Relèvement des revêtements p-cycliques des courbes rationnelles

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Relèvement des revêtements p-cycliques des
courbes rationnelles semi-stables
Sylvain Maugeais
Abstract
Étant donnés une courbe stable C au-dessus d’un corps algébriquement
clos k de caractéristique p et un groupe p-cyclique G agissant sur C tel que
pa (C/G) = 0, on montre qu’il existe une courbe stable C → Speck[[t]]
génériquement lisse, munie d’une action de G et dont la fibre spéciale
s’identifie à C (munie de l’action de G). En appliquant ce résultat sur
une compactification de l’espace des modules des courbes hyperelliptiques,
on démontre une inégalité entre les degrés du conducteur et du fibré de
Hodge d’une courbe hyperelliptique (Cornalba-Harris, Xiao).
1
Introduction
Soit C → S une famille de courbes stables de genre g ≥ 2 sur une base S. Il
lui correspond alors une section π : S → M g,S où M g,S est l’espace des modules
des courbes stables de genre g sur S. Notons λ le fibré de Hodge sur M g,S et
δ le diviseur du bord M g,S \ Mg,S . Lorsque S est une courbe projective lisse
sur C, Cornalba, Harris [CH88] et Xiao [Xia87] ont démontré indépendamment
l’inégalité
(8g + 4) deg π ∗ λ ≥ g deg π ∗ δ.
(1)
Notre premier but est d’étudier l’analogue de cette inégalité lorsque S est le
spectre d’un anneau de valuation discrète. Nous considérons les courbes stables
C → S à fibre générique lisse et hyperelliptique. On peut alors définir une section
rationnelle canonique Λ du fibré (π ∗ λ)⊗8g+4 sur S (Proposition 2.2.4). Lorsque
2 est inversible dans S, Kausz a montré (conséquence immédiate de [Kau99],
Theorem 3.1) que
g 2 δs ≥ Ords (Λ) ≥ gδs ,
où δs est la somme des épaisseurs des points doubles de la fibre spéciale (ou,
de manière équivalente, le nombre de points singuliers de la fibre spéciale de la
désingularisation minimale de C sur S, cf. [MB90], proposition 2.4). L’inégalité
de droite est l’analogue de (1) dans le cas local. La première motivation de ce
travail est le théorème suivant qui supprime l’hypothèse 2 inversible.
1
Théorème 1.0.1 Soient T un schéma intègre normal et C → T une courbe
stable dont la fibre générique est lisse et hyperelliptique. Alors les diviseurs de
Cartier D(C/T ) et δ(C/T ) sur T (généralisant Ords (Λ) et δs , cf. définition 2.2.5)
vérifient les inégalités
gδ(C/T ) ≤ D(C/T ) ≤ g 2 δ(C/T ).
(2)
Notons que dans le cas d’une courbe elliptique à réduction semi-stable, ces
inégalités sont des égalités. Ce théorème peut être considéré comme la positivité
des diviseurs g 2 δ − Λ et Λ − gδ sur un espace des modules des courbes stables
hyperelliptiques. Comme la positivité se vérifie aux points de codimension 1,
elle découlera des inégalités (2), déjà prouvées en égales caractéristiques 0 dans
[Kau99], si l’espace des modules en question est suffisamment “sympathique”.
Plus précisément, nous aurons besoin du résultat d’irréductibilité qui suit. Pour
tout schéma T , notons I¯g,T l’adhérence schématique de l’espace des modules Ig,T
des courbes lisses hyperelliptiques de genre g dans le schéma de Hilbert H g,T
des courbes stables tricanoniques de genre g sur T . Cette construction ne donne
pas à proprement parler un espace des modules, elle n’est pas même fonctorielle.
Nous avons cependant un résultat de compatibilité des fibres.
Théorème 1.0.2 Soit T un schéma. On a l’égalité des ensembles
I¯g,Spec Z ×Spec Z T = I¯g,T .
Ce théorème peut s’interpréter comme suit : soient k un corps algébriquement
clos et C → Speck une courbe stable hyperelliptique (définition 3.3.3). Alors
il existe une courbe stable C → Speck[[t]] dont la fibre générique est lisse et
hyperelliptique et dont la fibre spéciale s’identifie à C. Plus généralement, le
résultat principal de ce travail est le théorème suivant.
Théorème 5.2.2 Soit R un anneau de valuation discrète complet d’égales caractéristiques p > 0 et de corps résiduel algébriquement clos k. Soient G un groupe
p-cyclique et C → Speck une courbe stable munie d’une action de G. Supposons
que pa (C/G) = 0. Alors le couple (C, G) admet un relèvement lisse sur R.
La preuve de ce théorème constitue le coeur de ce travail. Esquissons brièvement la démarche. Nous montrons que, quitte à ajouter des droites projectives à
C (i.e. faire des “modifications”, cf. définition 3.3.8), elle peut être munie d’une
structure de revêtement p-admissible d’une courbe de genre 0 (définition 3.3.6).
Grosso modo, cela veut dire qu’il existe un morphisme fini surjectif C → X de
degré p avec pa (X) = 0, que chaque composante irréductible de C possède un
ouvert non vide muni d’une structure de torseur sous Z/pZ ou αp , et qu’aux
points d’intersection de C on se donne des invariants numériques vérifiant une
condition de compatibilité globale. On montre alors que C peut être munie d’un
graphe de Hurwitz adapté (définition 4.1.1). Ensuite, à l’aide des théorèmes
2
généraux de relèvement (section 3.2), on déforme la partie de C munie d’une
structure de torseur, et on déforme explicitement les points restant. On applique
alors une variante de la technique de “formal patching” (proposition 4.3.3) pour
relever globalement C. Les propriétés du graphe de Hurwitz adapté assure que
les conditions de recollement sont bien vérifiées.
La technique employée ici s’inspire des travaux d’Henrio [Hen] et de Saïdi
[Saï01b], [Saï01c], [Saï01a] sur le relèvement en inégales caractéristiques, avec
des problèmes spécifiques à la situation d’égales caractéristiques. Notons que
l’existence d’un relèvement en égales caractéristiques implique l’existence d’un
relèvement en inégales caractéristiques (corollaire 5.2.4).
La preuve du théorème 5.2.2 est répartie dans les sections 3 – 5. La section 3
commence (après quelques rappels sur les torseurs sous des schémas en groupes
d’ordre p) par définir ce qu’est un revêtement p-admissible en caractéristique
p. La section 4 est dévouée à la démonstration par des méthodes de “formal
patching” d’un théorème de relèvement de certains revêtements p-admissibles en
égales caractéristiques. La section 5 permet de voir que tout p-revêtement peut
être muni, modulo une suite finie de modifications, d’une structure de revêtement
p-admissible satisfaisant les conditions de la section 4, ce qui permet d’achever la
preuve du théorème 5.2.2.
Convention Dans tout ce travail, R sera un anneau de valuation discrète, de
valuation ν, de corps des fractions K et de corps résiduel k, t sera une uniformisante de R. Le point fermé de SpecR sera noté s et le point générique η.
Certains graphes seront orientés. Si a est une arête orientée d’un graphe orienté,
on notera ā l’arête opposée. Les courbes sur un schéma seront des courbes à
fibres géométriquement connexes.
2
Inégalité de Cornalba-Harris-Xiao
On cherche dans cette section à définir un schéma proche de ce que serait l’espace
des modules des courbes stables hyperelliptiques s’il existait, et à en donner
quelques propriétés. Plus précisément, nous allons considérer l’adhérence du lieu
hyperelliptique lisse dans l’espace des modules des courbes stables.
2.1
Construction du schéma I¯g
On fixe un entier g ≥ 2. Pour tout schéma S, considérons le foncteur
(Schémas/S) → (Ensembles)
½
¾
π : C → T, courbe stable de genre g
T
7→
/iso
5g−6
⊗3
avec isomorphisme P(π∗ ωC/T
)∼
= PT
On sait ([DM69]) que ce foncteur est représentable par un schéma de Hilbert
H̄g,S . De même, le foncteur des courbes lisses de genre g munies d’un plongement
3
tricanonique dans P5g−6 est représentable par un sous schéma ouvert de H̄g,S
qu’on notera Hg,S .
Définition 2.1.1 ([LK79]) Soit C → S une courbe lisse et projective de genre
g. Elle est dite hyperelliptique s’il existe une involution σ ∈ AutS (C) telle que
pour tout point géométrique s̄ de S, le quotient Cs̄ /hσi soit isomorphe à P1Spec κ(s̄) .
Proposition 2.1.2 Le foncteur
Hyp : (Schémas/S) → 
(Ensembles)

 π : C → T, courbe lisse

hyperelliptique
de
genre
g
T
7→
/iso

5g−6 
⊗3
avec isomorphisme P(π∗ ωC/T
)∼
= PT
est représentable par un sous-schéma fermé de Hg,S .
Preuve : Elle est analogue à celle de [LL78], Theorem 3.
¤
Pour tout schéma S, on note Ig,S le sous-schéma fermé de Hg,S qui représente
le foncteur Hyp. On notera I¯g,S l’adhérence schématique de Ig,S dans H̄g,S . On
pose Ig := Ig,Spec Z et I¯g := I¯g,Spec Z . Si S est réduit (resp. intègre) alors Ig,S aussi
(car Ig,S → S est lisse à fibres géométriques intègres par [LL78], Theorem 3),
et il en est donc de même pour I¯g,S . De plus, pour tout morphisme de schémas
T → S, on a une immersion fermée I¯g,T → I¯g,S ×S T . Si T → S est plat alors ce
morphisme est un isomorphisme.
Remarque 2.1.3 Soit T un S-schéma intègre. Soit C → T une courbe stable
dont la fibre générique est lisse et hyperelliptique. On a alors un morphisme
T → H̄g,S dont l’image est (ensemblistement) contenue dans I¯g,S . Par suite, ce
morphisme se factorise par l’inclusion I¯g,S → H̄g,S car T est réduit.
2.2
Démonstration des inégalités (2)
Soient S un schéma, i : I¯g,S → H̄g,S l’inclusion, δ le diviseur du bord (c’est-à-dire
le diviseur obtenu par changement de base S → SpecZ à partir de H̄g,Z \ Hg,Z ) et
λ le fibré de Hodge sur H̄g,S (c’est à dire que pour une courbe stable ¡π : C →¢T
à laquelle correspond un morphisme µ : T → H̄g,S on a µ∗ λ = det π∗ ωC/T ).
