Pratiques de prescription des traitements antipsychotiques dans les

326
L’Encéphale,
33 :
2007, Mai-Juin, cahier 1
PHARMACOÉPIDÉMIOLOGIE
Pratiques de prescription des traitements antipsychotiques dans les
premières hospitalisations pour épisode psychotique : étude sur
une cohorte de patients hospitalisés dans deux hôpitaux girondins
A. GROLLEAU
(1, 2)
, A. COUGNARD
(1, 2)
, M. PARROT
(3)
, E. KALMI
(3)
, A. DESAGE
(3)
, D. MISDRAHI
(3)
,
H. BRUN-ROUSSEAU
(4)
, H. VERDOUX
(1, 2, 3)
(1) Université Victor-Segalen Bordeaux 2, Bordeaux, France.
(2) INSERM U 657, IFR99 de Santé Publique, Bordeaux, France.
(3) Centre Hospitalier Charles-Perrens, Bordeaux, France.
(4) Centre Hospitalier Cadillac, Cadillac, France.
Travail reçu le 9 septembre 2005 et accepté le 24 janvier 2006.
Tirés à part :
H. Verdoux (à l’adresse ci-dessus).
Prescription practices of antipsychotic medication in early psychosis : a two-year follow-up survey
of subjects admitted in two psychiatric hospitals of South-Western France
Summary. Objectives
The aims of this pharmacoepidemiological study were to describe the antipsychotic medication
received during the first admission and over a two-year follow-up in subjects with a first episode of psychosis, and to
assess whether the prescriptions in naturalistic conditions were in adequacy with guidelines.
Method –
All first-admitted
patients, less than 50 years old, consecutively hospitalised in 10 acute wards of two psychiatric hospitals serving Bor-
deaux’s catchment area were included over a period of one year, if they presented with at least one overt psychotic
symptom during the last month. Information on psychotropic medication received during the first admission was collected
in medical records, and that received after the first admission was collected at the end of a two-year follow-up using
multiple sources of information.
Results –
Of the 86 patients included in the cohort, 53 presented with broadly defined
schizophrenia and 33 with psychotic mood disorder. All except two subjects were prescribed at least one neuroleptic
drug. Antipsychotic drugs (amisulpride, olanzapine, risperidone, clozapine) were the most frequently prescribed drugs
during the first admission and over the two-year follow-up. If sedative neuroleptics were excluded, antipsychotic drugs
were the first prescribed neuroleptic drugs in a large proportion (80 %) of patients. Although few patients were first pres-
cribed a conventional neuroleptic, the proportion of subjects treated with these drugs increased over the next prescriptions,
and one out of three patients was prescribed at least one of these drugs during the follow-up. The mean dose of antip-
sychotic drugs at first discharge was higher than that recommended in first episode patients (amisulpride 616 mg, olan-
zapine 13 mg, risperidone 7 mg). Coprescription of neuroleptic drugs, found in one third of patients at all times of asses-
sment, was especially due to coprescription of a sedative neuroleptic to a conventional or an antipsychotic one. Nearly
half of the patients did not take any psychotropic medication at the end of the follow-up.
Conclusion –
The main recom-
mendation specifying that the first neuroleptic treatment in subjects with a first episode of psychosis should use antipsy-
chotic drugs instead of conventional neuroleptics was generally respected in this cohort of first-admitted subjects with
psychosis. However, conventional neuroleptics were found in first or second rank prescriptions, although they should not
be used before at least the third rank. The recommendations that the initial neuroleptic dose should be lower in subjects
with a first episode, and that coprescription of neuroleptics should be avoided, were frequently not respected. This study
highlights the fact that international guidelines should be better applied in naturalistic conditions, and that clinicians have
to be better informed about these recommendations.
Key words :
Antipsychotic medication ; First admission ; International guidelines ; Psychotic disorder.
L’Encéphale, 2007 ;
33 :
326-31, cahier 1 Pratiques de prescription des traitements antipsychotiques dans les premières hospitalisations
327
Résumé.
