
A. L’obligation de conformité imposée par la réputation
Les entreprises communiquent sur leur politique éthique. Cette com-
munication est de nature à rassurer les investisseurs et les partenai-
res de l’entreprise. Outre les avantages compétitifs pouvant en dé-
couler, elle accrédite une minoration du risque de réputation et de
réglementation. Mais, encore faut-il que cette communication s’an-
cre dans la réalité. Les effets négatifs pouvant découler d’une
distorsion entre le discours et la réalité pouvant être destructeurs de
valeur.
B. Les obligations conventionnelles
Il devient difficile d’ignorer la contrainte socio-économique de la
RSE. De nombreuses normes conventionnelles multilatérales contrai-
gnantes apparaissent donc telles que les Principes de l’Équateur ou
les Accords de Kimberley. Par ailleurs, les donneurs d’ordres impo-
sent à leurs fournisseurs, prestataires, sous-traitants d’adhérer à leur
charte éthique et de déclarer qu’ils en respecteront les termes. L’éthi-
que devient ainsi un élément de la conformité contractuelle (9).
Ces contraintes conventionnelles génèrent des risques de non-
conformité (résiliation, application de pénalités contractuelles,
exigibilité anticipée d’un crédit, etc.) qui doivent être contrôlés.
C. Les obligations légales
Il n’existe pas de texte édictant une norme RSE et sa sanction. Ce-
pendant, ces règles éthiques que les entreprises se fixent à elles-
mêmes pourraient-elles être une source de responsabilités nouvel-
les ?
En matière de communication permanente : la communication RSE
ne fait pas partie de l’information réglementée et serait ainsi en
dehors des règles régissant l’information des marchés. Ce n’est pas
certain. En Europe (la règle est substantiellement la même aux États-
Unis), l’information permanente doit être « sincère, précise et exacte »
(10). L’information divulguée sur les sites internet des sociétés doit
être également « sincère, précise et exacte » (11). En France, les en-
treprises cotées ont l’obligation d’inclure dans leur rapport annuel la
manière dont elles prennent en compte les conséquences sociales
et environnementales de leurs activités (12). Cette information doit
être également « exacte, précise et sincère ».
Rappelons que pour être exacte, l’information doit suivre la vérité
— commet une infraction celui qui sait que l’information est de
nature à induire en erreur le marché. Des indices éthiques listent les
sociétés sur la base de l’information communiquée et des investisseurs
investissent sur cette base (13). Pour être sincère, l’information doit
faire l’objet d’une appréciation raisonnable des risques. Comment
communiquer de manière sincère sans contrôle interne permettant
d’assurer la maîtrise de la conformité et du risque de non-confor-
mité ? Rappelons à cet égard que les entreprises doivent mentionner
dans leurs prospectus les facteurs de risque. Pour être précise, en-
fin, l’information doit être complète.
En toute logique, en l’absence d’un contrôle interne de la confor-
mité des comportements à la charte éthique, le respect de l’obliga-
tion de divulguer une information exacte, précise (c’est-à-dire com-
plète) et sincère et de mentionner les facteurs de risque, pourrait
nécessiter, afin de ne pas induire en erreur ceux qui investissent sur
des bases éthiques, d’indiquer que ce contrôle fait défaut. Cepen-
dant, une telle déclaration anéantirait l’intérêt de la communication
éthique. La mise en place d’un contrôle de la conformité est donc
un élément indissociable de la mise en place d’une charte éthique.
En matière de communication périodique. Celle-ci doit mentionner
les événements importants de la période considérée (14). Si une
société est listée par un indice éthique, une non-conformité à la
charte éthique pourrait constituer un événement important du point
de vue des critères d’investissement retenus. Plus encore, le fait
d’être incapable d’assurer ces investisseurs de la conformité du com-
portement avec la charte éthique, pourrait être vu comme un sujet
de communication en soi. Rappelons également l’obligation de sin-
cérité, c’est-à-dire l’existence d’une appréciation raisonnable des ris-
ques.
En matière comptable et de contrôle des comptes. La comptabilité
doit donner une image sincère et fidèle du patrimoine de l’entre-
prise, de ses activités et de ses résultats. Les normes IFRS telles que
validées par la Commission européenne, prévoient que les états
financiers incluent « tout autre document utile à la compréhension
des comptes ». Ces normes sont utilisables désormais pour les so-
ciétés étrangères cotées sur les marchés américains . Un risque lié à
une non-conformité éthique susceptible d’impacter les comptes (ris-
que de perte d’un marché, risque d’exigibilité anticipé d’un contrat,
etc.), mais non reflété dans ceux-ci, pourrait conduire à les consi-
dérer comme ne répondant pas à ces obligations.
Il n’existe pas de norme professionnelle pour apprécier la qualité
d’un contrôle interne. Cependant, la Compagnie nationale des com-
missaires aux comptes (CNCC) a rappelé que les commissaires aux
comptes doivent évaluer si la politique sociale ou environnementale
avait un impact sur la situation financière de l’entreprise et, dans ce
(9) À titre d’exemple : les banques adhérents aux Principes de l’Équateur n’acceptent, en substance, de prêter des fonds destinés à des projets d’investissement que si
l’entreprise emprunteuse accepte de s’engager sur le respect d’un certain nombre de critères éthiques.
(10) RG AMF 223-1.
(11) Recommandation COB n
o
98-05.
(12) Loi n
o
2001-420 du 15 mai 2001.
(13) On suivra avec intérêt l’avertissement donné par des investisseurs influant à 78 sociétés cotées n’ayant pas publié leur rapport RSE, contrairement à l’engagement puis lors
de l’adhésion au Global Compact. Wall Street Journal, 15 janvier 2007, Companies Warned on social reports.
(14) C. com., art. 223-7, 233-26 ; C. mon. et fin., L. 232-7.
DOCTRINE
DROIT DES SOCIÉTÉS
6- Petites affiches - 14 MARS 2008 - N
O
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