Réactions d`hypersensibilité aux anti - chu

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Journal de pédiatrie et de puériculture (2012) 25, 249—254
Disponible en ligne sur
www.sciencedirect.com
ARTICLE ORIGINAL
Réactions d’hypersensibilité aux anti-inflammatoires
non stéroïdiens (AINS) chez l’enfant
Hypersensitivity to non-steroidal anti-inflammatory drugs in children: A review
A. Pipet a,∗, H. Colas b, F. Wessel a, A. Magnan a
a
Plate-forme transversale d’allergologie, l’institut du thorax, CHU de Nantes, boulevard
Jacques-Monod, 44093 Nantes cedex 1, France
b
Service de pédiatrie, pôle Mère—Enfant, CHU de Nantes, boulevard Jacques-Monod,
44093 Nantes cedex 1, France
Reçu le 30 avril 2012 ; accepté le 10 juillet 2012
MOTS CLÉS
Anti-inflammatoires
non stéroïdiens ;
Hypersensibilité
médicamenteuse ;
Inhibiteurs de
cyclo-oxygénases ;
Asthme ;
Aspirine
∗
Résumé L’hypersensibilité aux AINS est un problème plus fréquemment rencontré chez
l’adulte que chez l’enfant, en partie du fait de moindres indications de prescription. Il est
indispensable dans ce domaine de connaître la classification des AINS aussi bien selon leur
structure que leur degré de sélectivité pour les cyclo-oxygénases 2 (COX2). Les cas de véritable allergie IgE médiée sont beaucoup plus rares que les hypersensibilités immédiates non
allergiques liées à l’inhibition des COX1 par les AINS. Les hypersensibilités aiguës (< 24 heures)
chez l’enfant sont essentiellement cutanées, avec une prédominance d’angio-œdèmes périorbitaires notamment chez l’adolescent atopique. Les réactions retardées (> 24 heures) sont le
plus souvent des exanthèmes maculopapuleux d’évolution bénigne. Les explorations allergologiques reposent sur l’anamnèse, primordiale, et éventuellement des tests cutanés en cas de
suspicion d’allergie IgE médiée (prick-tests ± IDR) ou pour les allergies retardées (patch-tests).
En cas de doute diagnostique, il ne faut pas hésiter à proposer un test de réintroduction oral
sous surveillance hospitalière, plutôt que de risquer une éviction à tort de toute cette classe
médicamenteuse. Le choix d’une alternative au sein des AINS en cas d’hypersensibilité avérée
s’avère parfois difficile en pratique clinique et quelques exemples illustrent ce sujet.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (A. Pipet).
0987-7983/$ — see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
http://dx.doi.org/10.1016/j.jpp.2012.07.004
250
KEYWORDS
Non-steroidal
anti-inflammatory
drugs;
Cyclooxygenase
inhibitors;
Drug hypersensitivity;
Asthma;
Aspirin
A. Pipet et al.
Summary Hypersensitivity to NSAIDs is a less frequent problem in children than in adults,
maybe because they are less prescribed. It is needed to know the structural classification
of NSAIDs, but overall their functional classification based on their cyclooxygenase 2 (COX-2)
selectivity. Authentical IgE-mediated allergies are very rare compared to non-allergic immediate hypersensitivities, due to the inhibition of COX-1 by NSAIDs. Immediate hypersensitivities
(< 24 h) in children are predominantly cutaneous forms; the peri-orbital angioedema is more
frequently seen in atopic teenagers. Late reactions (> 24 h) are often minor, exanthema-like.
Allergological work-up is based on a detailed clinical history, and sometimes cutaneous tests
(prick-tests ± ID when authentical IgE-mediated reactions are suspected, and patch-tests for
late reactions suspected to be lymphocyte-mediated allergies). When the diagnosis of hypersensitivity remains doubtful, it is important to perform an oral provocation test under strict
medical surveillance, because avoiding the whole class of NSAIDs without any proof can be deleterious for the patient. When an immediate hypersensitivity to one or several NSAIDs is proven,
the second step consists in determining a safe alternative for the patient: frequently the choice
of an alternative molecule is difficult, and some clinical examples illustrate this problem.