On sait ([DM69], Corollary 1.9) que δ est un diviseur de Cartier. Dans le cas
où le schéma de base est le spectre d’un anneau de valuation discrète, on a les
interprétations suivantes :
Proposition 2.2.1 Soient R un anneau de valuation discrète dont le corps résiduel est algébriquement clos et S = SpecR. Soit C → S une courbe stable dont
la fibre générique est lisse. Soit µ : S → H̄g,S une section correspondant à un
plongement tricanonique de C. Soient q1 , . . . , qr les points singuliers de la fibre
4
spéciale Cs d’épaisseurs
P respectives e(q1 ), . . . , e(qr ) dans C, et t une équation locale
de δ en µ(s). Alors ri=1 e(qi ) = νK (µ# (t)).
Preuve : Voir [Liu93], section 5, Lemme.
¤
Remarque 2.2.2 Cette interprétation est encore vérifiée par l’image réciproque
δ ′ := i∗ δ de δ sur I¯g,S .
Remarque 2.2.3 Notons λ′ l’image réciproque du fibré de Hodge λ sur I¯g,S .
Soit T → S un morphisme. On montre aisément que la formation du fibré λ′ est
compatible avec le diagramme commutatif canonique
H̄g,T
O
Â?
Ä
I¯g,T Â
∼
/ H̄
/ I¯
×S T
g,S
g,S
O
Â?
×S T.
Proposition 2.2.4 Soient T un schéma et f : C → T une courbe lisse hyperelliptique de genre g. Alors il existe une section canonique
ΛC/T ∈ (det H0 (C, ωC/T ))⊗8g+4
qui est une base de (det f∗ ωC/T )⊗8g+4 et dont la formation commute au changement de base.
Preuve : Traitons d’abord le cas où il existe un morphisme f : C → P1T fidèlement
plat et fini de degré 2. Alors il existe un recouvrement de T par des schémas affines
Ti = SpecAi tels que CTi contienne un ouvert isomorphe à
SpecAi [x, y]/(y 2 + Qi (x)y − Pi (x)).
On montre alors que
g
ΛCTi /Ti := ∆
µ
xg−1 dx
dx
∧ ... ∧
2y + Qi
2y + Qi
¶⊗8g+4
(où ∆ est le discriminant de l’équation comme défini par exemple dans [Liu94],
section 1.2) définit une base de (det H0 (CTi , ωCTi /Ti ))⊗8g+4 et ne dépend pas du
choix de l’équation (cf. par exemple [Kau99], Proposition 2.2). Soit V un ouvert
affine de Ti ∩ Tj , alors ΛCTi /Ti |V = ΛCTj /Tj |V car ces deux sections ne dépendent
pas des équations choisies. On peut donc recoller les ΛCTi /Ti et ainsi obtenir une
section ΛCT /T .
Dans le cas général, d’après [LK79], Theorem 5.5, on `
peut trouver une famille
de schémas Tj′ affines et un morphisme fidèlement plat j Tj′ → T tels que pour
tout j, il existe un morphisme fidèlement plat C ×T Tj′ → P1T ′ de degré 2. On
j
conclut alors de manière standard par descente fidèlement plate.
¤
5
Définition 2.2.5 Soient T un schéma intègre et f : C → T une courbe stable
dont la fibre générique est lisse et hyperelliptique. On note D(C/T ) le diviseur
¢⊗8g+4
¡
. La
de Cartier sur T associé à la section rationnelle ΛC/T de det f∗ ωC/T
courbe stable f : C → T induit (quitte à localiser) un morphisme µ : T → H̄g .
On note δ(C/T ) le diviseur de Cartier µ∗ δ sur T .
Soient S = SpecR le spectre d’un anneau de valuation discrète, π : C → S une
courbe stable dont la fibre générique est lisse et hyperelliptique, et µ : S → I¯g
une section de I¯g correspondante. Notons K le corps des fractions de R et ν
la valuation de K. Si Λ0 est une base de (µ∗ λ′ )⊗8g+4 , il existe a ∈ K ∗ tel que
Λ(C/S) = aΛ0 . On note alors Ords (Λ) = ν(a) et δs la somme des épaisseurs des
points doubles de la fibre spéciale de C.
e un anneau de valuation discrète dominant R et e =
Remarque 2.2.6 Soient R
eR/R
l’indice de ramification. Alors il est aisé de voir que les invariants Ords (Λ) et
e
e Ainsi, pour montrer
δs sont multipliés par e lorsqu’ils sont calculés sur Frac(R).
le théorème 1.0.1, on est autorisé à faire des changements de base sur SpecR.
Notons Λ′ la section canonique de λ′ ⊗8g+4 sur I¯g et D le diviseur de Cartier sur
I¯g associé à la section rationnelle Λ′ . Alors on a mults (µ∗ D) = Ords (Λ). En effet,
soit Λ0 une base locale de λ′ ⊗8g+4 au voisinage de µ(s), la fonction méromorphe
a = Λ′ /Λ0 est alors une équation locale du diviseur de Cartier D. On a, par
définition, mults (µ∗ D) = mult(µ∗ a) = Ords (Λ).
Corollaire 2.2.7 Les diviseurs de Cartier D − gδ ′ et g 2 δ ′ − D sont effectifs sur
le normalisé I¯g′ de I¯g .
Preuve : L’effectivité des deux diviseurs se montre de la même manière, on se
contente donc de montrer celle de D − gδ ′ . Comme SpecZ est excellent, le morphisme I¯g′ → I¯g est fini et I¯g est universellement caténaire. Comme I¯g′ est normal
et noethérien, il suffit de montrer que pour tout point ξ ′ de I¯g′ de hauteur 1, on a
multξ′ (D − gδ ′ ) ≥ 0. Notons ξ l’image de ξ ′ dans I¯g . D’après [Gro67] Proposition
IV.5.6.10, le point ξ est de hauteur 1 dans I¯g .
Notons A l’anneau local de I¯g′ en ξ ′ et C → SpecA la courbe correspondant au
morphisme SpecA → I¯g . Ainsi défini, A est un anneau de valuation discrète et
la fibre générique de C → SpecA est lisse car le point générique de A correspond
au point générique de I¯g . Par suite, on a multξ′ (D − gδ ′ ) = Ordξ′ (Λ) − gδξ′ .
Supposons que ξ ′ ne soit pas dans la fibre générique de I¯g′ → SpecZ. Notons τ
l’image de ξ ′ dans SpecZ. Comme Ig × Specκ(τ ) est dense dans I¯g × Specκ(τ )
d’après le théorème 1.0.2, les points de (I¯g × Specκ(τ )) \ (Ig × Specκ(τ )) sont
de codimension ≥ 1 dans I¯g × Specκ(τ ), donc de codimension ≥ 2 dans I¯g . Il
s’ensuit que ξ ∈ Ig,Spec κ(τ ) . Par suite, C est lisse et on sait que pour une telle
courbe, on a Ordξ′ (Λ) = δξ′ = 0, c’est à dire que D − gδ ′ = 0 en ξ ′ .
6
Supposons que ξ ′ soit dans la fibre générique de I¯g′ → SpecZ. D’après [Kau99]
Theorem 3.1 (calcul en caractéristique résiduelle différente de 2) on a Ords (Λ) −
gδs ≥ 0, donc multξ′ (D − gδ ′ ) ≥ 0, ce qui prouve que D − gδ ′ est effectif sur I¯g′ .
¤
Preuve du théorème 1.0.1: Quitte à localiser et à choisir une base tricanonique,
C correspond à un morphisme T → I¯g envoyant le point générique de T dans Ig .
Mais comme Ig est lisse sur SpecZ c’est un schéma normal, donc I¯g′ → I¯g est un
isomorphisme au-dessus de Ig . Par suite, le morphisme I¯g′ ×I¯g T → T est fini et
birationnel, donc possède une section car T est normal. Le morphisme T → I¯g se
relève donc en T → I¯g′ et les inégalités proviennent du corollaire 2.2.7 par image
réciproque.
¤
On peut dès lors supprimer l’hypothèse de bonne réduction en 2 dans [Kau99]
2
Theorem 6 et Theorem 7.1, et obtenir une borne sur ωC/S
dans le cas arithmétique.
Corollaire 2.2.8 Fixons une métrique C ∞ , notée k kM od , sur ωCg /H̄g (H̄g est
l’espace des modules sur Z des courbes stables munies d’un plongement tricanonique et Cg est la courbe stable universelle sur H̄g ) et un ε > 0. Soient K un corps
de nombres, OK l’anneau des entiers de K, S = SpecOK , π : C → S une courbe
stable de genre g ≥ 2 à fibre générique lisse hyperelliptique. Alors il existe une
constante c′ = c′ (k kM od , ε) ne dépendant que de k kM od et de ε telle que l’on ait
l’inégalité


µ 2
¶ X
X


g +ε
′
(ωC/S .ωC/S ) ≤ 3
−1 
δ
log
N
+
δσ (Cσ )
p
p

 + c [K : Q]
2g + 1
p∈S
σ:K→C
fermé
où Np désigne le cardinal du corps résiduel de S en p et où (ωC/S .ωC/S ) (autointersection du fibré dualisant au sens d’Arakelov) et δσ (Cσ ) (δ invariant de C) sont
définis à l’aide de la métrique k kM od sur ωC/S .
Cette borne est prouvée dans [Kau99] sous l’hypothèse que C a bonne réduction
au-dessus de 2. Elle est de la forme conjecturée par Moret-Bailly dans [MB90]
et on sait qu’une telle inégalité, si elle était montrée dans le cas général (et pas
seulement dans le cas hyperelliptique), aurait des conséquences arithmétiques
importantes (telles que la conjecture abc).
3
3.1
Revêtement p-cycliques de courbes semi-stables
Rappels sur les torseurs de degré p
Soient p un nombre premier, X un schéma localement noethérien et G un schéma
en groupes fini, plat et d’ordre p sur X (donc commutatif d’après [TO70], Theorem 1). Les G-torseurs au-dessus de X sont classifiés à isomorphisme près par
7
H1 (X, G) (cf. [Mil80], Corollary III.4.7 et Corollary III.2.10), la cohomologie
étant prise au sens fppf (fidèlement plate et de présentation finie).
Dans la suite le groupe constant d’ordre p sur X sera noté Z/pZ ou (Z/pZ)X
lorsqu’on veut insister sur le fait qu’il s’agit d’un schéma en groupes sur X.
