50CLASSIQUES psychologie de la

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psychologie
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Butler-Bowdon, Tom, 196750 classiques de la psychologie
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1. Spiritualité. 2. Religions. I. Titre.
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Tous droits réservés
L’ouvrage original a été publié par
Nicholas Brealey Publishing
sous le titre 50 Psychology Classics
Dépôt légal : 2010
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
ISBN 978-2-7619-2723-9
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T O M
B U T L E R - B O W D O N
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psychologie
Mihaly Csikszentmihalyi • Albert Ellis • Erik Erikson
Susan Forward • Viktor Frankl • Sigmund Freud
Daniel Goleman • Carl Jung • Alfred Kinsey • R. D. Laing
Jean Piaget • Carl Rogers • Martin Seligman
Traduit de l’anglais par Lucie Lapointe
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Alfred Adler
Gavin de Becker
Eric Berne
Edward de Bono
Robert Bolton
Isabel Briggs Myers
Nathaniel Brande
Louann Brizendine
Robert Cialdini
David D. Burns
Robert A. Harper
Albert Ellis
Mihaly Csikszentmihalyi
Milton Erickson
Erik Erikson
Viktor Frankl
Susan Forward
Hans Eysenck
Sigmund Freud
Anna Freud
Howard Gardner
Daniel Gilbert
Daniel Goleman
Malcolm Gladwell
John M. Gottman
Thomas A. Harris
Harry Harlow
Eric Hoffer
William James
Karen Horney
Carl Jung
Melanie Klein
Alfred Kinsey
Abraham Maslow
R. D. Laing
Stanley Milgram
David Jessel
Anne Moir
Fritz Perls
Ivan Pavlov
Steven Pinker
Jean Piaget
Carl Rogers
Barry Schwartz
Oliver Sacks
Martin Seligman
B. F. Skinner
Bruce Patton
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V. S. Ramachandran
Sheila Heen
Gail Sheehy
Douglas Stone
William Styron
Robert E. Thayer
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À Cherry
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Introduction
D
ans son voyage au travers de cinquante ouvrages, de centaines de
concepts et de plus d’un siècle d’histoire, 50 classiques de la
psychologie se penche sur certaines des questions les plus fascinantes concernant nos motivations profondes, l’origine de nos sentiments
et de nos actions, le fonctionnement de notre cerveau et la façon dont
nous construisons notre identité. N’est-ce pas en approfondissant notre
conscience de chacun de ces aspects que nous accédons à une meilleure
connaissance de soi, à une plus vaste compréhension de la nature humaine, à des relations plus satisfaisantes et à une plus grande efficacité
– bref, que nous pouvons donner à notre vie une réelle qualité ?
50 classiques de la psychologie explore les écrits de figures emblématiques, telles que Freud, Adler, Jung, Skinner, James, Piaget et Pavlov, tout
en soulignant la contribution de penseurs contemporains, tels que
Gardner, Gilbert, Goleman et Seligman. Le commentaire sur chacun des
livres en dévoile les points essentiels et décrit le contexte dans lequel ont
émergé les idées, les personnes et les mouvements qui y sont associés. La
combinaison d’ouvrages anciens et nouveaux permet à la fois de donner
un aperçu des écrits qu’il faut au moins connaître, même si on ne les lit
jamais, tout en tenant compte des dernières découvertes scientifiques
présentées par des titres plus récents et plus pratiques.
50 classiques de la psychologie traite de la psychologie « pour nonspécialistes ». Les livres commentés sont des ouvrages que tout le monde
peut lire et dont tout le monde peut s’inspirer, ou qui ont expressément
été écrits pour un vaste public. Parmi leurs auteurs, on trouve non seulement des psychologues, mais aussi des neurologues, des psychiatres, des
biologistes, des spécialistes de la communication, des journalistes et
même un débardeur, un expert en violence et un romancier. Les secrets
de la nature humaine sont en effet trop importants pour être appréhendés
par une seule discipline ou sous un seul angle ; l’expression d’un ensemble éclectique de voix semble la meilleure façon d’y accéder.
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50 classiques de la psychologie
Le présent ouvrage ne traite pas principalement de psychiatrie, même
si les travaux de psychiatres, comme Oliver Sacks, Erik Erikson, R. D. Laing
et Viktor Frankl, et de renommés thérapeutes, comme Carl Rogers, Fritz
Perls et Milton Erickson, y sont présentés. L’objectif de 50 classiques de la
psychologie est moins de fournir des solutions aux problèmes de chacun
que de susciter des prises de conscience générales sur les raisons qui font
que les gens pensent ou agissent comme ils le font.
Malgré l’inclusion de certains livres traitant de l’inconscient, l’accent n’est pas mis non plus sur la psychologie des profondeurs, ni sur
les concepts de la psyché ou de l’âme. Les écrits de certains des auteurs
les plus populaires dans ce domaine, dont James Hillman (Le code
caché de votre destin), Thomas Moore (Le soin de l’âme), Carol
Pearson (Le héros intérieur) et Joseph Campbell (Puissance du mythe),
ont déjà été commentés soit dans 50 Self-Help Classics [50 classiques
de la croissance personnelle], soit dans 50 classiques de la spiritualité,
qui regroupent des ouvrages portant plus spécifiquement sur les aspects transformationnels et spirituels de la psychologie.
La liste des 50 classiques de la psychologie sélectionnés ici ne se
prétend pas exhaustive. Elle ne se veut qu’un panorama de certains
des auteurs et des écrits les plus importants. Une telle sélection, quelle
qu’elle soit, sera toujours le fruit d’une vision idiosyncrasique et ne
pourrait se targuer de couvrir l’ensemble des courants et sous-courants
de la psychologie. Nous ne cherchons ici que quelques réponses élémentaires à certains des questionnements et des concepts les plus
intrigants de la psychologie afin d’approfondir notre connaissance de
la nature humaine.
L’émergence d’une science
La psychologie est la science de la vie de l’esprit.
WILLIAM JAMES
Hermann Ebbinghaus (1850-1909), un des premiers chercheurs à étudier la mémoire, a écrit : « La psychologie a un long passé mais une
courte histoire1. » Il voulait dire par là qu’il y avait des millénaires que
1. H. Ebbinghaus, Précis de psychologie, traduction française de G. Raphaël, Paris,
Alcan, 1912.
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Introduction
l’être humain réfléchissait au sujet de sa pensée, de ses émotions, de
son intelligence et de ses comportements, mais que la psychologie, en
tant que discipline se fondant sur des faits plutôt que sur des spéculations, était encore à son enfance. Bien que cette affirmation date
maintenant de 100 ans, la psychologie est toujours considérée comme
une science jeune.
La psychologie est issue de deux autres disciplines, la physiologie
et la philosophie. C’est German Wilhelm Wundt (1832-1920) qui est
vu comme le père de la psychologie, en raison de son insistance pour
qu’on en fasse une discipline distincte, plus empirique que la philosophie et plus centrée sur l’esprit que la physiologie. Durant les années 1870, il créa le premier laboratoire de psychologie expérimentale
et rédigea son imposant Principes de physiologie psychologique,
1873-1874).