Objectif –
Évaluer l’adéquation entre les pratiques
de prescription en conditions réelles et les recommandations
internationales pour des sujets hospitalisés pour la première
fois pour un épisode psychotique.
Méthode –
Ont été inclus
des sujets hospitalisés pour la première fois en psychiatrie
pour un trouble psychotique dans 10 secteurs girondins. Les
données recueillies concernant les médicaments ont porté
sur les traitements prescrits pendant la première hospitalisa-
tion et au cours des deux ans de suivi.
Résultats –
L’étude a
porté sur 86 patients. L’initiation du traitement neuroleptique
a été faite avec un antipsychotique de seconde génération
pour 80 % des patients lors de la prescription hospitalière ini-
tiale (sédatifs exclus). Toutefois 25 % de patients ont reçu
un neuroleptique conventionnel au cours de la première hos-
pitalisation, et 30 % au cours des deux années de suivi (séda-
tifs exclus). Les co-prescriptions de neuroleptiques obser-
vées chez un tiers des sujets étaient liées à l’association d’un
neuroleptique sédatif à un antipsychotique ou un neurolepti-
que conventionnel. Les doses de neuroleptiques prescrites
étaient plus élevées que celles recommandées pour un pre-
mier épisode.
Conclusion –
La recommandation internatio-
nale principale concernant l’utilisation en première ligne
d’antipsychotiques de seconde génération a été suivie pour
la plupart des patients. Cependant, il paraît nécessaire d’opti-
miser les pratiques de prescription, notamment en termes de
posologie et de co-prescription.
Mots clés :
Première hospitalisation ; Recommandations interna-
tionales ; Traitement antipsychotique ; Troubles psychotiques.
INTRODUCTION
Depuis la mise sur le marché des antipsychotiques de
seconde génération, quelques études françaises se sont
intéressées aux modalités de prescription de ces produits
(3, 4, 9). Ces études incluaient à la fois des patients pré-
sentant un premier épisode psychotique et ceux présen-
tant un trouble psychotique chronique. Or les modalités
de prescription ne sont pas totalement superposables
dans ces deux conditions. Le traitement approprié d’un
premier épisode peut avoir un impact déterminant dans
le pronostic clinique et social de la maladie (15), et des
recommandations spécifiques ont été élaborées pour ces
situations. Les neuroleptiques de seconde génération
sont recommandés en première intention en raison de
leurs moindres effets secondaires extrapyramidaux (15,
17, 18). De plus faibles doses de neuroleptiques sont
recommandées lors d’un premier épisode psychotique
que lors d’épisodes psychotiques récurrents car les
patients sont alors généralement plus sensibles aux effets
thérapeutiques mais aussi aux effets secondaires des trai-
tements (2, 8, 11). Enfin, il est également recommandé
de ne pas associer deux neuroleptiques lors d’un premier
épisode psychotique (8, 14) et de poursuivre le traitement
après la rémission des symptômes pendant au moins 12
à 24 mois (15).
De nombreux essais cliniques randomisés, évaluant
l’efficacité des traitements prescrits dans un premier épi-
sode psychotique, ont été effectués (12, 13, 17). À notre
connaissance aucune étude pharmaco-épidémiologique
n’a examiné l’adéquation entre les recommandations
internationales et les pratiques de prescription pour des
sujets hospitalisés pour la première fois pour un épisode
psychotique.
Les objectifs de cette étude étaient : 1) de décrire les
traitements antipsychotiques prescrits à des patients pré-
sentant un épisode psychotique lors de leur première hos-
pitalisation, à leur sortie, et au cours de deux ans de suivi ;
2) d’évaluer l’adéquation entre les pratiques de prescrip-
tion en conditions réelles et les recommandations inter-
nationales.
