Relèvement des revêtements p-cycliques des courbes rationnelles

Relèvement des revêtements p-cycliques des
courbes rationnelles semi-stables
Sylvain Maugeais
Abstract
Étant donnés une courbe stable Cau-dessus d’un corps algébriquement
clos kde caractéristique pet un groupe p-cyclique Gagissant sur Ctel que
pa(C/G) = 0, on montre qu’il existe une courbe stable C Speck[[t]]
génériquement lisse, munie d’une action de Get dont la fibre spéciale
s’identifie à C(munie de l’action de G). En appliquant ce résultat sur
une compactification de l’espace des modules des courbes hyperelliptiques,
on démontre une inégalité entre les degrés du conducteur et du fibré de
Hodge d’une courbe hyperelliptique (Cornalba-Harris, Xiao).
1 Introduction
Soit C Sune famille de courbes stables de genre g2sur une base S. Il
lui correspond alors une section π:SMg,S Mg,S est l’espace des modules
des courbes stables de genre gsur S. Notons λle fibré de Hodge sur Mg,S et
δle diviseur du bord Mg,S \Mg,S . Lorsque Sest une courbe projective lisse
sur C, Cornalba, Harris [CH88] et Xiao [Xia87] ont démontré indépendamment
l’inégalité
(8g+ 4) deg πλgdeg πδ. (1)
Notre premier but est d’étudier l’analogue de cette inégalité lorsque Sest le
spectre d’un anneau de valuation discrète. Nous considérons les courbes stables
C Sà fibre générique lisse et hyperelliptique. On peut alors définir une section
rationnelle canonique Λdu fibré (πλ)8g+4 sur S(Proposition 2.2.4). Lorsque
2est inversible dans S, Kausz a montré (conséquence immédiate de [Kau99],
Theorem 3.1) que
g2δsOrds(Λ) gδs,
δsest la somme des épaisseurs des points doubles de la fibre spéciale (ou,
de manière équivalente, le nombre de points singuliers de la fibre spéciale de la
désingularisation minimale de Csur S, cf. [MB90], proposition 2.4). L’inégalité
de droite est l’analogue de (1) dans le cas local. La première motivation de ce
travail est le théorème suivant qui supprime l’hypothèse 2inversible.
1
Théorème 1.0.1 Soient Tun schéma intègre normal et C Tune courbe
stable dont la fibre générique est lisse et hyperelliptique. Alors les diviseurs de
Cartier D(C/T )et δ(C/T )sur T(généralisant Ords(Λ) et δs, cf. définition 2.2.5)
vérifient les inégalités
gδ(C/T )D(C/T )g2δ(C/T ).(2)
Notons que dans le cas d’une courbe elliptique à réduction semi-stable, ces
inégalités sont des égalités. Ce théorème peut être considéré comme la positivité
des diviseurs g2δΛet Λgδ sur un espace des modules des courbes stables
hyperelliptiques. Comme la positivité se vérifie aux points de codimension 1,
elle découlera des inégalités (2), déjà prouvées en égales caractéristiques 0dans
[Kau99], si l’espace des modules en question est suffisamment “sympathique”.
Plus précisément, nous aurons besoin du résultat d’irréductibilité qui suit. Pour
tout schéma T, notons ¯
Ig,T l’adhérence schématique de l’espace des modules Ig,T
des courbes lisses hyperelliptiques de genre gdans le schéma de Hilbert Hg,T
des courbes stables tricanoniques de genre gsur T. Cette construction ne donne
pas à proprement parler un espace des modules, elle n’est pas même fonctorielle.
Nous avons cependant un résultat de compatibilité des fibres.
Théorème 1.0.2 Soit Tun schéma. On a l’égalité des ensembles
¯
Ig,Spec Z×Spec ZT=¯
Ig,T .
Ce théorème peut s’interpréter comme suit : soient kun corps algébriquement
clos et CSpeckune courbe stable hyperelliptique (définition 3.3.3). Alors
il existe une courbe stable C Speck[[t]] dont la fibre générique est lisse et
hyperelliptique et dont la fibre spéciale s’identifie à C. Plus généralement, le
résultat principal de ce travail est le théorème suivant.
Théorème 5.2.2 Soit Run anneau de valuation discrète complet d’égales carac-
téristiques p > 0et de corps résiduel algébriquement clos k. Soient Gun groupe
p-cyclique et CSpeckune courbe stable munie d’une action de G. Supposons
que pa(C/G) = 0. Alors le couple (C, G)admet un relèvement lisse sur R.
