"presque-othogonales" d`operateurs sur un espace de hilbert

Proceedings of the International Congress of Mathematicians
Berkeley, California, USA, 1986
Opérateurs de Calderón-Zygmund
GUY DAVID
I. Introduction. Des opérateurs d'intégrale singulière apparaissent natur-
ellement dans de nombreux problèmes, notamment d'équations aux dérivées
partielles ou de théorie du potentiel. Nous nous bornerons dans cet exposé à
étudier une classe d'opérateurs d'intégrale singulière introduite par Calderón et
Zygmund [CZ]. Les méthodes utilisées pour prouver la continuité sur L2 de tels
opérateurs sont souvent très proches de celles avec lesquelles on traite d'autres
intégrales singulières (comme la transformée de Hilbert le long d'une courbe, ou
certaines intégrales oscillantes, ou encore la fonction maximale sphérique). Nous
renvoyons à ce sujet à l'exposé de E. M. Stein.
Précisons un peu le type d'opérateurs dont nous allons parler. Par "noyau
standard" sur
Rn,
nous entendrons une fonction K, définie sur
Rn
x
Rw
privé
de la diagonale, et telle que, pour un G > 0 et un S
e]0,
1],
\K(x,y)\<C\x-y\-n,
(1)
et \K(x',y) - K(x, y)\ + \K(y,x') - K(y,x)\ < C\x' -
x\8/\x
-
y\n+s
(2)
pour
\x'
-x\<
\\x
-y\.
DEFINITION 1. Nous appellerons dans la suite opérateur d'intégrale singulière
(en abrégé
SIO)
tout opérateur linéaire continu de
C£°(Rn)
dans
(CQ>(Rn))'
qui
a la propriété suivante: il existe un noyau standard K tel que, si / et g sont deux
fonctions-test à supports disjoints, la distribution Tf appliquée à g soit donnée
par (Tf,g) =
Jf
K(x,y)f(y)g(x)dxdy.
Cette définition, introduite par
Coifman
et Meyer, a l'avantage sur la définition
habituelle d'être bien plus flexible. Notons que l'identité est un SIO, associé au
noyau K = 0.
Il est maintenant classique que, si T est un SIO et si de plus T est continu sur
L2
(c.à.d. peut être prolongé en un opérateur borné sur L2), alors T est aussi
continu sur
Lp
pour 1 < p < +oo, peut être étendu en un opérateur continu de
l'espace atomique H1 dans L1 et, dualement, de
L°°
dans BMO (les fonctions à
oscillation moyenne bornée de John et Nirenberg). Il faut encore pouvoir décider
si un opérateur donné est borné sur L2.
© 1987
International Congress of Mathematicians 1986
890
OPÉRATEURS DE
CALDERÓN-ZYGMUND
891
IL Le théorème de Coifman, Mcintosh et Meyer. L'exemple fondamen-
tal est donné par le noyau de Cauchy sur un graphe lipschitzien. Si
A\
R
R
est une fonction lipschitzienne, l'opérateur de Cauchy sur le graphe de A peut
être défini par
ÛAf(x)
= v.p. [x-y + i(A(x) -
A(y))]~1f(y)
dy pour / assez régulière.
Après des résultats partiels de
Calderón
[Cl],
Coifman-Meyer [CM1]
et
Calderón [C2], Coifman, Mcintosh et Meyer ont montré en 1981 le résultat
suivant.
THÉORÈME 1 [CMM].
L'opérateur
CA
est
borné sur
L2(R)
pour toute
fonc-
tion lipschitzienne A.
Ce résultat a une importance considérable car, en plus de ses conséquences
directes (citons par exemple l'existence, pour toute fonction / de carré
integrable
sur le graphe de A, d'une décomposition / =
/+
+ /_, où
/+
(resp. /_) s'étend
en une fonction analytique au-dessus (resp. au-dessous) du graphe) il permet
de démontrer la continuité de nombreux autres opérateurs, comme le poten-
tiel de double-couche associé à un graphe lipschitzien C
Rn+1
(voir [CDM]).
Le théorème 1 a eu très rapidement de nombreuses applications, notamment à
la solution d'équations aux dérivées partielles sur des domaines peu réguliers.