Si Wundt n’est pas inclus dans notre liste de classiques de la psychologie, c’est que seuls des chercheurs spécialisés le lisent encore
aujourd’hui. En revanche, les écrits du philosophe américain William
James (1842-1910), également considéré comme un fondateur de la
psychologie moderne, sont encore très populaires. D’abord formé en
médecine puis en philosophie, le frère du romancier Henry James estimait, comme Wundt, que le fonctionnement de l’esprit méritait de
devenir un champ d’études à lui seul. Se fondant sur la théorie du
neuroanatomiste allemand Franz Gall, qui conférait une réalité biologique aux pensées et à tous les processus mentaux, James a contribué
à la diffusion de cette idée remarquable selon laquelle la personnalité
de chacun – avec ses espoirs, ses attachements, ses désirs et ses peurs –
est inscrite dans la matière grise contenue à l’intérieur de la boîte
crânienne. Les explications décrivant les pensées comme le produit
d’un principe plus intérieur, tel que l’âme, lui semblaient relever de la
pure métaphysique.
Si William James a permis de définir les paramètres de la psychologie, c’est Sigmund Freud qui, par ses écrits, a fait de cette discipline
un sujet d’intérêt pour le grand public. Freud est né il y a plus de
150 ans, en 1856 ; ses parents savaient qu’il était brillant, mais ils ne
pouvaient soupçonner tout l’impact que ses idées allaient avoir sur le
monde. D’abord inscrit à la faculté de droit, il changea d’idée à la dernière minute pour s’orienter plutôt vers la médecine. Ses travaux sur
l’anatomie du cerveau et sur des patients souffrant d’« hystérie » l’ont
amené à s’interroger sur l’influence de l’inconscient sur les comportements, ce qui a ensuite éveillé son intérêt pour les rêves.
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50 classiques de la psychologie
Aujourd’hui, on tient facilement pour acquis que le moi ou l’inconscient sont des notions familières pour à peu près tout le monde,
mais ces concepts psychologiques, comme bien d’autres, font tous
partie – pour le meilleur et pour le pire – de l’héritage de Freud. Ainsi,
la grande majorité des ouvrages présentés dans ces 50 classiques de la
psychologie sont d’inspiration freudienne et postfreudienne ou se définissent par opposition à la pensée freudienne. Il est maintenant bien
vu de remettre en cause le caractère scientifique des travaux de Freud
et d’affirmer que ses écrits sont plus des créations littéraires que de
véritables traités de psychologie. Que ces allégations soient justifiées
ou non, Freud reste de loin le chercheur le plus célèbre du domaine et,
bien que la psychanalyse – la thérapie axée sur la parole qu’il a créée
afin d’accéder à l’inconscient d’une personne – soit beaucoup moins
pratiquée de nos jours, l’image de ce médecin viennois suscitant l’expression des pensées les plus profondes de son patient allongé sur un
divan est encore l’image qui nous vient le plus souvent lorsque nous
pensons à la psychologie.
Comme l’ont laissé entendre certains spécialistes des neurosciences, Freud pourrait très bien revenir à la mode. Son insistance sur
le rôle primordial de l’inconscient dans la détermination des comportements n’a été démentie ni par les recherches plus récentes ni par les
techniques d’imagerie, et la justesse de certaines de ses autres théories
pourrait encore être prouvée. Même dans le cas contraire, sa position
de penseur le plus novateur du domaine de la psychologie ne risque
pas d’être remise en question.
La réaction la plus nette contre la pensée freudienne est venue du
béhaviorisme. Ce sont les fameuses expériences sur des chiens menées par Ivan Pavlov, qui démontraient que les animaux n’étaient que
la somme de réponses conditionnées aux stimuli de l’environnement,
qui ont inspiré le principal défenseur de ce courant de pensée, B. F.
Skinner. Selon ce dernier, l’idée d’un individu autonome, motivé par
des pulsions intérieures, n’était qu’un mythe romantique. Pour comprendre pourquoi les gens agissent comme ils le font, plutôt que de
chercher à savoir ce qui se passe dans leur tête (ce qui a été qualifié de
« mentalisme »), Skinner était d’avis qu’il suffisait de connaître les circonstances qui les poussaient à agir de telle ou telle façon. Notre environnement conditionne nos façons d’être, car c’est en fonction de ce
que nous apprenons à reconnaître comme utile à notre survie que
nous modifions notre ligne de conduite. Pour construire un monde
meilleur, il faut donc créer des environnements qui inciteront les gens
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Introduction
à agir de façon plus morale ou plus productive. Pour Skinner, cela
implique la mise au point d’une technologie du comportement qui
récompense certaines actions et pas d’autres.
Émergeant au cours des années 1960, la psychologie cognitive a
conservé la même approche rigoureusement scientifique du béhaviorisme, en récupérant toutefois l’idée que les comportements sont
effectivement déterminés par ce qui se passe dans la tête. Entre le stimulus issu de l’environnement et notre réponse à ce stimulus, les chercheurs cognitivistes étaient convaincus que certains processus devaient
s’opérer dans le cerveau et ils ont ainsi révélé que l’esprit humain est en
fait une grande machine à interprétation qui organise la réalité selon ses
propres schémas pour donner un sens au monde extérieur.
C’est ainsi que les thérapeutes cognitivistes, comme Aaron Beck,
David D. Burns et Albert Ellis, en sont venus à concevoir une thérapie
fondée sur l’idée que ce sont nos pensées qui déterminent nos émotions et non pas l’inverse. En changeant notre façon de penser, nous
pouvons donc atténuer nos états dépressifs ou simplement avoir une
meilleure maîtrise de nos comportements. Cette forme de psychothérapie a de nos jours largement supplanté la psychanalyse freudienne.
La « psychologie positive » est un courant plus récent de la psychologie cognitive qui a voulu détourner la discipline des problèmes mentaux pour la réorienter vers l’étude de ce qui rend les gens heureux,
optimistes et productifs. Dans une certaine mesure, ce courant a été
présagé par le psychologue humaniste novateur Abraham Maslow, avec
ses écrits sur l’individu « auto-accompli », et par Carl Rogers, qui se disait pessimiste à l’égard du monde, mais optimiste à l’égard des gens.
Au cours des 30 dernières années, tant la psychologie béhavioriste
que la psychologie cognitive ont été de mieux en mieux appuyées par
les avancées de la science du cerveau. Les béhavioristes croyaient qu’il
était erroné de simplement conjecturer sur ce qui se passe dans le
cerveau, mais la science nous permet maintenant de voir à l’intérieur
de cet organe et de cartographier les voies neuronales et les synapses
qui sont effectivement à l’origine de nos actions. Cette recherche
pourrait bien révolutionner notre conception de l’humain, et fort
probablement pour le meilleur, car, malgré la crainte de certains de
nous voir déshumanisés et réduits à la configuration de nos circuits
neuronaux, une meilleure connaissance du cerveau humain ne peut
en fait que hausser notre appréciation de son fonctionnement.
Les recherches scientifiques récentes sur le cerveau nous ramènent ainsi à la définition que William James faisait de la psychologie,
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la « science de la vie de l’esprit » ; à la différence que nous sommes
maintenant en mesure de faire progresser cette science sur la base de
nos connaissances au niveau moléculaire. S’étant éloignée du champ
de la physiologie au cours de son évolution, la psychologie pourrait
donc effectuer un retour à ses racines plus physiques. Ironiquement,
c’est de l’attention à cette réalité physique jusque dans ses infimes
détails qu’émergent les réponses à certaines de nos questions philosophiques les plus vastes, notamment sur la nature de la conscience, le
libre arbitre, la création de la mémoire ainsi que l’expérience et la
maîtrise de l’émotion. Il se pourrait même que l’« esprit » et le « moi »
ne soient en fait que des illusions créées par l’extraordinaire complexité des circuits neuronaux et des réactions chimiques de notre
cerveau.
Quel est l’avenir de la psychologie ? La seule chose dont nous pouvons être certains, c’est qu’elle deviendra une science de plus en plus
fondée sur la connaissance du cerveau.