MÉTHODE
Sujets
L’étude porte sur une cohorte prospective de patients
hospitalisés pour la première fois en psychiatrie pour un
épisode psychotique (5, 6). Tous les patients consécuti-
vement hospitalisés dans 6 secteurs du Centre hospitalier
Charles-Perrens (Bordeaux, Gironde) et dans 4 secteurs
du Centre hospitalier de Cadillac (Cadillac, Gironde) ont
été inclus pendant un an (du 12 mars 2001 au 11 mars
2002) s’ils remplissaient les critères suivants : 1) consen-
tement éclairé pour participer à cette étude ; 2) parler la
langue française ; 3) être âgé de moins de 50 ans ; 4) avoir
présenté au moins un symptôme psychotique pendant le
dernier mois selon les définitions de l’Organisation Mon-
diale de la Santé (19) [(i) hallucinations, quel que soit le
mode sensoriel ; (ii) idées délirantes ; (iii) troubles mar-
qués du cours de la pensée et du langage ; (iv) troubles
psychomoteurs marqués ; (v) comportement bizarre ou
grossièrement inapproprié]. Les critères d’exclusion
étaient les suivants : 1) sujets présentant des antécédents
d’hospitalisation dans des services psychiatriques hospi-
taliers privés ou publics ; 2) syndrome confusionnel ou
psychosyndrome organique.
Évaluation
À l’inclusion, un questionnaire semi-structuré standar-
disé a été utilisé pour collecter des informations sur les
caractéristiques sociodémographiques des patients. Les
diagnostics ont été posés selon la Classification interna-
tionale des maladies (CIM-10) (16) par les médecins en
charge des patients. Deux ans après leur première
admission, les patients ont été informés par courrier de
l’existence d’une enquête visant à évaluer leur devenir et
seuls ceux ayant donné leur consentement ont été
évalués. Le recueil d’informations a été réalisé auprès de
toutes les sources d’information potentielles (patient,
entourage, personnel soignant, médecin et psychiatre
traitant) par un questionnaire standardisé. Une évaluation
multidimensionnelle du devenir clinique et social a été
effectuée, dont les résultats sont présentés dans une autre
étude (7).
A. Grolleau
et al.
L’Encéphale, 2007 ;
33 :
326-31, cahier 1
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Données concernant les traitements psychotropes
Les informations concernant les traitements prescrits
lors de la première hospitalisation et à la sortie ont été
recueillies dans les dossiers médicaux (prescription, rang
de prescription, dose prescrite à la sortie). Les données
concernant les traitements prescrits au cours des deux
ans de suivi ont été recueillies lors de l’évaluation à deux
ans, auprès de toutes les sources d’informations disponi-
bles. Trois sous-classes de neuroleptiques ont été
distinguées : 1) les neuroleptiques à visée sédative (cya-
mémazine, lévomépromazine et alimémazine) ; 2) les
antipsychotiques de seconde génération (amisulpride,
clozapine, olanzapine et rispéridone) ; 3) les neurolepti-
ques conventionnels (toutes les autres molécules).
RÉSULTATS
Caractéristiques de la cohorte
Cette cohorte incluait 86 patients [55 hommes (63,9 %)
et 31 femmes (36,1 %)] avec une moyenne d’âge de
27,8 ans (écart type = 6,9, extrêmes 17-45). La majorité
des patients étaient célibataires (n = 72, 83,7 %) et la moi-
tié (n = 43, 50 %) étaient sans emploi. Les diagnostics
CIM-10 posés pendant la première hospitalisation étaient
les suivants : 1) schizophrénie largement définie (n = 53,
61,6 %), incluant 29 patients avec schizophrénie (F20),
12 avec troubles psychotiques aigus (F23), 8 avec idées
délirantes (F24), 3 avec troubles schizo-affectifs et 1 avec
trouble psychotique non spécifié (F25) ; 2) troubles de
l’humeur (n = 33, 38,7 %) incluant 27 patients avec manie
(F30) ou troubles bipolaires affectifs (F31) et 6 avec trou-
bles dépressifs (F32). Les données sur les médicaments
prescrits pendant la première hospitalisation et à la sortie
n’ont pas pu être recueillies pour 3 et 2 patients, respec-
tivement (dossier égaré ou refus de communication
d’information par les psychiatres hospitaliers).
