Docteur Bruno MASI –JANVIER 2004 –LA REVUE DU PRATICIEN N°635 DU 15/12/2003 Page 4
Absorption pulmonaire rapide de nicotine par la fumée inhalée
Une autre propriété pharmacocinétique, liée à l'absorption pulmonaire rapide de nicotine par la fumée
de tabac inhalée, permet à la nicotine d'atteindre des pics de concentrations cérébrales suffisantes (de
l'ordre de 100 ng/ml, contre 20 à 40 ng/ml au niveau veineux), pour dépasser les phénomènes de
tolérance et atteindre les récepteurs nicotiniques encore actifs au niveau central. Ainsi, la cigarette est
le mode d'administration du tabac le plus répandu (puisqu'elle permet un renforcement central très
rapide), et sa dépendance est aussi intense que difficile à traiter.
SUBSTITUTION NICOTINIQUE : SANS DANGER
Ces phénomènes, et en particulier la dépendance, ne se produisent pas avec les traitements de
substitution par la nicotine. En effet, l'absorption de la nicotine par ces médicaments de substitution
(gomme, patch, tablette sublinguale, inhaleur, spray nasal) est beaucoup moins rapide qu'avec la
cigarette et n'entraîne pas de pics de concentrations cérébrales élevés. L'absorption étant plus lente, un
équilibre s'établit entre le sang veineux et le sang artériel, le rapport entre les deux restant de l'ordre de
1 (le rapport sang artériel/sang veineux est de 4 à 5avec la cigarette ). Ainsi, la nicotine de substitution
atténue les symptômes de sevrage en nicotine, sans provoquer le renforcement par des pics cérébraux.
Il n'est donc pas dangereux d'utiliser la substitution nicotinique chez les fumeurs d'une part les effets de
la nicotine de substitution sont moindres que ceux de la nicotine inhalée avec la fumée de cigarette, et
d'autre part les fumeurs ont une tolérance importante aux effets physiologiques de la nicotine. Cela est
vrai aussi pour des fumeurs ayant des risques cardiovasculaires, ces derniers étant beaucoup plus liés à
d'autre composés de la fumée (CO, agents oxydants) qu'à la nicotine elle-même (les contre-indications
cardiovasculaires des substituts nicotiniques viennent d'être levées en France). De plus, même en cas de
consommation concomitante de cigarettes (abstinence temporaire au travail, dans les transports, à
l'hôpital, etc., au cours d'une réduction de consommation de cigarettes ou de rechutes temporaires lors
d'un arrêt), les risques ne sont pas plus élevés, car la nicotine prise par substitution remplace une partie
de celle obtenue avec les cigarettes et permet au fumeur de ne pas compenser par une inhalation plus
intense.
LES AUTRES APPROCHES THÉRAPEUTIQUES POUR ARRÊTER LE TABAC
Compte tenu de la diversité des symptômes de sevrage observés lors de l'arrêt du tabac (irritabilité,
anxiété, symptômes dépressifs) et de celle des neurotransmetteurs impliqués par l'utilisation chronique
de la nicotine, d'autres approches thérapeutiques ont été proposées. Des anxiolytiques, sans grand
succès, et des antidépresseurs, avec des résultats variables, ont été testés dans le sevrage tabagique. Le
seul antidépresseur dont l'indication a été retenue pour le sevrage tabagique est le bupropion ou
amphébutamone. Le mécanisme retenu pour l'efficacité de ce médicament dans le sevrage tabagique est
son rôle d'inhibiteur de la recapture de la noradrénaline et de la dopamine (à un moindre degré). En
augmentant les concentrations de dopamine dans le nucleus accumbens (cible privilégiée des
substances addictives), le bupropion pourrait ainsi diminuer les symptômes induits par le sevrage en
nicotine. Ces effets, plus généralement, sur la dopamine, la noradrénaline et indirectement la
sérotonine, pourraient aussi participer à la réduction des symptômes associés à l'abstinence.