Un guide abrégé de la littérature psychologique
Une des raisons pour lesquelles la psychologie est devenue un champ
d’études aussi populaire, c’est que ses plus grands penseurs, dont
James, Freud, Jung et Adler, ont écrit des livres que les gens ordinaires
pouvaient comprendre. Encore aujourd’hui, n’importe lequel de ces
ouvrages peut nous captiver. Malgré la complexité de certains
concepts, nous demeurons profondément assoiffés de connaissances
sur le fonctionnement de notre esprit, sur nos motivations profondes
et sur nos comportements. Depuis les 15 dernières années, les écrits
du domaine de la psychologie populaire connaissent d’ailleurs un
nouvel âge d’or, grâce à des auteurs comme Daniel Goleman, Steven
Pinker, Martin Seligman et Mihaly Csikszentmihalyi qui savent répondre à ce besoin.
Vous trouverez ci-après une brève présentation des ouvrages répertoriés dans 50 classiques de la psychologie. Les livres sont ici classés
en sept catégories qui, malgré leur caractère non conventionnel, pourront certainement vous aider à choisir un titre ou l’autre en fonction
des thèmes qui vous intéressent le plus. À la fin du présent ouvrage,
vous trouverez également une liste de « 50 autres classiques de la psychologie ». Encore une fois, il ne s’agit pas d’une liste exhaustive, mais
elle pourra vous guider vers d’autres éventuelles lectures.
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Introduction
Comportements, biologie et génétique :
une science du cerveau
Louann Brizendine : Les secrets du cerveau féminin
William James : Principes de psychologie
Alfred Kinsey : Le comportement sexuel de la femme
Anne Moir et David Jessel : Brainsex [Le cerveau sexué]
Jean Piaget : Le langage et la pensée chez l’enfant
Steven Pinker : Comprendre la nature humaine
V. S. Ramachandran : Le fantôme intérieur
Oliver Sacks : L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau
Pour William James, la psychologie était une science naturelle fondée sur le fonctionnement du cerveau, mais, à son époque, les outils
permettant d’étudier adéquatement cet organe mystérieux n’existaient
pas. Grâce aux récentes avancées technologiques, la psychologie
d’aujourd’hui tire une bonne partie de ses révélations directement de
l’étude du cerveau plutôt que de celle des comportements qu’il génère.
Ce nouvel accent sur la science du cerveau soulève des questions
troublantes quant aux fondements biologiques et génétiques de nos
comportements. Nos façons d’être sont-elles immuables ou naissonsnous comme une page blanche, prêts à être conditionnés par notre
environnement ? Le vieux débat entre « nature et culture » est maintenant relancé avec plus de vigueur. La génétique et la psychologie
évolutionniste ont en effet montré qu’une bonne partie de ce que
nous appelons la « nature humaine », y compris l’intelligence et la
personnalité, est probablement déjà programmée depuis la vie utérine
et certainement tout au moins influencée par des facteurs hormonaux. Selon Steven Pinker, auteur de Comprendre la nature humaine
(The Blank Slate, 2002), des considérations culturelles et politiques
nous empêchent parfois d’admettre le rôle majeur de la biologie dans
la détermination des comportements humains, mais à mesure que la
science avance, cette position deviendra de plus en plus difficile à
soutenir. Ainsi, le livre de Louann Brizendine, résultat de nombreuses
années d’étude sur les effets des hormones sur le cerveau féminin,
montre de façon brillante à quel point les comportements des femmes
aux différents stades de leur vie sont déterminés par des facteurs
biologiques.
Encore plus fondamentalement, Moir et Jessel présentent dans
leur livre Brainsex [Le cerveau sexué] une démonstration convaincante
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50 classiques de la psychologie
que nos tendances comportementales ont leur origine dans la biologie
de notre cerveau qui, dès la huitième semaine de vie du fœtus, est
nettement différente chez les hommes et chez les femmes. Même nos
idées les plus chères à propos du moi sont ainsi scrutées au microscope. Par exemple, les neurosciences d’aujourd’hui laissent entendre
que le moi serait une espèce d’illusion créée par le cerveau. Les écrits
remarquables d’Oliver Sacks, entre autres, montrent que le cerveau
travaille constamment à créer et à entretenir la perception d’un « je »
qui serait aux commandes de l’individu, malgré le fait qu’en réalité ce
« sentiment du moi » ne peut être localisé dans aucune partie du cerveau. Et les travaux sur les membres fantômes du neuroscientifique
V. S. Ramachandran semblent confirmer cette remarquable capacité
du cerveau à créer la perception d’une unité cognitive même si la réalité (l’existence de plusieurs moi et de plusieurs niveaux de conscience)
est plus complexe.
Jean Piaget n’a pour sa part jamais fait d’expériences de laboratoire
sur le cerveau, mais il a passé sa jeunesse à étudier les escargots dans
les montagnes de la Suisse. Il a ensuite appliqué son génie précoce
pour l’observation scientifique à l’étude des enfants et de leur développement selon une succession de stades correspondant à certains âges,
à condition qu’ils soient adéquatement stimulés par leur environnement. Le sexologue Alfred Kinsey, qui a lui aussi commencé sa carrière comme biologiste, a quant à lui cherché à démystifier les tabous
entourant la sexualité tant féminine que masculine, en soulignant
combien nos comportements sexuels étaient influencés par nos origines biologiques mammaliennes.
Tant les travaux de Piaget que ceux de Kinsey laissent entendre
que, malgré l’empreinte toujours dominante de la biologie sur nos
comportements, les facteurs environnementaux sont déterminants
quant à son expression particulière. Les nouvelles découvertes sur les
fondements génétiques ou biologiques des comportements ne devraient donc pas nous amener à conclure que les humains sont totalement conditionnés par leur ADN, leurs hormones ou l’architecture
de leur cerveau. À la différence des autres animaux, nous sommes
conscients de nos instincts et nous sommes en mesure de les influencer ou de les maîtriser. Nous ne sommes ni des êtres de nature ni des
êtres de culture seulement ; nous sommes le résultat d’une intéressante combinaison de ces deux ensembles de facteurs.
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Introduction
À l’écoute de l’inconscient : une sagesse différente
Gavin de Becker : La peur qui vous sauve
Milton Erickson (compilation de Sydney Rosen) : Ma voix t’accompagnera
Sigmund Freud : Le rêve et son interprétation
Malcolm Gladwell : Intuition
Carl Jung : Les racines de la conscience
La psychologie touche autre chose que la rationalité et la pensée,
et si nous nous mettons à l’écoute de notre inconscient, elle nous
permet d’accéder à un grand réservoir de sagesse. Freud a ainsi tenté
de montrer que les rêves étaient non pas de simples hallucinations
dénuées de sens, mais une fenêtre ouverte sur l’inconscient, susceptible de révéler les désirs refoulés. Pour lui, le conscient n’était que
la pointe d’un iceberg et c’était dans sa partie submergée que se trouvait le centre de gravité de la motivation de la personne. Jung est allé
plus loin encore en reconnaissant l’existence d’une structure prérationnelle (l’« inconscient collectif »), indépendante des individus,
qui générait les manifestations culturelles telles que les coutumes,
l’art, la mythologie et la littérature. Freud et Jung s’entendaient toutefois pour dire qu’une meilleure conscience de « ce qui est sous-jacent »
nous rendait moins vulnérables aux crocs-en-jambe de la vie. Ces
deux penseurs ont voulu montrer qu’il était possible, à condition de
savoir comment s’y prendre, de se reconnecter aux couches les plus
profondes de son être et à ce réservoir d’intelligence et de sagesse
qu’est l’inconscient.