La durée moyenne du suivi après l’admission était de
108 semaines (écart-type = 7). Les informations concer-
nant le traitement au cours du suivi ont été recueillies pour
84 patients. Au cours des deux ans de suivi, 2 patients
sont décédés de cause non naturelle (suicide et noyade).
Les données de ces deux patients n’ont donc pas été pri-
ses en compte pour les analyses faites au terme des deux
ans.
Modalités de prescription des traitements neurolepti-
ques lors de la première admission
Seules sont présentées ici les données concernant les
traitements neuroleptiques, celles concernant les autres
psychotropes sont disponibles auprès des auteurs. Les
prescriptions de neuroleptiques sont décrites dans le
tableau I
. Lors de la première hospitalisation, seuls deux
patients n’ont pas été traités par neuroleptique (antidé-
presseur et anxiolytique pour le premier ; thymorégulateur
et anxiolytique pour le second). Plus des trois quarts des
patients ont reçu une prescription de neuroleptiques séda-
tifs, et/ou au moins un antipsychotique de seconde géné-
ration au cours de l’hospitalisation, le plus prescrit étant
l’amisulpride suivi de la
rispéridone et de l’olanzapine. Les
neuroleptiques conventionnels ont été prescrits chez un
quart des patients ; le plus fréquemment utilisé a été
l’halopéridol, que ce soit sous forme orale ou sous forme
à action prolongée. Si on considère les 75 sujets qui ont
eu au moins une prescription d’antipsychotique de
seconde génération ou de neuroleptique conventionnel,
63 (84 %) ont reçu un neuroleptique antipsychotique en
premier rang de prescription et 12 (16 %) un neuroleptique
conventionnel. Lors de la première prescription hospita-
lière, 26 sujets (32,1 %) ont eu d’emblée une co-prescrip-
tion de neuroleptiques, qui était à une exception près
l’association d’un neuroleptique sédatif à un antipsycho-
tique de seconde génération ou un neuroleptique conven-
tionnel.
À la sortie de l’hospitalisation, 9 patients sur 10 avaient
une prescription de neuroleptique, incluant pour un tiers
des sujets un neuroleptique sédatif (doses moyennes indi-
quées dans le
tableau I
). Un tiers des sujets (n = 26) sont
sortis avec une co-prescription de neuroleptiques, qui était
à deux exceptions près liée à l’association d’un neurolep-
tique sédatif à un neuroleptique conventionnel ou anti-
psychotique de seconde génération. L’association de
neuroleptiques et d’anticholinergiques a été observée
pour un peu moins d’un tiers des patients (n = 25, 32,9 %).
L’association d’un anticholinergique a été retrouvée pour
un peu plus d’un quart des 60 patients ayant une pres-
cription d’antipsychotiques de seconde génération (n = 16,
26,7 %). Cette proportion est nettement plus importante
chez les 15 patients traités par un neuroleptique conven-
tionnel à la sortie de l’hospitalisation, les deux tiers (n = 10,
66,7 %) ayant une prescription d’un anticholinergique.
Traitement au cours du suivi
Au cours des deux ans de suivi, les trois quarts des
patients ont eu au moins une prescription d’antipsychoti-
que de seconde génération, le plus prescrit restant l’ami-
sulpride. La proportion de patients sous neuroleptiques
conventionnels a légèrement augmenté pendant les deux
ans de suivi pour atteindre presqu’un tiers des patients.
Un tiers des sujets recevaient un neuroleptique sédatif au
cours du suivi. Pour les 67 patients sortant avec un trai-
tement neuroleptique (sédatifs exceptés), seuls 37
(55,2 %) le recevaient encore au terme des deux ans de
suivi.