© 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction
La première description d’hypersensibilité à l’aspirine
remonte à. . . 1902, soit trois ans après le début de la production industrielle d’aspirine par Bayer. Depuis, de nombreuses
molécules sont venues agrandir cette famille des « AINS »,
et on connaît désormais la diversité des manifestations
d’hypersensibilité à ces médicaments, dont les mécanismes
ne sont pas toujours bien élucidés. De ce fait, le terme
« hypersensibilité », jugé plus juste, est actuellement préféré aux anciennes dénominations de « pseudo-allergies » ou
« intolérances » [1].
Épidémiologie
Les AINS représentent la deuxième classe médicamenteuse
en cause dans les réactions d’hypersensibilité.
Les chiffres de prévalence publiés sont forcément
approximatifs : nombreux sont les AINS disponibles en vente
libre, et le nombre de sujets exposés ne peut être connu
avec certitude. De plus, tous les cas d’hypersensibilité
ne sont pas déclarés, encore moins explorés en service
d’allergologie.
La prévalence de l’hypersensibilité à l’aspirine est estimée à 0,5—1,9 % de la population générale ; ce pourcentage
s’élève nettement dans certaines populations comme les
asthmatiques (4,3—11 %) ou les patients souffrant d’urticaire
chronique (27—35 %) [1]. Les publications s’intéressant spécifiquement à la population pédiatrique sont assez rares,
ce problème étant rencontré moins fréquemment que
chez l’adulte. Dans une revue de synthèse sur l’asthme à
l’aspirine en 2004, Jenkins et al. estimaient la prévalence
chez l’enfant à 5 % [2]. En revanche, au sein d’une population d’enfants consultant pour suspicion d’hypersensibilité
aux AINS, 4 à 28 % selon les études réagissent lors d’un
test de réintroduction oral [3]. Si le diagnostic se fonde
sur l’histoire clinique convaincante plus ou moins test
de réintroduction, le pourcentage peut s’élever à 50 %
[4].
Tableau 1 Classification des anti-inflammatoires non
stéroïdiens (AINS) selon leur structure.
Salicyles
Dérivés de l’acide
acétique
Fenamates
Propioniques
Oxicams
Pyrazoles
Coxibs
Aspirine
Indométacine, sulindac
(indolés)
Diclofénac
Acide méfénamique
Acide niflumique
Ibuprofène,
kétoprofène,
naproxène,
flurbiprofène,
fénoprofène. . .
Piroxicam
Meloxicam. . .
Phénylbutazone
Celecoxib, Etoricoxib
Le paracétamol est classé avec les AINS chez nos confrères
Anglo-Saxons — « acetaminophen ».
Le sexe n’est pas un facteur de risque d’hypersensibilité
aux AINS chez l’enfant ; en revanche, un âge plus élevé et
un terrain atopique majorent le risque (75,3 % des 81 enfants
avec hypersensibilité prouvée aux AINS dans l’étude de Hassani et al. étaient atopiques) [4].
Classification des AINS
En matière d’hypersensibilité aiguë aux AINS, il est
en général plus utile de connaître leur potentiel antiCOX1 que la classification basée sur les structures chimiques
(Tableau 1) : en effet, les cas d’allergie IgE médiée sont
rares, concernant surtout les pyrazolés (de prescription
désuète en France). Pour mémoire, les AINS agissent
en inhibant les cyclo-oxygénases (COX), leur action thérapeutique étant principalement liée à l’inhibition des
Réactions d’hypersensibilité aux AINS chez l’enfant
251
Figure 1. Cascade schématique du métabolisme de l’acide arachidonique. D’après Gollapudi et al. [12] (5-LO : 5 lipoxygénase ; LT : leucotriène ; PG : prostaglandine ; FLAP : 5 lipoxygénase activating protein ; HPETE : 5-hydroxyperoxyecosotetraenoic acid : COX : cyclooxygénase ;
PLA2 : phospholipase A2 ; TXA2 : thromboxane A2).
