Commenté par:
SHAUN GOODMAN, M.D.
Les antagonistes de l’angiotensine II représentent la
forme de thérapie antihypertensive la plus récente.
Comparativement à d’autres antihypertenseurs, il est
possible que les inhibiteurs des récepteurs de l’an-
giotensine II produisent une inhibition plus complète
du système rénine-angiotensine qui contribue à la
pathogenèse de l’hypertension et de l’insuffisance car-
diaque. Les inhibiteurs des récepteurs de l’angiotensine
II sont une classe de médicaments qui ont des pro-
priétés pharmacocinétiques, une action antihyperten-
sive et un profil d’effets indésirables favorables.
L’irbesartan sera bientôt le tout dernier inhibiteur des
récepteurs de l’angiotensine II à être lancé sur le
marché canadien.
L’hypertension: le fardeau total de la maladie
The Global Burden of Disease Study est une étude
internationale collective visant à évaluer les facteurs de risque
de morbidité et de mortalité dans le monde. Selon cette
étude, les maladies cardio-vasculaires en général, et
l’hypertension en particulier, sont responsables d’une part
importante de la mortalité et des incapacités signalées à
l’échelle mondiale1. L’hypertension est la troisième cause de
mortalité après la malnutrition et le tabagisme (voir la figure
1) et représente 1,4% du fardeau total des maladies et des
accidents selon les estimations du Disability-Adjusted Life
Years (DALYs), une mesure qui inclut les années de vie
perdues en raison de la mortalité prématurée et les années
vécues en souffrant d’une incapacité.
Sensibilisation à l’hypertension et traitement et
maîtrise de cette affection
Les études épidémiologiques semblent indiquer qu’en
dépit de la sensibilisation accrue à l’hypertension, les patients
ne reçoivent pas tous un traitement et parmi ceux qui sont
traités, l’hypertension est rarement maîtrisée de façon
appropriée. Par exemple, les estimations fondées sur l’enquête
NHANES III (Third National Health and Nutrition
Examination Survey)2indiquent que 43 millions d’adultes aux
États-Unis (24% de la population adulte) souffrent d’hyper-
tension. Parmi ces sujets hypertendus, approximativement
70% ont conscience de leur maladie, 50% sont traités par des
antihypertenseurs et seulement 24% obtiennent une bonne
maîtrise de leur hypertension (tension artérielle systolique <
140 mm Hg et (ou) tension artérielle diastolique < 90 mm Hg).
L’arrêt prématuré du traitement par les patients atteints
d’hypertension a de toute évidence un impact négatif sur
l’efficacité de leur prise en charge. Les effets indésirables, les
problèmes de tolérabilité et le mécontentement général des
patients à l’égard du médicament peuvent influer sur l’obser-
vance thérapeutique, ce qui à son tour a un impact sur les
résultats du traitement antihypertensif. Les traitements
antihypertensifs traditionnels, comprenant les diurétiques,
les bêta-bloquants, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion
de l’angiotensine (ECA) et les bloqueurs des canaux
calciques, ont tous un profil d’effets indésirables particulier
pouvant limiter le traitement et l’observance thérapeutique et
donc, leur efficacité globale.
Bien que l’augmentation progressive de la dose des
antihypertenseurs entraîne souvent une augmentation de leur
efficacité, tous les agents ont un niveau d’efficacité « plateau ».
Également, l’augmentation de la dose entraîne une augmen-
tation du nombre d’effets indésirables, et ainsi les médecins et
les patients acceptent souvent que le médicament ait une
efficacité sous-optimale pour réduire le plus possible les effets
indésirables importants (voir la figure 2).
Le blocage des récepteurs de l’angiotensine II
Les inhibiteurs des récepteurs de l’angiotensine II
représentent la toute nouvelle classe d’antihypertenseurs.
L’angiotensine II (A-II) est l’un des principaux éléments du
La cardioprotection et le blocage du système
rénine-angiotensine
Présenté initialement par: ARIE J. MAN IN’T VELD, M.D., Ph.D.
Symposium satellite de la 50eréunion annuelle de la Société canadienne de cardiologie
Winnipeg, Manitoba, du 5 au 9 octobre 1997
Actualités scientifiquesMC
Cardiologie
UNIVERSITY
OF TORONTO
ST. MICHAEL’S HOSPITAL
RAPPORT DE LA DIVISION DE CARDIOLOGIE
ST. MICHAEL’S HOSPITAL, UNIVERSITÉ DE TORONTO
Division de cardiologie St. Michael’s Hospital
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Les opinions exprimées sont exclusivement
celles des membres de la division.
Publié grâce à des subventions sans restrictions.
Luigi Casella, M.D.