Diagnostics et prescriptions
Les prescriptions en fonction du diagnostic figurent
dans le
tableau II
. Pendant la première hospitalisation, les
neuroleptiques conventionnels ont été prescrits plus fré-
quemment aux patients ayant un diagnostic de schizo-
phrénie qu’à ceux ayant celui de trouble de l’humeur. À la
sortie de l’hospitalisation, les neuroleptiques convention-
L’Encéphale, 2007 ;
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326-31, cahier 1 Pratiques de prescription des traitements antipsychotiques dans les premières hospitalisations
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TABLEAU I. —
Neuroleptiques (NRL) prescrits pendant la première hospitalisation, à la sortie et pendant les deux ans de suivi.
Pendant la 1
re
hospitalisation À la sortie de la 1
re
hospitalisation Pendant les 2 ans
de suivi
Fréquence
n = 83
Rang de prescription Fréquence
n = 84 Dose
(mg/jour
1
ou mg/mois
2
)Fréquence
n = 84
Durée de
prescription
(semaines)1 2 3-5
n (%) n (%) n (%) n (%) n (%) Moy
3
ET
4
Min-Max n (%) Moy
3
ET
4
Au moins un NRL
81 (97,6) 76 (90,5) 76 (90,5)
Au moins un NRL sédatif
64 (77,1) 56 (67,5) 28 (33,3) 27 (32,1)
Cyamémazine 53 (63,9) 46 (55,4) 7 (8,4) 22 (26,2) 67,1
5
53,4
5
25-250 23 (27,4) 42,5
5
35,5
5
Lévomépromazine 16 (19,3) 10 (12,0) 5 (6,0) 1 (1,2) 6 (7,1) 33,0 15,6 20-50 7 (8,3) 27,6 20,7
Alimémazine 1 (1,2) 1 (1,2) 0 0
Au moins un NRL sédatifs exclus
75 (90,4) 73 (86,9) 75 (89,3)
Au moins un antipsychotique de
2
e
génération
67 (80,7) 41 (49,4) 60 (71,4) 63 (75,0)
Amisulpride 34 (41,0) 19 (22,9) 12 (14,5) 3 (3,6) 27 (32,1) 616
6
335
6
100-1200 34 (40,5) 41,1
5
31,2
5
Rispéridone 24 (28,9) 14 (16,9) 8 (9,6) 2 (2,4) 19 (22,6) 6,9
7
3,7
7
2-16 28 (33,3) 38,5
6
30,7
6
Olanzapine 19 (22,9) 8 (9,6) 5 (6,0) 6 (7,2) 14 (16,7) 12,9
5
4,1
5
7,5-20 26 (31,0) 42,6
5
32
5
Clozapine 0 0 1 (1,2) 72,0
Au moins un NRL conventionnel
21 (25,3) 15 (17,9) 26 (30,9)
Forme orale
21 (25,3) 10 (12,2) 5 (6,0) 18 (21,4)
Halopéridol 10 (12,0) 3 (3,6) 3 (3,6) 4 (4,8) 2 (2,4) 12,5 10,6 5-20 4 (4,8) 25,0 26,8
Zuclopenthixol 8 (9,6) 3 (3,6) 4 (4,8) 1 (1,2) 1 (1,2) 30 7 (8,3) 33,2
5
14,9
5
Loxapine 8 (9,6) 4 (4,8) 2 (2,4) 2 (2,4) 0 1 (1,2)
Autres
8
6 (7,2) 1 (1,2) 1 (1,2) 3 (3,6) 2 (2,4) 6 (7,2)
Forme retard
10 (12,0) 10 (12,0) 10 (11,9) 9 (10,7)
Halopéridol décanoate 5 (6,0) 5 (6,0) 5 (6,0) 216 106,8 133-400 6 (7,1) 39,3 35,5
Zuclopenthixol décanoate 4 (4,8) 4 (4,8) 4 (4,8) 700 200,0 400-800 1 (1,2) 96
Fluphénazine décanoate 0 0 0 1 (1,2)
Pipotiazine palmitate 1 (1,2) 1 (1,2) 1 (1,2) 75,0 1 (1,2) 96,0
1. En mg/jour pour les formes comprimés et gouttes ; 2. En mg/mois pour les formes retard ; 3. Moyenne ; 4. Écart type ; 5. Données manquantes = 1 ; 6. Données
manquantes = 2 ; 7. Données manquantes = 3 ; 8. Flupenthixol, chlorpromazine, tiapride, sultopride, pipotiazine, sulpiride, penfluridol.
