Infections à pneumocoque
P. Brisou
J.-M. Chamouilli
T. Gaillard
Y. Muzellec Résumé. Les infections à pneumocoque représentent aujourd’hui un problème de santé publique. Le
pneumocoque est une cause majeure des infections communautaires invasives et non invasives du nourrisson
et de l’enfant. Les infections invasives, notamment les méningites, restent graves, avec un taux de mortalité
supérieur à 8 % et un risque élevé de séquelles. Chez le petit enfant, leur expression clinique peut être
atypique. Le diagnostic biologique bénéficie d’avancées techniques comme la détection rapide d’un antigène
par immunochromatographie sur membrane, encore à évaluer chez l’enfant. L’augmentation de la fréquence
des souches de pneumocoque de sensibilité diminuée à la pénicilline impose d’adapter la thérapeutique à la
pathologie et à l’épidémiologie. La fréquence, la gravité et la résistance des infections à pneumocoque
justifient la vaccination par le vaccin conjugué Prevenartou le vaccin Pneumo 23tselon l’âge de l’enfant.
Une surveillance locale, nationale et internationale permet en outre d’émettre des recommandations en
matière de traitement probabiliste et de vaccination.
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Mots-clés : Streptococcus pneumoniae ; Enfant ; Épidémiologie ; Résistance aux antibiotiques ; Infections
communautaires ; Vaccination
Historique
Pasteur, Roux et Chamberland, en 1881, décrivent le « microbe
septique de la salive » trouvé dans le sang de lapins auxquels ils
avaient injecté de la salive d’un enfant mort de rage.
[77]
L’évolution
des connaissances concernant ses caractères bactériologiques et
taxinomiques a fait varier au fil du temps ses dénominations :
« Micrococcus pasteuri » (Sternberg, 1885), « Micrococcus pneumoniae »
(Klein 1884), puis « Diplococcus pneumoniae » et « Streptococcus
pneumoniae » (Chester 1901). Sherman établit la première
classification complète des streptocoques en 1937.
Du groupe de la « phtisie » et des « maladies de poitrine », la
pneumonie est individualisée sur le plan anatomique par Laennec
en 1819 et sur le plan clinique par Grisolle en 1841. En 1883, Talamon
établit le rapport entre le germe et la pneumonie. Lemierre, en 1935,
puis Bariety précisent les modalités évolutives et la diversité des
infections à pneumocoque.
Après la Deuxième Guerre mondiale, l’utilisation de la pénicilline G
bouleverse le pronostic des infections à pneumocoque. Cependant,
la résistance à cet antibiotique est signalée dès 1943 au laboratoire et
en 1967 chez des patients en Australie.
[48]
En 1977, les premières
souches multirésistantes apparaissent en Afrique du Sud.
[56]
Depuis,
la diffusion de ces souches à un grand nombre de pays a transformé
le problème thérapeutique en problème de santé publique.
Les études sur la structure chimique et immunologique du
pneumocoque ont permis de développer des techniques
d’identification et des vaccins. Tentée dès 1911 avec des germes
entiers tués, la vaccination n’a connu d’essor qu’avec les vaccins
polyosidiques capsulaires partiellement purifiés. Ils ont contenu
successivement six (1940), 14 (1977) puis 23 valences (1983). Les
vaccins conjugués sont venus plus récemment compléter l’arsenal
préventif.
Agent pathogène
TAXINOMIE
Streptococcus pneumoniae appartient à la famille des
Streptococcaceae, au genre Streptococcus. Ce genre comprend
actuellement 44 espèces et sous-espèces, regroupées en trois
ensembles : pyogènes, oraux et du groupe D. S. pneumoniae est
inclus dans l’ensemble des streptocoques oraux, mais reste dans le
Bergey’s manual, édition 1986, parmi les streptocoques pyogènes
pour son pouvoir pathogène. Sur des critères de pathogénicité et
d’identification pratique, les streptocoques oraux sont regroupés en
cinq sous-ensembles (or1, or3 à or6). S. pneumoniae constitue à lui
seul le sous-ensemble or3.
[6, 89]
Cependant, l’analyse génomique,
notamment celle des séquences des acides ribonucléiques (ARN)
ribosomiaux, montre une étroite similitude entre S. pneumoniae et
les espèces S. mitis et S. oralis. Ces trois espèces sembleraient
capables d’échanger entre elles des fragments d’acide
désoxyribonucléique (ADN) formant ainsi une mosaïque complexe,
plutôt que trois espèces séparées.