Sur le plan thérapeutique, la « psychologie des profondeurs » n’a
cependant connu qu’un succès mitigé et son efficacité a souvent été
liée aux découvertes et aux techniques particulières de certains praticiens. L’un d’entre eux, le célèbre hypnothérapeute Milton Erickson,
répétait sans cesse : « C’est vraiment étonnant tout ce que les gens
sont capables de faire. Le problème, c’est qu’ils ne le savent pas. » Il
considérait lui aussi l’inconscient comme un puits sans fond de solutions judicieuses et, en donnant à ses patients les moyens d’y accéder,
il leur permettait de retrouver un pouvoir personnel oublié.
L’intuition, ce pont entre le conscient et l’inconscient, est une
forme de sagesse que nous pouvons cultiver, et dans son livre La peur
qui vous sauve (The Gift of Fear, 1997), Gavin de Becker nous en fait
une démonstration à faire frissonner. Ses nombreux exemples illustrent en effet notre capacité naturelle de savoir comment nous tirer de
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situations critiques où notre vie est en danger – à condition d’être à
l’écoute de notre voix intérieure et d’agir en conséquence. Malcolm
Gladwell souligne également, dans son livre Intuition (Blink, 2005),
la puissance de cette façon de « réfléchir sans y penser » et il montre
comment le jugement éclair à l’égard d’une situation ou d’une personne est souvent aussi juste que celui qui résulte d’une réflexion
prolongée. Certes, la logique et la rationalité ont leur importance,
mais les personnes intelligentes sont en contact avec tous les niveaux
de leur esprit et elles font aussi confiance à leurs sensations, même
lorsqu’elles sont difficilement explicables.
Bien penser pour bien se sentir :
le bonheur et la santé mentale
Nathaniel Branden : The Psychology of Self-Esteem
[La psychologie de l’estime de soi]
David D. Burns : Être bien dans sa peau
Albert Ellis et Robert Harper : L’approche émotivo-rationnelle
Daniel Gilbert : Et si le bonheur vous tombait dessus
Fritz Perls : Gestalt-Thérapie
Barry Schwartz : Le paradoxe du choix
Martin Seligman : Le bonheur authentique
William Styron : Face aux ténèbres
Robert E. Thayer : The Origin of Everyday Moods
[L’origine des humeurs quotidiennes]
Curieusement, pendant longtemps, la psychologie s’est peu intéressée au bonheur. C’est Martin Seligman qui a soumis ce sujet à une
étude et une observation rigoureuses, et sa « psychologie positive » révèle ainsi les moyens scientifiques, et souvent inattendus, d’accéder à
un bien-être mental. La distinction que Barry Schwartz établit quant
à lui entre les « toujours plus » et les «cela me suffit » nous indique
qu’étonnamment le fait de restreindre nos choix dans la vie est un
gage de bonheur et de satisfaction. Daniel Gilbert nous surprend lui
aussi en soulignant le fait que, malgré leur faculté unique dans le
monde animal de penser à l’avenir, les humains se trompent souvent
sur les conditions qui devraient assurer leur bonheur futur. Passant
d’une vision macroscopique à une vision microscopique, Robert
Thayer a recherché les causes physiologiques de nos humeurs quoti20
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Introduction
diennes et a ainsi aidé des milliers de personnes à mieux maîtriser
leur façon de se sentir d’heure en heure. Les révélations captivantes de
ces quatre auteurs montrent qu’il n’est jamais aussi simple qu’on le
voudrait d’atteindre le bonheur.
La révolution de la psychologie cognitive a eu un impact majeur
sur la santé mentale. David D. Burns et Albert Ellis, deux des grands
protagonistes de cette approche, n’ont cessé d’affirmer que c’étaient
les pensées qui créaient les sentiments, et non l’inverse. En appliquant
la raison et la logique à l’univers trouble des émotions, ils ont aidé
bien des gens à reprendre leur vie en main. Les conséquences de leurs
travaux sur notre recherche du bonheur en général sont nombreuses,
car ils laissent entendre que, par la compréhension des mécanismes
mentaux reliant la pensée aux émotions, la majorité des gens pourraient littéralement « choisir » d’être heureux.
Bien que le concept de l’estime de soi ait été l’objet de critiques ces
dernières années, l’ouvrage majeur de Nathaniel Branden à ce sujet
demeure tout à fait convaincant. Selon lui, l’estime personnelle de
chacun se construit en établissant ses propres principes et en agissant
en conformité avec eux ; autrement, l’individu tombe facilement dans
le mépris de soi et la dépression. Pourtant, comme le relate William
Styron dans son classique qui décrit sa propre bataille contre la dépression, cette maladie dont les causes restent souvent mystérieuses peut
frapper n’importe qui. Il désigne d’ailleurs la dépression comme le
cancer du domaine de la santé mentale : nous ne sommes pas très loin
de la découverte d’un remède, mais pas encore assez près pour ceux
qui ne répondent que partiellement aux médicaments actuels ou à la
thérapie.
Le pourquoi de nos façons d’être :
l’étude de la personnalité et du moi
Isabel Briggs Myers : Gifts Differing [Les dons qui nous distinguent]
Erik Erikson : Luther avant Luther
Hans Eysenck : Les dimensions de la personnalité
Anna Freud : Le moi et les mécanismes de défense
Karen Horney : Nos conflits intérieurs
Melanie Klein : Envie et gratitude
R. D. Laing : Le moi divisé
Gail Sheehy : Passages
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50 classiques de la psychologie
Les anciens nous ordonnaient déjà de nous connaître nous-mêmes,
mais, en psychologie, cette quête peut revêtir bien des aspects. Les travaux d’Eysenck sur les dimensions extravertie et introvertie de la personnalité ont ouvert la voie à de nombreuses autres typologies, dont le
fameux modèle de personnalité en cinq facteurs – l’extraversion, le caractère agréable, le caractère consciencieux, le névrosisme et l’ouverture
à l’expérience – que les psychologues d’aujourd’hui utilisent couramment pour évaluer leurs patients. Un certain scepticisme est tout de
même de mise quant à la validité des innombrables tests qui existent
aujourd’hui pour établir le « type de personnalité », mais certains d’entre
eux peuvent effectivement s’avérer fort révélateurs. Le test de personnalité actuellement le plus connu se fonde sur le répertoire des caractéristiques personnelles établi à l’origine par Isabel Briggs Myers.
Bien sûr, la définition de ce que nous sommes à un moment précis de notre vie peut évoluer. C’est Erik Erikson qui a ainsi créé le
terme « crise d’identité » et dans sa passionnante psychobiographie du
réformateur protestant Martin Luther, il communique autant la souffrance liée à une identité qui se cherche que le pouvoir que confère la
découverte de ce que nous sommes vraiment. Comme Gail Sheehy le
souligne par ailleurs dans Passages (1976), son succès des années
1970, la vie adulte est ponctuée de nombreuses crises qui non seulement sont prévisibles, mais que nous devrions accueillir comme
autant d’occasions de croissance.
Les êtres humains doivent parfois vivre avec des identités apparemment contradictoires. Prenant le relais de son père par ses réflexions sur la psychologie du moi, Anna Freud a observé que les humains étaient prêts à tout pour éviter la souffrance et pour préserver
leur sens de soi, ce qui entraînait souvent la création de mécanismes
de défense. La psychanalyste néo-freudienne Karen Horney soutenait
quant à elle que les expériences de l’enfance étaient à l’origine de la
création d’un moi qui serait animé soit d’un « mouvement vers
autrui », soit d’un « mouvement de fuite devant autrui ». Ces tendances
étaient pour elle une espèce de masque pouvant évoluer jusqu’à la
névrose si l’individu n’affirmait pas sa volonté de les dépasser. Et sous
ces masques se trouvait la personne entière et vraie.