La preuve de ce théorème constitue le coeur de ce travail. Esquissons briève-
ment la démarche. Nous montrons que, quitte à ajouter des droites projectives à
C(i.e. faire des “modifications”, cf. définition 3.3.8), elle peut être munie d’une
structure de revêtement p-admissible d’une courbe de genre 0(définition 3.3.6).
Grosso modo, cela veut dire qu’il existe un morphisme fini surjectif CXde
degré pavec pa(X) = 0, que chaque composante irréductible de Cpossède un
ouvert non vide muni d’une structure de torseur sous Z/pZou αp, et qu’aux
points d’intersection de Con se donne des invariants numériques vérifiant une
condition de compatibilité globale. On montre alors que Cpeut être munie d’un
graphe de Hurwitz adapté (définition 4.1.1). Ensuite, à l’aide des théorèmes
2
généraux de relèvement (section 3.2), on déforme la partie de Cmunie d’une
structure de torseur, et on déforme explicitement les points restant. On applique
alors une variante de la technique de “formal patching” (proposition 4.3.3) pour
relever globalement C. Les propriétés du graphe de Hurwitz adapté assure que
les conditions de recollement sont bien vérifiées.
La technique employée ici s’inspire des travaux d’Henrio [Hen] et de Saïdi
[Saï01b], [Saï01c], [Saï01a] sur le relèvement en inégales caractéristiques, avec
des problèmes spécifiques à la situation d’égales caractéristiques. Notons que
l’existence d’un relèvement en égales caractéristiques implique l’existence d’un
relèvement en inégales caractéristiques (corollaire 5.2.4).
La preuve du théorème 5.2.2 est répartie dans les sections 3 – 5. La section 3
commence (après quelques rappels sur les torseurs sous des schémas en groupes
d’ordre p) par définir ce qu’est un revêtement p-admissible en caractéristique
p. La section 4 est dévouée à la démonstration par des méthodes de “formal
patching” d’un théorème de relèvement de certains revêtements p-admissibles en
égales caractéristiques. La section 5 permet de voir que tout p-revêtement peut
être muni, modulo une suite finie de modifications, d’une structure de revêtement
p-admissible satisfaisant les conditions de la section 4, ce qui permet d’achever la
preuve du théorème 5.2.2.
Convention Dans tout ce travail, Rsera un anneau de valuation discrète, de
valuation ν, de corps des fractions Ket de corps résiduel k,tsera une uni-
formisante de R. Le point fermé de SpecRsera noté set le point générique η.
Certains graphes seront orientés. Si aest une arête orientée d’un graphe orienté,
on notera ¯al’arête opposée. Les courbes sur un schéma seront des courbes à
fibres géométriquement connexes.
2 Inégalité de Cornalba-Harris-Xiao
On cherche dans cette section à définir un schéma proche de ce que serait l’espace
des modules des courbes stables hyperelliptiques s’il existait, et à en donner
quelques propriétés. Plus précisément, nous allons considérer l’adhérence du lieu
hyperelliptique lisse dans l’espace des modules des courbes stables.
2.1 Construction du schéma ¯
Ig
On fixe un entier g2. Pour tout schéma S, considérons le foncteur
(Schémas/S)(Ensembles)
T7→ ½π:C T, courbe stable de genre g
avec isomorphisme P(πω3
C/T )
=P5g6
T¾/iso
On sait ([DM69]) que ce foncteur est représentable par un schéma de Hilbert
¯
Hg,S. De même, le foncteur des courbes lisses de genre gmunies d’un plongement
3
tricanonique dans P5g6est représentable par un sous schéma ouvert de ¯
Hg,S
qu’on notera Hg,S.
Définition 2.1.1 ([LK79]) Soit C Sune courbe lisse et projective de genre
g. Elle est dite hyperelliptique s’il existe une involution σAutS(C)telle que
pour tout point géométrique ¯sde S, le quotient C¯s/hσisoit isomorphe à P1
Spec κ(¯s).
Proposition 2.1.2 Le foncteur
Hyp : (Schémas/S)(Ensembles)
T7→
π:C T, courbe lisse
hyperelliptique de genre g
avec isomorphisme P(πω3
C/T )
=P5g6
T
/iso
est représentable par un sous-schéma fermé de Hg,S .