[49, 88]
MORPHOLOGIE
Il se présente comme un cocci à Gram positif de diamètre inférieur à
2 µm, immobile et asporulé. Il est groupé en diplocoque ou en courte
chaînette. Dans les produits pathologiques, l’aspect typique est celui
de paires de cocci lancéolés, appariés par leurs extrémités pointues,
à Gram positif, entourés d’une capsule souvent difficile à voir
(Fig. 1).
P. Brisou (Spécialiste du service de santé des Armées)
Laboratoire de biologie médicale, Fédération des laboratoires, hôpital d’Instruction des Armées Sainte-Anne,
boulevard Sainte-Anne, 83 800 Toulon Armées, France.
J.-M. Chamouilli (Praticien hospitalier, chef de service de pédiatrie)
Groupe hospitalier La Seyne-sur-mer, centre hospitalier intercommunal Toulon-La Seyne-sur-Mer, 1208,
avenue du Colonel-Picot, 83056 Toulon cedex, France.
T. Gaillard (Assistante du service de santé des Armées)
Y. Muzellec (Spécialiste du service de santé des Armées)
Laboratoire de biologie médicale, Fédération des laboratoires, hôpital d’Instruction des Armées Sainte-Anne,
boulevard Sainte-Anne, 83 800 Toulon Armées, France.
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 4-260-B-10
(2004)
4-260-B-10
CARACTÈRES CULTURAUX
Tous les streptocoques sont àmétabolisme anaérobie facultatif,
homofermentaire, catalase et oxydase négatifs. S. pneumoniae est
particulièrement sensible àlacidication des milieux de culture et à
leau oxygénée. Cette sensibilitéimpose lutilisation de milieux de
culture glucosés tamponnés et/ou enrichis de sang défibrinéde
cheval ou de mouton. Les conditions optimales de croissance de ce
germe fragile sont un ensemencement sur milieu enrichi, un pH à
7,8, une température à37 °C et une atmosphère enrichie de 5 à10 %
de gaz carbonique.
En 24 heures, sur gélose au sang, les colonies sont
alphahémolytiques, de 1 mm de diamètre, àbord régulier et surface
bombée. Les bactéries capsulées donnent un aspect S (smooth), les
non-capsulées un aspect R (rough) et certains sérotypes un aspect
muqueux. Les colonies saplatissent et sombiliquent rapidement
sous laction dautolysines. Ce phénomène dautolyse impose en
pratique des repiquages fréquents pour conserver la vitalitédes
souches.
[55]
POUVOIR PATHOGÈNE EXPÉRIMENTAL
Le pneumocoque est constamment pathogène pour la souris, qui est
lanimal de choix pour lexpérimentation. Le pouvoir pathogène sur
le lapin et le cobaye est plus faible ou variable. Hors
expérimentation, le pneumocoque peut être pathogène pour le
bétail.
FACTEURS DE VIRULENCE
Les facteurs majeurs de virulence de S. pneumoniae sont la capsule
bactérienne et la pneumolysine.
[86]
Capsule
Le rôle de la capsule est fondamental. Seules les souches capsulées
possèdent un pouvoir pathogène expérimental. Ce complexe
polysaccharidique forme un gel hydrophile àla surface de la
bactérie. La capsule permet àla bactérie d’échapper au système
immunitaire de lhôte en résistant àla phagocytose en labsence
danticorps spéciques, en diminuant lopsonisation et lactivation
de la voie alterne du complément. Le degréde virulence dépend de
la quantitéde capsule produite et de sa composition.
Pneumolysine
La pneumolysine appartient àla famille des toxines thiol activables.
Intracytoplasmique, elle ne devient active quaprès libération dans
le milieu extérieur par laction dune autolysine. Elle possède une
activitécytotoxique directe vis-à-vis des cellules respiratoires et
endothéliales. Sa capacitéde liaison au fragment Fc des
immunoglobulines et de xation au fragment C1q du complément
est responsable dun effet pro-inammatoire.
Autres facteurs de virulence
Dautres facteurs sont déterminants dans lexpression de la virulence
du pneumocoque. Parmi les éléments de surface du pneumocoque,
les protéines de surface PspA et PspC (pneumococcal surface protein)
par inhibition de la voie alterne du complément, contribuent à
lactivitéantiphagocytaire. Les autres facteurs nagissent quaprèsla
lyse bactérienne. Parmi eux, les éléments de la paroi bactérienne
induisent des réactions inammatoires puissantes. Le
peptidoglycane active la voie alterne du complément, les acides
teïchoïques permettent lattachement aux cellules activées. Certaines
protéines hydrolytiques cytoplasmiques (neuraminidase,
hyaluronidase, immunoglobuline A1 protéase) contribuent aux
phénomènes de colonisation et dinvasion systémique.
