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Journal Identification = MTP Article Identification = 0417 Date: February 13, 2012 Time: 10:43 am
De la maladie chronique à la fin de vie dans un service de Gastroentérologie pédiatrique
nutrition parentérale... une vie redevenue presque nor-
male. Cependant, des complications évolutives et un rejet
intestinal chronique ont conduit, à une détransplantation
à l’âge de 11 ans. Au décours, il a dû séjourner longtemps
en France dans un centre de soins de suite et de réadapta-
tion (SSR), éloigné de sa famille, heureusement très bien
inséré dans le centre et impatient d’être retransplanté. Il
était très intelligent et doté d’une forte personnalité. Il a
finalement été retransplanté à l’âge de 13 ans mais un rejet
intestinal aigu associé à un syndrome lympho-prolifératif
(SLP) l’a précipité dans une situation dans laquelle la
poursuite de la prise en charge devenait d’une extrême
gravité. Les alternatives étaient d’alourdir son traitement
immuno-supresseur avec le risque de le voir emporter
par le SLP ou le détransplanter à nouveau sans espoir
de pratiquer une troisième transplantation. Nous avons
décidé, non sans difficultés, de l’accompagner dans les
meilleures conditions et dans le secteur d’hospitalisation
où l’environnement humain lui était le plus familier. Même
la décision du lieu de fin de vie n’a pas été simple. Au cours
des jours suivants, l’équipe de gastroentérologie, soignants
et médecins, a fait «l’apprentissage de la fin de vie »grâce
à l’aide constante du pédopsychiatre (Dr Pierre Canoui) et
d’une anesthésiste (Dr Christiane Buisson) auxquels nous
devons beaucoup. Nous avons accueilli sa maman, arrivée
précipitamment d’Italie, et vécu avec elle les instants de
sa mort. La douleur des soignants a été exprimée, partagée
et quelque part réparatrice. C’est à la suite de cet événe-
ment que nous avons mis en place, avec le pédopsychiatre
(Dr Pierre Canoui) et la psychologue clinicienne (Madame
Marion Soulié), des groupes de parole et mené un travail
de réflexion sur le deuil. C’est aussi dans ces circonstances
que se sont bien exprimées, au sein de l’équipe médicale,
les différences de sensibilités dans les circonstances de fin
de vie. Néanmoins ce que ce jeune garc¸on nous a ensei-
gné est tout à fait considérable et nous a permis de vivre
d’autres situations de fin de vie avec la disponibilité et la
sérénité qui sont indispensables dans ces circonstances.
Il nous a appris avec quelle intensité cette étape se vit et
à quel point, lorsqu’elle est bien vécue, elle allège le far-
deau du deuil et adoucit ce qu’il est convenu d’appeler
son «parcours ».
Très récemment, nous avons été confrontés au cas d’un
jeune garc¸on d’origine maghrébine, né de parents consan-
guins et atteint d’une autre entéropathie congénitale rare
nécessitant une nutrition parentérale définitive. La sévé-
rité des symptômes et les conditions socio-familiales ont
obligé cet enfant à rester 3 années consécutives dans un
hôpital avant de nous être confié pour un projet de trans-
plantation intestinale. Celle-ci a finalement été réalisée
alors qu’il avait 3 ans et demi. Détransplanté à l’âge de
5 ans, en raison d’un rejet chronique, il a alors pu être
pris en charge dans sa famille, en nutrition parentérale
à domicile. Il s’y est très bien inséré, notamment grâce à
l’investissement de tous les instants de sa maman. Malheu-
reusement, de nombreuses complications infectieuses,
des troubles du comportement, l’apparition progressive
d’une hépatopathie ont marqué les années qui suivirent.
En raison de la gravité et de la complexité de la situa-
tion liée aux troubles psychiatriques, il a été «récusé »
pour une transplantation qui aurait été une transplantation
du foie et de l’intestin. Sa famille a été très attentive-
ment informée et accompagnée dans le cadre de cette
décision médicale multidisciplinaire qu’elle a acceptée.
Il devait donc un jour arriver à la fin de sa vie, avec de
notre part, la détermination qu’elle fut la plus paisible
possible. La suite a été quelque peu différente, car la surve-
nue d’une insuffisance rénale et de thromboses vasculaires
faisant entrevoir sa mort proche a conduit à la demande
angoissée, de l’enfant et de ses parents, de trouver une
solution ; ce qui a conduit à rediscuter la décision anté-
rieure. Plusieurs discussions multidisciplinaires au cours
desquelles les avis divergeaient largement ont finalement
conduit à une transplantation, à très haut risque, mais sup-
posée résoudre l’ensemble de ses problèmes somatiques
puisqu’il s’agissait d’une transplantation assez exception-
nelle, associant l’ensemble de l’axe gastro-intestinal, le
foie, le pancréas et les reins. Jusqu’au tout dernier moment
qui a précédé l’acte opératoire, réalisé en urgence compte
tenu d’une situation s’aggravant rapidement, l’enfant et sa
maman, ont d’autant plus hésité entre accepter et refuser la
transplantation qu’ils percevaient nos propres hésitations.
Malheureusement, ce jeune garc¸on est mort en réanima-
tion au terme de 6 semaines de soins très intensifs, dont
plus de 5 semaines intubé, ventilé et dialysé, et les 4 der-
niers jours dans le coma, entouré en quasi-permanence,
de ses deux parents qui se raccrochaient aux espoirs les
plus minimes.
Discussion et conclusion :
nos peurs face à la fin de vie d’un enfant
Les progrès des techniques médicales et chirurgicales
repoussent toujours les limites du possible, remettant en
question les frontières entre «raisonnable »et «déraison-
nable ». Cette deuxième histoire nous interpelle et nous
amène à réfléchir sur la peur ou plutôt «les peurs »,
d’affronter la réalité et d’envisager l’avenir d’un enfant et
de sa famille qui, le plus souvent, ont supporté au-delà de
ce qui nous semble possible et dont la fin de vie doit être
aussi douce et digne que nous pouvons l’assurer. Ces peurs
sont diverses et pas toujours bonnes conseillères. Elles
doivent être gérées dans la collégialité et dans le strict res-
pect de toutes les opinions et sensibilités. La peur de notre
propre mort et de celle des autres, la peur de la vie avec un
handicap physique ou psychosocial et celle de la dépen-
dance, la peur de la souffrance physique et morale, la peur
de l’échec ou celle de passer à côté de l’exploit thérapeu-
26 mt pédiatrie, vol. 15, n◦1, janvier-février-mars 2012
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