Robert J. Chisholm, M.D.
Paul Dorian, M.D.
David H. Fitchett, M.D.
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Shaun Goodman, M.D.
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Gordon W. Moe, M.D.
Juan Carlos Monge, M.D.
David Newman, M.D.
Trevor I. Robinson, M.D.
Duncan J. Stewart, M.D. (chef)
Bradley H. Strauss, M.D.
Kenneth R. Watson, M.D.
système rénine-angiotensine (SRA) qui joue un rôle
important dans la physiopathologie de l’hypertension
essentielle (voir la figure 3). Le SRA consiste en une cascade
de réactions enzymatiques qui ont un effet sur l’angio-
tensinogène et l’angiotensine I (A-I), entraînant la formation
de l’A-II, un vasoconstricteur puissant.
L’A-II est issue de l’hydrolyse de l’A-I par l’ECA, une
enzyme qui inactive également la bradykinine. Le récepteur
de l’AT1potentialise l’action de l’A-II, cette dernière
provoquant une vasoconstriction, une augmentation du
volume sanguin et un remodelage cardiaque et vasculaire
contribuant à une élévation de la tension artérielle.
Bien que l’inhibition de l’ECA soit de toute évidence un
mécanisme du SRA qui bloque la formation d’A-II,
l’inhibition au site même n’est pas optimale en raison de
l’existence d’autres voies par lesquelles l’A-II peut être
produite. L’angiotensinogène peut être converti en A-II par
l’intermédiaire d’enzymes autres que la rénine. Par opposi-
tion, les inhibiteurs de l’A-II bloquent l’action de l’A-II à
l’étape finale de la chaîne de réactions, directement au site
des récepteurs AT1. Ainsi, contrairement aux inhibiteurs de
l’ECA, ils n’influent pas sur le processus enzymatique au sein
du système rénine-angiotensine. En outre, les inhibiteurs des
récepteurs A-II ne potentialisent pas la bradykinine qui
contribue à l’apparition de la toux et de l’angio-oedème
associés aux inhibiteurs de l’ECA.
Pharmacocinétique des inhibiteurs des récepteurs
de l’A-II
Plusieurs inhibiteurs des récepteurs de l’A-II sont
actuellement mis au point à des stades divers, notamment le
losartan (actuellement offert sur le marché), l’irbesartan (qui
sera bientôt lancé sur le marché), le valsartan (qui sera bien-
tôt lancé sur le marché), le candésartan, le tasosartan et
l’éprosartan. La biodisponibilité et les demi-vies plasma-
tiques de ces composés varient considérablement. L’irbesar-
tan a la biodisponibilité la plus importante (60 à 80%) et la
demi-vie la plus longue (environ 11 à 15 heures). Le losartan
et le candésartan doivent subir une biotransformation en un
métabolite plus actif pour produire leurs effets anti-hyper-
tensifs, mais l’irbesartan et le valsartan ont des effets directs
et se lient dans une moins grande mesure aux protéines.
Expérience clinique avec l’irbesartan
Les paramètres pharmacocinétiques de l’irbesartan sont
prévisibles et linéaires dans la gamme posologique théra-
peutique. L’administration de doses répétées (état d’équilibre)
d’irbesartan n’entraîne pas une accumulation cliniquement
importante du médicament comparativement à l’adminis-
tration de doses uniques. Les paramètres pharma-
cocinétiques de l’irbesartan sont cliniquement similaires,
indépendamment de l’âge et du sexe, selon une étude de
petite échelle sur des sujets sains3. Bien que l’irbesartan soit
métabolisé dans le foie et excrété par les voies hépatique et
rénale, il n’est pas nécessaire de modifier la posologie du
médicament chez les patients atteints d’insuffisance rénale4
ou hépatique5.
Plusieurs études ont démontré une réduction importante
des tensions artérielles systolique et diastolique chez les
patients ayant reçu de l’irbesartan à raison d’une dose par
jour comparativement aux patients ayant reçu un placebo6,7.
En outre, les effets antihypertensifs de l’irbesartan ont été
comparés à ceux d’autres antihypertenseurs dans des études
randomisées à double insu. Ces études semblent indiquer
que l’irbesartan, administré à raison de 75 à 150 mg, réduit
la tension artérielle de façon comparable à l’aténolol,
administré à raison de 50 à 100 mg8, et l’irbesartan, à raison
d’une dose de 75 à 300 mg, est comparable à l’énalapril,
administré à une dose de 10 à 40 mg9. Dans une étude
randomisée, à double insu d’une durée de 12 semaines
menée auprès de 159 patients atteints d’hypertension plus
grave (TA diastolique 115 à 130 mm Hg), l’irbesartan et
l’énalapril ont démontré une efficacité semblable pour réduire
la tension artérielle, mais l’irbesartan a permis une
normalisation de la TA plus rapide10.