STRUCTURE ANTIGÉNIQUE
La caractérisation antigénique des pneumocoques se fait
essentiellement àlaide de la capsule, polysaccharide immunogène.
Les anticorps produits sont spéciques de sérotype. Des réactions
croisées sont possibles entre certains sérotypes dun même
sérogroupe.
Ce polysaccharide antigénique est àla base de la classication
sérotypique des pneumocoques. Les sérotypes sont classés selon
deux nomenclatures, une américaine et une danoise, centre de
référence pour lOrganisation mondiale de la santédu
pneumocoque. Dans la classication danoise, les sérotypes
antigéniquement proches sont réunis en 46 sérogroupes numérotés
de 1 à48. Quatre-vingt-dix sérotypes de pneumocoques sont
maintenant connus, tous sont potentiellement pathogènes pour
lhomme (Tableau 1).
[52]
La classique distinction entre sérotypes de «portage »et sérotypes
«invasifs »ne semble plus aussi tranchéequauparavant. Ainsi, la
majoritédes pneumocoques résistants àla pénicilline G isolésde
méningites appartiennent àdes sérotypes considérés comme non
invasifs.
RÉSISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES
Le pneumocoque est une espèce naturellement sensible àla plupart
des antibiotiques actifs sur les bactéries àGram positif :
b-lactamines, macrolides, tétracyclines, chloramphénicol,
rifampicine, cotrimoxazole, glycopeptides. Les antibiotiques de
référence restent les b-lactamines. Lacquisition de résistances vis-à-
vis de ces familles dantibiotiques représente aujourdhui un
problème de santépublique.
[39]
Dans ce contexte, de nouvelles
molécules actives sur le pneumocoque ont étédéveloppées : une
synergistine (quinupristine/dalfopristine), un kétolide
(télithromycine), une uoroquinolone (lévooxacine) et une
oxazolidinone (linézolide).
Mécanismes de résistance du pneumocoque
aux b-lactamines
Les cibles des b-lactamines sont les protéines de liaison àla
pénicilline (PLP). Chez S. pneumoniae, six PLP sont identifiées dont
cinq de haut poids moléculaire, les PLP 1a, 1b, 2x, 2a et 2b, et une
de bas poids moléculaire, la PLP 3.
La résistance aux b-lactamines résulte de modications qualitatives
et quantitatives des PLP. Les modications touchent essentiellement
Figure 1 Aspect en coloration de Gram dun pneumocoque dans du liquide
céphalorachidien.
Tableau 1. – Classification danoise des 90 sérotypes de Streptococ-
cus pneumoniae.
1, 2, 3, 4, 5, 6A, 6B, 7F, 7A, 7B, 7C, 8, 9A, 9L, 9N, 9V, 10F, 10A, 10B, 10C, 11F, 11A,
11B, 11C, 11D, 12F, 12A, 12B, 13, 14, 15F, 15A, 15B, 15C, 16F, 16A, 17F, 17A, 18F, 18A,
18B, 18C, 19F, 19A, 19B, 19C, 20, 21, 22F, 22A, 23F, 23A, 23B, 24F, 24A, 24B, 25F, 25A,
27, 28F, 28A, 29, 31, 32F, 32A, 33F, 33A, 33B, 33C, 33D, 34, 35F, 35A, 35B, 35C, 36, 37,
38, 39, 40, 41F, 41A, 42, 43, 44, 45, 46, 47F, 47A, 48
4-260-B-10 Infections àpneumocoque Pédiatrie
2
les PLP 1a, 2x et 2a. Une résistance signicative àla pénicilline G
implique souvent au moins trois PLP altérées. Pour les
céphalosporines, une seule PLP altérée peut suffire.
Ces modications sont dorigine chromosomique. Les souches de
pneumocoque de sensibilitédiminuéeàla pénicilline (PSDP)
possèdent des gènes «mosaïques ». Ces gènes mosaïques sont
obtenus par recombinaison de séquences «résistantes »qui
proviennent de gènes homologues despèces voisines (S. mitis, S.
sanguis, S. oralis), ou de transferts entre pneumocoques sensibles et
résistants, mais aussi par mutations sous la pression de sélection.
