L’Islamisme en Russie et les menaces en Asie Centrale, de la Russie
GéostratéGiques n° 44 • avril 2015
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Une fois la situation géopolitique radicalement changée – lorsque le monde
bipolaire est devenu quasi-unipolaire – beaucoup de dogmes de ce modèle sont
restés dans le passé, y compris l’espoir de pouvoir surmonter les relations violentes
dans la politique et la géopolitique. Les années 1990 et 2000 ont passé sur le conti-
nent européen sous le signe de la renaissance de la violence politique. Les années
1990 ont été marquées par les conflits ethniques et les mouvements séparatistes (le
démantèlement de l’URSS et de la Yougoslavie). Les années 2000 correspondent
à la renaissance islamiste. Au cours de la décennie 2001-2011, les actes terroristes
en Europe et en Amérique du Nord ont entrainé la mort de 4 900 personnes (le
maximum durant toute l’histoire de l’Humanité). Sans même compter les attaques
contre les États-Unis de septembre 2011, les 90 pourcents de toutes les victimes ont
été assassinées par les islamistes. Au total, durant les années 2000, 40 actes terro-
ristes environ ont été commis, ce qui double le nombre des attaques terroristes par
rapport à la décennie précédente.
À partir de 1999, 59 actes de terrorisme de grande envergure avec des victimes
civiles ont été commis en Russie, dont 58 par les islamistes. Pour l’année 2013,
le nombre des victimes était de 1667 personnes. Néanmoins ces chiffres ne com-
prennent les actes locaux d’agression contre les forces de la sécurité nationale dans
le Caucase du Nord. En 2004 uniquement, leur nombre s’est porté à 265 attaques.
Le dernier incident d’envergure s’est déroulé en décembre 2014 à Grozny. Selon
les données reçues, les dégâts auraient pu être beaucoup plus néfastes puisque les
extrémistes avaient préparé le scénario de Beslan. L’épisode avec la bande de mal-
faiteurs, qui agissait cet été le long des autoroutes dans les environs de Moscou, est
très évocateur. Cette bande crevait les pneus des voitures passantes et abattait les
conducteurs et les passagers sans motivation évidente. Ils ont tué une vingtaine de
personnes. Suite à l’arrestation de ces bandits, on a appris qu’ils étaient tous des
immigrés d’Asie centrale, probablement des islamistes.
Leur conduite pourrait être interprétée comme une activité terroriste. Le ter-
rorisme n’est pas une simple infraction, mais un acte de communication. Le rôle
des communicants revient aux islamistes. Or la société, en tant que destinataire des
messages, essaie de les camoufler. Il m’est difficile de porter une appréciation sur
la situation en Europe, mais je crois qu’elle est la même qu’en Russie : lorsqu’on
y parle des actes terroristes, on essaie de diminuer la motivation idéologique et
religieuse. Cette intention est légitime ; si les terroristes tentent de parler au nom
de l’Islam, il ne faut pas les y aider. Mais cela ne fonctionne pas de cette façon. Le
terrorisme est une communication « par contrainte ». Elle s’effectue même si nous
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