COX2 inductibles (fièvre, inflammation). L’inhibition des
COX1 constitutionnelles est à l’origine d’effets indésirables
comme les ulcères gastriques (inhibition de production de
prostaglandines à effet protecteur, PGI2 et PGE2). Cette
inhibition « dévie » le métabolisme de l’acide arachidonique
vers la production de leucotriènes par la 5-lipoxygénase (5LO), d’autant plus que le frein exercé d’ordinaire par la
PGE2 sur la 5-LO est levé (Fig. 1).
Cette surexpression de la voie des leucotriènes serait
à l’origine de certaines hypersensibilités comme l’asthme
à l’aspirine, hypothèse corroborée par l’élévation majeure
du taux de leucotriènes LTE4 urinaires chez les patients
atteints, après un test de provocation à l’aspirine [1].
Actuellement, on distingue parmi les AINS ceux dits
« classiques », inhibant fortement les complexes enzymatiques COX1, les AINS « anti-COX2 préférentiels » (sélectivité
relative pour COX2, disparaissant aux fortes doses) et enfin
les anti-COX2 sélectifs ou coxibs (Fig. 2).
Dans le cadre du syndrome de Widal, une étude internationale a montré la bonne tolérance d’un coxib (celecoxib)
chez 33 patients adultes, sans aucune élévation des leucotriènes LTE4 urinaires ni variation du VEMS au cours du test
d’administration orale [5].
Des liens entre leucotriènes et urticaire ont également
été soulignés et expliqueraient que les patients souffrant
d’urticaire chronique et aggravés par les AINS classiques
tolèrent en général bien mieux les coxibs [6].
Formes d’hypersensibilité aux AINS
Il est très important de faire préciser par le patient
le délai de survenue des symptômes après la prise du
médicament et s’il s’agissait de la première prise au cours de
la cure. En effet cette chronologie, alliée aux descriptions
cliniques rapportées par les patients, oriente vers un type
de mécanisme d’hypersensibilité ou un autre. La stratégie
d’exploration de ces hypersensibilités en dépend : comme
souvent en médecine, l’anamnèse prend ici une place primordiale.
Dans le cas des AINS, on distingue deux situations chronologiques :
• les réactions aiguës (< 24 heures) : elles regroupent des
expressions variées (asthme, urticaire/angio-œdème,
anaphylaxie, autres), c’est un groupe hétérogène. Il ne
faut pas oublier de considérer le terrain sous-jacent
(rechercher un asthme, une urticaire chronique, un terrain atopique ; chez l’adulte on se méfie grandement de la
triade de Widal qui associe asthme, intolérance aux AINS
et polypose nasosinusienne). Chez l’enfant, les réactions
cutanées prédominent et il faut souligner la fréquence
des manifestations d’angio-œdème péri-orbitaire chez les
adolescents, volontiers atopiques [3,4] ;
• les réactions retardées (> 24 heures) : on y range les exanthèmes maculopapuleux (formes les plus fréquentes),
les érythèmes pigmentés fixes ou EPF, les toxidermies
bulleuses sévères (particulièrement avec les oxicams,
RR = 34 [7]), les pustuloses exanthémateuses aiguës généralisées (PEAG), les Drug Reaction with Eosinophilia and
Systemic Syndrome (DRESS), les allergies de contact
et photo-allergies de contact. Nous traiterons peu de
ces manifestations dans cette synthèse. L’étude de
Hassani et al. en 2008 n’a relevé aucun cas de toxidermie sévère chez 164 enfants consultant pour suspicion
d’hypersensibilité aux AINS (uniquement 7,5 % de cas
252
Figure 2.
