La Lettre du Rhumatologue - n° 281 - avril 2002
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MISE AU POINT
prothèse de hanche ou de genou permet d’améliorer la qualité
de vie des patients, surtout pour les scores de la douleur, de
l’activité physique et de l’état de santé physique (11-13).
LIMITES DES ÉTUDES PUBLIÉES
L’efficacité des interventions pour prothèses de hanche et de
genou a été évaluée dans des études cliniques longitudinales
et grâce à des registres nationaux développés dans les pays
scandinaves.
Études cliniques longitudinales
Les essais cliniques se sont essentiellement intéressés à l’amé-
lioration de la douleur, des capacités fonctionnelles et de la
qualité de vie après l’intervention. Ces études sont toutefois
critiquables sur le plan méthodologique (4,13).Elles sont sou-
vent réalisées sur de petites séries en utilisant des données
rétrospectives et sans évaluation indépendante des résultats.
Très peu d’études ont été randomisées, et la plupart sont effec-
tuées dans des groupes de patients sélectionnés en fonction de
l’âge, de la gêne fonctionnelle, des pathologies associées, de
l’efficacité des traitements médicaux (4,13).Les facteurs indi-
viduels, notamment les facteurs de comorbidité qui sont sou-
vent des critères d’exclusion, peuvent modifier les résultats.
Ces études rapportent souvent les résultats d’interventions réa-
lisées par des chirurgiens expérimentés et dans des centres
hospitaliers spécialisés, alors qu’il a été montré que le succès
d’une intervention dépend de l’expérience de l’opérateur et du
type de structure assurant la prise en charge (14, 15). Leurs
résultats ne sont par conséquent pas extrapolables à la pratique
clinique courante.
Quelques études portant sur des cohortes plus représentatives
des patients rencontrés en pratique clinique courante ont mon-
tré une amélioration de la fonction et une diminution de la rai-
deur et de la douleur après la mise en place d’une prothèse
(16, 17). Cependant ces études sont soit rétrospectives (16),
exposées à des biais de mémorisation, soit prospectives, mais
avec un suivi à court terme (17).
Les critères d’évaluation utilisés dans ces études sont souvent
critiquables parce qu’ils reposent sur l’appréciation du chirur-
gien, qui s’intéresse essentiellement à l’amélioration de la mobi-
lité, de la stabilité articulaire, aux complications postopératoires
et aux taux de reprise opératoire. L’appréciation du chirurgien
peut différer de celle du patient, qui doit être prépondérante pour
l’évaluation de ces procédures (18). Des études plus récentes
ont utilisé des instruments d’évaluation clinique plus pertinents,
comme la satisfaction des patients, la douleur, les capacités fonc-
tionnelles et la qualité de vie. Cependant, la satisfaction du
patient peut résulter de ses propres attentes (19), qui dépendent
en partie des informations que lui a fournies le chirurgien avant
l’intervention et, par conséquent, des convictions du chirurgien.
Les questionnaires évaluant les capacités fonctionnelles et la
qualité de vie donnent une évaluation quantifiable et compa-
rable d’un individu à l’autre, mais peuvent ne pas refléter
la demande fonctionnelle et la qualité de vie à l’échelon de
l’individu (20). Enfin, dans la plupart des études, la personne
qui évalue les résultats n’est pas indépendante de l’équipe
chirurgicale, et le patient peut minimiser ses symptômes.
Registres scandinaves
Les résultats des interventions pour prothèses de hanche et de
genou ont aussi été évalués grâce aux registres nationaux déve-
loppés dans les pays scandinaves (7, 8,11). Ces registres repo-
sent sur la coopération volontaire de toutes les cliniques et de
tous les hôpitaux du pays. Ils ont pour objectif d’identifier les
facteurs de risque de mauvais résultats liés aux caractéristiques
du patient, à l’implant et à la technique chirurgicale. Une amé-
lioration des résultats de ces interventions est obtenue grâce à
la transmission rapide des résultats du registre aux profes-
sionnels de santé, afin de leur permettre de modifier leur pra-
tique médicale. Cependant, la définition d’un échec dans ces
registres est habituellement la reprise de l’implant, et les
registres ne donnent aucune information sur la douleur, la fonc-
tion ou la qualité de vie des patients opérés.
RÉSULTATS D’UNE ENQUÊTE ÉPIDÉMIOLO-
GIQUE
Récemment, l’INSEE a réalisé, à l’occasion du recensement
de la population française en mars 1999, une grande enquête
épidémiologique, intitulée “Handicap, Incapacités, Dépen-
dance”. Cette enquête permet, grâce à un entretien détaillé
d’un échantillon représentatif de la population française, de
donner une description précise des incapacités et du handicap
en France. Pour cela, un échantillon représentatif de la popu-
lation française de 16 945 personnes a participé à un entretien
assisté par ordinateur à domicile, au cours duquel les indivi-
dus étaient interrogés sur leurs problèmes de santé, leurs
niveaux de difficultés dans différentes activités de la vie de
tous les jours (se laver, s’habiller, faire ses courses...), leurs
conditions de logement, les aides techniques, leurs déplace-
ments, leur situation administrative, leurs revenus et leurs loi-
sirs. À partir des données de cette enquête, nous avons pu sélec-
tionner les patients porteurs d’une prothèse de hanche ou de
genou et comparer leurs incapacités à celles de la population
générale. On estime qu’environ 691 000 personnes ont une
prothèse de hanche ou de genou, ce qui représente une préva-
lence de 1,2 % dans la population française vivant en ménage.
Après ajustement pour les différents facteurs confondants, nos
résultats montrent que les patients porteurs d’une prothèse de
hanche ou de genou ont plus de difficultés dans les activités
impliquant l’utilisation des membres inférieurs que la popu-
lation générale. Les résultats de cette enquête permettent aussi
de donner une description détaillée des incapacités fonction-
nelles qui persistent après une intervention pour prothèses de
membres inférieurs.