De son côté, Melanie Klein s’est penchée sur la personnalité schizoïde qui pouvait résulter de la relation du bébé avec sa mère au cours
de sa première année de vie. Elle observait cependant que la majorité
des individus arrivaient à surmonter ce passage délicat et à établir des
relations saines avec le monde et avec eux-mêmes. La plupart d’entre
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Introduction
nous ont donc un solide sens du soi, mais, comme le montre R. D. Laing
dans son ouvrage historique sur la schizophrénie, les personnes qui
n’ont pas cette sécurité fondamentale tâchent de combler ce vide en
s’inventant un ou plusieurs faux moi. La plupart du temps, nous tenons pour acquis le simple fait d’être bien avec soi-même ainsi que la
capacité de notre cerveau à créer ce sentiment de maîtrise de soi ; ce
n’est que lorsque cette capacité est perdue que nous pouvons véritablement l’apprécier.
Le pourquoi de nos façons d’agir :
les grands penseurs de la motivation humaine
Alfred Adler : Connaissance de l’homme
Viktor Frankl : Nos raisons de vivre
Eric Hoffer : Une foi aveugle
Abraham Maslow : Être humain
Stanley Milgram : Soumission à l’autorité
Ivan Pavlov : Les réflexes conditionnés
B. F. Skinner : Par-delà la liberté et la dignité
Membre du cercle restreint qui s’était formé autour de Freud à
l’origine, Alfred Adler se démarqua ensuite de l’idée que la sexualité
constituait la motivation primordiale du comportement humain, pour
s’intéresser plutôt à la façon dont l’environnement façonnait les individus au cours de leur enfance. Ainsi, selon lui, dans notre recherche
de pouvoir, nous tâchons de compenser ce qui nous semble avoir fait
défaut pendant notre enfance – c’est sa fameuse théorie de la « compensation ».
Alors que la conception de l’action humaine d’Adler se fondait sur
la notion de pouvoir, Viktor Frankl a fondé sa psychologie existentielle
– ou « logothérapie » – sur la recherche de sens qu’il considérait comme
la motivation essentielle de l’être humain. Selon ce survivant des
camps de concentration, il est de notre responsabilité de rechercher
un sens à ce que nous vivons, même dans les périodes les plus noires
et, quelles que soient les circonstances, il nous reste toujours un vestige de libre arbitre.
Pourtant, comme le souligne le psychologue amateur Eric Hoffer
dans son livre Une foi aveugle (The True Believer, 1951), pour se libérer
de la responsabilité de leur propre vie et pour échapper à la banalité ou à
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50 classiques de la psychologie
la médiocrité du présent, les gens acceptent parfois de se perdre dans de
grandes causes. Les fameuses expériences de Stanley Milgram ont par
ailleurs montré que, dans certaines conditions, les humains étaient prêts
à infliger d’atroces souffrances à autrui dans le seul but de plaire à une
autorité. Le psychologue humaniste Abraham Maslow, quant à lui, a
reconnu une minorité d’individus « auto-accomplis » qui, plutôt que de
fonder leurs actions sur un conformisme social, choisissaient de suivre
leur propre voie et de vivre pour réaliser pleinement leur potentiel. Ce
type de personnes était pour lui tout aussi représentatif de la nature
humaine que n’importe quel conformiste sans cervelle.
Alors que les motifs intérieurs qui guident les comportements
autonomes de l’être humain ont depuis si longtemps été glorifiés par
les poètes, les écrivains et les philosophes, B. F. Skinner définissait le
moi comme un simple « répertoire de comportements appropriés à un
ensemble donné de contingences ». Refusant le concept de nature humaine, il réduisait la conscience et le sens éthique à des produits d’un
environnement qui incitait à agir de façon morale. Les idées de Skinner
se fondaient sur les travaux de Pavlov dont les expériences de conditionnement de comportements chez les chiens avaient également remis en cause la question de la liberté de l’action humaine.
Malgré ces importantes différences dans la compréhension de la
motivation humaine, tous ces livres fournissent de remarquables révélations sur l’origine de nos actions – autant les bonnes que les mauvaises – ou tout au moins de nos capacités d’action.
Le pourquoi de nos façons d’aimer :
les dynamiques relationnelles
Eric Berne : Des jeux et des hommes
Susan Forward : Le chantage affectif
John M. Gottman : Les couples heureux ont leurs secrets
Harry Harlow : The Nature of Love [La nature de l’amour]
Thomas A. Harris : D’accord avec soi et les autres
Carl Rogers : Le développement de la personne
L’amour a toujours été le thème privilégié des poètes, des artistes et
des philosophes, mais, au cours des 50 dernières années, de plus en plus
de psychologues ont investi le domaine des relations interpersonnelles.
Durant les années 1950, les expériences légendaires du primatologue
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Introduction
Harry Harlow, au cours desquelles de « fausses mères » fabriquées de
tissu avaient été substituées aux vraies mamans de bébés singes, ont
montré à quel point les nourrissons avaient besoin d’un contact physique chaleureux et attentionné pour devenir des adultes sains. Il est
d’ailleurs étonnant d’apprendre que la valorisation de ce type de contact
allait à l’encontre des principes d’éducation de l’époque.
Plus récemment, dans ses recherches sur les couples, John M. Gottman s’est penché sur un autre aspect des dynamiques relationnelles
pour découvrir que la sagesse populaire se trompait souvent dans ce
qu’elle considère comme les gages d’une relation amoureuse durable.
Grâce à son observation scientifique de véritables couples en action, qui
scrutait jusqu’aux moindres micro-expressions et aux commentaires
apparemment insignifiants qui parsèment les conversations de tous les
jours, il a pu produire une précieuse information sur les moyens d’entretenir ou de sauver une relation. De la même façon, si vous avez déjà
consulté la littérature psychologique pour éclairer votre réflexion sur un
sujet aussi délicat que le chantage affectif, la psychologue Susan Forward
fournit maintenant des réponses remarquables sur les manières de se
protéger contre cet élément corrosif de nos relations.
Les pionniers de la psychologie populaire qu’ont été Eric Berne et
Thomas Harris voyaient nos interactions avec nos proches comme
des « transactions » pouvant être analysées selon le schéma de nos
trois moi : l’adulte, l’enfant et le parent. L’observation qu’a faite Berne
des jeux que les humains jouent constamment entre eux relève peutêtre d’une vision froide et clinique de l’humanité ; pourtant, ce n’est
qu’en étant conscients de ces jeux que nous pourrons les dépasser.
La contribution de la psychologie humaniste à l’amélioration de nos
relations interpersonnelles est soulignée dans le commentaire sur Carl
Rogers. Son livre percutant nous rappelle qu’une relation ne peut s’épanouir que dans un climat d’écoute et d’acceptation inconditionnelle et
que l’empathie est la première qualité d’une personne authentique.
La performance au travail :
le pouvoir de la créativité et les habiletés communicationnelles
Robert Bolton : People Skills [Les aptitudes relationnelles]
Edward de Bono : Lateral Thinking [La pensée latérale]
Robert Cialdini : Influence et manipulation
Mihaly Csikszentmihalyi : La créativité
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50 classiques de la psychologie
Howard Gardner : Les intelligences multiples
Daniel Goleman : L’intelligence émotionnelle – Tome 2
Douglas Stone, Bruce Patton et Sheila Heen : Comment mener les
discussions difficiles
Un débat fait rage dans les milieux intellectuels sur la véritable nature
de l’intelligence, alors que dans le monde du travail on s’intéresse plutôt à
ses applications pratiques. Selon Daniel Goleman et Howard Gardner,
deux penseurs qui se démarquent dans ce domaine, l’intelligence englobe
bien autre chose que le simple QI. Il existe en fait de multiples « intelligences » de nature émotionnelle ou sociale qui, mises ensemble, peuvent
déterminer la façon dont l’individu s’en tire dans la vie.