Les substitutions dacides aminéssedéroulent en étapes successives.
Les PLP ainsi modifiées sont caractérisées par une grande diversité
de prols de mobilitéélectrophorétique et daffinité.
La résistance àla pénicilline est croisée avec toutes les b-lactamines,
mais lexpression de cette résistance varie selon les molécules. En
effet, si laugmentation de la concentration minimale inhibitrice
(CMI) concerne toutes les b-lactamines, lampleur de cette
augmentation reste variable et imprévisible pour chaque molécule.
Chaque b-lactamine semble agir par lintermédiaire de plusieurs
PLP préférentielles. La première conséquence est que la CMI de
chaque molécule ne peut être déduite de celle de la pénicilline G. La
seconde conséquence est quil est recommandéde tester la CMI des
molécules utilisées en thérapeutique. Les b-lactamines les plus actives
sur le pneumocoque en dehors de la pénicilline G sont lampicilline,
lamoxicilline, le céfotaxime, la ceftriaxone, le céfépime, le cefpirome,
le céfuroxime et limipénème. En revanche, les céphalosporines de
première et deuxième générations, ainsi que les céphalosporines
orales, àlexception du cefpodoxime, sont moins actives que la
pénicilline G.
[42]
Une souche de pneumocoque est dite tolérante (Tol+) lorsquelle
échappe plus ou moins àleffet lytique et/ou bactéricide dun
antibiotique. Leffet bactériostatique est conservé. La plupart des
souches tolérantes se rencontrent parmi les souches résistantes aux
pénicillines. Cela est dûàdes modications du contrôle de lactivité
autolytique. Ce phénomène pourrait être responsable de certains
échecs thérapeutiques et pourrait jouer un rôle in vivo dans la
sélection de mutants pénicilline résistants.
Mécanismes de résistance aux autres familles
dantibiotiques
La résistance du pneumocoque aux macrolides est due àla
méthylation de lARN 23S qui diminue laffinitédes macrolides pour
leur cible. Cette résistance est croiséeàtous les macrolides,
lincosamides et streptogramines B. Elle est dite de type MLS
B
. Cette
résistance est de type inductible ou constitutif. Ces souches
possèdent le gène erm, responsable de la résistance par modication
ribosomale. Dautres souches possèdent le gène mefE codant pour
une résistance par un mécanisme defflux. Elles sont résistantes à
l’érythromycine, mais restent sensibles àla clindamycine et àla
quinupristine («bas niveau de résistance »). Les gènes erm et mefE
ne sont jamais associés. Un troisième phénotype de résistance a été
décrit chez une dizaine de souches qui étaient ery-R constitutif et
clinda-R mais sans posséder les gènes erm ou mefE, ni dautres
déterminants génétiques de résistance.
La résistance du pneumocoque aux autres antibiotiques est toujours
dorigine chromosomique, exception faite du cotrimoxazole et de la
résistance de bas niveau aux uoroquinolones. Les mécanismes
biochimiques sont les mêmes que pour les autres streptocoques. La
résistance au chloramphénicol se fait par action dune
acétyltransférase inductible. La résistance aux tétracyclines est codée
par le gène tetM entraînant une diminution de la concentration
intracellulaire de la tétracycline. Cette résistance est croiséeàtoutes
les tétracyclines. La résistance àla rifampicine est due àune
mutation de la chaîne bde lARN-polymérase ADN-indépendante
qui empêche la xation de lantibiotique sur sa cible.
Le pneumocoque présente une résistance naturelle aux quinolones
de première génération, et une faible sensibilitéàla péfloxacine,
looxacine et la ciprooxacine. Les uoroquinolones les plus actives
sur le pneumocoque sont la levooxacine, la moxioxacine et la
gatioxacine. Pour ces molécules, le niveau de résistance observé
est encore faible en France (<2 %). Cette résistance implique deux
mécanismes majeurs : la modication de leurs cibles naturelles,
lADN gyrase et/ou la topo-isomérase IV, et laugmentation de
lexpression du mécanisme defflux actif qui empêche laccumulation
intrabactérienne des uoroquinolones en les éjectant dès leur
pénétration dans la bactérie.
[94]
Les premières souches tolérantes àla vancomycine ont étéisolées
dinfections communautaires et commencent àêtre signalées dans
plusieurs pays.
