la reconnaissance par le système immunitaire sensibilisé contre les virus
du « passé ». Si les anticorps produits antérieurement ne reconnaissent
pas le mutant, la vaccination naturelle n’existe plus et la brèche s’ouvre
pour une nouvelle épidémie. Dans le cas beaucoup plus rare et grave
d’une « cassure » ou « saut antigénique », le virus grippal humain
échange du matériel génétique avec des virus grippaux infectant
d’autres espèces13.Au terme de la re-organisation de l’ARN14 porteur
des gènes de virulence, apparaît un nouveau virus grippal mutant à
l’agressivité nouvelle et exacerbée. Le virus adapté, « humanisé », peut
alors se reproduire et se répandre parmi la population à partir des sujets
vivant à proximité des animaux infectés. Ce sont ces modifications radi-
cales du génome qui sont en grande partie responsables de la virulence,
de l’extension géographique et de la morbidité observée au cours de la
pandémie. Dans ce cas précis, l’immunité préexistante, acquise au con-
tact des virus grippaux circulant de façon saisonnière, ou grâce aux vac-
cinations annuelles, ne protége plus.
Deux autres mécanismes sont évoqués pour expliquer l’apparition
de pandémies. Tout d’abord, l’adaptation directe du virus aviaire à
l’homme, sans réassortiment génétique avec un virus humain. Ceci a
été prouvé récemment pour la grippe espagnole15 et c’est ce que l’on
craint dans le cas du virus H5N1 qui circule depuis plusieurs années et se
transmet, de façon heureusement anecdotique mais dramatique, de l’an-
imal infecté à l’homme. Un autre mode d’apparition de pandémie serait
la réémergence d’une souche restée quiescente pendant plusieurs
années, comme lors de la pandémie de 1977 que nous évoquerons dans
le présent article. En somme, il convient de comprendre, que la mutation
virale soit lente ou brutale, le virus « change »chaque hiver.Il peut
ressembler au précédent (glissement) ou être d’un aspect totalement
nouveau (cassure). La mémoire de nos moyens de défense sera selon les
cas, modérément efficace ou totalement inopérante.
Les réservoirs primaires de la maladie sont multiples. Il s’agit de cer-
taines espèces domestiques ou sédentaires, mais aussi et principalement
dans la faune sauvage des oiseaux que leur espèce soit migratrice ou
pas. Dans tous les cas, cela rend toute tentative d’éradication de la ma-
ladie impossible, d’autant plus que les oiseaux migrateurs représentent,
de part les distances qu’ils peuvent parcourir16 et l’impossibilité de les
stopper ou de les vacciner, un mode de propagation particulièrement
efficace de la maladie, qui peut trouver ainsi des relais directs ou indirects
jusqu’aux humains17.
La promiscuité entre les hommes et les animaux tient ici un rôle essen-
tiel et explique en partie que la plupart des mutations du virus grippal
prennent naissance en Extrême-Orient. En effet, dans ces régions où
une population très dense vit en contact étroit avec les animaux, l’éle-
vage conjoint du porc, du poulet et du canard, (contaminés par des
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