-lieu général dans une affaire de corruption
visant le gouvernement ».
8.Journal The Telegraph, 19 octobre 2014, « Downing Street set to crack down on the Muslim
Brotherhood », Robert Mendick & Robert Verkaik.
9.“Remarks by U.S. Treasury Under Secretary David S. Cohen on Attacking ISIL’s Financial
Foundation”, David S. Cohen, Carnegie Endowment for Internationale Peace, 23 octobre 2014.
10.Journal Le Monde, 10 octobre 2014, « Pourquoi la Turquie rechigne à entrer en guerre contre
l’État islamique », Ariane Bozon.
11.
J. Forum, 10 novembre 2014, « Une journaliste tuée par les services secrets turcs ? ».
12.
US Departement of Tresury, 24 septembre 2014, « Treasury Designates Twelve Foreign Terrorist
Fighter Facilitators ».
13.Journal Le Monde, 13 octobre 2014, « Les États-Unis, la Turquie et le manque de coordination
dans la lutte contre l’EI ».
14.
IRIS, 21 octobre 2014, « La Turquie sous le feu des critiques internationales », Didier Billion.
15.Reveu Politique Étrangère, 2ème trimestre 2006, « Dix ans d’alliance turco-israélienne: succès
passés et défis à venir », Murat Metin Hakki, p. 421-430.
16.
Israelmagazine, 20 juin 2010, « Israël et la Turquie: Suspension de tous les accords ».
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17.Mark Zeitoun et Jeroen Warner, « Hydro-hegemony – a framework analysis of transboundary
water conflicts », Water Policy, n°8, 2006.
18.Elizabeth Picard, op. cit., p. 167.
19.
United Nations, 15 août 2014, « Security Council Adopts Resolution 2170 (2014) Condemning
Gross, Widespread Abuse of Human Rights by Extremist Groups in Iraq, Syria »
20.Parler de victime de domination totalitaire, comme le fait Jean-Pierre Filiu, professeur des IEP,
est un peu exagéré, car le totalitarisme procède d’une idéologie laïque, dans laquelle l’État est
central en tant que tel, avec un culte de la personnalité du leader.
21.Olivier Roy, L’Echec de l’Islam politique, 1992 ; L’Islam mondialisé, 2002 ; En quête de l’Orient
perdu, 2014,
22.Donc hostiles aux Turcs et aux Arabes. Pour autant, des Kurdes accèdent parfois au pouvoir.
Saladin, le sultan Egyptien, fut l’un d’eux. Paradoxe, il est considéré comme l’un des plus grands
héros du monde arabe.
23.La loi numéro 2510 de 1934 atteste que « toute personne dont la langue maternelle n’est pas
le turc peut faire l’objet d’une relocalisation pour des raisons militaires, politiques, culturelles
et sécuritaires si le ministre de l’intérieur le considère comme nécessaire pour le bien du pays ».
La Constitution de 1982, promulguée par le général Evren, par l’article 28 interdit toute
publication en une autre langue que le turc. http://www.institutkurde.org/langue/
24.Journal Le Monde, 23 octobre 2014, « L’ONU dénonce une “tentative de génocide” des yésidis
en Irak, par l’État Islamique ». Alexandra Geneste.
25.http://www.state.gov/j/ct/rls/other/des/143210.htm
26.Hebdomadaire L’Expansion, septembre 2014, p. 19
27.Journal Le Monde, 3 novembre 2014, « Qui est « l’Ange de Kobané », emblème de la résistance
contre l’EI ? ».
28.Site Slate, 9 octobre 2014, « Les femmes peshmergas, héroïnes trompeuses de la société kurde »,
Delphine Darmency et Constance Desloire.
29.Journal Le Monde, 29 octobre 2014, « Il ne faut pas vaincre l’État islamique que militairement,
il faut vaincre son idéologie ». Falah Mustafa,
30.Déclaration du Président de la République lors du discours d’ouverture de la conférence sur
l’Irak, France, Ministère des Affaires étrangères.
31.Journal Le Monde, 9 septembre 2014, « Aidons le Kurdistan à protégé yézidis et chrétiens, nos
valeurs en dépendent », Lionel Jospin, Michel Rocard, Bernard Kouchner et Hubert Védrine.
32.Hebdomadaire Le Canard Enchaîné, 30 décembre 2014, « Héros à Kobané, taulard à Paris ».
33.Journal Le Monde, « Prenons acte de l’inévitable partition de l’Irak et de la naissance d’un État
kurde », Pierre-Jean Luizard.
34.Ce lien ne s’est pas rompu. En 2014, Gill Rosenberg, une israélo-canadienne de 31 ans, rejoint
le PKK après avoir été formatrice à Tsahal et délinquante au Canada et aux EU. J. Forum,
12 novembre 2014, « Gill, ex-arnaqueuse israélienne devenue passionaria Kurde contre Daesh ».
35.Jean-François Pérouse, La Turquie en marche, La Martinière, 2004
36.Journal Le Monde, 10 février 2013, « Qui sont les Kurdes syriens ? »
37.Mensuel Le Monde Diplomatique, 30 octobre 2007, « Du chaos irakien à l’escalade contre
l’Iran », Alain Gresh.
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38.Journal Le Monde, 14 août 2014, « Irak : la France décide de livrer des « armes sophistiquées »
aux combattants kurdes », Eric Albert et Blandine Milcent.
39.
J. Forum, 13 octobre 2014, « Pourquoi l’État islamique a pris pour cible Kobané ? ».
40.Journal Le Figaro, 13 novembre 2014, « Irak: accord sur le pétrole kurde ».
41.
J. forum, 22 juin 2014, « Le pétrole kurde nouveau est arrivé à Ashkelon ! ».
42.
L’Essentiel des Relations Internationales, novembre 2008, « Turquie, une diplomatie à plusieurs
visage ».
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