Preuve : Elle est analogue à celle de [LL78], Theorem 3. ¤
Pour tout schéma S, on note Ig,S le sous-schéma fermé de Hg,S qui représente
le foncteur Hyp. On notera ¯
Ig,S l’adhérence schématique de Ig,S dans ¯
Hg,S. On
pose Ig:= Ig,Spec Zet ¯
Ig:= ¯
Ig,Spec Z. Si Sest réduit (resp. intègre) alors Ig,S aussi
(car Ig,S Sest lisse à fibres géométriques intègres par [LL78], Theorem 3),
et il en est donc de même pour ¯
Ig,S. De plus, pour tout morphisme de schémas
TS, on a une immersion fermée ¯
Ig,T ¯
Ig,S ×ST. Si TSest plat alors ce
morphisme est un isomorphisme.
Remarque 2.1.3 Soit Tun S-schéma intègre. Soit C Tune courbe stable
dont la fibre générique est lisse et hyperelliptique. On a alors un morphisme
T¯
Hg,S dont l’image est (ensemblistement) contenue dans ¯
Ig,S. Par suite, ce
morphisme se factorise par l’inclusion ¯
Ig,S ¯
Hg,S car Test réduit.
2.2 Démonstration des inégalités (2)
Soient Sun schéma, i:¯
Ig,S ¯
Hg,S l’inclusion, δle diviseur du bord (c’est-à-dire
le diviseur obtenu par changement de base SSpecZà partir de ¯
Hg,Z\Hg,Z) et
λle fibré de Hodge sur ¯
Hg,S (c’est à dire que pour une courbe stable π:C T
à laquelle correspond un morphisme µ:T¯
Hg,S on a µλ= det ¡πωC/T ¢).
On sait ([DM69], Corollary 1.9) que δest un diviseur de Cartier. Dans le cas
où le schéma de base est le spectre d’un anneau de valuation discrète, on a les
interprétations suivantes :
Proposition 2.2.1 Soient Run anneau de valuation discrète dont le corps rési-
duel est algébriquement clos et S= SpecR. Soit C Sune courbe stable dont
la fibre générique est lisse. Soit µ:S¯
Hg,S une section correspondant à un
plongement tricanonique de C. Soient q1,...,qrles points singuliers de la fibre
4
spéciale Csd’épaisseurs respectives e(q1),...,e(qr)dans C, et tune équation locale
de δen µ(s). Alors Pr
i=1 e(qi) = νK(µ#(t)).
Preuve : Voir [Liu93], section 5, Lemme. ¤
Remarque 2.2.2 Cette interprétation est encore vérifiée par l’image réciproque
δ:= iδde δsur ¯
Ig,S.
Remarque 2.2.3 Notons λl’image réciproque du fibré de Hodge λsur ¯
Ig,S.
Soit TSun morphisme. On montre aisément que la formation du fibré λest
compatible avec le diagramme commutatif canonique
¯
Hg,T
//¯
Hg,S ×ST
¯
Ig,T ÂÄ//
?
Â
OO
¯
Ig,S ×ST.
?
Â
OO
Proposition 2.2.4 Soient Tun schéma et f:C Tune courbe lisse hyperel-
liptique de genre g. Alors il existe une section canonique
ΛC/T (det H0(C, ωC/T ))8g+4
qui est une base de (det fωC/T )8g+4 et dont la formation commute au change-
ment de base.
Preuve : Traitons d’abord le cas où il existe un morphisme f:C P1
Tfidèlement
plat et fini de degré 2. Alors il existe un recouvrement de Tpar des schémas affines
Ti= SpecAitels que CTicontienne un ouvert isomorphe à
SpecAi[x, y]/(y2+Qi(x)yPi(x)).
On montre alors que
ΛCTi/Ti:= ∆gµdx
2y+Qi
...xg1dx
2y+Qi8g+4
(où est le discriminant de l’équation comme défini par exemple dans [Liu94],
section 1.2) définit une base de (det H0(CTi, ωCTi/Ti))8g+4 et ne dépend pas du
choix de l’équation (cf. par exemple [Kau99], Proposition 2.2). Soit Vun ouvert
affine de TiTj, alors ΛCTi/Ti|V= ΛCTj/Tj|Vcar ces deux sections ne dépendent
pas des équations choisies. On peut donc recoller les ΛCTi/Tiet ainsi obtenir une
section ΛCT/T .
Dans le cas général, d’après [LK79], Theorem 5.5, on peut trouver une famille
de schémas T
jaffines et un morphisme fidèlement plat `jT
jTtels que pour
tout j, il existe un morphisme fidèlement plat C ×TT
jP1
T
jde degré 2. On
conclut alors de manière standard par descente fidèlement plate. ¤
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