Contrairement au QI, les habiletés d’une personne à communiquer peuvent être améliorées assez facilement, comme le montre
l’ouvrage éternellement populaire de Robert Bolton. Et dans le livre
Comment mener les discussions difficiles (Difficult Conversations,
1999), issu d’une vaste recherche de l’Université Harvard, Douglas
Stone et ses collègues fournissent d’excellents conseils sur nos façons
d’être et d’agir dans nos interactions professionnelles les plus
exigeantes. Étant donné le caractère déterminant de ces échanges sur
notre qualité de vie, il est essentiel de comprendre ce qui s’y passe,
au-delà des paroles prononcées, et d’apprendre à les orienter de façon
à préserver la dignité de toutes les personnes touchées.
Le pouvoir de conviction est un des facteurs décisifs du succès en
affaires. Si vous êtes d’une façon ou d’une autre intéressé par le marketing, l’ouvrage historique de Cialdini sur la psychologie de la persuasion est un incontournable, mais il intéressera également toute
personne qui cherche à comprendre comment on arrive à nous faire
faire des choses que, normalement, nous refuserions de faire.
Un autre facteur essentiel du succès professionnel est la créativité. Si
le terme « pensée latérale » semblait révolutionnaire quand il a été créé par
Edward de Bono durant les années 1960, dans la culture des entreprises
d’aujourd’hui, on s’attend à ce que tous les employés puissent sortir des
sentiers battus dans leur recherche de solutions. De façon plus large, le
livre La créativité (Creativity, 1996) de Mihaly Csikszentmihalyi se base
sur une étude systématique pour montrer combien la créativité est un
élément essentiel à une existence riche de sens et pourquoi bien des gens
n’atteignent leur plein épanouissement que tard dans la vie. Et plus important encore, cet ouvrage décrit de nombreuses caractéristiques de la
personne créative typique que nous pouvons tous chercher à imiter.
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Introduction
La psychologie et la nature humaine
Pour la culture de la connaissance de l’homme […]
on en est encore au même point où se trouvait la chimie
quand elle se réduisait à l’alchimie2.
A LFRED A DLER
Tout le monde a une théorie de la nature humaine.
Tout le monde doit pouvoir prévoir les comportements d’autrui,
ce qui signifie que nous avons tous besoin de théories
sur la façon dont les gens fonctionnent.
STEVEN PINKER
William James a défini la psychologie comme la science de l’esprit,
mais on pourrait tout aussi bien la définir comme la science de la
nature humaine. Cependant, quelque 80 ans après la réflexion d’Alfred
Adler citée ci-dessus, nous sommes encore loin d’une science exacte
dont les assertions auraient la solidité des théories de la physique ou
de la biologie, par exemple.
En attendant, nous avons tous besoin d’une théorie personnelle
sur la façon dont les gens fonctionnent. Pour survivre et s’épanouir, et
pour comprendre les motivations de ses semblables, chacun de nous
doit savoir ce qu’il est et qui il est. L’expérience de la vie est bien
entendu la voie la plus courante vers cette connaissance, mais les
lectures peuvent aussi contribuer à ce cheminement. Certaines personnes vont trouver leur inspiration dans des ouvrages de fiction,
d’autres dans des ouvrages de philosophie. La psychologie est néanmoins la seule science qui s’applique exclusivement à l’étude de la
nature humaine, et la littérature populaire qui lui est consacrée – et
dont le présent recueil donne une vue d’ensemble – aspire à communiquer cette sagesse essentielle.
2. Alfred ADLER, Connaissance de l’homme. Étude de caractérologie individuelle,
traduction de Jacques Marty, Paris, Éditions Payot, coll. Petite Bibliothèque Payot,
1966, p. 20.
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1927
CONNAISSANCE DE L’HOMME
« C’est le sentiment d’infériorité, d’insécurité, d’insuffisance,
qui fait qu’on se pose un but dans la vie et qui aide à lui
donner sa conformation3. »
« Il y a une motivation commune à toutes les formes de
vanité. Le vaniteux s’est créé un but inatteignable dans cette
vie. Il veut être plus important et meilleur que quiconque
dans le monde et ce but est le résultat direct de son sentiment d’insuffisance. »
« Chaque enfant est laissé seul pour déterminer le degré
de développement auquel il s’arrêtera et les utilisations pratiques qu’il lui conviendra d’extraire de ses lectures aussi
bien que de ses expériences. Il n’existe, d’ailleurs, pour la
culture de la connaissance de l’homme, aucune tradition. Pas
de doctrine, dans ce domaine ; on en est encore au même
point où se trouvait la chimie quand elle se réduisait à l’alchimie4. »
En quelques mots
C’est ce que nous ressentons comme un manque qui détermine ce
que nous deviendrons dans la vie.
Dans la même veine
Erik Erikson : Luther avant Luther (voir p. 129)
Anna Freud : Le moi et les mécanismes de défense (voir p. 157)
Sigmund Freud : Le rêve et son interprétation (voir p. 165)
Karen Horney : Nos confl its intérieurs (voir p. 229)
3. Alfred Adler. op. cit., p. 55.
4. Ibid., p. 20.
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1
Alfred Adler
E
n 1912, un groupe d’hommes, tous Juifs et la plupart médecins,
a commencé à se réunir tous les mercredis dans un appartement de Vienne. Cette « Société psychologique du mercredi5 »
créée par Sigmund Freud allait ensuite devenir la Société psychanalytique de Vienne, dont Alfred Adler fut le premier président.
Deuxième figure la plus importante de ce cercle viennois, Adler,
qui est le fondateur de la psychologie individuelle, ne s’est jamais
considéré comme un disciple de Freud. Alors que Freud était un aristocrate imposant, doté d’une éducation poussée et vivant dans un
quartier huppé de Vienne, Adler était l’humble fils d’un marchand de
grains et avait grandi dans la banlieue de la grande ville. Et alors que
Freud était réputé pour ses connaissances du classicisme et sa collection d’antiquités, Adler travaillait dur pour la santé et l’éducation de
la classe ouvrière et pour les droits des femmes.
La fameuse rupture entre les deux penseurs s’est produite en
1911, conséquence de l’irritation croissante d’Adler devant la conviction de Freud que toutes les manifestations psychologiques étaient le
résultat de pulsions sexuelles réprimées. Quelques années auparavant,
Adler avait publié un livre, La compensation psychique de l’infériorité
des organes (1907), dans lequel il soutenait que la perception que les
gens avaient de leur propre corps et de ses défauts constituait un facteur déterminant dans l’établissement de leurs objectifs dans la vie. Si
Freud croyait que l’être humain était totalement commandé par les
tiraillements de son inconscient, Adler voyait l’humain comme un
être avant tout social qui créait son mode de vie en fonction de son
environnement et de ce qui lui faisait défaut. Selon Adler, chaque
5. [http://www.psychanalyse-paris.com/+-Freud-+.html], consulté le 18 juin 2009.
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50 classiques de la psychologie
individu recherche naturellement un pouvoir personnel et un sentiment d’identité propre, mais s’il est équilibré, il cherche également à
s’adapter à la société et à contribuer au plus grand bien commun.