Citons seulement [DK1, DKV1, DKV2,
VI].
En plus des démonstrations originales de
[C2]
et [CMM], on dispose main-
tenant de plusieurs manières d'aborder la continuité de
CA-
Signalons une
démonstration de S.
Semmes,
qui ne donne pour le moment que le cas où
||-A'||oo
est assez petite, mais qui peut être utilisée pour d'autres problèmes. Donnons
une idée de la stratégie.
Soient
T
le graphe de A et
H+(T)
(resp.
H?L(T))
l'espace de Hardy des traces
sur
T
de fonctions analytiques au-dessus (resp. au-dessous) de T, et qui sont
uniformément dans
L2(T
+ ie)
pour e positif (resp. négatif). La continuité de
CA
est équivalente à l'existence, pour toute fonction / E
L2(T),
d'une décomposition
/ =
/++/-,
où G
(r). La fonction
F,
égale au-dessus de
T
à l'extension de
/+
et au-dessous de
T
à l'extension de
/_, est donc analytique hors de
T
et a un
saut égal à / sur T. On décide de chercher F sous la forme F =
Go/j-1,
où p est
un homéomorphisme
bi-lipschitzien
de C qui envoie R sur T. Soit
p,
=
dp(dp)~1
la dilatation complexe de
p\
la fonction G vérifie alors (d
pd)G
= 0 hors de R,
et a le saut g = /
o
p"1
sur R, On appelle C(g) l'intégrale de Cauchy de
g;
C(g)
est donc analytique hors de R; on note
G(g)f
sa dérivée et h(z) =
p(z)C(g)f(z)
pour z
^
R. Alors H =
G-G(g)
n'a plus de saut sur R, et vérifie
(d-pd)H
= h.
Il s'avère aussi qu'on peut choisir p assez régulière pour que
p
vérifie certaines
estimations quadratiques du type "mesures de Carleson," qui à leur tour permet-
tent de résoudre l'équation (d -
pd)H
= h quand g EL2. Voir [Sel] pour plus
de détails.
On sait aussi démontrer le théorème 1, à partir du cas où
HA'Hoo est
assez
petit, par une méthode de perturbations. L'idée est de trouver, pour tout A
892 GUY DAVID
et tout intervalle compact, une fonction
A
telle que
HÂ'Hoo < ïoll^-'lloo? et
qui
coincide avec A sur une part significative de l'intervalle. Si l'on sait déjà que
C^
est bornés que
||A'||oo <
IOII^'IIOOJ
on peut
en déduire un contrôle local de
ÇA,
que l'on transforme en contrôle global en utilisant des inégalités aux bons
A, ou tout autre outil équivalent. Cette idée, déjà utilisée dans [CM4] pour
l'étude des courbes
corde-arc,
puis dans [Dv] pour les graphes lipschitziens, a
été bien perfectionnée par T. Murai et P. Tchamitchian. C'est ainsi que T. Murai
démontre le
THÉORÈME 2
[Mu2].
La norme de
CA
sur
L2(K)
est inférieure à
G(l +
\\A'\U^.
Notons que cette estimation est la meilleure possible. Il est assez surprenant
que,
de toutes les méthodes connues pour prouver la continuité de
CA>
ce soit
une méthode de perturbations successives qui donne le meilleur résultat. Comme
l'a remarqué S.
Semmes,
le théorème 2 permet de montrer que le noyau
\(A(x)
A(y))(x
y)_1\(x
y)-1
définit un opérateur borné sur
L2(R)
lorsque
A:
R
R est lipschitzienne.
III.
Critères de continuité sur L2. Une autre voie de recherches est
de trouver des conditions générales qui entraînent la continuité sur L2 d'un
opérateur d'intégrale singulière T. Lorsque T n'est pas un opérateur de convo-
lution, on ne peut pas appliquer Plancherel directement. On peut par contre
utiliser avec une certaine
efficacité
le lemme de Cotlar, Knapp et Stein sur les
sommes
"presque-othogonales"
d'opérateurs sur un espace de Hilbert (il était
déjà question d'appliquer ce lemme à des opérateurs d'intégrale singulière dans
[F]).
On obtient ainsi un premier critère de continuité sur L2.