Théorème 3.1.1 Soit X = SpecA un schéma affine sur un corps de caractéristique p > 0.
(1) On a H1 (X, αp ) ∼
= A/Ap et les αp -torseurs au-dessus de X sont de la forme
SpecA[y]/(y p − u), où u ∈ A est unique à addition par une puissance p-ième
dans A près.
(2) Les Z/pZ-torseurs au-dessus de X sont de la forme SpecA[y]/(y p − y − u),
où u ∈ A est unique à addition près par un élément de la forme ap − a avec
a ∈ A.
Preuve : Voir [Mil80], §III.4.
¤
Définition 3.1.2 Soient A un anneau, p un nombre premier et G un schéma en
groupes sur SpecA isomorphe à αp (resp. (Z/pZ)A ). Une coordonnée de G est
un élément w ∈ OG (G) tel que le morphisme
A[T ] → OG (G)
T
7→
w
∼
induise un isomorphisme de schémas en groupes G → SpecA[T ]/(T p ) = αp (resp.
∼
G → SpecA[T ]/(T p − T ) = (Z/pZ)A ).
Dans la suite, nous aurons besoin d’une forme “canonique” pour les torseurs
au-dessus du disque formel, ceci nous est fourni par la proposition suivante.
Proposition 3.1.3 Soit B un anneau de valuation discrète complet de caractéristique p > 0, de corps résiduel k algébriquement clos, et de corps de fractions
K = Frac(B). Soient G un schéma en groupes sur K isomorphe à αp ou Z/pZ
et w une coordonnée de G. Soit L une extension (de corps) de degré p de K telle
que SpecL soit un torseur sur SpecK sous G. Alors il existe une uniformisante
x de B, un élément y ∈ L et un unique entier m ∈ Z premier à p (et indépendant
de y) tels que L = K[y] et
(1) m > 0 et y p − y = x−m si G est étale,
(2) y p = x−m si G ∼
= αp ,
l’action de G étant donnée dans tous les cas par le morphisme
L → L ⊗K OG (G)
y 7→ y ⊗ 1 + 1 ⊗ w.
Preuve : C’est une conséquence du théorème 3.1.1.
8
¤
Définition 3.1.4 Avec les notations de la proposition précédente, l’entier m est
appelé le conducteur de L sur K (en tant que corps de valuation discrète).
Remarque 3.1.5 Reprenons les notations de la proposition 3.1.3 et choisissons
un isomorphisme φ de G avec αp ou Z/pZ. Dans le cas étale (i.e. G ∼
= Z/pZ),
le conducteur d’une extension L/K correspond au conducteur habituel et ne
dépend pas de l’isomorphisme φ. Dans le cas radiciel, le conducteur dépend des
coordonnées. En effet si on compose φ avec un automorphisme φλ : αp → αp
défini par
K[w]/(wp ) → K[w]/(wp )
w
→
λw
avec λ ∈ K ∗ , alors le conducteur est remplacé par m + pνB (λ) où νB est la
valuation normalisée de B. Nous considérerons donc désormais que les schémas
en groupes isomorphes à αp ou Z/pZ sont munis d’une coordonnée.
3.2
Déformation de p-groupes cycliques en égales caractéristiques p
On fixe un anneau de valuation discrète R d’égales caractéristiques p > 0. Le
cas de µp n’est pas traité ici car on ne peut pas déformer µp en Z/pZ en égales
caractéristiques p (ceci peut se voir en passant au dual de Cartier).
Soient n ≥ 0 un entier et t une uniformisante de R. Considérons le morphisme
φn : Ga → Ga de schémas en groupes sur SpecR déduit de l’homomorphisme
φ#
n : R[x] → R[x],
x 7→ xp − t(p−1)n x.
Par convention, t0 = 1. Notons Mn le noyau de φn , on a
¡
¢
Mn = Spec R[w]/(wp − t(p−1)n w) .
(3)
On a une suite exacte pour la topologie fppf
0
/ Mn
/G
a
φn
/G
a
/0.
(4)
En effet, (3) implique que φn est libre, donc fidèlement plat.
Si n = 0, on peut identifier Mn à Z/pZ. Si n > 0, la fibre générique de Mn est
naturellement isomorphe à Z/pZ, engendrée par le point x = tn de Ga,K ; et sa
fibre spéciale est naturellement isomorphe à αp .
On fixera t−n w pour coordonnée de MnK et w comme coordonnée de Mns .
Remarque 3.2.1 Si n > 0, la réduction de la suite (4) modulo t donne la suite
sur k
p
/ αp
/0
/ G x7→x / G
0
a
a
dont l’exactitude est connue. Dans le cas n = 0, on retrouve la suite exacte
d’Artin-Schreier.
9
Pour une R-algèbre A quelconque et pour tout entier n ≥ 0, on a un morphisme
naturel
ψn,A : (Z/pZ)A → MnA
provenant de l’égalité (3) via le morphisme
R[w]/(wp − t(p−1)n w) → R[v]/(v p − v)
w
7→
tn v.
Ainsi, tout MnA -torseur est naturellement muni d’une action canonique (via ψn,A )
de Z/pZ.
Proposition 3.2.2 Soient X un schéma de type fini sur SpecR et n ≥ 0. On
suppose que H1Zar (Xs , OXs ) = 0, où Xs désigne la fibre spéciale de X, et que le
morphisme H0Zar (X, OX ) → H0Zar (Xs , OXs ) est surjectif. Alors tout Mns -torseur
sur Xs se relève en un Mn -torseur sur X.
Preuve : Il suffit de montrer que le morphisme de spécialisation
H1 (X, Mn ) → H1 (Xs , Mns )
est surjectif. Pour cela, considérons la suite exacte (4). On a un diagramme
commutatif à lignes exactes donné par la suite exacte longue de cohomologie
(fppf) :
/ H1 (X, Mn )
/ H1 (X, G )
H0 (X, Ga )
a
²
²
/ H1 (X , Mn )
s
s
H0 (Xs , Ga )
²
/ H1 (X , G ).
s
a
Pour tout i ≥ 0 et tout schéma Y on a ([Mil80], Proposition III.3.7)
Hif ppf (Y, Ga ) = Hif ppf (Y, OY ) = HiZar (Y, OY ).
Les hypothèses sur X montrent qu’on a un diagramme commutatif
H0 (X, Ga )
/ H1 (X, Mn )
²²
²
/ / H1 (X , Mn ).
s
s
H0 (Xs , Ga )
Ce qui prouve que le morphisme H1 (X, Mn ) → H1 (Xs , Mns ) est surjectif.
¤
Corollaire 3.2.3 Si X est affine, alors tout Mns -torseur sur Xs se relève en un
Mn -torseur sur X.
10
Remarque 3.2.4 Si X = SpecA est affine, la suite exacte (4) montre que
H1 (X, Mn ) ∼
= A/φn (A)
avec φn : a 7→ ap − t(p−1)n a. Par suite, les Mn -torseurs au-dessus de X sont
affines de la forme
Spec(A[u]/(up − t(p−1)n u − a))
où a est un élément de A unique à l’addition d’un élément de φn (A) près, et
l’action de Mn sur X est donnée par
Mn × X
→ X
w ⊗ 1 + 1 ⊗ u ←[ u.
En particulier, étant donné le théorème 3.1.1, on voit que pour relever des Mn torseurs au-dessus d’un schéma affine, il suffit de relever une équation du torseur.
3.3
Revêtements admissibles et p-revêtements
Notre but est ici de définir les notions de p-revêtements et de revêtements padmissibles puis de relier ces deux notions. De manière simpliste, un p-revêtement
est le quotient d’une courbe semi-stable par un groupe d’ordre p et un revêtement
p-admissible entre courbes semi-stables est un revêtement qui peut se déformer
en un revêtement entre courbes lisses.
Pour toute variété algébrique V sur k, on note Vlisse l’ouvert de lissité de V .
Définition 3.3.1 Soit S un schéma. Un morphisme π : C → S sera appelé
courbe semi-stable s’il est propre, plat et si ses fibres géométriques sont réduites,
connexes, de dimension 1 et à singularités doubles ordinaires.
On s’intéressera surtout aux courbes semi-stables dont les composantes irréductibles sont lisses.
Définition 3.3.2 Soient p un nombre premier, k un corps algébriquement clos
et f : Y → X un morphisme entre courbes semi-stables au-dessus de k. Si k
est de caractéristique p, le morphisme f sera appelé p-revêtement s’il existe un
groupe (abstrait) p-cyclique G agissant fidèlement sur Y tel que le morphisme f
s’identifie au morphisme quotient Y → Y /G.
Si k n’est pas de caractéristique p, f sera appelé p-revêtement si l’action de G
sur Y est de plus kummerienne (c’est à dire que pour tout point singulier p ∈ Y
fixe sous G, si on note χ1 et χ2 les caractères G → k ∗ déduits de l’action de G
sur chaque branche formelle de Y en p, on a χ1 χ2 = 1).
On remarquera que pour toute courbe semi-stable Y sur k et tout groupe fini
G agissant sur Y , le quotient Y /G est semi-stable.
11
Définition 3.3.3 Une courbe semi-stable Y → Speck sera appelée courbe hyperelliptique s’il existe un 2-revêtement Y → X avec pa (X) = 0. En particulier
dans le cas lisse de genre ≥ 2 on retrouve bien la notion habituelle de courbe
hyperelliptique.
La notion de p-revêtement n’est pas adaptée aux courbes sur une base quelconque car la formation du quotient ne commute pas au changement de base.
Cela est cependant vrai à homéomorphisme près. Plus précisément, on a la
proposition suivante, qui permet de voir que les points géométriques de I¯g correspondent à des courbes hyperelliptiques.
Proposition 3.3.4 Soient R un anneau de valuation discrète, s le point fermé de
S = SpecR, C → S une courbe semi-stable et G un groupe (abstrait) fini d’ordre p
agissant fidèlement sur C. Alors C/G est semi-stable et le morphisme canonique
φ : Cs /G → (C/G)s est un homéomorphisme. En particulier si pa (Cη /G) = 0
alors pa (Cs /G) = 0.
Preuve : La courbe C/G est semi-stable d’après [Ray90], Proposition 5. Le fait
que le morphisme φ : Cs /G → (C/G)s soit un homéomorphisme est une propriété
générale des morphismes quotient dont
la démonstration
est aisée dans notre cas
¢p
¡
particulier, car on a les inclusions φ∗ O(Cs /G) ⊆ O(C/G)s ⊆ φ∗ O(Cs /G) .