[75]
Cette tolérance serait due àun défaut de
déclenchement du système autolytique de S. pneumoniae
Aspects épidémiologiques des résistances
Laugmentation de lincidence des souches de sensibilitédiminuéeà
la pénicilline est régulière, passant de 1 % en 1986, à12 % en 1990,
20,1 % en 1992, 32,1 % en 1994, 44 % en 1999 et 55,4 % en 2001.
[99]
Cette même année, le pourcentage de souches de haut niveau de
résistance est de 14 % vis-à-vis de la pénicilline G, 1,9 % vis-à-vis de
lamoxicilline et 0,2 % vis-à-vis du céfotaxime.
[47]
La résistance aux
b-lactamines est associée dans plus de 50 % des cas àla résistance à
une ou plusieurs familles dantibiotiques : cyclines, macrolides,
chloramphénicol ou triméthoprime-sulfaméthoxazole. Un
pneumocoque est dit «multirésistant »lorsquil résiste àau moins
trois antibiotiques de familles différentes. La proportion de souches
résistantes aux autres familles dantibiotiques est toujours inuencée
par le niveau de sensibilitéàla pénicilline G, parfois de manière
très marquée. Ainsi, la résistance àl’érythromycine est-elle observée
en 2001 pour 87,9 % des PSDP et seulement pour 23,7 % des
pneumocoques sensibles. En France, en 2001, les taux de résistance
sont les suivants : glycopeptides 0 %, rifampicine 0,6 %,
chloramphénicol 20 %, tétracyclines 34 %, cotrimoxazole 42 %, et
érythromycine 58 %.
[99]
Les études multicentriques portant sur la
télithromycine et la lévooxacine montrent des niveaux de résistance
très bas en France.
[29, 94]
La résistance aux antibiotiques est liéeàcertains sérogroupes, pour
des raisons encore mal connues. Parmi les 90 sérotypes de
pneumocoque, six rassemblent plus de 90 % des isolats cliniques
résistants aux b-lactamines. Ce sont, par ordre décroissant, les
sérotypes 23, 14, 9, 6, 19, 15. Le sérotype 23F représente àlui seul
plus du tiers des PSDP de haut niveau et des PSDP multirésistants.
En France, les résistances du pneumocoque varient selon l’âge du
patient, le type de prélèvement et les régions. Ces variations peuvent
être spéciques àchaque antibiotique. Ainsi, quel que soit le type
de prélèvement, les résistances sont plus fréquentes chez lenfant
que chez ladulte. Chez lenfant bien davantage que chez ladulte,
les niveaux de résistance varient avec le site de prélèvement, restant
nettement plus élevés dans les prélèvements non invasifs,
notamment dans les pus doreille, que dans les prélèvements
invasifs (Tableau 2).
[99]
Enn, les résistances peuvent, pour un même
type de prélèvement, sur un même terrain, varier du simple au
double selon les régions.
La première conséquence de cette évolution des résistances est une
modication des traitements de première intention. Ces traitements
probabilistes doivent être adaptésàl’évolution des résistances
observées dans une région ou un pays. La seconde conséquence est
lintérêtdeprotéger lenfant par la vaccination contre ces souches
résistantes.
Épidémiologie
RÉSERVOIR
S. pneumoniae est une bactérie commensale des voies aériennes
supérieures de lhomme.Leréservoir est représentéessentiellement
par le rhinopharynx des porteurs asymptomatiques. Ceux-ci
contribuent davantage àla transmission du pneumocoque que les
malades.
La colonisation du rhinopharynx apparaîtprécocement au cours de
la vie. Tous les enfants ont étéen contact avant l’âge de 2 ans
[45]
et
Pédiatrie Infections àpneumocoque 4-260-B-10
3
50 % des enfants de cet âge sont porteurs.
[67]
Cette colonisation est
maximale en âge préscolaire, puis décline progressivement, pour
atteindre chez les adultes sans contact avec de jeunes enfants un
taux de portage de 2 à9%.
La fréquence du portage est augmentée par dautres facteurs,
comme la vie en collectivitéde jeunes enfants notamment en crèche,
limportance de la fratrie, les conditions de logement notamment la
promiscuité, la saison froide sous nos climats ou encore lexistence
dune infection virale concomitante.
[51]
La fréquence du portage est diminuée par certains traitements
antibiotiques et certains vaccins. Les antibiotiques actifs sur le
pneumocoque diminuent le portage en n de traitement, mais cet
effet disparaît en moins de 1 mois. Le vaccin conjuguéréduit
signicativement le portage des sérotypes inclus dans le vaccin chez
lenfant vaccinéet leur fratrie plus jeune.