A. Pipet et al.
Schématisation de la sélectivité des AINS pour COX2.
d’éruption bénigne retardée) [4]. Leur exploration est
basée sur les tests cutanés à lecture retardée, principalement les patch-tests.
Moyens diagnostiques dans les réactions
aiguës
L’anamnèse
Elle occupe ici une place de choix. Par exemple, chez
l’adulte, en cas d’asthme et de polypose nasosinusienne,
une crise d’asthme 30 à 120 minutes après une prise d’AINS
suffit à poser le diagnostic d’hypersensibilité aux AINS à
forte activité anti-COX1 (bonne valeur prédictive positive
de l’interrogatoire [1], ce qui est loin d’être le cas pour les
autres hypersensibilités médicamenteuses !). Est ainsi bouclée la « triade de Widal » ou « AIA » pour les Anglo-Saxons
(aspirin-induced-asthma). À l’interrogatoire en général,
on sera attentif aux manifestations anaphylactiques, qui
peuvent témoigner d’authentiques allergies IgE médiées, et
donc explorables par tests cutanés.
Tests cutanés (pricks, parfois intradermo
réactions, ou IDR)
Leur seul intérêt réside dans l’exploration des cas où l’on
suspecte un mécanisme IgE médié, ce qui est rare. Les positivités ont surtout été décrites par le passé avec les pyrazolés,
mais aussi plus récemment avec le diclofénac (ce qu’illustre
le cas clinique 4). En outre, il n’existe aucun consensus
pour leur réalisation ; la dernière synthèse publiée par le
groupe de travail européen EAACI/ENDA en convient [1] :
Standards for skin testing have not been universally accepted, and a significant variability in specificity and sensitivity
has been reported for different NSAID. Comme pour toutes
les explorations cutanées en allergologie médicamenteuse,
les règles de prudence s’imposent, particulièrement avec
les IDR. Ces tests doivent donc être réalisés par un personnel médical ayant l’habitude de ces tests, disposant d’un
chariot d’urgence.
Tests in vitro ?
Pour les hypersensibilités aiguës, il s’agit du test
d’activation des basophiles (TAB), non disponible en routine,
non standardisé. Cette technique apparaît intéressante dans
les cas d’authentique allergie IgE médiée (les plus rares). En
revanche, les équipes qui la pratiquent reconnaissent que,
pour les réactions d’hypersensibilité aiguë sans implication
des IgE, les résultats varient beaucoup d’un laboratoire à
l’autre (. . .the European Network for Drug Allergy began a
multicenter study to validate the real usefulness of this
technique. It must be stated that a heterogeneous response
in the results from each participating group in both sensitivity and specificity was observed.) [8].
Place des tests « de provocation »
En cas de doute diagnostique (par exemple plusieurs médicaments co-prescrits, ou délai atypique, cofacteurs ayant
pu entrer en jeu), le « gold-standard » reste le test oral
(pour l’aspirine des recommandations ont été éditées par
le groupe de travail européen ENDA [9]), mais on peut réaliser aussi, à moindre risque pour le patient, des tests par
voie nasale, conjonctivale ou inhalée. Le test oral est également incontournable pour s’assurer de la bonne tolérance
d’une molécule alternative en cas d’hypersensibilité avérée.
Tous ces tests doivent toujours être réalisés par une équipe
entraînée, en milieu spécialisé pouvant assurer les soins de
réanimation en cas de complication.
Choix des alternatives en cas
d’hypersensibilité aiguë avérée
Le raisonnement devant une hypersensibilité aux AINS est
parfois difficile car nos connaissances physiopathologiques
restent insuffisantes dans de nombreuses situations. Prédire
d’éventuelles réactions croisées représente un défi lorsque
l’on ignore le mécanisme sous-jacent !
