D Éditorial Virus, ennemi public numéro 1 P. Del Guidice

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Éditorial
Virus, ennemi public numéro 1
P. Del Guidice (Unité de maladies infectieuses et dermatologie, hôpital Bonnet, Fréjus)
D
ifficile d’échapper à la grippe A H1N1, au moins sur le plan médiatique pour
l’instant ! Laissons aux différents experts le soin de débattre entre la nécessaire information du public et le battage médiatique et politique excessif. Ces
mêmes experts nous prédisaient il y a quelques mois la pandémie de la grippe aviaire
H5N1, mais c’est un virus inconnu, sorti de nulle part qui pointe son nez.
Depuis au moins un quart de siècle, les maladies infectieuses se sont installées à la
une de l’actualité. Après l’éclatant succès obtenu par l’éradication de la variole, les
experts du moment (bien informés assurément) prédisaient leur disparition ! Le sida,
apparu au début des années 1980, aura vite fait d’apporter un douloureux démenti…
Depuis lors, d’autres virus ou agents infectieux ont chacun été à leur tour les vedettes
de l’actualité, avec heureusement, moins de retentissement : ainsi, à la fin des années
1990, la maladie de la vache folle, due au prion, et son corollaire, les milliers de cas
de variante de la maladie de Creuztfeldt-Jacob attendus chez l’homme. On apprenait
que avoir consommé du steack ou certains bonbons dans ces années relevait d’une
prise de risque insensée ! Puis les armes biologiques ont révélé notre vulnérabilité
face au danger terroriste. L’armée américaine ainsi que son commandant en chef,
le président des États-Unis, au moment de la deuxième guerre du Golfe, ont alors
adopté une stratégie de prévention volontariste, fondée sur une vaccination de masse
contre la variole. Cette stratégie a eu pour seul intérêt (à ce jour) de confirmer et
de mieux connaître les effets indésirables, connus d’ailleurs depuis longtemps, de
cette vaccination grâce à de nombreuses publications de bonne qualité. La France
(peut-être moins convaincue) a emboîté le pas de cette stratégie, sous une forme plus
timide avec la vaccination du personnel de santé, au cas où ! Seuls quelques médecins
volontaires et altruistes ou bien paranoïaques ont rempli cette mission… Rappelons
cette incroyable histoire au sujet de la maladie du charbon transmise par une simple
lettre ! Quelques semaines au cours desquelles, il fallait se rendre au laboratoire de
haute sécurité le plus proche pour ouvrir son courrier !
Plus récemment, le virus de la grippe aviaire H5N1 a rendu suspect tout contact
rapproché avec des poules ou des poulets. Et enfin, très récemment, l’invasion du
sud de la France par le moustique tigre, agressif, au seul but de nous transmettre un
virus exotique au nom imprononçable.
Finalement, comme pour la crise financière, les “experts” n’ont rien vu venir, n’ont
rien prédit, ou, au contraire, ont prédit des scénarios qui ne se sont, heureusement,
jamais produits. La peur irrationnelle qui semble à chaque fois prévaloir lors d’une
nouvelle menace biologique témoigne de la vulnérabilité de nos sociétés face à ces
agents infectieux inattendus. Côté positif, à l’occasion de cette nouvelle crise sanitaire,
le grand public aura mieux intégré les bienfaits du lavage des mains, et les directeurs
d’hôpitaux, l’intérêt d’isoler les malades contagieux…
D’autres risques infectieux moins médiatiques, par exemple l’émergence et la diffusion des bactéries devenues résistantes aux antibiotiques – tuberculose, syphilis,
infections à Escherichia coli ou Staphylococcus aureus multirésistants en milieu
communautaire – constituent actuellement le problème majeur de l’infectiologie
mondiale. À force de “crier au loup”, ne risque-t-on pas de perdre une certaine crédiII
bilité auprès de la population quant à ces risques infectieux déjà présents ?
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Images en Dermatologie • Vol. II • n° 3 • juillet-août-septembre 2009
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