28 CHAPITRE 1. GROUPES
1.5 Actions
1.5.1 Actions libres et transitives
D´efinition 1.64. Soient (G, ,e
G) un groupe et Xun ensemble. On dit que G
agit sur X, s’il existe une application
·:G×XX, (x, g)$→ x·g,
telle que
–(gh)·x=g·(h·x), pour tout xXet tout g, h G;
eG·x=x, pour tout xX.
Le morphisme ·:X×GX, soumis aux conditions ci-dessus, est appel´e une
action (gauche) de Gsur X; le couple (X, ·) est appel´e un G-espace (droit), ou
simplement un G-ensemble.
Soient (X, ·) et (Y,·) deux G-espaces. Un morphisme de G-espaces (ou un mor-
phisme de G-ensembles, ou un morphisme de G-actions) de Xdans Yest une
application f:XYtelle que g·f(x)=f(g·x) pour tout xXet gG.
On donne quelques premiers exemples.
Exemples 1.65. (1) Tout groupe (G, ,e
G) est un G-espace avec l’action natu-
relle .
G×GG, (g, x)$→ gx=φg(x),
o`u on a utilis´e la notation du Th´eor`eme de Cayley φ:GSym(G),g$→
φ(g)=φg. Cette action est appel´ee l’action par translation (`a gauche).
(2) Plus g´en´eralement, consid´erons le groupe G=Sym(X). Alors Xest un G-
espace avec l’action naturelle suivante (´evaluation)
·:G×XX, (φ,x)$→ φ·x=φ(x).
(3) Chaque groupe Gagit aussi sur lui-mˆeme par conjugaison, c’est-`a-dire, exp :
G×GG, exp(g, x)=xg=g1xg est une action de Gsur G.
Similairement au fait que tout groupe est un groupe de sym´etries, toute action
est aussi du type de l’exemple (2).
Th´eor`eme 1.66. Soit Gun groupe. Alors Gagit sur un ensemble Xsi et seule-
ment s’il existe un morphisme de groupes χX:GSym(X). En outre, soient X
et Ydeux ensembles sur lesquels Gagit. Alors f:XYest un morphisme de
G-actions si et seulement si fχX(g)=χY(g)f, pour tout gG.
1.5. ACTIONS 29
D´emonstration. Soit (X, ·) un G-espace. On d´efinit χXpar χX(g)(x)=g·x.
V´erifions que χXest un morphisme de groupes.
χX(gh)(x) = (gh)·x=g·(h·x)=χX(g)χX(h)(x).
D’autre part, si χX:GSym(X) est un morphisme de groupes, on peut facile-
ment contrˆoler que
G×XX, (g, x)$→ χX(g)(x)
est une action de Gsur X.
On laisse la deuxi`eme partie de la preuve en exercice.
Remarque 1.67. Il est aussi possible de d´efinir des actions gauches, ou de mani`ere
´equivalente, des G-espaces droits. De la mˆeme fa¸con que dans leTh´eor`eme 1.66, ils
correspondent `a des morphismes χX:GSym(X)op. Ici le “op” indique qu’on
utilise la multiplication oppos´ee op dans Sym(X), c’est-`a-dire, φop ψ=ψφpour
tout φ,ψSym(X).
Si on ne l’indique pas, une action dans ce texte signifie toujours une action gauche
(i.e. un espace droit).
On introduit quelque types d’actions.
D´efinitions 1.68. Soit (G, ,e
G) un groupe et (X, ·) un G-espace. On dit que
l’action de Gsur Xest
(i) transitive, ou que Xest un G-espace homog`ene, ssi pour chaque couple
(x, y)X×X, il existe un ´el´ement gGtel que g·x=y.
(ii) simplement ou strictement transitive, ou Xest un G-espace homog`ene prin-
cipal, ssi pour chaque couple (x, y)X×X, il existe un unique ´el´ement
gGtel que g·x=y.
(iii) libre si et seulement s’il existe un xXtel que g·x=h·x, alors g=h.
(iv) fid`ele ssi quels que soient g, h Gdi´erents, il existe un ´el´ement xXtel
que g·x'=h·x.