¤
Soient k un corps algébriquement clos et C → Speck une courbe semi-stable.
On associe à C un graphe ΓC appelé graphe d’intersection de C de la manière
suivante :
- les arêtes de ΓC sont les points doubles de C ;
- les sommets de ΓC sont les composantes irréductibles de C ;
- deux sommets distincts de ΓC sont reliés par les arêtes correspondant aux points
d’intersection des deux composantes ;
- un sommet de ΓC est relié à lui-même par les points singuliers de la composante.
Pour des raisons techniques, nous aurons besoin d’une orientation sur ces graphes,
nous en fixons donc une arbitrairement pour chaque courbe semi-stable. Pour
tout sommet v de ΓC , on note Fv la composante irréductible de C correspondante
et Fv0 = Fv ∩ Clisse .
Définition 3.3.5 Soit k un corps algébriquement clos de caractéristique p >
0. Soient f : Y → X un morphisme entre courbes semi-stables, U un ouvert
irréductible de Xlisse , G un schéma en groupes isomorphe à αp ou Z/pZ, agissant
sur f −1 (U ) et faisant de f |f −1 (U ) un G-torseur au-dessus de U . Supposons fixée
une coordonnée de G. Soit v un sommet de ΓY tel que U ⊂ f (Fv0 ) et y un point
lisse de Fv (mais qui peut être singulier dans Y ) tel que f (Fv ) soit lisse en f (y).
Nous allons lui associer un conducteur mv (y) ∈ Z. Notons x = f (y). On pose
bf (Fv ),x → O
bFv ,y (cf. Proposition 3.1.3).
mv (y) égal au conducteur de l’extension O
Le conducteur dépend de G (ainsi que du choix d’une coordonnée de G) mais pas
du choix de U .
12
Définition 3.3.6 Soit k un corps algébriquement clos de caractéristique p > 0.
Un revêtement p-admissible de courbes semi-stables consiste en la donnée :
- d’un morphisme fini surjectif f : Y → X de courbes semi-stables sur k ;
- pour tout sommet v de ΓY , d’un couple (Gv , Uv ), où Gv est un schéma en
groupes sur k isomorphe à (Z/pZ)k ou αp (on supposera toujours qu’on a
fixé une coordonnée de Gv ), Uv est un ouvert de f (Fv0 ), et d’une structure de
Gv -torseur sur f |f −1 (Uv ) : f −1 (Uv ) → Uv . On supposera que Uv est maximal
dans le sens où il n’existe pas d’ouvert Uv′ ) Uv avec Uv′ ⊂ f (Fv0 ) tel que
f |f −1 (Uv′ ) : f −1 (Uv′ ) → Uv′ soit muni d’une structure de Gv -torseur prolongeant
celle de f |f −1 (Uv ) : f −1 (Uv ) → Uv . On dira que v est étale (resp. radiciel ) si Gv
est étale (resp. radiciel).
Ces données doivent vérifier les propriétés suivantes :
(a) les composantes irréductibles de X et de Y sont lisses ;
(b) f −1 (Xlisse ) = Ylisse ;
(c) soit a une arête (orientée) de ΓY correspondant à un point singulier p ∈ Y
et v ∈ SomΓY le sommet origine de a. Posons m(a) := mv (p). Supposons
que f −1 (f (p)) = {p}. Alors les conducteurs doivent vérifier les conditions de
compatibilité m(a) = −m(ā), où ā désigne l’arête opposée de a ;
(d) il existe au moins un sommet étale.
On notera un revêtement p-admissible par (f : Y → X, {(Gv , Uv )}v ).
Remarque 3.3.7 Dans tous les cas, on voit qu’un revêtement p-admissible est
naturellement muni d’une action fidèle de Z/pZ, triviale sur les composantes radicielles, et prescrite par l’action du schéma en groupes étale Gv sur les composantes
étales Fv (via la coordonée fixée de Gv qui induit un isomorphisme Gv ∼
= Z/pZ).
En particulier, un revêtement p-admissible Y → X induit naturellement un prevêtement Y → Y /(Z/pZ). Nous verrons dans la proposition 5.1.1 que, inversement, on peut attacher (de manière non canonique) un revêtement p-admissible
à tout p-revêtement.
On peut remarquer que les conditions de compatibilité impliquent qu’un point
fixe sous Z/pZ ne peut pas être intersection de deux composantes étales (car les
deux conducteurs sont strictement positifs).
Définition 3.3.8 Soient k un corps algébriquement clos, Y → Speck une courbe
semi-stable et p ∈ Y un point singulier. Notons Ye la normalisation de Y en p, p1
et p2 les points de Ye au-dessus de p et q1 , q2 deux points distincts de P1k . Notons
de plus Y1 la courbe semi-stable réunion de Ye et P1k obtenue en identifiant p1 à
q1 et p2 à q2 . Alors le morphisme canonique Y1 → Y sera appelé modification de
Y en p.
Si Y est munie de l’action d’un groupe G, on dira que Y1 → Y est une modification G-équivariante si l’action de G s’étend à Y1 .
13
Cette notion est à rapprocher de celle d’éclatement dans une surface arithmétique. En particulier, la modification Y1 de Y en p est unique à isomorphisme (non
unique) près et on a pa (Y1 ) = pa (Y ). De plus, si Y est munie d’une action d’un
groupe p-cyclique G fixant p alors la modification de Y en p est G-équivariante.
4
Relèvement des revêtements p-admissibles
On démontre dans cette section un théorème de relèvement des revêtements padmissibles en égales caractéristiques p (Théorème 4.4.1). Pour cela, on commence par introduire la notion de graphe de Hurwitz qui sert à coder certaines
données utiles pour le relèvement. Nous nous intéressons alors au relèvement
local de points spéciaux (ceux pour lesquels les théorèmes généraux sur le relèvement de torseurs ne peuvent pas être appliqués). Finalement, nous énonçons un
résultat de «formal patching» puis nous passons à l’énoncé et à la démonstration
du théorème de relèvement.
4.1
Graphe de Hurwitz
Cette notion est tirée de [Hen00], définition 2.1. Nous étendons toutefois la notion
au cas d’un corps de caractéristique p et nous l’allégeons un peu (car certaines
conditions ne seront pas utiles ici). Soient K un corps valué de caractéristique
résiduelle p > 0 et ν sa valuation. On prendra pour convention ν(p) = ∞ si K
est un corps de caractéristique p.
Soit Γ un graphe orienté, nous noterons SomΓ (resp. ArΓ) l’ensemble des
sommets (resp. des arêtes orientées) de Γ. Si G est un groupe abstrait fini
agissant sur Γ, on désignera par SomG Γ (resp. Ar G Γ) l’ensemble des sommets
(resp. des arêtes orientées) de Γ fixes sous l’action de G. Pour tout a ∈ ArΓ, on
notera o(a) le sommet origine de Γ et t(a) le sommet terminal.
Soit G un groupe p-cyclique agissant sans inversion sur Γ (c’est-à-dire que pour
toute arête a et pour tout τ ∈ G on a τ a 6= ā). Considérons la donnée H =
(ε, d, m), où :
- ε : ArΓ → N est une application dans l’ensemble des entiers ≥ 0. Si a est une
arête, ε(a) sera appelé l’épaisseur de a.
- d : SomΓ → (p − 1)N ∩ [0, ν(p)] est une application; pour tout sommet v,
l’entier d(v) sera appelé sa différente.
- m : Ar G Γ → Z est une application; pour une arête orientée a fixe par G,
l’entier m(a) sera appelé conducteur de a.
Un sommet v est dit additif si ν(p) > d(v) > 0, étale si d(v) = 0 et, si K est de
caractéristique différente de p, on dira que v est multiplicatif si d(v) = ν(p). La
donnée H est appelée K-donnée de Hurwitz sur Γ, relativement à l’action de G,
si de plus les conditions suivantes sont satisfaites :
- Pour toute arête a de Γ on a ε(a) = ε(ā).
14
- L’action de G est compatible avec l’épaisseur et la différente, c’est-à-dire que
pour tout τ dans G, pour tout sommet v et toute arête a on a ε(τ.a) = ε(a) et
d(τ.v) = d(v).
- Pour toute arête a fixe par G, si m(a) est non nul alors m(a) est premier à p.
- Pour tout sommet v étale fixe par G et pour toute arête orientée a d’origine v
fixe par G, on a m(a) > 0.
- Pour toute arête a fixe par G, on a m(ā) = −m(a) et d(t(a)) − d(o(a)) =
m(a)ε(a)(p − 1) (“loi de variation de la différente”)
Le couple (Γ, H) sera appelé graphe de Hurwitz si H est une K-donnée de Hurwitz sur Γ.
Définition 4.1.1 Soient k un corps algébriquement clos de caractéristique p > 0,
(f : Y → X, {(Gv , Uv )}v ) un revêtement p-admissible défini sur k. Un graphe de
Hurwitz Γ sera dit adapté au revêtement p-admissible (f, {Gv , Uv }v ) si
- l’ensemble des sommets de Γ est composé des sommets de ΓY et des points de
Fv0 \ f −1 (Uv ), v ∈ SomΓY ;
- l’ensemble des arêtes de Γ est composé des arêtes de ΓY et des arêtes reliant
un sommet v à un point y ∈ Fv0 \ f −1 (Uv ) (une seule arête reliant v à y) ;
- les conducteurs en les arêtes de Γ correspondant à des points singuliers de Y
sont égaux aux conducteurs en les points de Y correspondants (définition 3.3.5).
En particulier, ils vérifient les conditions de compatibilité ;
- le conducteur en une arête (positive) joignant un sommet v de ΓY à un point
y ∈ Fv0 \ f −1 (Uv ) est égal à mv (y) (définition 3.3.5);
- pour tout v ∈ SomΓY , dv = 0 si et seulement si Gv ∼
= Z/pZ.
4.2
Relèvement des points spéciaux
On suppose ici que R est un anneau de valuation discrète complet de caractéristique p > 0. Considérons un carré cocartésien
/ k((x)) × k((y))
O
k[[x, y]]/(xy)
O
φ̄
(5)
φ̄o ×φ̄t
k[[x′ , y ′ ]]/(x′ y ′ )
/ k((x′ )) × k((y ′ ))
où φ̄, φ̄o et φ̄t sont des morphismes de degré p. On suppose de plus que Spec(φ̄o )
(resp. Spec(φ̄t )) est un torseur sous un schéma en groupes Go (resp. Gt ) isomorphe à Z/pZ ou à αp (et on fixe des coordonnées de Go et Gt ). Il lui correspond
donc un conducteur mo (resp. mt ) premier à p. On dira qu’un tel carré cocartésien
est p-admissible si on a de plus mo = −mt .