THÉORÈME 3 [DJ]. Soit T un SIO. Alors T
s'étend
en un opérateur borné
sur
L2(Rn)
si et seulement si
TI
G BMO,
lT\
G BMO et T est faiblement
borné.
Rappelons que, bien que 1 ne soit pas à support
compact,
Tl
peut être défini
à une constante additive près; le transposé
*T
est donné par
(*T/,
g)
= (Tg,f).
Enfin, pour x G
Rn
et t > 0, notons A(x,t) l'opérateur de translation-dilatation
défini par A(x,t)f(y) =
t~n/2f((y
x)/t).
Nous dirons que T est faiblement
borné si les opérateurs
A_1(x,t)TA(x,t),
(x,t) G
R++1,
sont uniformément
bornés de
C£°(Rn)
dans
(C£°(Rn))'.
Ainsi, "T est faiblement borné" traduit
seulement une certaine stabilité, vis à vis à des translations et des dilatations,
des inégalités qui permettent de définir T.
Disons deux mots de la démonstration du théorème 3. On commence par
soustraire à T deux opérateurs que l'on sait traiter (des paraproduits, par ex-
emple), pour se réduire au cas où Tl =
*T1
= 0 dans BMO. Ensuite, fidèle à
la tradition, on découpe T en petits morceaux de la manière suivante. On se
donne une fonction
(p
G
C£°(Rn)
positive, radiale, d'intégrale 1 et l'on note
Pt
l'opérateur de convolution par
(pt(x)
=
t~n<p(x/t)
et
Qt
=
—t(dPt/dt).
Ainsi,
OPÉRATEURS DE CALDERÓN-ZYGMUND 893
Qt est l'opérateur de convolution par la fonction
ipt(x) =
t~niß(x/t),
où
I/J
est
une fonction semblable à
(p,
mais d'intégrale nulle.
On écrit
T =
lim
PtTPt
= - /
irAPtTPt)
dt = /
QtTPt-
+ /
PtTQ
*->o
Jo
dt
Jo
t
Jo
dt
Les propriétés Tl = 0 et
*T1
= 0 permettent de montrer que le découpage de
l'opérateur
rQtTpS
en
W'"QtTPtT
satisfait aux hypothèses du lemme de
Cotlar-Knapp-Stein;
on en déduit le théo-
rème.
Notons que, bien que le théorème 3 permette de réduire à quelques intégrations
par parties la démonstration de la continuité de
CA
lorsque
\\Af
||oo
est assez petit,
il ne permet pas de traiter le cas général où
||J4'||OO
<
+oo,
On peut aller plus loin dans la direction du théorème 3. A. Mcintosh et
Y. Meyer ont remarqué que, si
ò
G
L°°
est une fonction telle que, pour un 6 > 0,
Reb(x)
> 6 pour tout x, alors on a le résultat suivant [McM]. Si T est un
SIO,
si Tb = 0 et
lTb
= 0, et si {b}T{b} est faiblement borné (où {b} désigne
l'opérateur de multiplication par b(x)), alors T est borné sur L2. Ce résultat
entraîne le théorème 1: on prend b = 1 +
%A!
et on remarque que Tb =
lTb
= 0
par la formule de Cauchy.
En fait, on peut démontrer un résultat un peu plus général encore. On dit que
la fonction bornée
b:
Rn
C est
"para-accrétive"
si, pour tout x G
Rn
et tout
d > 0, il existe un cube Q, dont le centre
x'
vérifie
la;'
x\ < Cd, dont le côté r
vérifie (1/G)d < r <
Gd,
et tel que
|(1/|Q|)
JQ
b(u) du\ > 6. (Bien entendu, les
constantes G et 6 > 0 sont indépendantes de x et de d.)
THÉORÈME 4
[DJS].
Soient
6i
et
62
deux fonctions
para-accrétives
et T un
SIO. Alors T est borné sur
L2(Rn)
si et seulement
siTb1
G
BMO,
lTb2
G BMO
et
{&2}T{öi}
est faiblement borné.
Ce théorème se démontre un peu comme le théorème 3. Il faut cependant
remplacer les opérateurs
Pt
et
Qt
définis plus haut par des décompositions de
l'identité adaptées aux fonctions
6^,
ce qui soulève quelques difficultés techniques.