En effet, on distingue :
Réactions d’hypersensibilité aux AINS chez l’enfant
• des formes cliniques qui semblent bien liées à la puissance d’activité anti-COX1 de l’AINS, ce qui est démontré
par la bonne tolérance des coxibs alors que des anti-COX
non sélectifs de structures très différentes engendrent
tous des réactions d’hypersensibilité ; dans ces cas tous
les AINS « classiques » sont contre-indiqués, et on vérifie
la tolérance d’un anti-COX2 préférentiel ou d’un coxib par
un test oral sous haute surveillance en milieu hospitalier.
Les tests cutanés n’ont pas d’intérêt dans ces formes. On y
retrouve les urticaires chroniques aggravées par les AINS,
les syndromes de Widal, mais aussi des urticaires/angioœdèmes et des réactions anaphylactiques sans terrain
favorisant ;
• des formes d’hypersensibilité sélective à un AINS mais
sans preuve de mécanisme IgE médié (les hypersensibilités
sélectives représenteraient 30 % des réactions cutanées
et anaphylaxies aux AINS d’après Blanca et al. [10]) : dans
ces cas un AINS de structure différente, même non sélectif
pour COX2, s’avère bien toléré. La bonne tolérance d’une
molécule alternative est toujours établie par un test oral
en milieu hospitalier, avec un maximum de précautions ;
• des formes beaucoup plus rares où un mécanisme IgE
médié est prouvé (tests cutanés positifs, il s’agit en général de tableaux anaphylactiques volontiers sévères). Les
alternatives thérapeutiques sont alors recherchées parmi
les AINS de structure différente, même non sélectifs pour
COX2. Là aussi, la tolérance d’une alternative est vérifiée
en service spécialisé avec toutes les précautions requises.
Dans tous les cas, il faut tenir compte des besoins spécifiques du patient et de sa demande et/ou de celle de
sa famille. Si l’hypersensibilité paraît plausible et si les
AINS sont importants pour sa prise en charge, il convient
de l’adresser à un service d’allergologie hospitalier afin
de réaliser les explorations. Au terme du bilan allergologique, si l’hypersensibilité est avérée, les allergologues
s’attacheront à rechercher une alternative thérapeutique
pour permettre au patient d’utiliser un AINS en cas de
besoin. Chez l’enfant, l’utilisation des AINS est assez restreinte, mais à partir de l’adolescence les indications
deviennent plus fréquentes (douleurs menstruelles chez les
filles, traumatologie. . .). Il faut tenir compte des autres
effets indésirables connus du médicament choisi comme
alternative et des contre-indications liées à l’âge. Ainsi, les
coxibs sont contre-indiqués en-deçà de 16 ans, le naproxène
en-deçà de huit ans, le diclofénac en-deçà de quatre ans
d’après le dictionnaire Vidal. Quatre exemples cliniques
vous sont rapportés pour illustrer cette démarche, parfois
difficile, nécessitant souvent une discussion collégiale au
sein de l’équipe d’allergologie.
En cas de nécessité absolue d’aspirine
Ce cas de figure est rencontré plus fréquemment chez
l’adulte, avec les besoins d’aspirine à visée cardiovasculaire, en général à petites doses. Il s’agit volontiers de
situations d’urgence rendant impossible un bilan allergologique. En cas de suspicion d’hypersensibilité à l’aspirine,
dans l’intérêt du patient, on a recours alors à une accoutumance à l’aspirine. Plusieurs protocoles ont été publiés
et leur bonne tolérance est démontrée, même si des
253
études à plus grande échelle restent toujours nécessaires ainsi qu’une homogénéisation des pratiques. L’équipe
d’allergologie de Montpellier a récemment publié le résultat
de son expérience chez 31 patients adultes, avec un protocole par voie orale (administration toutes les 30 minutes
de doses croissantes d’aspirine : 1—10—30—50 mg) [11].
Dans 28 cas le protocole s’est déroulé sans aucun incident ; trois patients ont présenté des réactions modérées de
type urticaire/angio-œdème très vite contrôlées par antihistaminiques et corticoïdes. Vingt et un patients ont pu
être recontactés à distance, à 36 ± 23 mois en moyenne, et
19 poursuivaient leur traitement par aspirine 75 mg sans problème. Deux patients l’avaient interrompu pour des raisons
non allergiques.