Exemples 1.69. (i) L’action par translation `a gauche est libre et transitive.
(ii) L’action naturelle d’un groupe sym´etrique Sym(X) sur Xest fid`ele et tran-
sitive.
(iii) L’action
(Z,+) ×(Q,·)(Q,·),(n, r)$→ rn
est fid`ele mais pas transitive.
(iv) L’action du groupe
SO(2) = !" cos θsin θ
sin θcos θ#|θ[0,2π[$
(les rotations dans le plan) agit strictement transitivement sur les points du
cercle.
30 CHAPITRE 1. GROUPES
D´efinitions 1.70. Soit (G, ,e
G) un groupe et soit (X, ·) un G-espace.
(1) L’orbite d’un ´el´ement xXest l’ensemble
Ox={g·x|gG}.
(2) Le stabilisateur d’un ´el´ement xXest l’ensemble des ´el´ements qui laissent x
invariant sous leur action, c’est `a dire
Gx={gG|g·x=x}.
(3) L’orbite d’un sous-ensemble YXest l’union des orbites des ´el´ements de Y.
Le stabilisateur de Yest l’intersection des stabilisateurs des ´el´ements de Y.
OY=yYOy,G
Y=yYGy.
(4) Les points fix´es d’un ´el´ement gGforment l’ensemble des ´el´ements de X
invariants sous l’action de g, c’est `a dire
Xg={xX|g·x=x}.
(5) Un ´el´ement xXest appel´e un point fix´e de Gsi xXgpour tout gG,
c’est-`a-dire
XG=gGXg.
On a directement les propri´et´es suivantes.
Proposition 1.71. Soit Gun groupe qui agit sur X.
(i) Consid´erons l’orbite Oxd’un ´el´ement xX. Alors on peut restreindre l’ac-
tion de Gsur Ox.
(ii) Consid´erons la relation suivante sur les ´el´ements de X:
xyxOy.
Alors est une relation d’´equivalence sur X. L’ensemble quotient est not´e
X/G et consiste en toutes les orbites de X.
(iii) Soit xX, alors le stabilisateur Gxest un sous-groupe de G.
D´emonstration. (i) Soit g·xOxet hG. Il est clair que h·(g·x)Oxet ceci
nous donne une action de Gsur Ox.
Exemples 1.72. (1) Consid´erons l’action par conjugaison d’un groupe Gsur lui-
mˆeme. Alors les orbites sont exactement les classes de conjugaison. Le stabili-
sateur d’un ´el´ement gGest le centralisateur de g,CG(g).
1.5. ACTIONS 31
(2) Consid´erons l’action par translation `a gauche d’un groupe Gsur lui-mˆeme. Il
est clair que si AGest un sous-ensemble et gG, alors gA={ga|aA}
est de nouveau un sous-ensemble. D`es lors, Gagit sur l’ensemble de ses sous-
emsembles par translation. Si H < G est un sous-groupe, alors, gHn’est
en g´en´eral pas un sous-groupe, mais une classe lat´erale de H. Donc, l’orbite
d’un sous-groupe Hest l’ensemble des classes lat´erales gauches de H. Par
le Lemme 1.71, on sait maintenant que mˆeme si Hn’est pas un sous-groupe
normal, le quotient G/H (i.e. l’ensemble de toutes les classes lat´erales gauches)
est un G-espace (mais pas n´ecessairement un groupe). L’ensemble de toutes
les classes lat´erales droites est parfois not´e G\H.
Le stabilisateur de Hest H. Si on prend H=G, alors l’orbite de Gcontient
seulement Glui-mˆeme.
(3) Soient X=R2le plan r´eel et G=SO(2) le groupe des rotations. Alors pour un
point PXdi´erent de l’origine, l’orbite OPest un cercle avec centre l’origine
Oet rayon |OP|. L’action sur cette orbite est l’action de l’Exemple 1.69(iv).
L’orbite de l’origine Oest le singleton {O}. Le stabilisateur de Pne contient
que l’identit´e, et le stabilisateur de Oest ´egal `a G. Pour un ´el´ement g'=e
dans G, l’ensemble Xgne contient que l’origine.
