REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE
Bureau des préposé-es à la protection des données et à la transparence
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réf : R 2011_002/10.10.11/ACS
RECOMMANDATION du 10 octobre 2011
en l'affaire R. / HUG
Par lettre recommandée du 27 avril 2011, Madame T. R., requérante, a demandé la restitu-
tion de l’original de son dossier médical complet, contre signature d’une décharge, aux Hôpi-
taux universitaires de Genève (ci-après l’institution), sur la base des indications fournies par
un courriel du Dr A. (ci-après son médecin) du même jour. Fin mai 2011, l’institution a fait
parvenir à la requérante quelques copies de documents.
La requérante a saisi la préposée à la protection des données par télécopie du 23 mai 2011,
par laquelle elle sollicitait l’accès à son dossier médical, la rectification de données fausses
et la restitution de l’original dudit dossier. Elle indiquait que son médecin, qui l’avait suivie à
titre privé de 1999 à 2010, avait quitté l’institution fin 2010 en y laissant son dossier médical.
Elle désirait la restitution de son dossier original pour le transmettre à un nouveau médecin.
Par courriel du 26 mai 2011, la préposée a transmis la demande de la requérante au res-
ponsable LIPAD de l’institution, en application de l'article 49 de la loi sur l'information du pu-
blic, l'accès aux documents et la protection des données (ci-après LIPAD).
L’institution a, par courrier postal du 20 juin 2011, transmis à la requérante une photocopie,
sans frais, de l’intégralité du dossier médical que lui a fait parvenir le médecin-chef du ser-
vice concerné.
L’institution n’ayant pas fait intégralement droit aux prétentions de la requérante, elle a
transmis la requête à la préposée cantonale en date du 30 juin 2011 pour instruction infor-
melle avec ses observations et pièces utiles.
En date du 19 juillet 2011, la préposée a reçu les parties pour un entretien informel. Les par-
ties, qui ne sont pas parvenues à un accord, ont sollicité de la préposée suppléante qu’elle
rende une recommandation portant uniquement sur la restitution du dossier médical original.
Un délai au 10 août 2011 a été accordé à l’institution pour motivation de son refus et à fin
août à la requérante pour sa détermination.
Par courrier recommandé du 5 août 2010, l’institution a contesté la restitution de l’original du
dossier. Elle fait notamment valoir que la requérante a auprès d’elle, depuis septembre 1999,
un dossier retraçant l'historique de sa pathologie. Dans cette mesure, l'institution se doit
d'assurer la continuité de sa prise en charge médicale ou de permettre son suivi dans le ca-
dre d'une nouvelle pathologie ou d'un accident. De plus, la conservation de ce dossier au
sein de l'institution permet de clarifier la situation sous l'angle assécurologique ou, en cas de
contestation de la qualité de la prise en charge, d'établir la réalité de ces pathologies et des
décisions médicales y relatives. La remise du dossier original à la requérante constituerait un
précédent qui, s'il était connu et suivi d'autres requêtes identiques, ne permettrait plus à l'ins-
titution comme aux autres autorités sanitaires cantonales et fédérales de remplir leurs mis-
sions. L'institution conteste le principe de la remise du dossier médical au patient qui le ré-
clame, les dossiers médicaux des patients étant la propriété de l'institution, ils doivent être
conservés tant qu’ils sont considérés comme actifs et semi-actifs puis, dans le cadre de la
convention signée avec l'archiviste de l'État, détruits ou remis aux archives d'État.
La requérante a, par téléphone du 30 août 2011, fait savoir qu’elle n’avait pas de remarques
à faire valoir et qu’elle maintenait sa position.