Cas cliniques
Cas clinique 1
Marine, vue à 18 ans, souffrant d’urticaire chronique
idiopathique depuis des années, avait pu stopper son antihistaminique depuis seulement un mois sans problème. Elle
rapportait des aggravations franches de son urticaire sous
aspirine et ibuprofène. L’éviction des AINS commençait à lui
poser problème (douleurs menstruelles, petits traumatismes
sportifs au basket). À cette époque, nous avons testé le
nimésulide (anti-COX2 préférentiel, choisi du fait des poussées d’urticaire chronique encore récentes) qui a été très
bien toléré. Suite aux avis de prudence de l’Agence européenne des médicaments, cette jeune patiente a ensuite
reçu un courrier de notre part l’informant des risques
d’hépatite sous nimésulide, lui proposant de tester un autre
AINS. Un test au celecoxib est en attente.
Cas clinique 2
Chloé, vue à 19 ans, rapportait trois histoires très cohérentes
d’angio-œdème facial en moins d’une heure avec trois
AINS : Aspegic® (acétylsalicylate de lysine) à sept ans, Advil®
(ibuprofène) à dix ans, Rhinadvil® (iboprofène + pseudoéphédrine) pris par erreur à 17 ans. Elle n’avait pas de
terrain atopique ni urticarien chronique. Ses histoires étant
cohérentes avec deux AINS différents, il a été décidé de
rechercher d’emblée une alternative au sein des antiCOX2 préférentiels et de se garder la famille des coxibs « en
réserve ».
Cas clinique 3
Adrien, 15 ans, rapportait une réaction éloquente à
l’aspirine : à 14 ans, il a pris 1 g d’Aspegic® et a présenté dans
les cinq minutes un prurit pharyngé, une urticaire du visage
et une crise d’asthme. Il était connu pour un asthme intermittent et une allergie alimentaire ancienne à l’arachide
(patient et famille formels, pas d’ingestion d’aliment à
risque lors de cet épisode). Il n’a pas été réalisé de test
cutané à l’aspirine dans ce cas, ce qui aurait pu présenter
un intérêt vue la chronologie très rapide, pouvant plaider
pour un mécanisme IgE.
Bien qu’un peu jeune pour un syndrome de Widal, il a
été vu en consultation d’ORL ce qui a permis d’éliminer une
254
polypose nasosinusienne. Un test de recherche d’alternative
avec un AINS de structure différente a été pratiqué : c’est le
diclofénac qui a été choisi, en raison de ses multiples formes
galéniques et de sa prescription possible à 15 ans. Il a été
très bien toléré.
Cas clinique 4 (issu du réseau allergyvigilance,
remerciements au Dr J.-M. Renaudin)
Elena, 15 ans, a été vue six semaines après un choc anaphylactique (prurit palmoplantaire, urticaire, dyspnée aiguë,
vomissements) au kétoprofène (une heure après la prise
du deuxième comprimé, la prise d’un premier comprimé la
veille s’étant soldée d’une urticaire en quelques minutes).
On notait un terrain atopique mais des prises antérieures
de kétoprofène et ibuprofène bien tolérées. Le pricktest au kétoprofène à 0,25 mg/mL s’est révélé positif,
engendrant même une réaction urticarienne à distance.
Le prick à l’ibuprofène était lui aussi positif. Les tests au
flurbiprofène, diclofénac, piroxicam, acide tiaprofénique,
nimésulide, naproxène sont restés négatifs. La tolérance
d’un AINS dont les tests cutanés étaient négatifs a été vérifiée par test oral sous haute surveillance hospitalière.
A. Pipet et al.
[2]
[3]
[4]
[5]
[6]
[7]
[8]
[9]
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
relation avec cet article.
[10]
[11]
Références
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