La compensation des faiblesses
Tout comme Freud, Adler était persuadé que la psyché humaine se
façonnait au cours de la petite enfance et que les schémas de comportements de l’individu restaient étonnamment constants jusque
dans sa maturité. Cependant, alors que Freud mettait l’accent sur la
sexualité infantile, Adler s’intéressait plutôt à la façon dont l’enfant
cherchait à accroître son pouvoir dans le monde. Grandissant dans
un environnement où tout le monde semble plus grand et plus fort
que lui, tout enfant cherche à combler ses besoins par la voie la plus
facile.
Adler est connu pour son concept de « constellation familiale » et
pour l’importance qu’il accordait au rang de naissance de chaque individu dans sa famille. Ainsi, les plus jeunes enfants, qui sont nécessairement les plus petits et les moins forts, cherchent souvent à
surpasser les autres membres de leur famille et à devenir plus performants qu’eux. Au cours de son développement, l’enfant passe par un
carrefour : soit il imitera les adultes afin de s’affirmer et de devenir fort
lui-même, soit il adoptera consciemment une attitude de faiblesse
pour gagner l’attention et le soutien des adultes.
En résumé, chaque enfant se développe selon la voie qui lui permettra de compenser ses faiblesses. C’est ainsi, selon Adler, que
mille et un talents et habiletés naissent de nos sentiments d’insuffisance, car le sentiment d’infériorité s’accompagne toujours d’un désir
de reconnaissance. Une bonne éducation devrait cependant permettre de dissoudre ce sentiment d’infériorité et éviter à l’enfant
d’avoir un besoin déséquilibré de vaincre ses semblables pour les
surpasser. On peut présumer que tout handicap mental, physique ou
circonstanciel est nécessairement vécu comme un problème par l’enfant, mais c’est le contexte qui déterminera si ce handicap deviendra
plus tard un atout ou un boulet. Ce qui compte le plus, c’est notre
perception de cette particularité comme un défaut ou comme une
simple particularité.
Ce sont souvent les tentatives de la psyché pour éliminer un sentiment d’infériorité qui façonnent toute la vie d’un individu, et les
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Alfred Adler
compensations que la personne trouve à cet égard revêtent parfois un
caractère extrême. Adler a inventé un terme pour décrire ce phénomène : c’est le fameux « complexe d’infériorité ». Un tel complexe rend
parfois la personne timide ou repliée sur elle-même, mais il peut aussi
la pousser à devenir un bourreau de travail et à rechercher le pouvoir
de façon pathologique, au détriment de son entourage et de la société
en général. Adler a ainsi reconnu chez Napoléon, cet homme de petite
taille qui a eu un impact considérable sur le monde, un cas typique
d’un complexe d’infériorité en pleine action.
Comment se forme le caractère
Le principe fondamental d’Adler est que ce sont les facteurs sociaux et
non pas les facteurs héréditaires qui sont déterminants dans la formation de notre psyché. Ce qu’on appelle le « caractère » d’un individu est
le résultat unique de l’interaction entre deux forces opposées : le besoin de pouvoir ou d’affirmation personnelle, d’une part, et le besoin
d’un sentiment social d’appartenance, d’autre part.
Dans le jeu d’opposition entre ces deux forces, chacun de nous
est unique, car nos façons de les accepter ou de les rejeter sont différentes. Ainsi, la recherche de la domination et la vanité ou la fierté
qui la caractérisent seront normalement tempérées par la reconnaissance des attentes de la communauté ; cependant, dès que l’ambition
ou la vanité prennent le dessus, l’évolution psychologique de l’individu s’interrompt brusquement. Sur un ton un peu emphatique,
Adler affirme que « l’individu assoiffé de pouvoir travaille en fait à sa
propre destruction ».
Lorsque la force première, celle du sentiment d’appartenance sociale et de reconnaissance des attentes de la communauté, est ignorée
ou contrecarrée, la personne concernée peut tout aussi bien présenter
des traits de caractère agressifs – vanité, ambition, envie, jalousie,
cupidité ou prétention de suprématie divine – qu’avoir l’attitude opposée – repli sur soi, anxiété, timidité, absence d’aptitudes sociales.
Lorsque l’une ou l’autre des deux forces est prédominante, c’est généralement en raison d’un profond sentiment d’insuffisance. Ces forces
peuvent néanmoins créer une tension et une intensité capables de
générer une énergie considérable. Pour compenser leur sentiment d’insuffisance, de telles personnes vivent dans l’espoir de réaliser de grands
exploits, mais la perception grandiose qu’elles ont d’elles-mêmes leur
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fait perdre un certain sens de la réalité. Toute leur vie se résume à la
marque qu’elles veulent laisser dans le monde et à l’impression qu’elles
font sur les autres. Même si leur personnalité a souvent quelque chose
des personnages héroïques, il est évident pour leur entourage que leur
égocentrisme les empêche en fait de profiter des possibilités de la vie.
Ces gens oublient qu’ils sont des êtres humains en relation avec leurs
semblables.
Des ennemis de la société
Adler a constaté que les individus vaniteux et imbus d’eux-mêmes
cherchent généralement à dissimuler leurs aspirations, prétextant
qu’ils sont simplement « ambitieux » ou même seulement « énergiques ». Ils ont parfois recours à d’ingénieux stratagèmes pour camoufler leurs véritables sentiments : pour montrer qu’ils ne sont pas
vaniteux, ils peuvent faire preuve d’une modestie exagérée et délibérément négliger leur façon de s’habiller. Observateur perspicace, Adler
voyait bien que tout ce que la personne vaniteuse vit, elle le réduit à
une seule question : « Quel bénéfice puis-je en tirer ? »
Adler s’est demandé si les grandes réalisations n’étaient pas simplement de la vanité mise au service de l’humanité et si l’affirmation
de soi ne pouvait pas être vue de façon positive comme une motivation indissociable du désir de changer le monde. Il finit par conclure
qu’il n’en était rien. Selon lui, la vanité occupe très peu de place dans
la personnalité des vrais génies et, en réalité, elle ne fait qu’enlever à
la valeur d’un exploit. Les vraies grandes réalisations qui rendent service à l’humanité ne sont pas aiguillonnées par la vanité, mais bien
par son contraire, le sentiment d’appartenance sociale. Nous sommes
tous vaniteux dans une certaine mesure, mais chez les individus équilibrés, c’est leur contribution sociale qui alimente leur vanité.
Par nature, les personnes vaniteuses ne se permettent pas de
« céder » devant les besoins de la société. Dans leur détermination à
accéder à une position sociale, à un poste ou à certains biens, elles
s’estiment justifiées de se dérober aux obligations normales envers
leur communauté ou leur famille auxquelles les autres se soumettent
naturellement. Par conséquent, ces personnes ont généralement des
relations médiocres avec leur entourage et elles en viennent souvent à
s’isoler. Tellement conditionnées à occuper la première place, elles
sont aussi expertes dans l’art de reporter le blâme sur les autres.
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Alfred Adler
La vie en communauté comporte nécessairement certaines lois et
certains principes que l’individu ne peut contourner. Chacun de nous
a besoin du reste de la communauté pour survivre, tant mentalement
que physiquement ; comme le notait Darwin, les animaux faibles ne
vivent jamais seuls. Adler prétendait que, pour un individu, l’adaptation à la communauté est la plus importante des fonctions psychologiques à maîtriser. Certaines personnes peuvent accomplir de grandes
choses d’un point de vue extérieur, mais, sans cette adaptation vitale
à leur communauté, elles se sentiront souvent inutiles et seront effectivement dévalorisées par leur entourage. Pour Adler, de tels individus
sont en fait des ennemis de la société.