Les th´eor`emes suivantes sont facilement v´erifiables ; on laisse les d´emonstrations
comme exercices.
Th´eor`eme 1.73 (caract´erisation des actions fid`eles).Soient Gun groupe et Xun
G-espace. Les conditions suivantes sont ´equivalentes.
(i) l’action de Gsur Xest fid`ele ;
(ii) le morphisme χX:GSym(X)est injectif ;
(iii) pour tout gG,X=Xgssi g=e.
1.74 (Cr´eation d’une action fid`ele).Soit Xun G-espace, et consid´erons le mor-
phisme de groupes associ´e χX:GSym(X). Soit Kle noyau de χXet G$=G/K.
Alors il existe un morphisme naturel de groupes χ$
X:G$Sym(X) ; ce morphisme
est injectif et le G$-espace associ´e nous donne une action fid`ele.
Th´eor`eme 1.75 (caract´erisation des actions transitives).Soient Gun groupe et
Xun G-espace. Les conditions suivantes sont ´equivalentes.
(i) l’action de Gsur Xest transitive ;
(ii) Ox=Xpour tout xX;
(iii) Ox=Xpour un certain xX.
Th´eor`eme 1.76 (caract´erisation des actions libres).Soient Gun groupe et Xun
G-espace. Les conditions suivantes sont ´equivalentes.
32 CHAPITRE 1. GROUPES
(i) l’action de Gsur Xest libre ;
(ii) Xg'=ssi g=eG;
(iii) pour chaque xX,Gx={eG}.
En particulier, toute action libre est fid`ele.
D´efinition 1.77. Un torseur est un G-espace Xtel que l’application suivante est
bijective
can :G×XX×X, (g, x)$→ can(g, x)=(g·x, x)
Th´eor`eme 1.78 (caract´erisation des actions simplement transitives).Soient G
un groupe et Xun G-espace. Les conditions suivantes sont ´equivalentes.
(i) l’action de Gsur Xest simplement transitive ;
(ii) l’action de Gsur Xest libre et transitive ;
(iii) l’action de Gsur Xest transitive et Gx={e}pour chaque xX;
(iv) Xest un G-torseur.
D´efinition 1.79. Un troupeau est un ensemble Xmuni d’un op´eration ternaire
[,,]:X×X×XX, (x, y, z)$→ [x, y, z],
qui satisfait les conditions suivantes
–[x, y, [z, u, v]] = [[x, y, z], u, v], pour tout x, y, z, u, v X;
–[x, y, y] = [y, y, x]=xpour tout x, y X.
Exemples 1.80. Le but du th´eor`eme suivant est de caract´eriser tous les torseurs
et troupeaux. Cependant, nous donnons d´ej`a un exemple de troupeau. Si Gun
groupe, alors Gest un troupeau avec l’op´eration suivante :
[,,]:G×G×GG, (g, h, f)$→ [g, h, f]=gh1f.
D’autre part, si (X, [,,]) est un troupeau et eXest un ´el´ement arbitraire,
on peut munir Xde la structure d’un groupe avec ´el´ement neutre een d´efinissant
la composition
:X×XX, (x, y)$→ xy=[x, e, y].
On peut v´erifier que est eectivement une composition associative pour Xavec
´el´ement neutre e. L’inverse d’un ´el´ement xXest donn´e par [e, x, e].
L’id´ee d’un troupeau est qu’il donne toute la structure d’un groupe, mais qu’on
doit encore choisir l’´el´ement neutre. En eet, les troupeaux nous ont ‘lib´er´e’ du
choix (arbitraire) d’un ´el´ement neutre dans un groupe, comme la th´eorie des es-
paces ans nous a lib´er´e du choix d’un vecteur z´ero (ou un origine) dans la th´eorie
des espaces vectoriels. En eet, les espaces ans sont exactement des exemples de
troupeaux o`u le groupe associ´e est un espace vectoriel. La relation pr´ecise entre
les espaces, les groupes et les troupeaux est donn´ee dans le th´eor`eme suivant.
On r´ef`ere `a http ://math.ucr.edu/home/baez/torsors.html pour des exemples
motiv´es par la physique.
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