Innocuité et tolérabilité
Tous les inhibiteurs des récepteurs de l’angiotensine II
ont un excellent profil d’effets indésirables. Les données
recueillies auprès de tous les patients (n = 2 606) dans des
études contrôlées avec placebo sur l’irbesartan administré en
Cardiologie
Actualités scientifiques
100
80
60
40
20
0
100
80
60
40
20
0
Spectre
traditionnel
Spectre
idéal
Dose
Efficacité (%)
Absence d’effets indésirables (%)
0
2
4
6
8
10
12
14
Malnutrition Tabagisme Hypertension Apport
hydrique
insuffisant
Inactivité
physique
%
d’incapacité
totale
11,7
6,0 5,8 5,3
3,9
Figure 1: Étude du fardeau total de la maladie –
proportion des décès attribuables aux
principaux facteurs de risques
Figure 2: Spectres d’action idéal et traditionnel des
antihypertenseurs
D’après Murray et Lopez1
monothérapie démontrent que la fréquence des effets
indésirables éprouvés pendant le premier jour du traitement
et pendant plusieurs semaines à plusieurs mois de traitement
sont comparables à ceux observés avec le placebo. En
particulier, la fréquence globale de l’hypotension et les
symptômes qu’elle entraîne (p. ex., les étourdissements) était
inférieure à 5%, taux similaire à celui obtenu avec le placebo.
Régression de l’hypertrophie ventriculaire gauche
L’ hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) est une
importante manifestation des lésions des organes cibles et est
due à des changements trophiques attribuables à des facteurs
tels que l’augmentation des taux plasmatiques, de norépiné-
phrine, de rénine et d’angiotensine II. Plusieurs études sur
des patients hypertendus ont démontré une mortalité plus
élevée chez les patients atteints de HVG. Une étude récente a
évalué cet aspect11. Cette étude à double insu d’une durée de
48 semaines portait sur 115 patients atteints d’hypertension
légère ou modérée (TA diastolique constamment > 90 mm
Hg) et présentant des signes de HVG (indice de la masse du
VG > 131 g/m3chez les hommes et > 100 g/m3chez les
femmes). Tous les patients prenaient de l’hydrochloro-
thiazide ou de la félodipine auquel ils ajoutaient de
l’irbesartan (150 mg) ou de l’aténolol (50 mg). Chez les deux
groupes, la réduction de la tension artérielle a été similaire,
mais les patients prenant de l’irbesartan ont présenté une
régression plus précoce et plus importante de l’HVG. Après
24 semaines, l’irbesartan a réduit la masse du VG de
10,7 g/m3et l’aténolol l’a réduit de 3,9 g/m3. Après 48
semaines, l’irbesartan a réduit la masse du VG de 19,7 g/m3
et l’aténolol l’a réduit de 10,9 g/m3, ce qui représente une
différence d’environ 40% à la 48esemaine. En outre, 67%
des patients dans le groupe aténolol et 34% dans le groupe
irbesartan ont signalé des effets indésirables, ce qui semble
indiquer une tolérabilité supérieure et une protection des
organes cibles avec l’irbesartan.
Le blocage des récepteurs de l’angiotensine II dans
l’insuffisance cardiaque
Une étude récente randomisée (ELITE 1) sur losartan
comparativement au captopril menée chez des patients de
plus de 65 ans atteints d’insuffisance cardiaque a démontré
un taux similaire d’hyperkaliémie et d’insuffisance rénale
médicamenteuse, mais une fréquence significativement plus
faible de toux et de mortalité (principalement due à une
réduction du taux de morts subites) dans le groupe traité par
le losartan12. Étant donné que le nombre d’événements, y
compris les décès, était faible et que cette étude n’était pas
conçue pour démontrer une différence dans les résultats
cliniques, une étude plus importante comparant ces deux
agents a été amorcée (ELITE II).