15
Étant donnés deux entiers no ≥ 0 et nt ≥ 0, un revêtement p-admissible
d’un point double comme dans (5) avec Go = Mns o et Gt = Mns t , et un entier e > 0 vérifiant nt = no + emo , une R-déformation d’épaisseur e et de différentes aux bords no (p − 1) et nt (p − 1) est la donnée d’une action de Z/pZ sur
R[[x, y]]/(xy−te ), d’une injection φ de R[[x′ , y ′ ]]/(x′ y ′ −tpe ) dans R[[x, y]]/(xy−te )
d’image (R[[x, y]]/(xy − te ))Z/pZ et d’un isomorphisme Z/pZ-équivariant de la fibre spéciale du carré cocartésien
R[[x, y]]/(xy − te )
O
/ R[[x]]{x−1 } × R[[y]]{y −1 }
O
φ
φo ×φt
R[[x′ , y ′ ]]/(x′ y ′ − tpe )
/ R[[x′ ]]{x′ −1 } × R[[y ′ ]]{y ′ −1 }
avec (5), où φo est un Mno -torseur, φt est un Mnt -torseur et l’action de Z/pZ
sur R[[x]]{x−1 } × R[[y]]{y −1 } est compatible avec l’action de Z/pZ définie par
Mno et Mnt via ψno et ψnt .
Lemme 4.2.1 Soit R un anneau de valuation discrète complet de caractéristique
p > 0. Soient mo ∈ Z premier à p, e > 0 et no ≥ 0, nt ≥ 0 des entiers tels que
nt = no + emo . Soient t une uniformisante de R et π = tpe . Soit C la courbe
projective lisse sur Frac(R) dont le corps de fonctions est défini par l’équation
V p − tno (p−1) V + T −mo = 0. Soit P le R-schéma
SpecR[T −1 ] ∪ SpecR[π/T, T ] ∪ SpecR[T /π].
Considérons la normalisation f : C → P de P dans C et q0 le point singulier de
Ps . Alors f −1 (q0 ) est un point double ordinaire.
Preuve : Soient Wo = f −1 (SpecR[T /π, (T /π)−1 ]) et Wt = f −1 (SpecR[T, T −1 ]).
Alors Wo ∪Wt contient un ouvert dense de Cs . Considérons les R-algèbres intègres
Ao = R[T /π, (T /π)−1 , U ]/(U p −tnt (p−1) U +(T /π)−mo ) et At = R[T, T −1 , V ]/(V p −
tno (p−1) V + T −mo ). On peut les identifier à des sous-algèbres de K(C) en posant
U = V temo et on a alors Frac(Ao ) = Frac(At ) = K(C).
De plus, SpecAo et SpecAt sont à fibre générique normale et à fibre spéciale
réduite, ce sont donc des schémas normaux. Comme ils sont finis respectivement
sur SpecR[T /π, (T /π)−1 ] et SpecR[T, T −1 ], on a Wo = SpecAo et Wt = SpecAt .
Le schéma C est de Cohen-Macaulay, donc Cs vérifie la condition (S1 ) (cf. [Liu02],
Exercice 8.2.11) et est donc réduit (cf. [Liu02], Proposition 7.1.15), réunion de
deux composantes irréductibles Γo := W̄o,s et Γt := W̄t,s .
On a f −1 (q0 ) ⊂ Γo ∩ Γt ⊂ Γo \ Wo,s et ce dernier est réduit à un point (par
unicité de la compactification de Wo,s par des points réguliers). Par conséquent,
f −1 (q0 ) est réduit à un point q.
Notons ρ : Z → Cs la normalisation en q. On a la suite exacte
0 → OCs → ρ∗ OZ → F → 0,
16
où F est un faisceau gratte-ciel à support dans q et avec F(Cs ) = OC′ s ,q /OCs ,q (où
′
signifie la clôture intégrale). On en déduit une suite exacte
0 → k → k 2 → F(Cs ) → H1 (Cs , OCs ) → H1 (Z, OZ ) → 0
avec dimk H1 (Cs , OCs ) = g(C). Calculons H1 (Z, OZ ). Soit Γ′o la normalisation de
Γo en q, c’est aussi la compactification de Wo,s par adjonction d’un point régulier.
Il est facile de voir (par Hurwitz) que pa (Γ′o ) = (mo − 1)(p − 1)/2 = g(C). Or
H1 (Z, OZ ) → H1 (Γ′o , OΓ′o ) est surjectif car Γ′o est une composante connexe de Z.
Il suit que dimk H1 (Z, OZ ) ≥ g(C), et donc dimk F(Cs ) = 1. Cela implique que q
est un point double ordinaire.
¤
Corollaire 4.2.2 Soient mo ∈ Z premier à p, no ≥ 0, nt ≥ 0 et e > 0 des entiers
tels que nt − no = emo . On suppose que no (resp. nt ) est nul si et seulement si
Go (resp. Gt ) est étale. Alors il existe une R-déformation du carré cocartésien
(5) d’épaisseur e et de différentes aux bords no (p − 1) et nt (p − 1).
Preuve : Reprenons les notations du lemme précédent et notons q le point f −1 (q0 ).
bP,q0 → O
bC,q définit une R-déformation du carré cocartésien
Alors le morphisme O
(5) d’épaisseur e et de différentes aux bords no (p − 1) et nt (p − 1) (en identifiant
T à x′ et T /π à y ′ ).
¤
Intéressons-nous maintenant au relèvement des points réguliers ramifiés.
Lemme 4.2.3 Soit n ≥ 0 un entier. Soit f : Speck[[u]] → Speck[[v]] un
morphisme tel que le morphisme induit Speck((u)) → Speck((v)) soit muni
d’une structure de Mns -torseur de conducteur m avec m ≥ −1. Supposons que
m = pl − 1 si n > 0. Alors il existe une action de Z/pZ sur SpecR[[U ]] telle que
la fibre spéciale du morphisme quotient SpecR[[U ]] → (SpecR[[U ]])/(Z/pZ) soit
f , et une structure de Mn -torseur sur SpecR[[U ]]{1/U } → SpecR[[V ]]{1/V }
compatible (via ψn,k , §3.2) avec l’action de Z/pZ et dont la fibre spéciale est le
Mns -torseur Speck((u)) → Speck((v)).
Preuve : Si n = 0, il suffit de considérer l’action de Z/pZ définie par changement
de base sur k[[v]] ⊗k R. On peut donc supposer que n > 0 et m = pl − 1. D’après
la proposition 3.1.3, on peut supposer, quitte à changer d’uniformisante v, que
p
k((u)) ∼
= k((v))[u1 ]/(u1 − v 1−pl ). Notons
A := R[[V ]][U ]/(U p − t(p−1)n V (p−1)l U − V ) = R[[U ]].
C’est un revêtement p-cyclique de R[[V ]]. Soit U1 = U/V l . On a alors
A ⊗R[[V ]] R[[V ]]{1/V } = R[[V ]]{1/V }[U ]/(U1p − t(p−1)n U1 − V 1−pl )
= R[[V ]]{1/V }[U1 ]/(U1p − t(p−1)n U1 − V 1−pl ).
17
On peut donc définir une structure de Mn -torseur sur A ⊗R[[V ]] R[[V ]]{1/V } à la
manière de la remarque 3.2.4, et la fibre spéciale est alors isomorphe à
k((v))[u1 ]/(up1 − v 1−pl )
(l’isomorphisme s’obtenant en envoyant U1 sur u1 et V sur v). Ce qui prouve le
lemme.
¤
4.3
Recollement formel
Le lemme qui suit est certainement bien connu, mais nous n’avons pas pu trouver
de référence dans la littérature.
Lemme 4.3.1 Soit A un anneau semi-local noethérien, excellent, de dimension
b le séparé complété de A pour la topologie définie par le radical JA :=
1. Soit A
∩m∈max A m. Alors on a une suite exacte
b → Frac(A)
b →0
0 → A → Frac(A) × A
où Frac désigne l’anneau total des fractions, la première flèche est l’application
diagonale et où la deuxième flèche est définie par la soustraction.
b En effet,
Preuve : L’exactitude au centre provient de la fidèle platitude de A → A.
b ∩ Frac(A). Alors ((αA + A)/A) ⊗A A
b = 0, donc (αA + A)/A = 0
prenons α ∈ A
et α ∈ A.
Il reste à montrer l’exactitude à droite. Ce qui revient à montrer l’égalité
b =A
b + Frac(A).
Frac(A)
(6)
b=Q
c
Supposons d’abord que A est intègre et normal. On a A
m∈max A Am. Soit α ∈
b Comme Am est un anneau de valuation discrète pour tout m ∈ max A,
Frac(A).
b (car on peut en trouver
on peut trouver a ∈ A non nul tel que β := aα ∈ A
b Le théorème des restes chinois implique qu’il
un sur chaque facteur de Frac(A)).
cm pour tout m. Donc α = b/a + (β − b)/a ∈
existe b ∈ A tel que (β − b) ∈ aA
b
Frac(A) + A. Cela entraîne aussitôt l’égalité (6) lorsque A est normal mais non
b on a également
nécessairement intègre. Notons que comme A est dense dans A,
b = J nA
b
Frac(A)
A + Frac(A) pour tout n ≥ 1.
Supposons maintenant A réduit. Soit B la clôture intégrale de A dans Frac(A).
b réduit, et B
b est la clôture intégrale de A
b
Par l’hypothèse A excellent, on a A
n
b
dans Frac(A). Comme dim A = 1, il existe n ≥ 1 tel que JB ⊆ A. D’après ce qui
b = Frac(B)
b = Frac(B) + J n B
b = Frac(A) + A.
b
précède, on a Frac(A)
B
b est le nilradical de
Dans le cas général, notons NA les nilpotents de A. Alors NA A
b car A/NA est excellent et réduit. En utilisant le cas précédent, on a Frac(A)
b =
A
18
b + NA Frac(A).
b Par suite Frac(A)
b = Frac(A) + A
b + N n Frac(A)
b pour
Frac(A) + A
A
n
tout n ≥ 1. Ce qui donne (6) en prenant un n tel que NA = 0.