Le portage de souches de PSDP est largement favorisé,àtitre
individuel, par la pression de sélection exercée par le nombre de
traitements antibiotiques et, àtitre collectif, par la dissémination de
ces souches permise par lensemble des facteurs favorisant un taux
de portage élevé.
Le portage est un processus dynamique qui évolue de façon
séquentielle, chaque clone étant remplacépar un autre.
[84]
Généralement limitéàun seul sérotype, le portage persiste plusieurs
semaines ou mois. Le sérotype présent peut prévenir la colonisation
par dautres sérotypes. Au cours dune année, le nombre de
sérotypes de pneumocoque portés par un enfant peut varier de deux
à12. Chez lenfant, les sérotypes les plus fréquemment isolésdu
rhinopharynx sont les 6, 14, 19 et 23.
[3]
Enn, si certains animaux peuvent être porteurs ou présenter une
infection àS. pneumoniae, ils ne semblent pas jouer de rôle dans le
portage ou les infections pneumococciques chez lhomme.
TRANSMISSION
La transmission dun individu àlautre se fait par le biais de
gouttelettes de Pflügge provenant des voies aériennes supérieures.
Elle est favorisée par la promiscuité, la saison froide, une infection
virale des voies aériennes supérieures.
La transmission survient habituellement dans une famille ou une
collectivité, particulièrement de jeunes enfants.
SUJET RÉCEPTIF
Limmunitéacquise par la maladie ou la vaccination est spécique
de sérotype. Cette protection est efficace vis-à-vis des affections
invasives, mais pas vis-à-vis des infections oto-rhino-
laryngologiques (ORL) et du portage. Les antigènes capsulaires du
pneumocoque de nature polysaccharidique sont des antigènes
thymo-indépendants, qui ne peuvent stimuler le système
immunitaire encore immature des enfants de moins de 2 ans,
contrairement aux vaccins conjugués.
[44]
Les facteurs responsables du passage de l’état de portage àla
maladie sont encore mal connus. Cependant, le risque dinfection
chez lenfant au décours de la contamination par un nouveau
sérotype a étéévaluéà15 %. Ce fait explique quon ne peut
considérer le pneumocoque comme une bactérie opportuniste. La
plupart du temps, les enfants qui ont présentéune infection lont
faite dans le mois qui a suivi lacquisition dun nouveau sérotype. Si
la souche en cause est résistante, le plus souvent elle a étéacquise à
partir de porteurs nasopharyngés dans la communauté.
FACTEURS FAVORISANTS
Les pneumococcies sont particulièrement fréquentes sur des terrains
dits àrisque dinfection :
[15]
les âges extrêmes de la vie et les sujets
atteints par certaines pathologies sous-jacentes, dont linsuffisance
rénale chronique, les splénectomies anatomiques ou fonctionnelles
et les immunodépressions. Chez lenfant, le facteur de risque majeur
est un âge inférieur à2 ans (Tableau 3).
Certains facteurs favorisent signicativement le risque d’être infecté
par une souche de sensibilitédiminuéeàla pénicilline. Les facteurs
dominants sont les âges extrêmes de la vie, les séjours en collectivité,
la prise dantibiotiques (Tableau 4). Les antibiotiques en cause sont
les béta-lactamines, même àdose faible,
[47]
mais aussi le
cotrimoxazole et les macrolides.
[63]
En cas de souche résistante, le
facteur le plus signicatif est la prise de béta-lactamines dans les 3
mois précédents.
ASPECTS ÉPIDÉMIOLOGIQUES
Épidémiologie analytique
Les pneumococcies sont avant tout des infections communautaires.
Les infections nosocomiales, plus rares, sont surtout pulmonaires
et/ou bactériémiques, survenant au cours de la première semaine
chez des patients non ventilés.
Linfection pneumococcique est en règle sporadique. Les variations
saisonnières sont marquées par une recrudescence hivernale. Cest
Tableau 2. Pourcentage de pneumocoque intermédiaire (I) et/ou résistant (R) selon la nature des prélèvements chez les enfants selon les données
des Observatoires régionaux français, 2001
Ensemble Oreille Hémoculture Liquide céphalorachidien
I+R R I+R R I+R R I+R
Pénicilline G 71 18 77 20 47,7 11,7 59,8 18,8
Amoxicilline 40 343 3,6 27,9 1,9 29,5 1,6
Céfotaxime 26 0,3 29 0,4 7,6 015,6 0
Tableau 3. Terrains àrisque dinfection pneumococcique chez
lenfant
Catégories Terrains à risque Risque relatif (RR) par
rapport à la population
générale
Âges <2 ans <2ans:RRde5à10
Terrains particuliers syndrome néphrotique
de lenfant
cardiopathie congénitale
cyanogène
insuffisance cardiaque
pneumopathie chronique
brèche cérébroméningée
diabète
Splénectomies
anatomiques post-traumatique bactériémie : RR 12
hémopathie
Splénectomies
fonctionnelles drépanocytose homozygote
thalassémie majeure
Déficits immunitaires infection par le VIH pneumonie : RR 17
bactériémie: RR 100
VIH : virus de limmunodéficience humaine.