TABLEAU II. —
Comparaison des prescriptions selon les diagnostics lors de la première hospitalisation, à la sortie, et au cours du suivi.
Au moins un
Diagnostic
Test
1
Trouble de l’humeur
n = 33 Schizophrénie
n = 53
n (%) n (%)
χ
2
p
Pendant la 1
re
hospitalisation
Neuroleptique sédatif 24 (77,4) 40 (76,9) 0,003 0,96
Neuroleptique antipsychotique 23 (74,2) 44 (84,6) 1,4 0,24
Neuroleptique conventionnel 2 (6,4) 19 (36,5) 9,3 0,002
À la sortie
Neuroleptique sédatif 5 (16,1) 23 (43,4) 6,5 0,01
Neuroleptique antipsychotique 20 (64,5) 40 (75,5) 1,2 0,28
Neuroleptique conventionnel 1 (3,2) 14 (26,4) 7,2 0,007
Pendant les 2 ans de suivi
Neuroleptique sédatif 4 (12,5) 23 (44,2) 9,1 0,002
Neuroleptique antipsychotique 21 (65,6) 42 (80,8) 2,4 0,12
Neuroleptique conventionnel 6 (18,7) 20 (38,5) 3,6 0,06
1. Degré de liberté = 1 pour tous les tests.
A. Grolleau
et al.
L’Encéphale, 2007 ;
33 :
326-31, cahier 1
330
nels et les neuroleptiques sédatifs ont été plus fréquem-
ment prescrits dans la schizophrénie que dans les troubles
de l’humeur. Au cours des deux ans de suivi, seuls les neu-
roleptiques sédatifs étaient plus prescrits si le diagnostic
était celui de schizophrénie.
DISCUSSION
Synthèse des principaux résultats
Les antipsychotiques de seconde génération ont été
prescrits à plus des trois quarts des patients hospitalisés
pour la première fois pour un trouble psychotique, que ce
soit lors de cette première hospitalisation, à la sortie ou
au cours des deux ans de suivi. L’initiation du traitement
neuroleptique a été faite avec ces produits pour 80 % des
patients lors de la prescription hospitalière initiale (sédatifs
exclus). Toutefois 25 % de patients ont reçu un neurolep-
tique conventionnel au cours de la première hospitalisa-
tion, et 30 % au cours des deux années de suivi (sédatifs
exclus). Les co-prescriptions de neuroleptiques ont été
observées chez un tiers des patients aussi bien lors de
l’hospitalisation que lors du suivi, essentiellement liées à
l’association avec un neuroleptique sédatif.
Limites méthodologiques
La population étudiée présente une hétérogénéité diag-
nostique, inhérente au fait que les patients ont été inclus
sur la base de la symptomatologie présentée et non d’un
diagnostic catégoriel. Cette stratégie est actuellement
adoptée dans la plupart des études portant sur les pre-
miers épisodes psychotiques, car elle permet de réduire
les erreurs de classification diagnostiques qui sont relati-
vement fréquentes dans les premières hospitalisations.
Certaines des recommandations de prescription des anti-
psychotiques auxquelles nous faisons référence ont été
élaborées pour la catégorie diagnostique « schizo-
phrénie
», et pas « trouble psychotique débutant ». On
peut néanmoins considérer qu’elles s’appliquent dès que
l’indication d’un traitement neuroleptique/antipsychotique
est posée chez un patient présentant un trouble psycho-
tique débutant, y compris un trouble de l’humeur avec
caractéristiques psychotiques.