¤
Nous donnons maintenant un lemme d’algèbre topologique généralisant celui de
[Hen01], lemme 2.1).
Lemme 4.3.2 Soient R un anneau local complet et m son idéal maximal. Pour
tout R-module M notons M = M ⊗R (R/m).
(i) Soit φ : M1 → M2 un homomorphisme de R-modules. Supposons M1 complet et M2 séparé pour la topologie m-adique. Si φ : M 1 → M 2 est surjectif
alors φ est surjectif.
(ii) Reprenons les mêmes hypothèses et supposons de plus que M2 est plat sur
R. Si φ est un isomorphisme alors φ est un isomorphisme.
Preuve : (i) Soit β ∈ M2 . Nous allons construire par récurrence une suite (αn )
telle que pour tout n ∈ N on ait φ(αn ) − β = 0 mod mn+1 et αn − αn+1 = 0
mod mn+1 . Comme φ est surjectif, il existe α0 ∈ M1 tel que φ(α0 ) − β = 0
mod m. Supposons la suite construitePjusqu’au rang n et construisons αn+1 . Il
existe une décomposition φ(αn )−β = i mi βi avec mi ∈ mn+1 , βi ∈ M2 . Comme
φ est surjectif, on peut choisir des
P éléments γi ∈ M1 tels que φ(γi ) = βi mod m.
Par suite, posons αn+1 = αn + i mi γi . Il est alors aisé de voir que la suite (αn )
répond à la question.
Notons α la limite de la suite (αn ) (qui existe car M1 est complet). On a alors
φ(α) = β car M2 est séparé.
(ii) Notons N le noyau de φ. Comme M2 est plat sur R, on a une suite exacte
φ
0 → N → M 1 → M 2 → 0.
On a alors N = mN et donc N = ∩n∈N mn N ⊂ ∩n∈N mn M1 = 0 car M1 est séparé.
¤
Proposition 4.3.3 (Formal patching) Soient R un anneau local complet de corps
résiduel k, G un groupe fini, et Y une courbe sur k. Soient E un ensemble fini
de points fermés de Y et V = Y \ E. Supposons donnés un R-schéma formel
plat V, et une R-algèbre locale Oy complète et plate pour tout y ∈ E, vérifiant les
conditions suivantes:
bY,y pour tout y ∈ E.
(i) On a Vs = V et Oy ⊗R k = O
`
(ii) Notons Py = SpecOy et PE = y∈E Py . Alors G opère sur V et sur PE .
bY,y , on a
(iii) Soit y ∈ E. Alors pour tout point générique ξ de (Py )s = Spec O
un homomorphisme d’algèbres
bPy ,ξ ,
φy,ξ : OV,η → O
où η est l’image de ξ dans Y , qui relève l’homomorphisme canonique OV,η →
b(Py )s ,ξ .
O
19
Q
(iv) Le morphisme produit y,ξ φy,ξ est G-équivariant.
Alors il existe un schéma formel Y plat sur R tel que Ys = Y , que V soit un
bY,y = Oy , et que G opère sur Y de façon
sous-schéma formel ouvert de Y, que O
compatible avec son action sur V et PE .
Preuve : Elle est similaire à la preuve de [Hen01], proposition 2.6. Notons j :
V → Y l’injection canonique. Soit θ l’homomorphisme de faisceaux de R-modules
sur Y
Y
Y
Y
bPy ,ξ
θ : j∗ OV ×
Oy −→
O
y∈E
y∈E ξ point générique de (Py )s
bPy ,ξ étant
défini par (a, (by )y ) 7→ (φy,ξ (aη ) − (by )ξ )y,ξ , les anneaux locaux Oy et O
considérés comme des faisceaux gratte-ciels à support égal à {y}. Pour tout
b(Py )s ,ξy = O(Py )s ,ξy . Il suit du lemme 4.3.1
y ∈ E, on a (j∗ OV )y = Frac(OY,y ) et O
que θs est surjectif, de noyau ker θs ∼
= OY . Donc θ est surjectif (cf. Lemme 4.3.2
(i)). Notons m l’idéal maximal de R. Soit OY le faisceau de R-modules ker θ
sur Y . C’est clairement un faisceau de R-algèbres complètes pour la topologie
m-adique (car θ est continue m-adiquement). De plus OY ⊗R k = ker θs car Im θ
est plat sur R. Donc OY définit un schéma formel sur R, de fibre spéciale Y . Par
construction, on a OY |V = OV , donc V est un sous-schéma formel ouvert de Y.
bY,y → Oy est un isomorphisme modulo m, c’est
L’homomorphisme canonique O
donc un isomorphisme (cf. lemme 4.3.2 (ii)). La platitude de Y provient de celle
de V et des Oy . Enfin, on obtient l’action de G sur Y en prolongeant l’action sur
V et PE (la condition (iv) implique que G agit sur ker θ).
¤
Remarque 4.3.4 Dans le cas où R est régulier, Harbater et Stevenson ont montré ([HS99], Section 2) qu’il existe un relèvement de Y (sans la donnée du schéma
formel V), en supposant l’action de G libre sur un ouvert partout dense de Y .
C’est trop restrictif pour notre application.
4.4
Theórème de relèvement
Théorème 4.4.1 Soient R un anneau de valuation discrète complet d’égales
caractéristiques p > 0 et de corps résiduel k algébriquement clos, (f : Y →
X, {(Gv , Uv )}v ) un revêtement p-admissible défini sur k. On fait l’hypothèse suivante :
(H) Soit v un sommet de ΓY . S’il existe y ∈ Fv0 \ f −1 (Uv ) et si Gv ∼
= αp alors le
conducteur mv (y) est de la forme pn − 1 avec n ≥ 0.
Supposons qu’il existe un graphe de Hurwitz Γ adapté à (f, {(Gv , Uv )}v ). Alors
il existe une courbe semi-stable Y sur R dont la fibre générique est lisse, et une
action de Z/pZ sur Y telle que Ys → (Y/(Z/pZ))s s’identifie à f .
20
Remarque 4.4.2 Ce théorème est un analogue en égales caractéristiques de certains résultats de [Hen00] et de [Saï01b], [Saï01c], [Saï01a] en inégales caractéristiques.
Remarque 4.4.3 On verra dans la preuve du théorème que les points de ramification de Yη → (Y/G)η se spécialisent en des points de Fv0 \f −1 (Uv ), v ∈ SomΓY .
Mais inversement, un tel point n’est pas nécessairement la spécialisation d’un
point de ramification.
Preuve : Si Y est lisse, alors le schéma en groupes correspondant à l’unique
sommet de ΓY est étale et donc Y = Y ×Spec k SpecR répond à la question.
Supposons donc Y non lisse. Notons que pour tout sommet v ∈ SomΓY , on aura
Fv0 6= Fv . Ce qui implique que Uv ⊆ f (Fv0 ) est affine.
Soient E0 = ∪v∈SomΓY Fv0 \ f −1 (Uv ), E1 l’ensemble des points singuliers de Y ,
E = E0 ∪ E1 , et V = Y \ E. Nous allons construire des données de recollement
(i)-(iii) de la proposition 4.3.3.
D’après [Hen01], Proposition 2.6, il existe un R-schéma X propre plat sur R,
de fibre spéciale isomorphe à X, de fibre générique lisse et tel que tout point
singulier p de X soit rationnel et d’épaisseur pε(a) dans X , avec a ∈ ArΓY
correspondant à un point de f −1 (p). Notons X le complété formel de X le long
de Xs . Soit ve un sommet de ΓX et v un sommet de ΓY au-dessus de ve. Notons
nve = d(v)/(p − 1) ∈ N (indépendant du choix du relèvement v car Γ est un
graphe de Hurwitz) et Xve l’ouvert affine de X dont la fibre spéciale est Uv . Si
v est fixe sous Z/pZ, d’après le corollaire 3.2.3 (qui peut être utilisé ici car X
est algébrisable, donc Xve aussi), il existe un Mnve -torseur Vve au-dessus de Xve
relevant f au-dessus de Xve,s . Si`v n’est pas fixe sous l’action de Z/pZ, on pose
Vve := Z/pZ × Xve. Soit V = ve∈SomΓX Vve. C’est un revêtement galoisien de
U := ∪ve∈SomΓX Xve, de groupe de galois Z/pZ, et la fibre spéciale de V → U
s’identifie à f : f −1 (Us ) → Us avec Us = ∪v∈SomΓY Uv .
bX ,x . Soient ve le sommet de ΓX
Soit y ∈ E. Soient x = f (y) et Px := Spec O
correspondant à une composante irréductible de X passant par x, ηx le point
bX,x induit par ηx . Définissons
générique de Fve, ξx le point générique de Spec O
similairement v ∈ SomΓY , ηy et ξy . Nous allons construire Py et φy,ξy (avec les
bPx ,ξx .
notations de la proposition 4.3.3). Posons Ax := O
Si y n’est pas fixe sous Z/pZ, on peut prendre Py = Px et φy,ξy égal à la
bPy ,ξy . Il suffit donc de considérer le
composition de OV,ηy → OU ,ηx → Ax = O
cas y fixe sous Z/pZ. Supposons d’abord y ∈ E0 . Alors Ax ∼
= R[[T ]]{T −1 }
(c’est l’algèbre du bord du disque formel). L’hypothèse (H) et le lemme 4.2.3
bY,y → Spec O
bX,x en un revêtement
permettent de relever le morphisme Spec O
p-cyclique SpecOy → Px qui peut être muni d’une structure de Mnve -torseur audessus de Ax , relevant la structure de Gv -torseur au-dessus de k(ξx ). Prenons
Py = SpecOy . La structure de torseur sur OX ,ηx = OU ,ηx → OV,ηy induit une
structure de torseur sur Ax → OV,ηy ⊗OX ,ηx Ax . D’après la proposition 3.1.3
21
bX ,x ⊗R k), il existe un
et la remarque 3.2.4 (appliquées à A = Ax et B = O
nve
isomorphisme M -équivariant
OV,ηy ⊗OX ,ηx Ax ∼
= R[[T ]]{T −1 }[U ]/(U p − t(p−1)nve U − Q)
avec Q ∈ R[[T ]]{T −1 } congru à T −m modulo t, où m ∈ Z est le conducteur
de l’arête v 7→ y (donc premier à p). Écrivons Q = T −m (1 + tQ1 ) avec Q1 ∈
R[[T ]]{T −1 }. Posons S = T (1 + tQ1 )−1/m . Alors on a un isomorphisme Mnve équivariant
ψ1 : OV,ηy ⊗OX ,ηx Ax ∼
= R[[S]]{S −1 }[U ]/(U p − t(p−1)nve U − S −m ).