On est ainsi amené à utiliser les techniques de décomposition de
Littlewood-Paley
sur un espace de nature homogène, et à modifier un peu le lemme de Cotlar-
Knapp-Stein.
IV. Opérateurs multilinéaires et estimations polynomiales. La man-
ière la plus classique d'attaquer l'opérateur CA
est
de le décomposer en série de
puissances (les commutateurs de Calderón). Ainsi,
CAf
=
ÎTikTk(A',...,A',f),
fc=0
894
GUY
DAVID
OÙ
Th{ai,a,2,...,ak,f)
=v.p.
/
A1(x)-A1(y) Ak(x)-Ak(y)
f(y)
x—y
x
y x—y
où
l'on
a
noté
Ai(x)
=
o,i(t)
dt.
Lorsqu'on applique
le
théorème
3
dans cette situation,
on
utilise
le
fait
que
remplacer
/
par 1
permet
de
ramener l'étude
d'un
opérateur
(k
-f-
l)-linéaire
à
celle
d'un
opérateur fc-linéaire,
ce qui
donne
une
chaîne d'estimations comme
\\Tk(A',...,A',.)\\L2iL2<C\\Tk(A',...,
A',1)||BMO
=
G\\Tk-1(Af,...,Af)\\BMO
<C\\Tk-1(A',...iA'i.)\\LaotBMO
<CC'\\Tk-M',-'.iÄ,.)\\L2iL*<..-.
On obtient
une
majoration
de
Tk
en
k
étapes
et,
à
chaque étape,
on
perd
une
constante multiplicative.
On
pourrait donc craindre
que ce
type
de
démonstra-
tion
ne
puisse fournir
que des
estimations
de
normes
en
Ck.
Il
n'en est
rien,
et
M. Christ
et
J.-L.
Journé
ont pu,
avec
des
méthodes similaires, obtenir
des
estimations
polynomials
en
k
de la
norme certains opérateurs fc-linéaires (dont
le
k
ième
commutateur
de
Calderón).
Assez curieusement, certaines améliorations
du
formalisme jouent
un
rôle
im-
portant. Ainsi,
on a vu
que
pour prouver
que
T
est
continu,
on
avait envie
d'écrire
T =
/0°°
Tt
dt/t
avec,
par
exemple,
Tt
=
PtTQt
+
QtTPt.
On
a
en
fait
intérêt
à
étudier directement
ce que les
auteurs
de [CJ]
appellent
une
e-famille.
DÉFINITION
2.
Soit
0 < e
< 1. On
appelle
e-famille
une
famille
T
= (Tt)t>o
d'opérateurs donnés
par
leur noyau
Tt(x,y),
où
lT^)l<C(f
+ |^y|)w+£, (3)
et
|r,(*,g)-r,(^)|<C(J^),((
+
|;;y|)t,
(4)
pour tous
x, y, et
y1
G
Rn
tels
que \y'
-y\ <
\(t
+
\x-y\).
On dira
que
T
est
bornée
si,
pour tout
/
G
L2,
/0°° \\Ttf\\l
dt/t
<
C||/|||.
Il
y a
une
correspondance entre
SIO
faiblement bornés d'une part,
et e-
familles d'autre part. Ainsi
si
T
est un SIO
faiblement borné, alors (QtTPt)t>o
et
(PtTQt)t>o
sont
des
e-familles.
Réciproquement,
si
(Tt)t>o
est une
famille
d'opérateurs donnés
par des
noyaux
Tt(x,y)
vérifiant
(3)
et
|v.r«(.iy)|
+
|v,2i(*,i,)|
<
j{t
+ ìx^yì)n+e,
(5)
alors
T
=
fTt
dt/t
est un SIO
faiblement borné.
Le Théorème
3 a
un
analogue dans
le
langage
des
e-familles.
THÉORÈME
5
[CJ].
Soit
T =
(Tt)t>o
une
e-famille.
Alors
T
est
bornée
si
et
seulement
si
p
=
\Ttl(x)\2dxdt/t
est une
mesure
de
Carleson
sur
R"+1
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