L’inclusion de patients hospitalisés dans le service
public pourrait entraîner un biais de recrutement en favo-
risant l’inclusion de patients présentant des formes plus
sévères. Cependant, une étude antérieure conduite avec
une méthode comparable a montré que moins de 10 %
des patients remplissant les critères avaient été admis
dans d’autres institutions psychiatriques de Bordeaux et
ses environs, suggérant que notre échantillon est repré-
sentatif des patients admis pour la première fois pour un
trouble psychotique (1).
Les pratiques de prescriptions réalisées dans les deux
centres hospitaliers de notre étude ne sont pas forcément
représentatives de celles d’autres centres hospitaliers de
France. En l’absence de données issues d’autres centres
sur des échantillons comparables, nous ne pouvons pas
estimer l’impact de ce possible biais sur nos résultats. Il
paraît toutefois probable que notre étude tend à sous-esti-
mer plutôt qu’à sur-estimer l’écart entre les pratiques et
les recommandations au sein des hôpitaux psychiatriques
français en général.
Interprétation des résultats
En accord avec les recommandations internationales,
les prescripteurs ont dans plus de 80 % des cas choisis
de débuter le traitement des patients présentant un pre-
mier épisode psychotique par un antipsychotique de
seconde génération (15). Les antipsychotiques de
seconde génération les plus prescrits ont été l’amisulpride
suivi de la rispéridone et enfin de l’olanzapine, contraire-
ment aux études de Brunot
et al.
(4) et de Bret
et al.
(3)
qui retrouvent l’amisulpride en dernière position. Ce der-
nier résultat est surprenant si l’on considère que l’étude
de Bret
et al.
(3) a été conduite en 1999-2001 dans un des
deux hôpitaux où les patients de l’étude actuelle ont été
recrutés en 2001-2002. Ce résultat suggère que les clini-
ciens ont des stratégies thérapeutiques différentes en
fonction du stade d’évolution de la pathologie, et choisis-
sent en priorité les produits les plus anciens (en termes
d’AMM) pour les troubles débutants, probablement dans
une stratégie de minimisation des risques privilégiant une
molécule bien connue pour un patient inconnu. Ce biais
d’indication est très classiquement observé lors de la mise
sur le marché d’une nouvelle molécule, qui est le plus sou-
vent prescrite chez les patients les plus sévères et les plus
résistants. Les neuroleptiques conventionnels ont été
prescrits chez un quart des patients débutant la maladie,
souvent en premier et deuxième rangs. Pourtant, les
recommandations préconisent l’utilisation d’un antipsy-
chotique de seconde génération jusqu’au deuxième, voire
troisième rang de prescription, avant d’avoir recours aux
neuroleptiques conventionnels.
Les doses de neuroleptiques prescrites ont été plus éle-
vées que celles recommandées lors des premiers épiso-
des, en particulier pour la rispéridone (6,9 mg/jour) alors
que les doses recommandées sont de 2-4,5 mg/jour (10).
Les patients présentant un premier épisode sont pourtant
plus sensibles aux effets des neuroleptiques, de fortes
doses peuvent donc entraîner des effets secondaires plus
importants (2, 8, 11) pouvant conduire à une mauvaise
observance. Ce résultat suggère la nécessité d’informer
les psychiatres sur l’utilité de débuter un neuroleptique à
de plus faibles doses pour les patients présentant un pre-
mier épisode. De même, les co-prescriptions de neuro-
leptiques sont fréquentes pendant et à la sortie de l’hos-
pitalisation, avec là encore le risque d’augmenter la
fréquence des effets secondaires et de réduire l’obser-
vance (14).
Les anticholinergiques ont été plus fréquemment asso-
ciés aux neuroleptiques conventionnels qu’aux neurolep-
tiques antipsychotiques à la sortie de l’hospitalisation, la
meilleure tolérance extrapyramidale des neuroleptiques
antipsychotiques mise en évidence dans les essais thé-
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