Les résultats d’études pilotes examinant les effets
hémodynamiques et cliniques de l’irbesartan et l’insuffisance
cardiaque ont été présentés sous forme de résumé. Ils
Cardiologie
Actualités scientifiques
Bradykinine
Fragments de
kinine inactifs
Angiotensine I
Angiotensinogène
Angiotensine II
Vasoconstriction Tension artérielle
Volume sanguin
Résorption sodique
Libération d’aldostérone
Flux sanguin rénal
Prolifération
des cellules
du muscle lisse
Remodelage cardiaque
et vasculaire
Vasoconstriction directe
Activité noradrénergique
périphérique
Activité sympathique du
SNC
Libération de
catécholamine surrénale
Enzymes
autres que la
rénine
Rénine
ECA
Enzymes
autres que
l’ECA
Figure 3: Rôle du système rénine-angiotensine dans la pathogenèse de l’hypertension
indiquent un effet bénéfique supérieur chez les patients traités
par l’irbesartan, comprenant une amélioration de la fraction
d’éjection du VG comparativement aux patients ayant reçu un
placebo, avec ou sans traitement concomitant par un inhibi-
teur de l’ECA. Dans une étude menée auprès de 134 patients
atteints d’insuffisance cardiaque symptomatique et de
dysfonction du VG (fraction d’éjection < 40%), les profils de
tolérabilité de l’irbesartan et du lisinopril étaient comparables,
y compris la fréquence de l’aggravation de l’insuffisance
cardiaque et des événements indésirables graves.
Bien que ces études ainsi que d’autres études chez des
patients atteints d’insuffisance cardiaque soient encoura-
geantes, le grand nombre de données appuyant l’usage des
inhibiteurs de l’ECA chez les patients atteints de dysfonction
du ventricule gauche accompagnée ou non d’insuffisance
cardiaque signifient que d’autres études à grande échelle
confirmant ces résultats doivent être effectuées avant que l’on
puisse utiliser les inhibiteurs des récepteurs de l’A-II à la place
des inhibiteurs de l’ECA ou en concomitance avec ceux-ci.
Comparaison des inhibiteurs des récepteurs
de l’A-II
Deux études ont comparé directement l’efficacité des
inhibiteurs des récepteurs de l’angiotensine II. Dans une
étude à double insu menée auprès de 1 369 patients atteints
d’hypertension légère ou modérée, on n’a noté aucune
différence entre le valsartan (80-160 mg) et le losartan (50-
100 mg) dans la réduction des tensions artérielles systolique
et diastolique après quatre semaines de traitement. Les deux
agents étaient supérieurs au placebo13.
Une autre étude menée auprès de 532 hypertendus
légers ou modérés a comparé l’irbesartan, le losartan et un
placebo pendant 8 semaines de traitement. Les patients
recevant 150 mg d’irbesartan ou 100 mg de losartan ont
obtenu une réduction des tensions artérielles systolique et
diastolique comparables (9 à 11 mm Hg comparativement à
la valeur initiale). Les deux agents étaient supérieurs au
placebo. Cependant, les patients recevant 300 mg
d’irbesartan ont obtenu une réduction des TA systolique et
diastolique significativement supérieure (12 à 16 mm Hg ou
une réduction approximative de 25%, p < 0,05) compara-
tivement à ceux ayant reçu 100 mg de losartan [données non
publiées]. Cette différence était statistiquement significative
après une semaine de traitement et a continué de l’être
jusqu’à la fin de l’étude.
Résumé
Les angiotensines contribuent à la pathogenèse de
l’hypertension, des maladies artérielles, de l’hypertrophie
cardiaque, de l’insuffisance cardiaque et des maladies
rénales d’origine diabétique14. L’efficacité des inhibiteurs de
l’ECA dans certaines maladies cardio-vasculaires et rénales a
entraîné la mise au point d’autres médicaments pour inhiber
le système rénine-angiotensine. Les plus récents parmi ceux-
ci sont les inhibiteurs spécifiques des récepteurs de l’angio-
tensine II. Ce groupe de médicaments, comprenant
l’irbesartan, permet de réduire la tension artérielle de façon
au moins aussi efficace que d’autres agents bien établis
(diurétiques, bêta-bloquants, inhibiteurs de l’ECA) et offre
un profil d’effets indésirables semblable à celui du placebo.
Le rôle des inhibiteurs des récepteurs de l’angiotensine II
dans le traitement de l’insuffisance cardiaque (administrés
seuls ou en concomitance avec des inhibiteurs de l’ECA)
s’est révélé bénéfique, mais d’autres études à grande échelle
doivent être effectuées.
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©1997 Division de cardiologie, St. Michael’s Hospital, Université de Toronto, seule responsable du contenu de cette publication. Édition: Snell Communication Médicale Inc. avec la collaboration de la Division de car-
diologie, St. Michael’s Hospital, Université de Toronto. Tous droits réservés. Tout recours à un traitement thérapeutique, décrit ou mentionné dans Actualités scientifiques – Cardiologie, doit être conforme aux renseigne-
ments d’ordonnance au Canada. Snell Communication Médicale Inc. se consacre à l’avancement de l’éducation médicale continue de niveau supérieur. 120-110F
La version française a été revisée par le DrGeorge Honos, Montréal.
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