LE THEATRE DE L’ABSURDE
Le théâtre de l’absurde est un style de théâtre apparu dans les années 1950. Dans les ruines
de l'après guerre naît un théâtre qui se moque allègrement de toutes nos tragédies. Aux
antipodes de l'engagement.
A ceux qui sortent de l'expérience de la guerre (Auschwitz, Hiroshima) avec un violent
sentiment de l'absurdité de la condition humaine, Camus et Sartre proposent des modèles de
comportement : une attitude de dignité grise pour le premier, un engagement « quand même »
pour le second. Sur scène, dans un cas comme dans l'autre, le dialogue permet au moins de
continuer à célébrer la puissance des mots face au chaos des choses.
Ionesco, Adamov et Beckett rompent en faisant remonter ce chaos du monde jusque dans la
parole et le jeu des acteurs, en liant la dérision de l'époque à une dérision du langage et de la
scène. Tout, au départ, déconcerte dans cet « antithéâtre »: pas de personnage au sens
classique du terme, pas de psychologie, pas de caractères, pas d'intrigue, peu de motivations
dans les allées et venues et les actes des personnages. La parole est mise à plat par des lieux
communs, désarticulée par des coq-à-l'âne, obscurcie par des ellipses. Passent alors à la
trappe la vérité, l'être, la logique, le discours, l'action et le sujet. « Le thème de la vie, rappelle
Ionesco, c'est le rien », et les personnages de En attendant Godot ont pour leitmotiv qu' « il n'y
a rien à faire ».
Mais ces pièces d'avant-garde ne rencontrent le succès que dans la mesure où, rompant avec
des codes réalistes épuisés, elles renouvellent le plaisir du spectateur et font leur le bon vieux
principe de la théologie : credo quia absurdum «j'y crois parce que c'est absurde ». Une fois
balayés le réalisme, la vraisemblance et les règles de la psychologie, la place est libre pour de
nouvelles formes de langage et de gestes : ainsi cette entrée inattendue dans En attendant
Godot, d'un homme, la corde au cou, tenu en laisse par un autre. Ce jeu à la fois inopiné et si
évident, si déconcertant et si plausible, en dit soudain plus long sur la condition humaine que
bien des grands monologues.
L’UNIVERS DRAMATIQUE CHEZ IONESCO
Sa création théâtrale tient à quelques refus essentiels :
Les personnages
Ionesco subvertit ou élime les modes de caractérisation traditionnel du personnage :
- la nomination : Ionesco ruine le rapport d’identification onomastique. Par exemple, la saga
des Bobby Watson dans La Cantatrice Chauve. Tous les membres de la famille portent le
même nom. La généralisation de l’identité aboutit à l’indistinct. Les noms sont également
stéréotypés : les Smith et les Martin suggèrent un caractère collectif. La personne s’efface
dans cet univers dramatique. Ce phénomène est rendu sensible par l’emploi de la
nomination classificatoire : le professeur, l’élève, la bonne dans La Leçon.
- la visualisation : elle prend le pas sur la verbalisation. Ce sont les accessoires et le décor
qui supplantent le discours.
L’action et la dramaturgie :
Ionesco s’oppose à la notion brechtienne du théâtre épique. Selon lui, la nature du théâtre n’est
pas de raconter une histoire. La forme dramatique est faite de la conjonction de plusieurs
structures dynamiques :
- le cycle : le final reprend la position initiale.
- la répétition : elle affirme une menace, une détérioration.
- le paroxysme (crescendo) : il mime la présence de la violence ou de la névrose.
- la prolifération (dans Rhinocéros) : elle est la métonymie de l’enlisement.