Des êtres de finalité
Une des idées centrales de la psychologie adlérienne est que les humains s’efforcent toujours d’atteindre un but. Alors que Freud voyait
l’homme comme un être essentiellement commandé par ses expériences passées, Adler avait plutôt une vision téléologique selon laquelle l’humain serait avant tout commandé par ses buts, que ceux-ci
soient conscients ou non. La psyché n’est pas une réalité statique ; elle
doit être galvanisée par la poursuite d’un objectif – individuel ou collectif – et elle est constamment animée par l’effort pour atteindre ce
but. Nous vivons tous en fonction de nos « fictions psychiques » sur le
genre de personne que nous sommes et que nous sommes en voie de
devenir. Par définition, ces fictions ne sont pas toujours le reflet exact
de la réalité, mais elles insufflent énergie et dynamisme à notre vie.
C’est précisément le fait d’être axée sur la réalisation d’un but
qui rend la psyché quasi indestructible et tellement résistante au
changement. « Il semble que ce qu’il y ait de plus difficile pour un
homme soit de se connaître et de se transformer soi-même6 », écrit
Adler. Raison de plus, peut-être, pour que les désirs individuels soient
contrebalancés par une plus grande intelligence collective, celle de la
communauté.
6. Alfred Adler. op. cit., p. 19.
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50 classiques de la psychologie
Derniers commentaires
En mettant en évidence les deux forces opposées qui nous façonnent,
celle du pouvoir personnel et celle du sentiment d’appartenance sociale, l’intention d’Adler était de nous rendre conscients de la façon
dont ces forces agissent sur nous. Il nous arrive ainsi de nous reconnaître dans les esquisses de caractère de personnes réelles présentées
dans son livre : peut-être nous sommes-nous réfugiés douillettement
à l’intérieur de notre famille ou de notre communauté et avons-nous
enfoui les rêves de carrière que nous avons déjà eus, ou peut-être
nous considérons-nous un peu comme le « maître du monde » qui peut
se permettre de défier les conventions sociales. Dans un cas comme
dans l’autre, il y a un déséquilibre qui restreint nos possibilités
dans la vie.
Avec toutes ses généralisations sur le caractère personnel, qui
sont plus anecdotiques qu’empiriques, Connaissance de l’homme.
Étude de caractérologie individuelle se lit plus comme un essai philosophique que comme un traité de psychologie. Ce manque de bases
scientifiques est d’ailleurs une des principales critiques faites aux travaux d’Adler. Il reste néanmoins que certains de ses concepts, comme
celui du complexe d’infériorité, font maintenant partie de nos connaissances usuelles.
Tant Freud qu’Adler avaient un parcours intellectuel fort chargé
à réaliser, mais les visées d’Adler, influencées par ses tendances socialistes, étaient plus humbles : il recherchait une compréhension pratique de la façon dont l’enfance déterminait la vie adulte pour ensuite
en faire bénéficier la société dans son ensemble. Se distinguant de
l’élitisme culturel de Freud, Adler croyait que l’effort de compréhension
de la nature humaine ne devait pas être l’apanage des psychologues,
mais plutôt un travail essentiel pour tout individu qui voulait éviter
les conséquences néfastes de l’ignorance. Cette approche démocratique de la psychologie était certes inhabituelle. Connaissance de
l’homme est d’ailleurs le résultat d’une année de conférences données
à l’Institut pédagogique de Vienne. C’est un ouvrage que tout le monde
peut lire et comprendre.
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Table des matières
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
11
1. Alfred Adler : Connaissance de l’homme . . . . . . . . . . . . . . .
2. Gavin de Becker : La peur qui vous sauve . . . . . . . . . . . . . . .
3. Eric Berne : Des jeux et des hommes . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4. Robert Bolton : People Skills [Les aptitudes relationnelles] . .
5. Edward de Bono : Lateral Thinking [La pensée latérale] . . . .
6. Nathaniel Branden : The Psychology of Self-Esteem
[La psychologie de l’estime de soi] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
7. Isabel Briggs Myers : Gifts Differing
[Les dons qui nous distinguent] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
8. Louann Brizendine : Les secrets du cerveau féminin . . . . . .
9. David D. Burns : Être bien dans sa peau. . . . . . . . . . . . . . . .
10. Robert Cialdini : Influence et manipulation . . . . . . . . . . . . .
11. Mihaly Csikszentmihalyi : La créativité . . . . . . . . . . . . . . . .
12. Albert Ellis et Robert A. Harper : L’approche
émotivo-rationnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
13. Milton Erickson et Sidney Rosen : Ma voix t’accompagnera.
Milton H. Erickson raconte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
14. Erik Erikson : Luther avant Luther . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
15. Hans Eysenck : Les dimensions de la personnalité . . . . . . . .
16. Susan Forward : Le chantage affectif . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
17. Viktor Frankl : Nos raisons de vivre . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
18. Anna Freud : Le moi et les mécanismes de défense . . . . . . .
19. Sigmund Freud : Le rêve et son interprétation . . . . . . . . . . .
20. Howard Gardner : Les intelligences multiples. . . . . . . . . . . .
21. Daniel Gilbert : Et si le bonheur vous tombait dessus . . . . . .
22. Malcolm Gladwell : Intuition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
23. Daniel Goleman : L’intelligence émotionnelle – Tome 2 . . . .
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24. John M. Gottman : Les couples heureux ont leurs secrets . .
25. Harry Harlow : The Nature of Love [La nature de l’amour]. .
26. Thomas A. Harris : D’accord avec soi et les autres . . . . . . . .
27. Eric Hoffer : Une foi aveugle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
28. Karen Horney : Nos conflits intérieurs . . . . . . . . . . . . . . . . .
29. William James : Principes de psychologie . . . . . . . . . . . . . . .
30. Carl Jung : Les racines de la conscience . . . . . . . . . . . . . . . .
31. Alfred Kinsey : Le comportement sexuel de la femme . . . . .
32. Melanie Klein : Envie et gratitude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
33. R. D. Laing : Le moi divisé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
34. Abraham Maslow : Être humain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
35. Stanley Milgram : Soumission à l’autorité . . . . . . . . . . . . . .
36. Anne Moir et David Jessel : Brainsex [Le cerveau sexué] . . .
37. Ivan Pavlov : Les réflexes conditionnés . . . . . . . . . . . . . . . . .
38. Fritz Perls : Gestalt-thérapie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
39. Jean Piaget : Le langage et la pensée chez l’enfant . . . . . . . .
40. Steven Pinker : Comprendre la nature humaine . . . . . . . . . .
41. V. S. Ramachandran : Le fantôme intérieur . . . . . . . . . . . . .
42. Carl Rogers : Le développement de la personne . . . . . . . . . .
43. Oliver Sacks : L’homme qui prenait sa femme pour
un chapeau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
44. Barry Schwartz : Le paradoxe du choix . . . . . . . . . . . . . . . . .
45. Martin Seligman : Le bonheur authentique . . . . . . . . . . . . .
46. Gail Sheehy : Passages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
47. B. F. Skinner : Par delà la liberté et la dignité . . . . . . . . . . . .
48. Douglas Stone, Bruce Patton et Sheila Heen :
Comment mener les discussions difficiles . . . . . . . . . . . . . .
49. William Styron : Face aux ténèbres. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
50. Robert E. Thayer : The Origin of Everyday Moods
[L’origine des humeurs quotidiennes] . . . . . . . . . . . . . . . . . .
50 autres classiques de la psychologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Liste chronologique des titres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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