Recommandation PPDT Page : 2/5
Dispositions légales
L’article 47 alinéa 1 LIPAD dispose notamment que toute personne physique ou morale,
peut, à propos des données la concernant, exiger des institutions publiques qu’elles :
s’abstiennent de procéder à un traitement illicite (let. a); mettent fin à un traitement illicite et
en suppriment les effets (let. b); constatent le caractère illicite du traitement (let. c);
s’abstiennent de les communiquer à des personnes de droit privé à des fins d’exploitation
commerciale (let. d). L’alinéa 2 prévoit qu’elle peut, sauf disposition légale contraire, obtenir
des institutions qu’elles : détruisent les données qui ne sont pas pertinentes ou nécessai-
res (let. a); rectifient, complètent ou mettent à jour celles qui sont inexactes, incomplètes ou
dépassées (let. b).
En son article 49, la LIPAD prévoit une phase non contentieuse. Si l’institution ne fait pas
intégralement droit aux prétentions du requérant, ou en cas de doute sur le bien-fondé de
celles-ci, elle transmet la requête au préposé cantonal avec ses observations et pièces uti-
les. Le préposé cantonal instruit la requête de manière informelle et rend, à l’adresse de
l’institution et du requérant, une recommandation écrite sur la suite à donner. L’institution
statue par voie de décision dans les dix jours sur les prétentions du requérant et notifie aussi
sa décision au préposé cantonal.
Par ailleurs, sont pertinentes les dispositions spéciales suivantes :
Loi sur les établissements publics médicaux (LEPM)1
Art. 1 Désignation
Les établissements publics médicaux (ci-après : établissements) sont les suivants :
a) les Hôpitaux universitaires de Genève;
b) la clinique de Joli-Mont et la clinique de Montana.
Art. 4 Collaboration avec les médecins autorisés à pratiquer à titre privé
1 Les établissements et les médecins autorisés à pratiquer à titre privé collaborent dans l’intérêt du
malade et de la santé publique.
2 Les établissements et les médecins se communiquent sans retard les renseignements nécessaires à
l’établissement du diagnostic ou à la suite du traitement.
Art. 9 Secret de fonction
[…]
9 L’accès des personnes soignées dans un établissement public médical aux dossiers et fichiers
contenant des informations qui les concernent personnellement est régi par la loi sur la santé, du 7
avril 2006.
Art. 10 Service public
Les membres du personnel des établissements publics médicaux sont tenus de consacrer tout leur
temps à l’exercice de leur fonction.
Art. 11A Pratique privée
Bénéficiaires
1 En dérogation au principe énoncé à l’article 10, alinéa 1 [sic], les conseils d’administration peuvent
autoriser certains médecins à exercer une activité privée limitée dans l’établissement où ils exercent
leur fonction, pour autant qu’elle n’entrave pas le fonctionnement du service. Cette autorisation est
personnelle et intransmissible. Elle est révocable en tout temps.
[…]
1 rsGE K 2 05
Recommandation PPDT Page : 3/5
3 En cas d’absence du bénéficiaire de la dérogation et d’impératif absolu de continuité des soins, la
clientèle privée stationnaire est confiée au service public, et la clientèle ambulatoire selon son choix
soit au service public, soit à un médecin privé autorisé à pratiquer dans le canton.
Loi sur la santé (LS)2
Art. 52 Tenue d'un dossier de patient
1 Tout professionnel de la santé pratiquant à titre dépendant ou indépendant doit tenir un dossier pour
chaque patient.
2 Le Conseil d’Etat désigne les professions qui sont exemptées de cette obligation, partiellement ou
entièrement, et détermine les conditions de l’exemption.
3 Il fixe les exigences minimales concernant la tenue et le traitement des dossiers, y compris dans les
institutions de santé.
Art. 53 Contenu du dossier
Le dossier comprend toutes les pièces concernant le patient, notamment l’anamnèse, le résultat de
l’examen clinique et des analyses effectuées, l’évaluation de la situation du patient, les soins proposés
et ceux effectivement prodigués, avec l’indication de l’auteur et de la date de chaque inscription.
Art. 54 Dossier informatisé
Le dossier du patient peut être tenu sous forme informatisée, pour autant que toute adjonction, sup-
pression ou autre modification reste décelable et que l’on puisse identifier son auteur et sa date.