Tableau 4. Facteurs de risque dinfection àpneumocoque de sensibi-
litédiminuéeàla pénicilline
Toutes pathologies confondues Otites moyennes aiguës chez l’enfant
âges extrêmes âge inférieur à2 ans
prise de b-lactamines dans les 3 mois
précédents vie en collectivité(crèches)
hospitalisation récente antécédents dotites
caractère nosocomial de linfection prise dantibiotiques dans les 3 mois
précédents
antécédent de pneumopathie
infection àvirusdelimmunodéficience
humaine
4-260-B-10 Infections àpneumocoque Pédiatrie
4
en cette saison que lon peut observer de petites épidémies de
pneumopathie. Ces épidémies surviennent de préférence dans des
collectivitésoùrègne la promiscuité, comme les crèches, les casernes,
les prisons ou les foyers de sans-abri.
[4, 21]
Dans le cas des méningites
àpneumocoque, on nobserve jamais d’épidémie, ni de cas
secondaires.
Les pneumocoques de hauts niveaux de résistance àla pénicilline G
et multirésistants apparaissent liésàcertains clones, tel que le clone
Spain 23F-1 de répartition mondiale.
[72]
Leur diffusion dans certaines
collectivités est àlorigine d’épidémies. La résistance «de novo »
semble prédominer encore dans chaque pays.
Épidémiologie descriptive
Les infections àpneumocoque sont fréquentes. Lincidence des
infections àpneumocoque est plus élevée dans les pays en
développement que dans les pays industrialisés. Ainsi, pour les
méningites, le taux dincidence passe de 20 pour 100 000 habitants à
1 pour 100 000 habitants.
[19]
En France, parmi les étiologies
bactériennes responsables dinfections communautaires, le
pneumocoque tient la première place dans les méningites, les
pneumonies et les otites moyennes aiguës (OMA). Les estimations
évaluent le nombre de cas annuels à132 000 pneumonies,
5 000 bactériémies et 400 à500 méningites.
[34]
Chez lenfant, les
infections invasives àpneumocoque, méningites, bactériémies et
pneumopathies présentent un pic dincidence dans les 2 premières
années de vie (Tableau 5).
Les pneumococcies sont des affections graves. Les taux de mortalité
sont encore mal connus. Chez ladulte, les taux sont évaluésà12 %
pour les pneumonies, 20 % pour les bactériémies et 30 % pour les
méningites (Tableau 5). Chez lenfant, les infections invasives à
pneumocoque restent la première cause de mortalitépar maladies
infectieuses en France. La grande pathologie mortelle reste la
méningite, qui touche surtout lenfant entre 2 mois et 2 ans.
[32]
En
revanche, les décès par pneumopathies àpneumocoque restent
rares. Les enquêtes épidémiologiques montrent une absence de
relation entre résistance du pneumocoque et formes graves, et une
stabilitédes décès malgréles possibilitésthérapeutiques, soulignant
lintérêtdelaprévention chez les sujets àrisques.
[95]
Physiopathologie
Le pneumocoque est un micro-organisme non toxinogène, invasif, à
multiplication extracellulaire. Dans tous les processus infectieux, il
va agir en deux étapes : ladhésion et linvasion. Les différentes
adhésines sont situées dans la paroi. Le mécanisme principal
d’échappement àla phagocytose est la production dune capsule.
Enn, la lyse bactérienne libère ou active des composants bactériens
comme la pneumolysine qui vont entraîner une réaction
inammatoire parfois intense, qui participe aux lésions tissulaires et
àla gravitédes pathologies.
PNEUMOPATHIES
Après contamination interhumaine par lintermédiaire des sécrétions
respiratoires, le pneumocoque colonise la muqueuse ciliéedu
nasopharynx avec laquelle il va entretenir une relation commensale.
