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Grippe A : un remède pire
que le mal
Certes, le principe de précaution
est devenu un socle indéfectible des
décisions politiques. Et le gouver-
nement a un souvenir cuisant de la
canicule de 2003. Certes, les pan-
démies seront une menace pour nos
sociétés modernes. Et, on le sait, la
peur fait vendre... Mais nous n'en
pouvons plus !
Cette grippe médiatico-virulente se
place sous les pires auspices. Certains
médias en sont à prévoir des numé-
ros ou des journées « spécial virus »...
Les consignes données aux chefs
dentreprise préconisent d'annuler
d'ores et déjà réunions et congrès... Et
tout cela en pleine crise économique !
C'est être économiquement irres-
ponsable que d'instaurer un nouveau
« principe de catastrophe ». Imagi-
nez ce que cet absentéisme en chaîne
peut provoquer comme manque à
gagner? Déjà les centres de congrès,
les agences d'événementiel, les hôtels
se plaignent des annulations « au cas
où ». Rien n'arrête le ridicule, il faut se
couvrir, non pas pour éviter la grippe,
mais pour que le thermomètre de la
cote dè popularité des responsables
politiques grimpe. La dernière consi-
gne nous laisse pantois : pour éviter
dè propager le virus, il ne faut plus
porter de cravate !
Fermer une classe lorsque cinq en-
fants sont atteints, passe encore.
Mais faut-il pour autant fermer tou-
te I ecole ? Et les parents des enfants
en bonne santé ? Vont-ils rester chez
eux aussi ? Et les entreprises des pa-
rents dont les enfants sont grippés,
vont-elles devoir fermer ? Après une
réflexion digne de celle d'un prix
Nobel, « l'expérience grippale de la
Nouvelle-Calédonie a ouvert une
nouvelle piste » que n'aurait pas re-
niée Ubu : il semblerait qu'en cas de
grippe dans les écoles, il serait plus
opportun de garder les enfants chez
soi, plutôt que de fermer les écoles
(sic). On est émerveillé de tant de
sagacité... Un virus dont on nous as-
sure tous les jours qu'il est « bénin ».
Le vaccin arrive, nous dit-on heure
par heure. De toute façon, faites-
vous vacciner : avec les stocks qu'on
a commandes, c'est quasi un devoir
civique que de les écouler! Même
chose pour les masques : on pourra
toujours les utiliser pour Mardi
gras... Voilà en tous les cas un plan
de relance exceptionnel pour le sec-
teur du jetable non tissé...
Heureusement, l'esprit d'entreprise
est un virus indestructible et nom-
bre d'entreprises surfent sur la grip-
pe pour faire un peu de promo : qui
n'a pas reçu une publicité pour des
combinés dè téléphone sans fil, pour
l'organisation de « conference call »,
pour la formation par téléphone,
pour des plateaux-repas pour éviter
les restaurants d'entreprise, etc.?
eux s'ils sont touchés. Réflexion fai-
te, ne faut-il pas avoir un peu honte
d'avoir ainsi maltraité l'épidémie an-
nuelle de « gastro », qui n'a bénéficié
d'aucune consigne particulière, tout
juste celle de se laver les mains ?
Cela pose une autre question: qu'at-
tend-on des hommes politiques? À
vouloir être pris en charge pour tout et
à les prendre pour boucs émissaires à
la moindre occasion, on provoque des
réactions souvent disproportionnées.
Le traitement par anticipation de
cette grippe, dont on s'impatiente
presque qu'elle ne soit pas encore là
(on éviterait le ridicule de cette lente
et obsessionnelle anticipation et ce
serait fini), ressemble aux exercices
d'évacuation pour incendie sur les
ferrys : on reste debout sur le pont,
interminablement, habillé d'un gi-
let de sauvetage en entendant des
POINT DE VUE
SOPHIE OE MENTHON
Présidente du mouvement Ethic.
Ouf! Les entrepreneurs ne perdent
pas le nord. Et les mères de famille
stockent huile, sucre et pâtes. On ne
sait jamais. De toute façon, c'est bon
pour la consommation.
En tous les cas, pas de panique : dans
un pays qui détient l'orgueilleux re-
cord du taux d'absentéisme le plus
élevé, il n'est pas besoin de faire tant
de publicité pour inciter les gens à
rester chez eux : s'ils sont malades,
ils sauront faire preuve de citoyen-
neté et de patriotisme sanitaire!
Quant aux syndicats, ils peuvent
fourbir leurs armes car, actuelle-
ment, les consignes visent à motiver
les collaborateurs à travailler de chez
coups de sifflets et des consignes in-
compréhensibles par haut-parleur.
La France neternue pas encore,
mais beaucoup de Français toussent
devant cette débauche financière et
médiatique.
Bien sûr, j'ai tort : la sécurité n'a pas
de prix au pays du principe constitu-
tionnel de précaution. C'est précisé-
ment ce que je me suis dit lorsque cet
été encore, je me suis fait confisquer
pour la deuxième fois un tube de
crème solaire tout neuf au contrôle
de lembarquement à l'aéroport...
C'est grâce à tous ces tubes de crème
solaire éliminés que la sécurité aé-
rienne est assurée ! •