Art. 55 Consultation du dossier
1 Le patient a le droit de consulter son dossier et de s’en faire expliquer la signification. Il peut s’en
faire remettre en principe gratuitement les pièces, ou les faire transmettre au professionnel de la santé
de son choix.
2 Ce droit ne s’étend pas aux notes rédigées par le professionnel de la santé exclusivement pour son
usage personnel, ni aux données concernant des tiers et protégées par le secret professionnel.
Art. 56 Traitement des données
1 Le traitement des données du patient, en particulier la communication de données à autrui, est régi
par la législation fédérale, la législation cantonale sur la protection des données personnelles ainsi
que par les dispositions spéciales de la présente loi.
2 Le traitement des données dans le cadre du réseau communautaire d’informatique médicale est au
surplus régi par la loi spéciale y relative.
Art. 57 Conservation du dossier
1 Les éléments du dossier doivent être conservés aussi longtemps qu’ils présentent un intérêt pour la
santé du patient, mais au moins pendant dix ans dès la dernière consultation.
2 Si aucun intérêt prépondérant pour la santé du patient ou pour la santé publique ne s’y oppose, le
dossier est détruit après vingt ans au plus tard. Sont réservées les dispositions de la loi sur les archi-
ves publiques, du 1er décembre 2000 imposant un délai de conservation plus long.
3 Le patient peut consentir à une prolongation de la durée de conservation de son dossier à des fins
de recherche.
Art. 58 Sort du dossier en cas de cessation d'activité
1 Le professionnel de la santé qui cesse ou interrompt son activité en informe ses patients. A leur de-
mande, il leur remet leur dossier ou le transmet au professionnel de la santé qu’ils ont désigné. Sans
réponse du patient dans un délai raisonnable, il remet les dossiers à l’association professionnelle à
laquelle il appartient ou, à défaut, à la direction générale de la santé, contre émolument.
[…]
2 rsGE K 1 03
Recommandation PPDT Page : 4/5
3 Les dépositaires sont tenus au respect de la protection des données. En particulier, ils ne peuvent ni
consulter, ni utiliser, ni communiquer les données contenues dans les dossiers placés sous leur res-
ponsabilité.
4 L’article 57 relatif à la conservation du dossier leur est applicable.
REGLEMENT DES SERVICES MEDICAUX HUG3
Approuvé par le Conseil d’Etat le 14 novembre 2007
Art. 102 Tenue du dossier du patient
1 Les médecins surveillent la tenue des documents de leur unité et établissent le dossier du patient
qu’ils tiennent régulièrement à jour. Ils signent leurs ordres manuscrits ou authentifient leurs ordres
informatiques et autres documents réglementaires.
2 Le dossier comprend toutes les pièces concernant le patient, notamment l’anamnèse, le résultat de
l’examen clinique et des analyses effectuées, l’évaluation de la situation du patient, les soins proposés
et ceux effectivement prodigués, avec l’indication de l’auteur et de la date de chaque inscription.
3 En règle générale, la lettre de sortie est adressée avec l’accord du patient au médecin traitant dans
la semaine qui suit la sortie du patient.
Art. 110 Propriété
Les dossiers patients et les documents y afférents sont et restent la propriété des HUG où ils sont
conservés, y compris ceux des patients privés des ayants droit.
Art. 111 Accès
1 L'accès au dossier du patient est réglé par la loi sur la santé du 7 avril 2006 (K 1 03) et la loi sur la
commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 (K 3
03).
2 Le patient a le droit de consulter son dossier et de s’en faire expliquer la signification ; les modalités
sont définies dans une directive du comité de direction.
3 Le patient peut demander à ce que les pièces de son dossier soient transmises en copie au profes-
sionnel de la santé de son choix.
Considérations générales
La question litigieuse est de savoir si le patient d’un médecin, exerçant en l’occurrence à titre
indépendant au sein d’un établissement public, peut exiger la restitution de l’original de son
dossier médical et, partant, demander à l’institution la destruction de toutes ses données
médicales, y compris celles sur support informatique.