De la même façon, on a un isomorphisme Mnve -équivariant
−1
p
−m
bPy ,ξy = OPy ,ξy ⊗O
ψ2 : O
Ax ∼
= R[[S ′ ]]{S ′ }[U ′ ]/(U ′ − t(p−1)nve U ′ − S ′ ).
Px ,ξx
Les correspondances S 7→ S ′ , U 7→ U ′ définissent un isomorphisme Mnve -équivariant ψy,ξy des membres de droite ci-dessus, et on obtient l’homomorphisme
φy,ξy désiré en composant avec OV,ηy → OV,ηy ⊗OX ,ηx Ax , ψ1 , ψy,ξy et ψ2−1 .
Par construction, on voit aisément que φy,ξy induit l’homomorphisme canonique
OV,ηy → O(Py )s ,ξy à la fibre spéciale.
Il reste le cas où y ∈ E1 (et fixe sous Z/pZ). Soit a l’arête positive de ΓY
correspondant à y. Le corollaire 4.2.2 permet de construire une déformation Réquivariante SpecOy → Px du point double ayant pour différentes aux bords
bY,y → Spec O
bX,x . Par suite,
d(o(a)) et d(t(a)) et qui est un relèvement de Spec O
on peut prendre Py = SpecOy et construire les homomorphismes Mno(a) (resp.
Mnt(a) ) équivariants φy,ξy par la même méthode que ci-dessus.
Soit Y le R-schéma formel obtenu en appliquant la proposition 4.3.3. Alors on
voit facilement que Ys → (Y/(Z/pZ))s s’identifie à f : Y → X. Comme Y est
une courbe propre (car Ys = Y ), c’est le complété formel d’une courbe algébrique
Y → SpecR le long de Ys . Enfin, la fibre générique de Y est lisse car V est lisse,
et les Spf Oy sont des disques et couronnes formels, donc à fibre générique (au
sens rigide) lisse. Ce qui achève la démonstration.
¤
Remarque 4.4.4 On notera que la preuve ci-dessus ne dit pas que le schéma
quotient Y/(Z/pZ) est isomorphe à X . En effet, les homomorphismes φy,ξy ne
sont pas des homomorphismes de OX -algèbres en général. C’est aussi la raison
pour laquelle nous ne pouvons pas construire Y avec du «formal patching» de
faisceaux cohérents sur X comme dans [HS99], Section 1.
5
Relèvement des p-revêtements
Nous avons vu précédemment comment relever les revêtements p-admissibles.
Notre but est maintenant de relever les p-revêtements. Pour cela nous allons
22
construire, à partir d’un p-revêtement, un revêtement p-admissible obtenu par une
suite finie de modifications (définition 3.3.8). Nous allons ensuite construire des
données de Hurwitz afin de nous placer dans le cadre d’application du théorème
4.4.1. Le résultat sera alors obtenu en contractant les composantes ajoutées lors
des modifications.
5.1
Construction des données pour le relèvement
Dans cette sous-section, k sera un corps algébriquement clos de caractéristique
p > 0.
Proposition 5.1.1 Soit C → Speck une courbe semi-stable munie d’une action
fidèle d’un groupe p-cyclique G. Supposons que pa (C/G) = 0. Alors il existe
des courbes semi-stables Y et X, la courbe Y étant obtenue par une suite finie
de modifications G-équivariantes à partir de C, et un revêtement p-admissible
(f : Y → X, {(Gv , Uv )}v ) sur k vérifiant l’hypothèse (H) du théorème 4.4.1.
Preuve : Dans un premier temps, nous allons construire les courbes Y et X et
dans un deuxième temps, le revêtement p-admissible.
Notons Y1 la courbe obtenue de C en faisant une modification en chaque point
singulier de C fixe sous G et en lequel G échange les branches analytiques. S’il
existe de tels points alors G = Z/2Z et on voit que l’action de G peut se prolonger
à Y1 .
Notons Y la courbe obtenue de Y1 en faisant une modification en chaque point
singulier de Y1 fixe sous G et qui est intersection de deux composantes étales
(c’est-à-dire sur lesquelles G agit non trivialement). On prolonge l’action de G
à Y en le faisant agir trivialement sur les dernières composantes ajoutées. Les
composantes irréductibles de Y sont lisses car pa (Y /G) = pa (C/G) = 0.
Soit π : Y → X1 := Y /G le morphisme quotient. Pour tout sommet ve de ΓX1 ,
(p)
notons Fve′ := Fve si π est génériquement étale au-dessus de Fve, et Fve′ := Fve (où
(p)
Fve → Fve désigne le frobenius relatif) sinon. On a donc un homéomorphisme
a
a
Fve′ .
Fve →
g:
v
e∈ΓX1
v
e∈ΓX1
`
Notons X la courbe semi-stable obtenue à partir de ve∈ΓX Fve′ en identifiant les
1
points p et q tels que les images de g −1 (p) et g −1 (q) dans X1 sont égales. On
a alors un morphisme canonique X1 → X (car X1 est semi-stable) et donc un
morphisme f : Y → X de degré p sur chaque composante.
On voit facilement que pa (X) = pa (C/G) = 0, donc ΓX est un arbre. Fixons
un sommet ve0 de ΓX . Pour tout sommet ve et ve′ de ΓX on pose ve ≺ ve′ si tout
chemin joignant ve0 à ve′ passe par ve. Comme ΓX est un arbre, la relation ≺ est
une relation d’ordre (partielle) dépendant du choix de ve0 . Nous allons maintenant
construire les structures de torseur par “récurrence” sur les sommets de ΓX .
23
Pour tout sommet v de ΓY , on pose Gv := αp si G agit trivialement sur Fv et
Gv := Z/pZ sinon. Soit v0 un sommet de ΓY au-dessus de ve0 . Si Gv0 = Z/pZ,
on pose Uv0 égal au plus grand ouvert de Fve00 tel que G agisse sans point fixe sur
f −1 (Uv0 ). Si Gv0 = αp , notons C1 , . . . , Cn les composantes irréductibles de Y sur
lesquelles G agit non trivialement et vérifiant Ci ∩ Fv0 6= ∅. On montre aisément
que pour tout i ∈ {1, . . . , n}, Ci ∩ Fv0 est réduit à un unique point pi (car sinon
f (Ci ) ∩ f (Fv0 ) contient au moins deux points, ce qui est impossible car ΓX est
un arbre). Notons mi le conducteur de l’extension (génériquement séparable)
bf (C ),f (p ) → O
bC ,p . On peut trouver des entiers n′ ≥ 0 et l1 , . . . , ln′ ≥ 0 tels que
O
i i
i
i
n
X
i=1
′
mi =
n
X
(plj − 1)
j=0
(le terme de gauche est nul si n = 0). Choisissons n′ points x1 , . . . , xn′ de Fve00
P
P ′
distincts des points f (pi ). Le diviseur ni=1 mi f (pi )+ nj=0 (1−plj )xj est de degré
zéro sur Fve0 ∼
= P1k donc c’est le diviseur d’une fonction rationnelle uv0 sur Fve0 . Il
existe z ∈ K(Fv0 ) tel que z p = uv0 . Notons Uv0 l’ouvert de Fve00 où uv0 est régulière.
L’équation z p = uv0 définit alors une structure de αp -torseur sur f −1 (Uv0 ) audessus de Uv0 dont le morphisme associé est f |f −1 (Uv0 ) . Plus précisément, si on
prend une coordonnée w de αp , l’action de αp sur f −1 (Uv0 ) est donnée par le
morphisme
αp × f −1 (Uv0 ) → f −1 (Uv0 )
w ⊗ 1 + 1 ⊗ z ←[
z.
Pour tout i, le conducteur en pi est alors mi et le conducteur en xj est plj − 1.
De plus, on a Fv00 \ f −1 (Uv0 ) ⊆ {x1 , . . . , xn′ }.
Soit ve un sommet de ΓX et supposons avoir défini la structure de torseur audessus des composantes Fve′ pour ve′ ≺ ve. Soit v un sommet de ΓY au-dessus de
ve. Si Gv = Z/pZ, on pose Uv égal au plus grand ouvert de Fve0 tel que G agisse
sans point fixe sur f −1 (Uv ). Si Gv = αp , notons {C1 , . . . , Cn } l’ensemble des
composantes irréductibles Fv′ de Y qui rencontrent Fv et telles que Gv′ = Z/pZ
ou v ′ ≺ v. On peut appliquer la même méthode que précédemment pour définir
l’ouvert Uv et la structure de αp -torseur sur f −1 (Uv ) au-dessus de Uv .
On vérifie alors que (f : Y → X, {(Gv , Uv )}v ) est un revêtement p-admissible
vérifiant l’hypothèse (H) du théorème 4.4.1.
¤
Proposition 5.1.2 Soit R un anneau de valuation discrète d’égales caractéristiques p et de corps résiduel k. Soient (f : Y → X, {(Gv , Uv )}v ) un revêtement
p-admissible de courbes semi-stables sur k avec pa (X) = 0. Alors il existe un
graphe de Hurwitz Γ adapté à (f : Y → X, {(Gv , Uv )}v ).
Preuve : Notons Γ le graphe orienté (l’orientation étant choisie arbitrairement)
dont l’ensemble des sommets est la réunion de l’ensemble des sommets de ΓY et de
24
l’ensemble des points Fv0 \Uv , v ∈ SomΓY . Le graphe Γ vient alors naturellement
avec une application m vérifiant les conditions de compatibilités (cf. définition
3.3.5). Il reste à définir les fonctions ε et d. Soit ve0 ∈ SomΓX . On définit un
ordre partiel sur SomΓX comme dans la preuve de la proposition précédente.
Nous allons construire les fonctions ε et d sur ΓX par “récurrence” sur cet ordre
partiel.
Si v0 est étale, on pose d(v0 ) = 0, sinon on pose d(v0 ) égal à un nombre rationnel
strictement positif quelconque. Soit a une arête de ΓX joignant v1 à v2 avec
v1 ≺ v2 . Supposons que d(v1 ) soit déjà défini, nous allons définir d(v2 ).