Linduction dun processus infectieux suppose la diminution des
défenses de lhôte. Les mécanismes de défense contre les infections
respiratoires àpneumocoque sont mécaniques et immunologiques.
Laltération des défenses mécaniques comme la toux, le réflexe
épiglottique ou le drainage par lappareil mucociliaire peut être
consécutive àune infection virale. Laltération des défenses
immunologiques est généralement le fait de pathologies virales,
immunodépressives, ou dune splénectomie.
La diminution des défenses de lhôte est généralement associéeà
une modication de la ore commensale oropharyngée qui peut
entraîner la dissémination du pneumocoque le long du tractus
respiratoire et aboutir àla pneumonie. Ce pneumocoque est
généralement dorigine exogène, dacquisition récente et
particulièrement virulent.
[24]
Ce peut être également un
pneumocoque endogène qui, àla faveur dune modication
quantitative de la ore, peut acquérir des capacités particulières
dadhérence. En effet, le pneumocoque, lorsque la densité
bactérienne est élevée, peut améliorer ses capacitésdadhésion ou,
par un phénomène dintégration dADN exogène, augmenter sa
virulence.
[71]
Linfection va alors se dérouler en deux phases, ladhésion puis
linvasion. Ladhésion est permise par les facteurs dadhésion situés
dans la paroi. Linvasion résulte surtout de la capacitéde la capsule
àrésister àla phagocytose par les macrophages alvéolaires. Le
pneumocoque peut moduler son phénotype pour adapter sa
structure àlenvironnement. Il passe alors du phénotype adhérent
au phénotype virulent, et inversement.
[71]
La capsule va empêcher
lopsonisation et lafflux de polynucléaires. La multiplication de la
bactérie et ses effets vont entraîner les lésions de pneumopathie en
quatre étapes successives et intriquées. Les anatomopathologistes
décrivaient ces étapes sous les termes dengorgement alvéolaire,
dhépatisation rouge, dhépatisation grise et de résolution. Au début,
les espaces alvéolaires sont remplis de bactéries et dun exsudat
œdémateux par action pro-inammatoire des composants de la
paroi du pneumocoque. Suit rapidement une inltration de
polynucléaires neutrophiles avec extravasation de globule rouges et
de dépôts de brine. L’évolution se fait vers laccumulation
dexsudats dans les alvéoles, la compression des capillaires et la
migration de leucocytes. La richesse en leucocytes de lexsudat
constitue alors le premier obstacle àla multiplication bactérienne.
Les anticorps spéciques apparaissent ensuite, entre le cinquième et
le dixième jour. En cas de succès des mécanismes de défense, des
monocytes-macrophages migrent et nettoient les lésions avec une
restitution quasi totale des tissus.
[64]
BACTÉRIÉMIE
Le passage sanguin des pneumocoques est encore mal connu. Il
seffectue habituellement àpartir dun foyer cliniquement patent,
souvent pulmonaire ou ORL. Àpartir du poumon, le passage peut
se faire après destruction des cellules endothéliales capillaires ou
par la circulation lymphatique qui pourrait servir de réservoir
intermédiaire de la réplication des pneumocoques.
[64]
L’élimination des pneumocoques de la circulation sanguine se fait
pour deux tiers par le foie et pour un tiers par la rate. Le foie
interviendrait surtout chez le sujet immun et la rate chez le sujet
non immun. La protéineCréactive, dorigine hépatique, participe à
l’élimination en se liant au polysaccharide C de la paroi des
pneumocoques, entraînant lactivation du complément et permettant
lopsonisation des pneumocoques.
Lasplénie serait responsable de septicémies foudroyantes. La
pneumolysine serait le facteur majeur de la gravitédes septicémies
àpneumocoques.
[78]
MÉNINGITE
Àpartir dun site infectieux ORL ou pulmonaire, le pneumocoque
doit passer la barrière hématoméningée et produire une
inammation pour entraîner une méningite purulente. De nombreux
arguments sont en faveur dune induction de bactériémies intenses
et prolongées permises par la capacitédu pneumocoque àsurvivre
dans le sang. Ces bactériémies rendent possible un ensemencement
Tableau 5. Infections invasives àStreptococcus pneumoniae en
France : taux dincidence pour 100 000 par groupe d’âge (2000)
Groupe d’âge Incidence
<1an 42
14 ans 13
59 ans 2
10 24 ans 1
25 59 ans 1 2
>60 ans >10
Pédiatrie Infections àpneumocoque 4-260-B-10
5
1 / 14 100%
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