L’exercice d’une profession médicale universitaire à titre indépendant est réglé par la loi fé-
dérale LPMéd4, qui établit notamment un registre des médecins détenant un droit de prati-
que (MedReg). Au plan cantonal, la loi sur les établissements publics (LEPM) prévoit qu’une
dérogation peut être accordée à des médecins pour qu’ils exercent leur pratique privée au
sein d’un établissement public. Selon le MedReg, le médecin de la requérante dispose d’un
droit de pratique au sein de l’institution genevoise. Cette autorisation est personnelle et in-
transmissible.
Un médecin, qu’il exerce dans le canton de Genève à titre dépendant ou indépendant, est
soumis à la loi sur la santé, qui prévoit la constitution d’un dossier de patient, la conservation
du dossier aussi longtemps qu’il présente un intérêt pour la santé du patient, mais au moins
pendant dix ans dès la dernière consultation, puis sa destruction ou sa transmission aux ar-
chives d’Etat. La loi genevoise ne règle pas spécifiquement la question de la remise du dos-
sier au patient qui décide de mettre fin à la relation avec le médecin, mais uniquement celle
3 http://dg-gouvernance.hug-ge.ch/_library/pdf/reglement_services_medicaux.pdf
4 RS 811.11
Recommandation PPDT Page : 5/5
de la cessation ou interruption de l’activité du professionnel de la santé. Or, que la fin de la
relation soit du fait du médecin ou du patient, on se retrouve dans le même cas de figure,
soit la cessation du lien entre le patient et son médecin.
En l’occurrence, le médecin de la requérante a cessé d’exercer sa pratique privée fin 2010
au sein de l’institution. En son article 58, la loi sur la santé donne le droit à la restitution du
dossier en cas de départ du médecin. Le médecin peut se prononcer sur la capacité de sa
patiente à comprendre la portée de cet acte et lui faire signer une décharge. Dès la remise
du dossier, l’institution est libérée de son obligation de le conserver et les règles sur
l’archivage ne s’appliquent plus.
D’une manière générale, l’obligation de tenir un dossier se fait dans l’intérêt du patient, qui
est le maître de ses données. La loi sur la santé précise notamment que le traitement des
données se fait conformément à la législation en matière de protection des données, tant
fédérale que cantonale, et que les éléments du dossier doivent être conservés aussi long-
temps qu’ils présentent un intérêt pour la santé du patient, mais au moins pendant dix ans
dès la dernière consultation. Elle pose donc comme principe la conservation du dossier mé-
dical aussi longtemps que le médecin en aura besoin pour prodiguer les soins qu’il estime
nécessaires. Il existe cependant des exceptions à ce principe, notamment la fin de l’activité
du médecin ou la demande du patient de restitution de son dossier. L’obligation de conserver
le dossier médical existe ainsi pour le médecin ou l’institution tant que le patient n’en de-
mande pas la restitution. Dans cette dernière hypothèse, ce sont les règles de la protection
des données qui s’appliquent, ce qui correspond à la maîtrise de son dossier personnel au
sens de la LIPAD. À cet égard, l’art. 110 du règlement des HUG, édicté antérieurement à
l’entrée en vigueur des dispositions en matière de protection des données de la LIPAD, n’est
pas conforme à ses dispositions en tant qu’il prévoit que la propriété du dossier appartient au
HUG.
La présente recommandation est communiquée, pour information, à la Commission de sur-
veillance des professions de la santé et des droits des patients.
RECOMMANDATION
Vu ce qui précède, la préposée suppléante recommande aux Hôpitaux universitaires de Ge-
nève de rendre une décision de restitution du dossier original complet à Madame R., en tant
qu’il concerne les soins dispensés par le Dr A. dans sa pratique privée entre 1999 et 2010, et
de détruire les données sur support informatique correspondantes, moyennant signature
d’une décharge.
Elle l'invite à statuer par voie de décision dans les dix jours à réception de la présente et à en
communiquer copie au bureau des préposées.
Anne Catherine Salberg
Préposée suppléante
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