- Si v2 est étale, posons d(v2 ) = 0. Comme on a m(ā) > 0 (car ā est une arête
d(v1 )
≥ 0.
d’origine étale) et que d(v1 ) ≥ 0, on peut prendre ε(a) = −
m(a)(p − 1)
- Si v2 est additif
- si v1 est étale alors m(a) > 0 et d(v1 ) = 0, on peut donc trouver ε(a) ∈
Q ∩]0, ∞[ tel que 0 < (p − 1)ε(a)m(a), on pose alors d(v2 ) = (p − 1)ε(a)m(a),
- si v1 est additif, on a 0 < d(v1 ), soit ε(a) ∈ Q ∩]0, ∞[ tel que 0 < d(v1 ) + (p −
1)m(a)ε(a), on pose alors d(v2 ) = d(v1 ) + m(a)ε(a)(p − 1).
Dans tous les cas, on peut trouver d(v2 ) et ε(a) tels que d(v2 ) − d(v1 ) =
(p − 1)m(a)ε(a). Quitte à multiplier ε et d par une même constante, on peut
supposer qu’elles sont à valeures entières. On peut alors définir des applications
d′ : SomΓY → N et ε′ : ArΓY → N en composant avec l’application ΓY → ΓX .
Finalement, pour toute arête a de Γ n’appartenant pas à ΓY et joignant un sommet v à un point y ∈ Fv0 \ Uv on pose d′ (y) = d′ (v) et ε′ (a) = 0. Ainsi défini, Γ
est un graphe de Hurwitz adapté.
¤
5.2
Théorème principal
Définition 5.2.1 Soit C une courbe semi-stable sur un corps algébriquement
clos k, munie d’une action d’un groupe fini G. Soit R un anneau de valuation
discrète de corps résiduel k. On dira que le couple (C, G) se relève sur R s’il
existe une courbe semi-stable C sur R munie d’une action de G, telle que Cs = C
et que l’action de G sur C soit induite par celle de G sur C. Si de plus la fibre
générique de C → SpecR est lisse, on dira que (C, G) est un relèvement lisse sur
R.
Théorème 5.2.2 Soit R un anneau de valuation discrète complet d’égales caractéristiques et de corps résiduel algébriquement clos k. Soient p un nombre
premier, G un groupe p-cyclique et C → Speck une courbe stable munie d’une
action de G. Supposons que pa (C/G) = 0, et que l’action de G soit kummerienne
si car k 6= p (cf. définition 3.3.2). Alors le couple (C, G) admet un relèvement
lisse sur R.
25
Preuve : Dans le cas où C est lisse, le résultat est donné par C ×k SpecR. On
peut donc supposer que C n’est pas lisse. Soit Y → C la composition d’une suite
de modifications G-équivariantes. Si le couple (Y, G) se relève en (Y, G) avec Y
à fibre générique lisse, alors le modèle stable C de la fibre générique de Y répond
à la question.
Le cas où la caractéristique de k est différente de p résulte du théorème 3.7 de
[Hen01]. Supposons donc que la caractéristique de k est p. D’après la proposition
5.1.1, on peut construire un revêtement p-admissible (f : Y → X, {(Gv , uv )}), où
Y est obtenue par une suite de modifications G-équivariantes à partir de C, qui
vérifie l’hypothèse (H) du théorème 4.4.1. Grâce à la proposition 5.1.2 on peut
construire un graphe de Hurwitz Γ adapté à (f, {(Gv , Uv )}v ). Le théorème 4.4.1
nous fournit alors le relèvement (Y, G).
¤
Lemme 5.2.3 Soient k un corps algébriquement clos de caractéristique p > 0,
C une courbe stable sur k munie d’une action d’un groupe p-cyclique G. Supposons que (C, G) admet un relèvement lisse sur un anneau de valuation discrète
complet d’égales caractéristiques. Alors (C, G) admet un relèvement lisse sur une
extension finie de l’anneau des vecteurs de Witt W (k).
Preuve : Notons W = W (k). Par hypothèse, (C, G) admet un relèvement lisse
(C1 , G) sur k[[t]]. Soit L = k((t))alg . On sait d’après [SOS89], Theorem 2.6,
qu’il existe un anneau de valuation discrète complet R2 dominant W tel que
((C1 )L , G) se relève en (C2 , G) sur R2 . Fixons un plongement tricanonique sur C1 ,
ce qui induit un morphisme ϕ1 : Speck[[t]] → H g,W (où g = pa (C)) qui envoie le
point fermé sur un point fermé z0 . Le plongement tricanonique sur C1 induit un
plongement tricanonique sur (C1 )k((t)) , qui s’étend en un plongement tricanonique
sur (C1 )L et par suite sur C2 . Soit ϕ2 : SpecR2 → H g,W le morphisme induit par
ce plongement tricanonique. Notons Zi la clôture schématique de Im ϕi dans
H g,W . On a un diagramme commutatif
SpecR2 o
SpecL
/ Speck[[t]] o
ϕ2
Speck
ϕ1
²
Z2 o
²
(ϕ1 )s
²
Specκ(Z1 )
/ Z1 o
²
Specκ(z0 ).
Soit U → H g,W la courbe universelle. En partant de l’action de G sur C2 , nous
allons construire une action sur UZ2′ pour un schéma Z2′ fini sur Z2 .
Pour tout morphisme T → H g,W , notons AutT := AutT (UT ), et AutB := AutT
si T = SpecB. On dira qu’un groupe H est un G-groupe s’il est muni d’un
homomorphisme G → H. On a une notion naturelle d’homomorphismes de
G-groupes. L’action de G sur C2 fait de AutR2 ≃ AutFrac(R2 ) des G-groupes.
Comme le schéma des κ(Z2 )-automorphismes de Uκ(Z2 ) est fini sur κ(Z2 ) ([DM69],
Theorem 1.11), il existe une sous-extension finie K ′ de Frac(R2 )/κ(Z2 ) telle que
26
AutK ′ → AutFrac(R2 ) soit un isomorphisme. Soit Z2′ → Z2 la normalisation de Z2
dans K ′ . Soit Z1′ une composante irréductible de Z2′ ×Z2 Z1 dominant Z1 . Alors
il existe une extension finie k[[t′ ]]/k[[t]] et un diagramme commutatif
SpecR2 o
/ Speck[[t′ ]] o
SpecL
ϕ′2
Speck
(ϕ′1 )s
ϕ′1
²
Z2′ o
²
²
/ Z′ o
Specκ(Z1′ )
1
²
Specκ(z0′ )
(où z0′ est l’image du point fermé de Speck[[t′ ]]), ce qui induit un diagramme
commutatif
AutO R2
β
AutZ2′
/ AutL o
O
α
Autk[[t′ ]]
O
γ
δ
/ Autκ(Z ′ ) o
AutZ1′ o
1
/ Autk
O
ψ
/ Autκ(z ′ )
0
La première ligne est constituée de G-groupes et d’homomorphismes de G-groupes
(provenant de l’action de G sur les Ci ). Comme le schéma des Z2′ -automorphismes
de UZ2′ est fini sur Z2′ (loc. cit.) et que ce dernier est normal, on déduit immédiatement que AutZ2′ → Autκ(Z2′ ) = AutK ′ est un isomorphisme. Donc β est un
isomorphisme. On a alors une structure naturelle de G-groupe sur tous les termes
de la deuxième ligne. De plus, en dehors de γ, δ et ψ, toutes les flèches sont des
homomorphismes de G-groupes par construction. Le premier carré commutatif
implique que γ est un homomorphisme de G-groupes. Il en est alors de même
pour δ car α est injectif. Le dernier carré commutatif implique alors que ψ vérifie
la même propriété.
Soit U l’image réciproque de Z2 ∩ Hg,W dans Z2′ . C’est un ouvert dense dans
Z2′ . Il existe donc un point fermé z ′ ∈ UFrac(W ) qui se spécialise en z0′ (voir par
exemple [Liu93], §2, lemme 2). La normalisation de {z ′ } est le spectre d’un
anneau de valuation discrète R fini sur W . Soit C := UR . C’est une courbe à
fibre générique lisse et à fibre spéciale isomorphe à C. Le morphisme canonique
SpecR → Z2′ permet de munir C d’une action de G. Le fait que le ψ ci-dessus
soit un homomorphisme de G-groupes dit exactement que l’action de G sur Cs
est la même que celle donnée au départ. Donc (C, G) est un relèvement lisse de
(C, G) sur R.
¤
Corollaire 5.2.4 (Relèvement en inégales caractéristiques) Soient k un corps
algébriquement clos et (C, G) un couple comme dans le théorème 5.2.2. Alors
(C, G) admet un relèvement lisse sur une extension finie de W (k).
Preuve : C’est une conséquence immédiate du théorème 5.2.2 et du lemme 5.2.3.
¤
27
Remarque 5.2.5 On peut considérer ce corollaire comme une généralisation du
théorème de Oort-Sekiguchi-Suwa ([SOS89], Theorem 2.6) aux courbes stables,
avec cependant la restriction pa (C/G) = 0. Cette restriction ne peut pas être
levée sans autres hypothèses. Par ailleurs, lorsque C est lisse, le relèvement existe
sur W (k)[ξp ] (op. cit.). Cela est faux a priori lorsque C n’est pas lisse. Enfin, il
devrait être possible d’adapter la méthode de [Hen00] pour montrer directement
l’existence d’un relèvement lisse en inégales caractéristiques, en produisant des
données de Hurwitz adéquates sur le graphe de C.
Remerciements L’auteur remercie Yannick Henrio pour ses conseils précieux sur
les méthodes utilisées pour le relèvement des courbes, Qing Liu pour l’attention
qu’il a portée à mon travail, Stefan Wewers pour m’avoir montré une erreur dans
le théorème 4.4.1 et m’avoir aidé à la corriger.
References
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of stable varieties, with applications to the moduli space of curves, Ann.
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[DM69] P. Deligne and D. Mumford, The irreducibility of the space of curves
of given genus, Inst. Hautes Études Sci. Publ. Math. (1969), no. 36,
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[Gro67] A. Grothendieck, Éléments de géométrie algébrique, Inst. Hautes
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[Hen]
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p-adique, non publié.
[Hen00]
, Arbres de hurwitz et automorphismes d’ordre p des disques et
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Sylvain Maugeais
Laboratoire A2X, UMR 5465 CNRS
Université de Bordeaux I
351 cours de la Libération,
33405 Talence Cedex, France
e-mail : [email protected]
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